2-776/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

7 NOVEMBRE 2001


Examen du rapport du Conseil supérieur de la Justice sur la façon dont les moyens de contrôle interne sont employés, ainsi que du rapport du collège des procureurs généraux y relatif

Échange de vues avec des représentants
du Conseil supérieur de la Justice


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME TAELMAN


La commission de la Justice a procédé à un échange de vues avec des représentants du Conseil supérieur de la Justice lors de sa réunion du 6 juin 2001.

Mme Kloeck, présidente du Conseil supérieur de la Justice, donne un aperçu succinct des différents rapports qui ont été élaborés par le conseil ainsi que des rapports dont l'élaboration est prévue à court terme.

1. En premier lieu, un rapport a été rédigé sur l'usage des moyens de contrôle interne. Ce rapport a été approuvé le 10 janvier 2001 par l'assemblée générale.

2. Une réunion a eu lieu le 17 novembre 2000 avec le président de la Chambre, le président du Sénat et le président de la commission de la Justice de la Chambre pour élaborer un protocole de coopération, préciser la compétence d'avis du Conseil supérieur de la Justice et fixer les délais dans lesquels l'avis doit être demandé et rendu. Toutefois, on n'a pas encore enregistré de progrès dans l'élaboration du protocole étant donné que lors de la réunion du 17 novembre 2000, on a constaté que la procédure prévue par la loi relative au Conseil supérieur de la Justice était longue et complexe, de sorte que le Conseil supérieur de la Justice n'est pas en mesure d'émettre des avis à bref délai.

Mme Kloeck souligne que le Conseil supérieur de la Justice souhaite qu'une procédure d'urgence soit insérée dans la loi. Une proposition de « loi de réparation » (proposition de modification de la législation relative au Conseil supérieur de la Justice), approuvée par l'assemblée générale le 7 février 2001, a donc été transmise au président de la Chambre et au ministre de la Justice. Depuis, il n'y a plus eu de réunion car on attend que le ministre de la Justice boucle son projet de loi de réparation. Le Conseil supérieur de la Justice apprécierait cependant beaucoup que la loi de réparation voie le jour dans les meilleurs délais, étant donné que la procédure d'urgence permettra de collaborer plus efficacement avec la Chambre et le Sénat.

3. Des rapports sur le fonctionnement des commissions des plaintes et de la commission de nomination du Conseil supérieur de la Justice sont actuellement en préparation.

4. En outre, le Conseil supérieur de la Justice a également l'intention d'élaborer, d'initiative, sans qu'il y soit tenu par la loi, un rapport annuel sur ses activités en général. Ce rapport permettra aux parlementaires d'être informés de ce que le Conseil supérieur de la Justice a fait au cours de sa première année de fonctionnement.

5. Enfin le rapport sur l'analyse du fonctionnement des cours et tribunaux, qui a été établi sur la base des rapports d'activités des cours et tribunaux, sera présenté à la première assemblée générale de septembre 2001. Il s'agit d'un travail assez considérable, mais le Conseil supérieur de la Justice mettra tout en oeuvre pour l'avoir terminé en septembre 2001, de sorte que le rapport pourra être transmis à la Chambre et au Sénat en même temps que les trois autres rapports.

Mme Gérard souligne également la nécessité de prévoir dans la loi une procédure d'urgence pour la formulation des avis concernant projets et propositions de loi, et ce afin de pouvoir s'adapter à la vie parlementaire. Lorsqu'un avis d'urgence est demandé, il est actuellement impossible d'y répondre puisque la loi prévoit que l'avis doit être voté en commission d'avis et d'enquête réunie, puis en assemblée générale. Outre que cela coûte très cher (un peu moins de 500 000 francs compte tenu des traductions et des jetons de présence), la procédure est donc trop lourde.

Même si c'est la commission d'avis et d'enquête réunie, qui n'est composée que de 16 membres, qui rendra les avis dans le cadre de la procédure d'urgence, le contrôle démocratique est assuré puisqu'elle répond aux critères de parité tant au niveau linguistique qu'au niveau de la composition (magistrats et non-magistrats) et qu'un contrôle via une procédure écrite interne au Conseil supérieur de la Justice sera mis en oeuvre.

Mme Gérard soulève en outre l'importance d'un protocole entre le Conseil supérieur de la Justice et les Chambres législatives. Il se pose actuellement un grave problème au sein des cours d'appel à cause de la possibilité de récusation des magistrats. Différentes initiatives ont été prises au sein de la magistrature et la procédure en récusation a été entièrement revue. De là est née l'idée que cela pourrait faire l'objet d'une proposition de loi.

Une proposition de loi a été déposée en ce sens par M. Erdman (doc. Chambre, nº 50-886) mais cette proposition ne vise que deux articles et est insuffisante pour résoudre l'ensemble du problème. En outre, le texte adopté à la Chambre en mai 2001 n'a pas été évoqué par le Sénat.

Or, ces procédures en récusation augmentent et empêchent les juges d'instruction de poursuivre leur travail, tout étant bloqué. Certaines chambres de la cour d'appel s'occupent exclusivement de ces dossiers.

Un membre suggère de rédiger une seconde proposition de loi en vue de compléter la proposition de loi de M. Erdman.

Mme Gérard rappelle également que le Conseil supérieur de la Justice a, dans l'exercice de sa compétence d'avis, pour but principal d'améliorer le fonctionnement de la justice. Les membres du Conseil supérieur de la Justice entendent exercer pleinement cette compétence mais souhaiteraient également être correctement informés sur ce qui se passe. Ainsi, alors que le président de la Chambre avait demandé au Conseil supérieur de la Justice un avis sur la proposition de loi relative à la procédure civile accélérée endéans les deux mois, le Conseil supérieur de la Justice a appris qu'un projet de loi beaucoup plus large circulait déjà, sans qu'il en ait été informé, et que d'autres instances avaient déjà été consultées à ce sujet.

Mme Kloeck confirme ce dernier point et souligne qu'en raison de cette absence d'informations élémentaires, les membres du Conseil supérieur de la Justice ont l'impression de ne pas toujours être pris au sérieux. Le projet de loi relatif à la procédure judiciaire sur lequel il devait rendre un avis est donc caduc et n'aura eu aucune utilité. Or, le Conseil supérieur de la Justice est composé de 44 personnes, dont 40 exercent des occupations professionnelles à temps plein. Cela signifie que ces 40 personnes consacrent pratiquement tout leur temps libre et leurs week-ends à travailler pour le Conseil supérieur de la Justice. Le conseil souhaite en effet remplir correctement sa tâche et la déception est grande lorsque ses membres apprennent ce genre de choses.

Ces problèmes pourraient être résolus en partie par un bon protocole, une bonne planification et une bonne information, de sorte que le Conseil supérieur de la Justice dispose de tous les documents utiles.

Mme Gérard en revient plus concrètement au contrôle interne et externe. Elle signale que les formulaires pour 2001 seront adressés aux autorités judiciaires dans le courant du mois de juin, avec une demande de réponse pour le 1er novembre 2001.

Pour le rapport actuel, des problèmes se sont posés avec certains procureurs généraux qui ont renvoyé les formulaires hors délai. Ceux-ci n'ont dès lors pas pu être pris en considération pour le rapport aux assemblées.

Mme Gérard suggère en outre que l'on ajoute dans la loi une disposition prévoyant une mission de contrôle du Conseil supérieur de la Justice sur les assemblées de corps des parquets. Ceci n'est momentanément pas prévu par la loi, qui n'investit le Conseil supérieur de la Justice que d'une mission de contrôle sur les assemblées générales des cours et tribunaux.

L'intervenante renvoie à la p. 30 du rapport du Conseil supérieur de la Justice, où l'on signale que la loi vise le contrôle des référendaires auprès de la Cour de cassation mais a omis de prévoir le contrôle des référendaires auprès de cours et tribunaux et des juristes de parquets.

Quant au système d'évaluation au sein de la magistrature, il est interne, et le Conseil supérieur de la Justice n'exerce aucun contrôle à cet égard.

D'autre part, le système disciplinaire ne fonctionne pas adéquatement. La nouvelle procédure disciplinaire, plus respectueuse des droits de la défense et qui prévoit notamment un droit de recours, devrait améliorer les choses. Il est évident que c'est souvent le chef de corps de la même juridiction qui prend la sanction. Il sait cependant qu'il devra continuer à travailler avec le magistrat concerné et hésitera dès lors peut-être à appliquer une sanction aussi forte qu'il le voudrait, d'autant qu'il se prononce en premier et dernier ressort.

C'est pourquoi, au niveau disciplinaire, on a souvent recours au système des préinstructions. Il en va notamment ainsi à l'égard des magistrats qui accusent un retard important dans leurs délibérés. La loi prévoit que, lorsque le délibéré dure plus de six mois, le procureur général peut demander le dessaisissement. Or, cette possibilité n'est pas utilisée car cela aboutit à surcharger les autres magistrats qui accomplissent leur travail en temps voulu.

Lorsque l'on constate que les retards dans les délibérés d'un magistrat sont répétitifs, des mesures disciplinaires pourront être prises. Il y a des juges peu productifs mais aussi des juges qui prennent trop de dossiers à l'audience et sont victimes de leur bonne volonté. Cette dernière catégorie accuse aussi des retards importants dans les délibérés. Le dessaisissement n'est donc pas une mesure adéquate.

Aussi a-t-on plutôt recours au système de la préinstruction, où le juge est convoqué et où l'on dresse avec lui un plan en vue de résorber l'arriéré.

Enfin, concernant la notion de la régularité de service, un membre de la Commission d'avis et d'enquête a rencontré le collège de procureurs généraux et le conseil des procureurs du Roi, pour arriver à une définition commune de cette notion. Il s'agit, en réalité du fonctionnement des chambres.

Le parquet général a une vue sur le fonctionnement des chambres. Dans le ressort de Bruxelles, le système est bien organisé, puisque le procureur général fait parvenir au premier président la liste de toutes les affaires civiles qui connaissent du retard. Le greffier en chef, tant en première instance qu'en cour d'appel, communique, quant à lui, toutes les affaires qui connaissent du retard au niveau pénal. Mais la notion de régularité de service n'est pas conçue de la même manière dans d'autres arrondissements. C'est pourquoi le collège de procureurs généraux et le conseil des procureurs du Roi se sont engagés à uniformiser cette notion. Cette uniformisation s'organise maintenant au sein de la magistrature.

L'intervenante souligne enfin que les rapports les plus importants du Conseil supérieur de la Justice seront ceux relatifs aux activités des juridictions. Ils seront soumis aux assemblées en septembre 2001.

Mme Vandenbroeck rappelle que le système d'évaluation n'est en vigueur que depuis un an. Les critères ont été fixés en concertation avec le Conseil supérieur de la Justice. Elle constate cependant que si les évaluations devraient être effectuées partout de la même manière, en pratique, tel n'est pas le cas. Il faut une uniformité.

En principe, l'évaluation des magistrats et des candidats magistrats concernés est transmise au ministère de la Justice, où elle est versée au dossier de nomination. Lorsqu'un dossier de nomination est constitué et soumis pour présentation au Conseil supérieur de la Justice, il contient donc le résultat final de l'évaluation. Toutefois, on ne peut pas mettre les évaluations sur un pied d'égalité, car il existe différents modes d'évaluation. Dans certains arrondissements, on est beaucoup moins sévère que dans d'autres. Il s'ensuit que l'évaluation ne peut pas être utilisée comme un critère objectif pour une nomination éventuelle. On doit donc affiner la méthode d'évaluation. Les évaluateurs (siège et parquet) jugent que le principe de l'évaluation est bon, mais il y a lieu de prévoir une méthode d'évaluation unique. La magistrature est satisfaite de l'existence de l'entretien de fonctionnement, qui fait qu'il existe un contact avec le chef de corps, alors qu'auparavant, les magistrats voyaient rarement le chef de corps. L'impression générale est donc positive, mais il faut malgré tout affiner les méthodes d'évaluation de manière à garantir une appréciation égale.

M. Hamaide expose de manière générale l'antagonisme inhérent aux objectifs de la loi. Le premier de ces objectifs est d'améliorer le travail des magistrats et à cet égard, le résultat paraît assez probant. Le second objectif, qui est loin d'être atteint, est de permettre aux commissions d'évaluation et de désignation d'évaluer concrètement le travail des magistrats. Tout au plus peut-on espérer que lorsque les chefs de corps doivent rendre des avis sur les candidats magistrats, ils s'inspirent des évaluations pour mettre en lumière certains aspects de la personnalité des magistrats qui se présentent. Mais aucune certitude n'existe à ce sujet.

Un autre problème réside dans la disparité des rapports des chefs de corps, relatifs aux candidats à un poste de magistrat, qui sont communiqués au Conseil supérieur de la Justice. De nombreux chefs de corps renvoient en effet des documents stéréotypés qui ne contiennent que peu d'informations concrètes et utiles.

M. Hamaide désire que des rapports significatifs, motivés et circonstanciés soient imposés, afin d'informer concrètement le Conseil supérieur de la Justice sur les aptitudes et la personnalité du candidat. Cette nécessité de motiver a également une importance considérable pour le candidat puisque le principe du contradictoire doit être respecté : le candidat dispose en effet de 15 jours pour faire valoir ses observations éventuelles sur son évaluation.

Les procédures de nomination en tant que telles sont également trop longues. Pour la procédure de nomination, il y a d'abord la publication au Moniteur belge, suivie du délai d'un mois endéans lequel les candidats doivent se faire connaître, puis du délai d'un mois endéans lequel les chefs de corps ou le bâtonnier doivent rendre leur avis, et éventuellement d'un délai supplémentaire pour l'avis de l'assemblée générale du corps.

Le dossier est ensuite transmis par le ministre de la Justice au Conseil supérieur de la Justice, qui dispose alors d'un délai de 40 jours pour rendre son avis. Puis, en fin de procédure de nomination, le ministère de la Justice dispose encore d'un délai de 60 jours pour procéder à la nomination. Ce délai de 60 jours ne se justifie pas.

M. Hamaide s'interroge en outre sur le fait que certaines nominations ont été refusées par le ministère de la Justice pour des raisons autres que techniques (exemple de motif technique : la présentation d'un candidat déjà nommé dans l'intervalle). Il y a eu quatre cas particuliers où les refus n'étaient pas fondés sur des motifs techniques mais sur le fait que, selon le ministre, ce n'étaient pas les meilleurs candidats.

L'intervenant se demande si le ministre, ce faisant, respecte l'esprit de la loi. Selon lui, le ministre dispose d'un droit de refus motivé par des raisons pratiques, techniques ou des raisons de fond sérieusement argumentées (exemple : l'existence d'une peine disciplinaire ignorée du Conseil supérieur de la Justice).

En ce qui concerne la formation des magistrats, M. Hamaide rappelle que la loi prévoit que le Conseil supérieur de la Justice élabore les programmes, lesquels doivent être approuvés et exécutés par le ministre de la Justice. Ici encore se pose la question de savoir jusqu'où va le pouvoir du ministre de la Justice. Ainsi, le séminaire résidentiel organisé chaque année pour les stagiaires judiciaires a fait l'objet de réticences de la part du ministère à cause de son coût. De même, la diffusion des programmes de formation aux magistrats, faite par le ministère, est tardive, avec les problèmes qui en découlent. Il faut donc revoir la question de la formation des magistrats et donner au Conseil supérieur de la Justice les moyens de sa mission. M. Hamaide évoque la possibilité de créer une école de magistrature. Ne pourrait-on envisager de regrouper l'ensemble de l'administration, pour en faire une entité supervisée par le Conseil supérieur de la Justice lui-même ?

Un membre retient de ce qui vient d'être dit que, pour que le Conseil supérieur de la Justice puisse effectivement remplir son rôle, il faudrait élaborer une loi de réparation sur son fonctionnement, prévoir dans le Règlement du Sénat une disposition sur les rapports entre le Sénat et le Conseil supérieur de la Justice, et mettre sur pied un protocole sur les rapports entre ce dernier et le ministre de la Justice.

D'autre part, il ressort clairement du rapport de contrôle du Conseil supérieur de la Justice un manque d'uniformité, les méthodes de travail variant selon les chefs de corps et les arrondissements judiciaires. Faut-il travailler par voie législative ou par le biais d'un protocole ? N'ya-t-il pas lieu, par exemple, de revoir certains délais, d'envisager une centralisation des demandes du Conseil supérieur de la Justice au niveau du collège des procureurs généraux ?

L'intervenante souhaite, en outre, de plus amples renseignements sur l'absentéisme des juges sociaux, tel qu'il apparaît dans le rapport, sur les différences qui existent relativement à l'organisation des assemblées générales et sur le stade d'avancement du projet d'école de la magistrature.

M. Hamaide expose que, concernant l'école de la magistrature, des contacts ont été pris avec différentes universités qui avaient déjà mis un projet sur pied. Il s'agissait en particulier d'une année universitaire supplémentaire, axée sur la pratique et préparatoire aux professions judiciaires (avocats, huissiers ...).

Les universités ont introduit ces différents projets auprès des pouvoirs communautaires, qui ont eu des contacts avec le ministère de la Justice en vue d'établir un protocole d'accord, mais ce projet n'a guère évolué.

Le projet des universités ne répond toutefois pas à l'idée d'une école de la magistrature, dont la préoccupation principale est la formation continue.

Pour le Conseil supérieur de la Justice, une formation continue doit répondre à 3 objectifs :

1) adapter le travail des magistrats aux dispositions légales, c'est-à-dire un recyclage (cf. point 3 ci-après);

2) être un lieu de rencontre où les magistrats peuvent confronter leur expérience à la réalité (par exemple dans le milieu du travail et les milieux économiques);

3) organiser la disponibilité des magistrats en vue d'une plus grande mobilité interne.

Le projet universitaire ne répond pas à ces critères; il s'agit d'un projet totalement différent.

Mme Vandenbroeck explique que le Conseil supérieur de la Justice travaille activement, avec d'autres États membres européens, à la création d'un réseau européen pour la formation des magistrats. Ce projet est encore embryonnaire. Les institutions des différents États membres européens chargées de la formation des magistrats se réunissent deux fois par an et s'occupent d'élaborer une proposition de création du réseau en question.

Par ailleurs, il existe depuis deux ans des programmes de formation pour les magistrats étrangers. L'an dernier, la Belgique a, en collaboration avec le Conseil supérieur de la Justice, organisé pour la première fois des journées de formation sur le système juridique belge. Ces journées ont eu lieu à Gand.

Enfin, la Commission européenne a quelques programmes de subvention pour la formation des magistrats étrangers. La Commission a deux priorités pour l'octroi de ces subsides : d'une part, elle souhaite principalement remédier de manière significative aux déficiences de l'assistance judiciaire entre les membres de l'Union européenne et, d'autre part, promouvoir les connaissances linguistiques des magistrats. Par conséquent, priorité a été donnée aux programmes qui poursuivent ces deux objectifs. Le Conseil supérieur de la Justice suit également ce dossier.

En réponse à la question d'un membre, Mme Gérard confirme que la collecte d'informations sur le contrôle interne pour l'année judiciaire 1999-2000 a posé un problème méthodologique. Ainsi, l'en-tête des formulaires que le Conseil supérieur de la Justice a adressé aux différents chefs de corps mentionnait l'article 340 du Code judiciaire, tel qu'il a été modifié par la loi du 22 décembre 1998. Cette loi n'est entrée en vigueur que le 2 août 2000. Or, la période étudiée allait du 1er septembre 1999 au 30 juin 2000, si bien que certains chefs de corps ont fourni des rapports sur les activités des assemblées générales sur la base de l'ancienne législation. D'autres chefs de corps ont estimé que la loi n'était pas encore applicable à la période concernée et, enfin, un dernier groupe de chefs de corps a fait état d'assemblées générales ressortissant à la nouvelle loi.

Il est vrai que le Conseil supérieur de la Justice a dû adresser ces formulaires dans un délai très bref et n'a sans doute pas assez insisté sur la date limite du 15 novembre, si bien que certains rapports tardifs n'ont pas pu être pris en considération, sous peine d'empêcher le Conseil supérieur de la Justice de transmettre son rapport aux assemblées dans les délais imposés.

En ce qui concerne le manque d'uniformité, il y a eu, dans l'intervalle, une réunion du collège des procureurs généraux et du conseil des procureurs du Roi pour s'entendre sur la notion de régularité de service. Une conception uniforme des mécanismes de contrôle pourra être obtenue par le biais des conférences permanentes des chefs de corps. Mais il est essentiel de souligner qu'il n'appartient pas au Conseil supérieur de la Justice d'interpréter la loi, à cet égard, en lieu et place des chefs de corps. Le Conseil supérieur de la Justice ne peut que promouvoir certaines méthodes au travers de ses rapports, qui permettront aux chefs de corps de constater, par exemple, que les mesures disciplinaires ne sont presque jamais utilisées.

De même, l'absentéisme des juges sociaux ne peut qu'être sanctionné par des mesures disciplinaires émanant des chefs de corps. Cela tombe sous leur responsabilité.

De son côté, le Conseil supérieur de la Justice adressera, en juin 2001, de nouveaux formulaires aux différents arrondissements judiciaires, portant sur l'année civile 2000 (soit du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2000). Il y sera clairement précisé que la date limite pour les renvoyer est le 1er novembre 2001.

L'intervenante suggère d'ailleurs de prévoir une disposition qui stipulerait que tous les rapports d'activités doivent être intégrés en un seul rapport synthétique.

Finalement, en ce qui concerne les assemblées générales, l'intervenante signale qu'il y a d'autres types de réunions moins formelles et plus conviviales, les « caucus ». Il s'agit de réunions informelles où l'on parle à bâtons rompus, où l'on ne vote pas et où un consensus se dégage. Elles sont parfois plus utiles que les assemblées générales. Il faut essayer de mettre les assemblées générales en valeur en tant que lieu de rencontre et de dialogue pour les magistrats plutôt qu'en tant que lieu d'entérinement et d'exécution des nombreuses obligations légales qui leur incombent et qui pourraient notamment être réduites par la confection d'un rapport unique.

Mme Kloeck déclare que le Conseil supérieur de la Justice souhaite qu'on adopte au plus vite une « loi de réparation ». Les membres du Conseil supérieur de la Justice attendent en outre une invitation de la Chambre, du Sénat et du ministère de la Justice au sujet du protocole de coopération.

Il y aura une réunion avec le ministère de la Justice le 7 juin 2001 en vue de finaliser les modalités de la loi de réparation.

Mme Vandenbroeck souligne que la Cour de cassation, le Conseil supérieur de la Justice et le ministère de la Justice ont formulé des propositions de loi de réparation. Il reste à couler ces trois suggestions en un seul projet de loi. La proposition de loi de réparation qui a été transmise aujourd'hui concerne seulement la proposition qui a été faite et approuvée par le Conseil supérieur de la Justice.

Un membre confirme les avantages d'un rapport du Conseil supérieur de la Justice. Autrefois, on ne savait pas grand-chose sur le fonctionnement des cours et tribunaux. À présent, on a une vue plus systématique d'un problème partiel. La proposition de Mme Gérard d'un grand rapport unique est donc justifiée, car cela permettra d'avoir une image générale du fonctionnement du pouvoir judiciaire et des problèmes concrets qui se posent.

La première observation du membre est que le Conseil supérieur de la Justice n'est pas un organe consultatif, mais un organe constitutionnel qui, entre autres, émet également des avis. C'est tout à fait différent. Il y a une grande différence entre les milliers d'organes consultatifs qui existent et un organe constitutionnel institué par la Constitution.

Le Conseil supérieur de la Justice, en tant qu'organe constitutionnel, a reçu une mission particulière et il occupe également une position particulière qu'on ne peut pas ignorer.

En outre, le membre estime qu'une lutte de pouvoir est implicite et inévitable. En effet, le Conseil supérieur de la Justice a pour mission de rendre plus visible le fonctionnement du pouvoir judiciaire et de donner vie aux textes de loi formels. De ce fait, le ministre de la Justice perd donc une partie de ses prérogatives de contrôle. D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que la Constitution a confié au Sénat la nomination, à la majorité des deux tiers, de la moitié des membres du Conseil supérieur de la Justice. Par conséquent, lorsque le Conseil supérieur de la Justice émet certains signaux, le Sénat doit réagir avec la prudence voulue et exercer son contrôle marginal.

En ce qui concerne les nominations, le membre se souvient des discussions qui ont eu lieu à ce sujet au Parlement : l'idée était que l'avis rendu par le Conseil supérieur de la Justice concernant une nomination, nomination pour laquelle une majorité des deux tiers est requise, constituerait en fait une quasi-nomination et que le ministre ne pourrait s'écarter de cet avis que dans des cas exceptionnels. Son refus doit en tout cas être motivé. La loi ne contient pas de critère de contenu en ce qui concerne le pouvoir de refus du ministre, mais en prévoyant l'intervention du Conseil supérieur de la Justice, le Parlement visait à la dépolitisation des nominations. Il s'ensuit que le pouvoir de refus du ministre ne doit être exercé qu'à titre exceptionnel et seulement dans la mesure où l'avis du Conseil supérieur de la Justice contient des erreurs techniques ou factuelles telles qu'il ne peut à proprement parler plus être considéré comme une présentation. Le ministre n'a clairement le pouvoir de refuser que dans les cas où des problèmes techniques se posent.

Mme Vandenbroeck insiste sur le fait que le Conseil supérieur de la Justice ne rend pas d'avis sur les nominations, mais sur la présentation des candidats. Dans les quatre cas où le ministre a refusé la présentation, le Conseil supérieur de la Justice a chaque fois présenté le même candidat. En outre, le ministre a refusé pour la deuxième fois le candidat présenté pour la fonction de chef de corps, avec la conséquence que cette place est vacante et que la procédure de nomination doit être recommencée à zéro.

Les cas d'un refus du ministre représentent 4 % environ du total des nominations.

Le préopinant estime que les pourcentages importent peu. Il s'agit en effet d'un problème de norme d'interprétation qui doit être examiné le plus rapidement possible. Le critère de contrôle utilisé par le ministre pour refuser une nomination doit être examiné de plus près. La situation où un certain nombre de présentations successives se heurtent à un refus pourrait avoir pour conséquence que, soit le Conseil supérieur de la Justice, soit le ministre n'ait plus d'autre choix que de soumettre le différend au Conseil d'État.

Le membre s'interroge également sur l'absence de rapport sur le contrôle interne exercé par les premiers présidents des cours d'appel en Flandre. Il lui est répondu que le rapport ayant été déposé tardivement, il n'a pas pu être intégré au rapport du Conseil supérieur de la Justice.

Enfin, l'intervenant souhaite obtenir davantage d'informations sur les problèmes structurels mentionnés en page 8 du rapport, en particulier la sous-occupation chronique des cadres des tribunaux et parquets due à la rigidité de la politique de nomination, et le rajeunissement des magistrats du parquet qui entraîne un manque d'expérience.

Mme Gérard déclare que le Conseil supérieur de la Justice réfléchit actuellement au statut du parquet, compte tenu du manque évident de candidats. Certains candidats veulent devenir magistrat le plus rapidement possible et optent pour le stage court. Or, l'on constate qu'alors qu'ils sont nommés là où des places vacantes se présentent, ces candidats désirent, la plupart du temps, retourner dans leur endroit d'origine, à proximité de leur domicile. Le principe de la mobilité des magistrats n'est pas suffisamment ancré dans les mentalités. Il y a donc un va-et-vient important. Ceci a pour conséquence que les parquets doivent former des jeunes qui manquent d'expérience au regard des responsabilités importantes qui leur sont confiées presque immédiatement.

L'on délègue des responsabilités considérables à des stagiaires, voire même à des juristes de parquet, qui n'ont aucune expérience.

Il faut donc rendre le statut de magistrat de parquet plus attractif.

En ce qui concerne la politique de nomination trop stricte, on en revient inévitablement au problème du bilinguisme, qui constitue une entrave sérieuse pour Bruxelles. Mais il y a d'autres arrondissements où le manque de magistrats est aussi aigu qu'à Bruxelles, mais résulte d'autres facteurs.

La profession se caractérise également par une grande féminisation, avec pour conséquence des absences pour congés de maternité. Il faut tenir compte de l'ensemble de ces problèmes.

Mme Gérard précise que le Conseil supérieur de la Justice a créé une cellule sur l'arriéré judiciaire. Un des défis du Conseil supérieur de la Justice est, en effet, de résorber cet arriéré et de trouver un instrument de mesure de la charge de travail.

Mme Kloeck précise en outre que le ministre de la Justice a créé un réseau d'experts en vue de développer un instrument de mesure de la charge de travail dans les parquets. Cet instrument permettrait également de déterminer combien de magistrats de parquet sont nécessaires pour absorber la charge de travail en question. Le Conseil supérieur de la Justice et le Service de la politique criminelle sont associés à ces discussions. Il est cependant très clair que l'élaboration d'un tel instrument de mesure de la charge de travail est une opération particulièrement complexe. C'est un travail de longue haleine.

Un membre souligne qu'il faut faire preuve d'une grande prudence dans ce genre de mesures. C'est alors en effet la question de la qualité des jugements et des arrêtés qui se pose. Certains magistrats peuvent rendre beaucoup de jugements, mais qui ne sont pas satisfaisants du point de vue qualitatif, et inversement. Il y a une grande inégalité dans la valeur juridique des décisions rendues. Élaborera-t-on également un instrument de mesure de la qualité des différentes décisions judiciaires ?

Mme Kloeck comprend le point de vue du membre, mais elle signale que lorsqu'on parle d'une mesure de la charge de travail, cela implique uniquement une mesure quantitative, avec toute la relativité que cela implique. Le but est de garantir un meilleur management et une meilleure politique de personnel.

Le préopinant demande s'il y a des problèmes au niveau du fonctionnement des assemblées générales et de l'importante présence de juges suppléants (notaires et avocats) qui a été signalée. Le membre demande s'il faut changer quelque chose à ce niveau.

Selon Mme Gérard, bien qu'il s'agisse de réunions gigantesques difficiles à gérer à cause du grand nombre de juges professionnels et suppléants dans les grands arrondissements, il ne faut rien modifier pour le moment, si ce n'est revoir éventuellement le quorum à la baisse par voie législative. En effet, les magistrats professionnels sont souvent dans l'impossibilité d'assister aux assemblées générales à cause de leurs audiences. Mais il ne s'agit pas là d'un réel problème.

Le préopinant demande des explications supplémentaires sur le problème du droit disciplinaire et du contrôle hiérarchique. Les parquets préfèrent manifestement régler les problèmes par le biais du contrôle de la hiérarchie.

Mme Gérard précise qu'en cas de problème grave, il y a toujours une préinstruction. Le magistrat-instructeur, spécialement chargé de cette préinstruction et de l'instruction disciplinaire, fait part de ses conclusions au chef de corps qui décide s'il y a lieu d'entamer une procédure disciplinaire ou de classer l'affaire après avoir éventuellement eu un entretien avec le magistrat concerné. Le chef de corps, sur la base du rapport du magistrat-instructeur, prend la décision finale. En fonction des cas, il s'agira soit d'un entretien soit d'une procédure disciplinaire.

Le préopinant demande des précisions sur le problème de la récusation qui a été évoqué par Mme Gérard. On peut lire en effet en page 34 du rapport du Conseil supérieur de la Justice que la chose ne pose pas problème.

Mme Gérard explique qu'il n'y a procédure en récusation que lorsque le magistrat refuse de s'abstenir. Mais si le juge qui fait l'objet d'une requête en récusation s'abstient de siéger, cela ne donne pas lieu à procédure et n'apparaît pas dans les statistiques. Les récusations au niveau des cours d'appel, spécialement celles qui concernent des juges d'instruction, sont actuellement très nombreuses. En effet, suite à la modification législative consécutive à l'arrêt Connerotte, un juge d'instruction peut maintenant être récusé. Les cours d'appel de Bruxelles et de Liège se sont d'ailleurs adressées au Conseil supérieur de la Justice pour insister sur ce problème.

L'intervenante renvoie pour le surplus à ce qu'elle a déjà exposé au sujet de la proposition de loi de M. Erdman.

Un membre constate qu'en ce qui concerne l'absence d'uniformité en matière de discipline, dans le cas des juges de paix, le contrôle se limite manifestement au délai de deux mois dans lequel ils doivent rendre un jugement, alors que d'autres problèmes peuvent se poser, comme des affaires traînant en longueur en raison de visites inutiles sur place, de la réouverture des débats ou de comparutions personnelles.

Le problème crucial de l'arriéré judiciaire ne se situe sans doute pas au niveau des justices de paix. Toutefois, le juge de paix est un personnage spécial, proche du citoyen, et lorsqu'un problème d'arriéré surgit, il est ressenti directement par le citoyen.

D'après le Conseil supérieur de la Justice, la seule solution pour les juges de paix consiste à instaurer une forme de concertation et une certaine uniformité au niveau du chef de corps.

L'intervenante désire savoir si le Conseil supérieur de la Justice a une idée de l'évolution en la matière.

Mme Gérard explique qu'en ce qui concerne les juges de paix et de police, les plaintes sont généralement introduites par les avocats ou les justiciables auprès des chefs de corps. Il existe un système de sanction à deux niveaux : ainsi, le premier président de la cour d'appel peut également prendre des sanctions. Il est en tout cas clair que s'il y a des plaintes répétées, des sanctions seront prises. Pour le surplus, l'intervenante renvoie à ses précédentes explications en ce qui concerne la procédure disciplinaire.

Un membre suggère de tenir une nouvelle réunion avec le Conseil supérieur de la Justice en automne, pour discuter sur la base du rapport plus systématique qui sera déposé. Il désire également savoir ce que peut concrètement faire la commission sur le plan législatif, tant en ce qui concerne le problème des récusations que pour la modification de la loi sur le Conseil supérieur de la Justice. Enfin, il demande s'il ne serait pas indiqué d'entendre le ministre de la Justice sur les différents problèmes soulevés.

Le président rappelle que le ministre rassemble actuellement en un seul texte les trois propositions de modifications qui ont été faites, en vue de modifier la loi sur le Conseil supérieur de la Justice. Il convient d'attendre qu'il ait terminé ce travail pour l'inviter à un échange de vues sur ce sujet.

Mme Gérard estime que la procédure urgente en matière d'avis est le point qui intéresse le plus directement le Parlement. Un protocole serait également très utile.

Un précédent intervenant demande ce qu'il en est pour la procédure de récusation. Le Conseil supérieur de la Justice a certainement des propositions à faire qui seront plus larges que la proposition de M. Erdman. Le Conseil supérieur de la Justice a également formulé des propositions d'amendements à la loi relative à sa création.

Mme Gérard répond que le Conseil supérieur de la Justice a effectivement préparé des propositions de modification de la loi pour assurer son fonctionnement optimal. Le Conseil supérieur de la Justice demande le soutien du Sénat pour en assurer la mise en oeuvre législative. Il serait également envisageable que l'initiative émane du Conseil supérieur de la Justice. En effet, l'article 259bis12, § 1er, du Code judiciaire autorise la Commission d'avis et d'enquête à préparer d'office des avis ou propositions sur le fonctionnement général de l'ordre judiciaire. Ainsi, la Commission d'avis et d'enquête pourrait suggérer dans son avis que les articles de loi relatifs à la récusation, dans leur conception actuelle, sont de nature à perturber l'ordre judiciaire.

Le président suggère que le document contenant cet avis, dès qu'il sera disponible, soit transmis aux parlementaires, qui pourront s'en inspirer pour déposer une proposition de loi.

Mme Kloeck renvoie à un document intitulé « Informations sur les activités du Conseil supérieur de la Justice », diffusé récemment. Il s'agit du premier communiqué par lequel le Conseil supérieur de la Justice diffuse des informations structurées sur son fonctionnement. Ce document a été diffusé au début du mois de mai 2001.

Le document a été transmis par courriel à la Chambre, au Sénat, à la magistrature et à la presse. Il est plutôt formel et sobre : on s'est abstenu délibérément de faire des évaluations ou des commentaires. Par contre, le rapport qui sera transmis à la Chambre et au Sénat en septembre contiendra des commentaires.

Le Conseil supérieur de la Justice a également l'intention, à moyen terme, de créer un site web.

Le président conclut en insistant sur l'importance des missions du Conseil supérieur de la Justice. Une période de rodage est naturellement nécessaire. Une nouvelle entrevue avec les représentants du Conseil supérieur de la Justice devra être organisée lorsque le ministre disposera d'un projet de loi de réparation.

Le présent rapport est a été approuvé à l'unanimité par les huit membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Martine TAELMAN. Josy DUBIÉ.