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Sénat de Belgique

Annales

MERCREDI 24 OCTOBRE 2001 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Propositions de loi relatives à l'euthanasie et aux soins palliatifs

Suite de la discussion générale

M. René Thissen (PSC). - Je souhaite commencer mon intervention en la situant dans son contexte. Cette discussion est un premier aboutissement de deux années de réflexions au Sénat, elles-mêmes fruit de réflexions entamées depuis longtemps dans la société civile. Sur décision majoritaire mais contre notre volonté, il a été décidé d'aborder le débat relatif à l'euthanasie préalablement à celui sur les soins palliatifs.

Ce choix n'est pas sans signification. En effet, il est unanimement reconnu que des soins palliatifs de bonne qualité entraînent une diminution considérable des demandes d'euthanasie. Avec une généralisation de la culture palliative, les demandes d'euthanasie se réduiraient de manière telle que la question de la dépénalisation de l'acte d'euthanasie se poserait d'elle-même, au regard de la pratique du même acte, sur la base de l'état de nécessité.

La hiérarchie des priorités aurait dû être inversée dans nos discussions mais elle aurait surtout dû l'être dans la réalité de terrain. La proposition relative aux soins palliatifs est en effet surtout une déclaration de bonnes intentions, mais peu d'obligations concrètes y sont liées. Notre conception de l'humanisme implique d'offrir à toutes les personnes en fin de vie l'accompagnement suffisant pour leur permettre de terminer cette dernière étape dans la dignité. Comme tous mes collègues, je souhaite réaffirmer notre volonté d'offrir une fin digne à chacun et notre choix délibéré de protéger les plus vulnérables. Je réaffirme notre refus politique d'accorder à la souffrance une valeur rédemptrice, laissant ce choix éventuel à l'appréciation individuelle. Je confirme notre volonté d'alléger au mieux les souffrances physiques et morales, même si l'application de médications peut avoir pour effet de raccourcir quelque peu la vie d'une personne en phase terminale. Contrairement aux déclarations de M. Mahoux, les adversaires d'un changement de la loi ne sont pas d'office adversaires à toute pratique d'euthanasie.

Nous avons voulu aborder l'examen des propositions avec la plus grande ouverture d'esprit. Autant nous respectons les opinions de nos collègues, autant nous refusons les clivages dans lesquels certains ont voulu nous enfermer : laïcs/chrétiens, progressistes/conservateurs ou majorité/opposition.

Nous avons insisté, dès le départ, sur l'organisation d'auditions d'experts et de philosophes. L'accord obtenu à l'époque à une très courte majorité a permis une réflexion en profondeur, mais a finalement abouti - nous le regrettons profondément - à une forme de blocage majorité/opposition au moment du vote des amendements même si, au fil du temps, la majorité a elle-même introduit des amendements. Il faut quand même rappeler que pas un seul amendement de l'opposition n'a été accepté, si ce n'est un amendement de pure forme. L'ouverture déclarée par tous ne s'est donc pas traduite dans tous les comportements.

Cela étant rappelé, je voudrais m'appuyer sur les enseignements des auditions et en faire le fil rouge de mon intervention. En effet, étant donné que les travaux de commission ont été supprimés cette semaine afin de permettre à tous les sénateurs de participer au débat, je pensais qu'ils seraient présents en plus grand nombre qu'ils ne le sont aujourd'hui ou qu'ils ne l'étaient hier.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Il faut le dire aux absents !

M. René Thissen (PSC). - Je ne peux m'exprimer que devant ceux qui sont présents.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Sur les bancs du PSC aussi, il manque des sénateurs !

M. René Thissen (PSC). - Aujourd'hui, oui, effectivement.

M. Philippe Mahoux (PS). - Vous êtes dans la moyenne : la moitié des membres PSC sont présents, pour la moitié de l'assemblée !

M. René Thissen (PSC). - Ma remarque s'adresse à tout le monde. Pour ma part, j'estime que le débat est important. Je croyais que tous les sénateurs se feraient un devoir de se forger une opinion la plus nuancée possible sur le sujet.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Ils ont lu tous les rapports.

M. René Thissen (PSC). - J'ai donné mon appréciation. Chacun en fait ce qu'il veut. Il est évident qu'elle ne vise pas les personnes présentes.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Nous n'allons pas recommencer les deux mille cinq cents pages du rapport. Vous savez parfaitement que la séance publique est le couronnement d'un travail. De nombreux orateurs se sont exprimés ou vont le faire. C'est très bien ainsi. Ne vous attendez pas à ce que l'on recommence, en séance plénière, les centaines d'heures de discussion que nous avons eues en commission, ou que l'on examine les huit cents amendements... Cent cinquante amendements sont quand même, paraît-il, déposé en séance publique !

M. le président. - Tel n'était pas le sens de la remarque de M. Thissen.

Monsieur Thissen, je puis vous dire, du haut de mon perchoir, qu'à peu près tous les membres du Sénat sont passés à leur banc, hier ou ce matin. Ils n'y restent pas en permanence et on peut le regretter. Cependant, en vingt ans de vie parlementaire, je n'ai connu aucun débat qui se passe autrement, que ce soit à la Chambre des représentants, à la Communauté française, à la Région, au Conseil de l'Europe ou à l'UEO où j'ai siégé. Il est vrai qu'il faut se forger une opinion durant le débat et que c'est précisément les sénateurs non membres de la commission Euthanasie qui devraient assister à nos travaux pour ce faire.

De heer Didier Ramoudt (VLD). - In de Senaat zit een niet onaardig aantal gemeenschapssenatoren. Zelf heb ik vanochtend in het Vlaams Parlement een commissievergadering bijgewoond en vannamiddag zijn er daar stemmingen in plenaire vergadering. Alvorens zo negatief over zijn collega's senatoren te spreken, zou de heer Thissen er goed aan doen eerst eens te informeren welke werkzaamheden er allemaal plaatsvinden.

M. René Thissen (PSC). - Monsieur Ramoudt, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je n'ignore pas qu'un certain nombre de difficultés se posent. Je serai d'ailleurs amené moi-même à m'absenter dans le courant de l'après-midi pour exercer ma fonction de député de communauté. Quoi qu'il en soit, d'un point de vue général, on aurait pu espérer une présence plus grande pour ce débat. Mais ce n'est pas le plus important, en l'occurrence.

Je reprends le fil de mon intervention.

En premier lieu, quel est le contexte dans lequel cette législation sera amenée à s'appliquer ?

Les auditions nous amènent à différents constats.

Les demandes d'euthanasie sont, dans la majorité des cas, formulées par l'entourage - et surtout par la famille - et non par le patient lui-même. Il arrive souvent que l'entourage trouve la souffrance plus insupportable que la personne qui souffre. La demande peut aussi venir des soignants. En milieu hospitalier, par exemple, la majorité des actes d'euthanasie sont effectués sans demande du patient. Le médecin et l'équipe soignante doivent donc gérer autant, voire plus, la souffrance des proches que celle du patient, ainsi que leur lassitude et leurs pressions ambivalentes.

Le patient en fin de vie est vulnérable et extrêmement dépendant de la bienveillance et de la compétence de son entourage, de sorte que son autonomie réelle est relative. Il est fort sensible aux pressions d'ordre social, économique ou familial. Comme le souligne justement Mme Baum, « mourir tend à devenir un phénomène de moins en moins culturel et de plus en plus socioéconomique.

Tout se passe comme si la dépendance de la personne mourante et l'idéal d'autonomie vénéré par l'homme occidental en bonne santé étaient inconciliables ». Par ailleurs, une décision de fin de vie, bien qu'elle ne puisse être prise que par le patient, ne touche pas que lui. Elle touche les proches, l'équipe soignante et toute la société. Le débat porte, au moins autant sur « qui peut décider » que sur quelle est la bonne décision dans une situation déterminée.

Il est essentiel de respecter la volonté du patient mais il est tout aussi essentiel d'établir une distinction entre la demande exprimée par le malade et son désir profond. Que demande presque toujours un malade lorsqu'il invoque l'euthanasie ? Comme l'a si bien dit Mme Diricq, psychologue, « il est plus souvent question de vouloir vivre autrement que de vouloir mourir ». C'est, dans la majorité des cas, un « appel à l'aide venant du malade ou de sa famille pour vivre mieux ou moins mal ». Dans la majorité des cas, les demandes d'euthanasie sont un appel à l'aide. Une attention bienveillante à l'égard du patient et un meilleur accompagnement - tant médical que psychologique - du patient permettent d'apporter une réponse adéquate à sa demande. Le malade en train de mourir nous demande s'il est encore digne de relation avec les autres êtres humains.

La lecture de certains dossiers médicaux montre que « plus l'état du patient se dégrade, plus il approche de la mort et plus les notes dans son dossier diminuent, au même rythme parfois que les passages dans sa chambre... La mort sociale précède la mort clinique. On parle déjà de lui à l'imparfait. C'est tout juste si le patient ne s'excuse pas d'être encore là ! »

Marie de Hennezel estime à ce propos que si le médecin accède à la demande du patient, il le tue deux fois, réellement et symboliquement, en lui confirmant son sentiment d'inutilité. L'euthanasie ne peut apparaître que comme le « remède ultime » pour soulager les souffrances du patient. L'euthanasie ne doit être envisagée que s'il n'existe pas d'autres alternatives, moins préjudiciables pour le patient. Cela n'apparaît pas dans la proposition.

Les soins palliatifs, en tant qu'accompagnement global du patient, apportent ainsi, dans la plupart des cas, le soulagement recherché. Or, les soins palliatifs sont les grands absents de la proposition de loi. Ils restent de l'ordre de l'information à donner au patient. Le texte proposé précise que le médecin doit s'assurer de la persistance de la souffrance du patient, mais rien n'est dit sur l'obligation première qu'a le médecin de procurer à son patient toute assistance morale et médicale, curative et palliative, que son état requiert et de vérifier l'adéquation des soins. Cette obligation est rappelée clairement par l'académie de médecine dans son avis sur les problèmes de fin de vie du 27 mai 2000. Comment procéder à cette appréciation, sans faire intervenir l'équipe palliative, c'est-à-dire les personnes spécialisées dans la question ? Cette consultation n'est pas prévue. On nous répondra que la question est réglée dans une proposition de loi distincte, relative aux soins palliatifs. Il faut cependant reconnaître, comme je l'ai déjà dit, que cette proposition ne contient aucun engagement précis, ce que n'a pas manqué de relever le Conseil d'État qui a renvoyé le législateur à sa copie. Quelle façon artificielle de voir les choses : comme s'il s'agissait de poser un choix rationnel entre l'euthanasie, d'une part, et les soins palliatifs, d'autre part ! Pour certains patients, qui sont en mesure de poser ce choix rationnel, réellement volontaire et non équivoque - et c'est presque un cas d'école, nous a-t-on dit durant les auditions -, il s'agit d'un choix intellectuel, le choix de l'autonomie absolue, si tant est qu'elle puisse exister. Mais il s'agit alors d'une législation élitiste, défendue par certains intellectuels, de surcroît souvent bien portants, qui met malheureusement en danger la majorité des patients, plus faibles sur le plan socioéconomique. Nous ne pouvons cautionner cette approche.

Dans les hôpitaux ou les lieux d'hébergement pour personnes âgées, l'équipe médicale et soignante, malgré toute sa bonne volonté, se dit souvent elle-même incapable d'humaniser les soins, par manque de temps ou de personnel. Il y règne fréquemment une absence de dialogue entre le médecin et l'équipe soignante, le patient et les proches ; on y constate aussi une méconnaissance du médecin quant aux traitements contre la douleur et un manque de discussions éthiques.

Les intervenants ont souligné le paternalisme encore dominant dans nos hôpitaux, la nécessité de démocratiser le pouvoir médical et de donner au patient la place centrale qui lui revient. Le préalable à une dépénalisation éventuelle de l'euthanasie est certainement l'humanisation des soins. Comme le souligne l'Union générale des infirmiers de Belgique, le contexte actuel est peu propice à une analyse sereine et objective des demandes d'euthanasie.

De nombreuses demandes d'euthanasie pourraient aussi être évitées si l'on s'attelait au préalable à légaliser les droits du patient, en fixant, en particulier, le principe selon lequel tout acte médical ne peut être posé, arrêté ou poursuivi qu'avec le consentement libre et éclairé du patient. Ainsi, les demandes d'euthanasie consécutives à de l'acharnement thérapeutique pourraient être évitées si le patient était correctement informé de son état et si son accord était requis concernant certains actes.

La réponse à l'acharnement thérapeutique, ce sont les droits du patient. Là encore, on parle toujours d'un hypothétique projet de loi qui serait déposé à la Chambre, mais on ne voit toujours rien venir. La proposition fait l'impasse sur une réelle réflexion à ce sujet.

Toute réflexion sur les droits du patient implique aussi nécessairement une réflexion sur le difficile équilibre à conserver entre le consentement ou le refus du patient à l'égard de certains traitements, d'une part, et la liberté thérapeutique du médecin, d'autre part. La proposition fait également l'impasse sur cette réflexion.

Je tiens, par ailleurs, à insister sur le contexte, très actuel, du coût des soins de santé : Mme Baum a souligné avec beaucoup de force le fait que la dérive économique n'est pas un fantasme, mais une menace réelle, notamment pour la majorité des patients âgés. Elle se référait à une étude réalisée, en France, par la sociologue Anita Hocquard. On apprend ainsi que les interruptions de traitement sont motivées par un jugement subjectif du médecin sur l'absence de qualité de vie future. Les critères suivants sont l'inutilité des soins et l'âge du patient. La demande de la famille n'arrive qu'après. Les considérations économiques apparaissent entre 4 et 8% des cas et aboutissent à provoquer la mort de patients n'ayant pas formulé de demande.

On s'attend, dans les années à venir, à un triplement des septante-cinq ans et à un quadruplement des quatre-vingt-cinq ans et plus dans les unités de soins. Le poids économique du vieillissement de la population de notre vieux continent a entraîné une diminution de la médicalisation du quatrième âge et, par contre, une augmentation de la dépendance de cette même population. On s'attend, d'ici à 2040, à une augmentation d'au moins 30% des coûts liés au vieillissement. Ce danger de dérive économique est réel lorsqu'on sait que 10% des patients malades occasionnent 75% des dépenses. Certains pays occidentaux refusent déjà tout simplement d'accorder le remboursement de certains soins vitaux. Les dernières semaines et, surtout, les derniers jours de vie sont les plus coûteux.

Je dois mentionner, à cet égard, le cri d'alarme lancé par Arjen Rienks, collaborateur de l'Association des patients rénaux, aux Pays-Bas, critiquant la politique de rationnement des soins dans son pays et indiquant que l'euthanasie risque de devenir la soupape de sécurité principale ; l'euthanasie risque donc de devenir socialement souhaitable.

Le même auteur rappelle que la sélection des patients à dialyser est opérée au quotidien, en fonction du critère de « soins futiles », qu'elle met en parallèle avec le critère de « souffrance sans issue », utilisé pour pratiquer l'euthanasie.

(Mme Sabine de Bethune, première vice-présidente, prend place au fauteuil présidentiel.)

La demande du patient bien réelle et régulièrement évoquée constitue en fait une faible protection contre les abus. À cet égard, la proposition de loi ne permet pas de répondre à un certain nombre de questions :

Il ressort des auditions que ce qui fait défaut avant tout, c'est un encadrement, une réglementation transparente de toutes les décisions de fin de vie, décisions d'arrêt ou d'abstention de soins, désescalade thérapeutique. Il est essentiel de faire remarquer que ce qui, en définitive, fait la différence entre toutes ces décisions liées à la fin de vie, est l'intention qui préside à l'acte. Et le contrôle de l'intention est ... impossible. D'où l'importance d'encadrer toutes ces décisions par une procédure de consultation collégiale pluridisciplinaire obligatoire. Cela est d'autant plus important que toutes les personnes qui se trouvent dans un état de conscience intermédiaire, une sorte de clair-obscur, dont les experts nous ont dit qu'il concerne 80% des personnes dans leurs derniers jours, ne sont pas visés par la loi et les protections de procédure qu'elle crée.

Il est souvent renvoyé à l'étude Deliens, qui fait état d'un grand nombre d'euthanasies clandestines en Belgique. Mais le meilleur moyen de lutter contre les euthanasies non demandées est-il de dépénaliser l'euthanasie demandée et d'en légitimer la pratique ? N'obtient-on pas l'effet contraire, ne crée-t-on pas la demande en banalisant l'acte, un acte dont certaines associations ont fait l'apologie, comme si elles détenaient la clé de la seule « bonne mort » qui garantisse la dignité au patient ?

En réalité, il a été constaté que les meilleures garanties contre les euthanasies clandestines sont une législation sur les droits du patient, l'instauration d'une discussion collégiale a priori interdisciplinaire et la tenue d'un dossier médical détaillé.

Au point de vue du droit comparé, la position de la Belgique est unique au monde. Elle va plus loin que la loi hollandaise sur certains points essentiels et que celle de l'Oregon. Je ne m'attarderai pas sur ce point qui a déjà été évoqué.

On parle aussi souvent de l'argument de la sécurité juridique des médecins qui nous paraît pourtant assez faible. Je me réfère d'abord à la position de l'ABSYM, le plus grand syndicat médical représentatif en Belgique qui a pris position contre la proposition de loi le 24 novembre 1999, position confirmée le 7 décembre 2000.

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a rendu un avis le 15 janvier 2000 contre la proposition, avis confirmé le 21 décembre 2000 : « Le Conseil national a toujours été attentif à l'état de nécessité dans des problèmes qui peuvent se poser durant la dernière phase de la vie. Le Conseil national admet que, dans des circonstances exceptionnelles, le médecin peut se trouver placé devant un conflit de valeurs et de décisions qui en découlent, à savoir de ne pas provoquer délibérément la mort ou de mettre en oeuvre les moyens adéquats nécessaires pour permettre à un patient de mourir dans la dignité. Dans ces circonstances, le médecin doit prendre en honneur et en conscience et en concertation avec le patient, une décision qu'il devra toujours pouvoir justifier ». C'est l'éthique de la responsabilité à laquelle M. Destexhe a fait allusion.

Nous nous référons aussi à l'enquête menée conjointement par le Journal du Médecin en collaboration avec le Parlement des généralistes flamands dont la presse s'est très peu fait l'écho. Les résultats sont éloquents : 7 médecins sur 10 estiment que le besoin d'une euthanasie disparaît souvent, à presque toujours, lorsque des soins palliatifs maximaux sont appliqués.

Parmi les praticiens qui se déclarent éventuellement prêts à pratiquer l'euthanasie dans certains cas déterminés, soit 42%, 54% des médecins estiment que l'euthanasie doit rester punissable alors que 35% sont pour la dépénalisation, 7 médecins sur 10 étant pour la poursuite du débat. Une écrasante majorité de médecins sont contre l'euthanasie en phase non terminale : 10% seulement des médecins généralistes et 7% des médecins spécialistes francophones acceptent l'idée de pratiquer une euthanasie chez un patient non-terminal, capable et incurable, même à sa demande expresse et répétée.

Je rappelle aussi la dernière résolution de l'Association médicale mondiale, adoptée à l'unanimité moins les Pays-Bas, le 5 mai 2001, réaffirmant sa conviction profonde selon laquelle l'euthanasie est contraire aux principes éthiques fondamentaux de la pratique médicale et exhortant les associations médicales et les médecins de s'abstenir de participer à la pratique de l'euthanasie, même lorsque la législation nationale l'autorise ou la dépénalise dans certaines conditions.

Que faire d'une législation qui est désapprouvée très largement par le corps médical censé l'appliquer ? N'est-ce pas instrumentaliser une personne qui joue une fonction sociale essentielle ? On nous rétorquera que l'article 14 est là pour garantir l'objection de conscience du médecin. Mais comme d'aucuns l'ont dit, il est indéniable qu'une loi en faveur de l'euthanasie fera pression sur le corps médical. Ceux qui refuseront de pratiquer un tel acte de « solidarité », un tel « geste d'amour », ce dernier « geste de compassion », ne passeront-ils pas pour des « lâches » ? Et je pourrais utiliser des termes encore plus durs. Désormais, comme le proclamait Schwartzenberg, ce seront eux les « assassins » coupables de laisser souffrir. Aussi, dans un tel contexte, comment conserver avec une certaine sérénité son indépendance, son autonomie de jugement ? Si, grâce à la loi, davantage de médecins pratiqueront des euthanasies, sera-ce par conviction ou parce qu'ils n'oseront plus dire non ? [...] Si bon nombre de médecins répugnent aujourd'hui à pratiquer l'euthanasie, ce n'est pas seulement parce qu'ils ne sont pas explicitement couverts par la loi.

Au vu de ces constats, c'est le principe de précaution qu'il conviendrait d'appliquer. La question ne se résume donc pas à être pour ou contre l'euthanasie. Nous sommes pour une législation qui encadre toutes les décisions de fin de vie, dans le respect des droits du patient et de sa dignité, en imposant une consultation collégiale pluridisciplinaire préalable à toute décision grave prise en fin de vie, où interviendrait obligatoirement l'équipe palliative, en imposant la tenue minutieuse d'un dossier médical détaillé.

Il nous paraît que toute législation concernant les décisions médicales doit respecter trois principes : le respect de la dignité de l'homme en tant qu'être relationnel dont la dignité s'inscrit dans la relation à l'autre, une attention accrue envers les personnes les plus vulnérables et le respect d'une éthique de la responsabilité, à savoir le principe de précaution et de vigilance.

À cet égard, il nous semble que la proposition privilégie de manière trop absolue l'autodétermination de l'individu au détriment des plus démunis d'entre les patients.

Les conditions posées par la proposition sont inapplicables et incontrôlables.

À titre d'exemple, il n'y a pas de consensus médical sur les affections pathologiques ou accidentelles dites « graves ». De plus, le médecin ne peut jamais se prononcer avec certitude sur le caractère « incurable » d'une affection ou sur le caractère « sans issue » d'une situation - et ce sont les médecins eux-mêmes qui le disent ! - a fortiori si le patient n'est manifestement pas en fin de vie. Les découvertes de la science peuvent fondamentalement bouleverser le pronostic d'une maladie. Voilà donc une première loterie, pour le patient.

Par ailleurs, les données sur la base desquelles la Commission administrative doit effectuer son contrôle ne lui permettent tout simplement pas d'effectuer le contrôle de l'existence des conditions posées par la loi. De plus, la commission exerce de manière critiquable une sorte de justice parallèle qui s'arroge des pouvoirs de nature judiciaire en dehors du judiciaire et qui décide de l'opportunité de renvoyer ou non le dossier à la justice. S'il y a doute - mais comment arrive-t-elle à cette conclusion ? - la commission « peut décider » de lever l'anonymat des données et « peut » ensuite décider à la majorité des deux tiers de renvoyer le dossier au procureur du Roi. Voilà une deuxième loterie, pour le médecin.

Le champ d'application du texte proposé est extrêmement large. L'euthanasie reste admise dans le cas de seules souffrances psychiques résultant d'une maladie grave et incurable. Comme il n'y a pas de consensus médical sur cette notion de « maladie grave », en réalité, toutes les maladies ou les affections incurables sont visées. Or, des études montrent qu'il n'existe aucun moyen rationnel de faire la distinction entre les souffrances psychiques liées à une condition médicale dite objective dans laquelle se trouve le patient et les souffrances psychiques qui ont une origine non médicale : problèmes financiers, âge, solitude, sentiment d'inutilité, perte d'un être cher, troubles dépressifs, etc. Le désir de mort survient toujours lorsque le patient perd tout espoir, qu'il y ait ou non une maladie quelconque, curable ou incurable, correctement ou mal diagnostiquée. Peut-on admettre que ce désespoir soit en quelque sorte confirmé par le médecin lorsque celui-ci accède à sa demande d'euthanasie, particulièrement lorsqu'il s'agit de personnes dont le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance, tel un jeune patient tétraplégique à la suite d'un accident de voiture ? Il lui suffit de consulter un deuxième médecin, à qui il sera souvent impossible de dire si le patient est dépressif ou non et pour combien de temps et de respecter un délai d'un mois, durant lequel le patient sera laissé à son triste sort. Il n'est nulle part question, durant ce délai, que le patient doive être supporté, entouré et que l'on doive tout faire pour le dissuader de vouloir mettre fin à ses jours. N'est-ce pas l'autonomie poussée jusqu'à l'absurde, jusqu'à la solitude extrême, jusqu'à la rupture de la solidarité ? Ce n'est même plus du droit à l'euthanasie dont il s'agit, mais du droit au suicide. C'est un tout autre débat. On a vu à quelles dérives la loi néerlandaise a déjà abouti en cette matière avec l'euthanasie de patients psychiatriques souffrant de dépressions ou le suicide médicalement assisté d'une personne âgée « fatiguée de vivre ».

La notion floue de « situation médicale sans issue » laisse aussi à penser qu'elle peut renvoyer à plusieurs années de vie pour certains patients psychiatriques par exemple. De même, le critère de pronostic de « décès à brève échéance » ayant été écarté dans le cadre de l'article 3 §1, l'euthanasie n'apparaît plus limitée à la phase terminale d'une maladie en ce qui concerne les personnes « en fin de vie ».

Certains malades, bien que capables juridiquement, mais ne possédant pas toujours toute la lucidité requise et pouvant être amenés à formuler des demandes de mourir ambivalentes, tels que les handicapés majeurs sous administration provisoire de leurs biens et les handicapés ne bénéficiant pas de régime de protection juridique, peuvent être visés par la loi. Il s'imposait donc de préciser que le malade doit être non seulement capable au sens juridique du terme, mais également lucide au sens médical du terme. Cet amendement essentiel a été rejeté.

Le mineur émancipé est visé par la loi, c'est-à-dire que dès que le mineur a atteint l'âge de quinze ans, il est concerné. C'est une manière détournée de légiférer sur l'euthanasie de certains mineurs.

La proposition admet aussi l'euthanasie de patients inconscients, sur la base d'une déclaration anticipée de volonté. La notion d' « inconscience irréversible » prête à de multiples interprétations, comme cela a déjà été souligné. Les patients Alzheimer sont-ils visés par cette disposition ? L'amendement qui proposait d'ajouter la notion de coma dépassé a été rejeté. L'ambiguïté subsiste donc. Une étude du Lancet du 6 janvier 2001 menée dans des unités de soins intensifs en France nous révèle qu'en cas d'arrêt de traitement pour situation désespérée, 5,3% des patients ne décèdent pas. Peut-on admettre une législation qui entérine une marge d'erreur de l'ordre de 5% ? Le principe de précaution n'est pas non plus respecté lorsqu'on veut se baser sur la rédaction d'une demande écrite d'euthanasie ou d'une déclaration anticipée par un tiers. Comment admettre que quand il s'agit de notre intégrité physique, nous soyons moins prudents que pour la rédaction d'un testament concernant nos biens ? Le risque n'existe-t-il pas aussi que la rédaction de cet écrit s'interprète à plus ou moins court terme comme une décharge de responsabilité que le patient donnerait au médecin ? Le malade pourra éprouver de graves difficultés sur le plan tant physique que moral à revenir ultérieurement sur son engagement.

Pour nous, le principe de précaution veut que l'acte d'euthanasie reste un acte d'exception. Il ne peut être que limité à la fin de vie et doit rester l'acte ultime qui ne peut être envisagé par le médecin que s'il n'existe pas, dans le respect des droits du patient, d'autres alternatives pour soulager la souffrance de celui-ci.

L'acte euthanasique est un acte grave parce qu'il porte atteinte de manière irrémédiable à la vie d'un être humain. Pour conserver à cet acte son caractère exceptionnel, il importe que cet acte reste interdit par la loi. L'interdit de tuer est aussi un des grands interdits de toute société humaine qui se respecte et il s'impose d'autant plus au médecin face à son patient. Toute demande d'euthanasie doit dès lors continuer à poser aux yeux du médecin un cas de conscience. L'euthanasie ne peut être envisagée par le médecin que dans des circonstances exceptionnelles et le médecin doit toujours pouvoir se justifier devant les autorités judiciaires en invoquant cet état de nécessité qui l'a poussé à transgresser cet interdit tant pénal qu'éthique. Avec l'état de nécessité, le contrôle de la société porte sur les raisons pour lesquelles la mort a été administrée. Avec une autorisation de la loi, le contrôle ne portera que sur les conditions de son administration. Le fait de devoir rendre des comptes de ce qu'on a fait ne signifie pas qu'on est livré à l'arbitraire d'un juge. Quiconque commet une infraction doit pouvoir être amené à en rendre compte, parce que, précisément, il a transgressé une règle fondamentale de la vie sociale ; s'il invoque un élément en sa faveur avec un minimum de vraisemblance - par exemple une cause de justification -, il est cru dès lors que le ministère public n'apporte pas la preuve de l'inexistence de cet élément. Je viens de citer Jules Messine.

Le maintien de l'interdit tant éthique que pénal, la consultation a priori renforcée, la tenue d'un dossier médical détaillé et le respect des droits du patient nous apparaissent donc les meilleurs garants de la volonté réelle du patient, la meilleure protection contre les euthanasies non demandées. En outre, en cas de poursuite, nous proposons que le juge soit entouré d'une Commission d'experts composée de médecins, de juriste, d'éthiciens, de personnes spécialisées dans l'accompagnement des malades en fin de vie, mais aussi d'infirmiers. Cette commission rendrait un avis. Comme tout avis d'expert, celui-ci ne serait pas contraignant mais serait destiné à éclairer le juge dans sa mission de juger. Le juge pourrait alors estimer, au vu des éléments du dossier, que le médecin a agi en état de nécessité et que dès lors, il n'existe aucune infraction. Il est, en effet, absolument nécessaire de conserver cette appréciation au cas par cas qui fait toute la différence avec l'autorisation pure et simple de la loi.

En conclusion, nous ne pouvons accepter cette proposition en raison de sa démesure d'un point de vue tant éthique, qu'anthropologique et sociologique. Comme le disait le Dr Creplet, cardiologue laïc convaincu et porte-parole du Groupe de travail Euthanasie, « la proposition aborde de façon à la fois élitiste et naïve des problèmes qui touchent profondément à l'absurde de la condition humaine. Faut-il, à l'absurde de cette condition, ajouter l'absurde dans la loi ? Cet absurde, nous le voyons à deux niveaux : primo, une prétention à l'infaillibilité qui autoriserait les auteurs de la loi à décrire les conditions formelles permettant de donner la mort en toute légalité sans risque d'erreur ; secundo, une sacralisation du pouvoir du médecin par un privilège législatif d'autant moins justifié que, face au malade, le médecin est de facto le maître de la plupart des décisions. Paradoxalement, alors que la loi vise à assurer une plus grande sécurité juridique aux médecins, elle aboutira à les fragiliser davantage en raison d'une bureaucratisation accrue ».

La législation qui est soumise à notre vote contient une contradiction fondamentale. Elle aboutira à une forme de banalisation des pratiques euthanasiques alors que son application stricte ne concernerait qu'un nombre extrêmement réduit de personnes. Aussi, je plaide pour que le débat continue, que ce soit à la Chambre ou au Sénat lorsqu'il nous reviendra, en vue d'aboutir à la solution la moins préjudiciable pour les premiers concernés par cette législation, à savoir les hommes et les femmes à qui la société doit une fin de vie dans la dignité.

De heer Jan Remans (VLD), corapporteur. - De heer Thissen gaat ermee akkoord dat euthanasie een ernstige medische handeling is, die enkel in uitzonderlijke omstandigheden kan worden uitgevoerd. Hij trekt daaruit de conclusie dat euthanasie moet worden verboden door de wet. Hij spreekt zichzelf echter tegen door vervolgens te zeggen dat euthanasie moet worden gedoogd.

Welke rol heeft de arts volgens de heer Thissen? De autonomie van de patiënt is belangrijk. De patiënt heeft het recht de vraag naar euthanasie te stellen. De autonomie van de arts bestaat in het recht van het antwoord. Alles in de handen van een arts leggen die in zijn eentje handelt, is niet aanvaardbaar. Tolereert de heer Thissen verder het huidige gedoogbeleid?

Is er een betere bescherming van de patiënt dan de vraag naar euthanasie van de patiënt zelf te laten uitgaan en niet van de gemeenschap? Wat zou er gebeuren als de gemeenschap erover bestlist?

M. René Thissen (PSC). - Je voudrais simplement indiquer qu'il est évident que la demande doit émaner du patient. Ce que j'ai essayé de démontrer, c'est que les pressions extérieures risquent de devenir extrêmement importantes à un moment donné. Je n'ai jamais dit que le médecin devait être seul mais qu'il fallait qu'il soit seul à prendre la décision finale après qu'il y ait eu demande du patient.

Nous proposons que la question soit réglée par le truchement de l'arrêté royal n°78 qui organise le contrôle a posteriori et met donc le médecin devant ses responsabilités. Notre crainte est que la proposition que nous discutons aujourd'hui ne mène à une déresponsabilisation du médecin parce qu'elle fixe des conditions à l'euthanasie.

La tolérance, nous la défendons à tous crins. Nous demandons à ce que la fin de la vie soit encadrée, ainsi que le médecin, dans sa prise de décision.

La proposition que l'on nous soumet aujourd'hui ne reprend pas explicitement l'apport de l'équipe de soins palliatifs à la prise de décision. Cela nous paraît pourtant essentiel. L'approche doit être pluridisciplinaire, le médecin prenant la décision finale et restant libre de la prendre ou non, et donc de refuser de pratiquer une euthanasie.

De heer Jan Remans (VLD), corapporteur. - In het wetsvoorstel ligt de eindbeslissing bij de arts. Euthanasie moet niet in de strafwet worden opgenomen want het is geen misdaad, geen moord.

De heer Thissen stelt dat de procedure te moeilijk is maar wat hij voorstelt is nog moeilijker.

Mevrouw Jacinta De Roeck (AGALEV). - De heer Thissen is vandaag niet enkel erg cynisch over de afwezigheid van senatoren, maar ook over de afwezigheid van patiëntenrechten.

Er bestaat een ontwerp over patiëntenrechten. Het werd in de Kamer besproken, er werden hoorzittingen en rondetafelgesprekken omtrent georganiseerd en het is voor advies ingediend bij de Raad van State. Een wetsontwerp over patiëntenrechten kan dus binnenkort worden verwacht.

Na twee jaar regeerperiode is er ook een plan omtrent palliatieve zorg waarvoor een budget is uitgetrokken. Dat zijn toch positieve realisaties.

M. René Thissen (PSC). - Je crains que vous ne m'ayez pas bien entendu. J'ai, en effet, indiqué qu'il était absolument indispensable d'avancer, et rapidement, dans la formalisation des droits du patients.

Lorsque nous y arriverons, nous aurons fait une grande avancée dans la défense du patient jusqu'aux derniers moments de sa vie. Nous ne sommes pas cyniques. Nous sommes demandeurs de la finalisation de ce texte sur les droits des patients.

Mevrouw Jacinta De Roeck (AGALEV). - Ik ben blij dat de heer Thissen ook vragende partij is voor een wet over de patiëntenrechten. Ik wil enkel beklemtonen dat ik er verheugd over ben dat na twee jaar regeerperiode, er eindelijk een wet over de patiëntenrechten tot stand zal komen. Dat vragen wij al lang.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - J'ai bien entendu l'éternel couplet de M. Thissen sur le risque d'euthanasie économique et sur le danger de donner un mauvais signal à ceux qui s'efforcent de limiter les dépenses de sécurité sociale des personnes âgées.

J'aimerais que M. Thissen et le PSC restent cohérents. Dans la commission de bioéthique, par exemple, là où nous luttons pour permettre certaines recherches sur l'embryon pour sauver des vies et vaincre des maladies, le PSC traîne les pieds. Il faut savoir ce que l'on veut. Si vous défendez cette thèse de défense de la vie ici, vous devriez nous aider à la commission de bioéthique. Or je constate que systématiquement à propos de la recherche sur l'embryon, vous y êtes en rupture.

M. René Thissen (PSC). - Je voudrais dire à M. Monfils que nous connaissons son refrain. À chaque discussion de propositions, nous retrouvons une certaine forme d'intolérance dans ses propos. Selon lui, il y aurait des conservateurs incapables de sortir d'un certain type de réflexion.

Je pense au contraire que nous avons fait beaucoup de chemin dans la réflexion. Nous essayons d'avoir une vision la plus large possible. La bioéthique fera l'objet d'un autre débat, ne mélangeons pas tout ! Nous sommes preneurs de tous les débats, notamment sur le suicide assisté, même si aujourd'hui nous disons clairement que nous refusons d'associer toute réflexion à ce sujet au débat sur l'euthanasie.

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à raisonner de cette façon. Cela ne signifie pas que l'on soit progressiste ou conservateur suivant que l'on soit pour l'une ou pour l'autre position. Nous essayons de mener une réflexion avec nos propres critères auxquels nous avons droit, comme vous avez droit aux vôtres.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - C'est une réflexion qui n'a aucune logique !

M. Philippe Mahoux (PS). - Dans l'exposé de M. Thissen, j'ai entendu quelques propos dont beaucoup sont connus, je pense. Des divergences, des oppositions existent effectivement. Les principes qui sous-tendent ces positions inconciliables doivent être constatés dans une saine démocratie.

Mais je voudrais faire une remarque sur les intellectuels et la situation socioéconomique des patients en fin de vie. Au début de nos débats, voici environ 18 mois, un médecin responsable d'une des associations que vous avez citée dans votre intervention, monsieur Thissen, a dit que la problématique de l'euthanasie concernait quelques intellectuels, et je me demande même s'il ne les a pas situés à Bruxelles. On voit depuis 18 mois ce dont il s'agit. On constate que l'ensemble de la population est concernée et qu'elle précédait, dans sa préoccupation, le travail que nous avons fait.

Deuxième remarque : ce serait à mes yeux une vision malthusienne de laisser croire que c'est en fonction du niveau des études et des revenus que l'on peut avoir une réflexion sur sa propre mort ou sur les conditions d'une mort digne. Je ne peux pas et je ne veux pas rentrer dans cette logique. Je crois que tout être humain, quelle que soit sa condition sociale et sa formation, a réfléchi à sa propre existence, à ce que peuvent être la mort, le sentiment de souffrance et celui de déchéance. Imaginer que cette réflexion, et donc les demandes formulées, seraient uniquement le fait de personnes qu'on supposerait intellectuellement formées est une approche qui ne correspond pas à la réalité.

Dans les débats que nous menons depuis deux ans et auxquels vous avez participé, les intervenants qui nous ont contacté et qui vous ont peut-être contacté de manière directe, ont-ils écrit des traités philosophiques sur la vie, la mort et la souffrance ? En réalité, ces gens savent que, finalement, c'est leur problème et que la qualité de leur réflexion, de leur demande et de leur préoccupation n'est pas liée à leur formation ni à leur situation sociale.

M. René Thissen (PSC). - Je pense effectivement qu'il n'est pas nécessaire d'avoir fait des études ou d'avoir écrit des traités pour avoir réfléchir à la mort.

Il ne faut pas non plus verser dans la naïveté et dire que toutes les situations sont les mêmes ou que les conditions socioéconomiques n'ont pas d'influence déterminante sur la capacité de réflexion de certaines personnes. Certaines personnes sont plus faibles que d'autres.

Je sais qu'il n'est facile de parler de la qualité de la vie. Il faut toutefois admettre que certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres et notre souci est de tout mettre en oeuvre pour les protéger en cas de difficulté.

Mme la présidente. - Nous poursuivrons nos travaux cet après-midi à 14 h 15.

(La séance est levée à 13 h 10.)