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19 JUIN 2001
Le ministre déclare que les deux projets de loi (nº 2-679/1 et nº 2-680/1) doivent être lus conjointement et que la réforme proposée s'inspire de la réforme de l'élection des Chambres fédérales et du Conseil de la Communauté germanophone et de celle des conseils provinciaux, des conseils communaux et du Parlement européen.
Cette réforme a pour objectif un renforcement et une amélioration de la démocratie citoyenne voulus par l'accord du gouvernement. Le citoyen pourra mieux déterminer qui le représentera. La pondération du vote en case de tête favorisera en outre la représentation politique des femmes puisque les suffrages émis en leur faveur acquérront un poids plus élevé.
Cette mesure vise également à créer un changement de mentalité et à encourager le citoyen à s'intéresser davantage à la chose publique.
Les projets soumis à examen tendent à mettre en oeuvre cette réforme pour l'élection des conseils de région. Étant donné qu'il faut modifier tant des lois spéciales (loi spéciale du 8 août 1980 et loi spéciale du 12 janvier 1989) que des lois ordinaires (lois relatives à l'élection des conseils régionaux), il faudra une intervention tant du législateur spécial que du législateur ordinaire.
Le projet de loi spéciale modifie :
a) la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, telle que modifiée par la loi du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'État, pour ce qui concerne l'élection du Conseil flamand et du Conseil régional wallon;
b) la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises pour ce qui concerne l'élection du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.
Le projet de loi tend à réduire de moitié l'impact des votes exprimés en case de tête de manière que la dévolution des sièges au sein d'une même liste se fasse en tenant compte davantage des voix de préférence obtenues par les candidats sur la liste. Il en résultera une plus grande égalité de chances entre candidats ainsi qu'une réactivation du débat d'idées auquel aspire le citoyen.
Dans le système proposé, les votes de liste favorables à l'ordre de présentation continuent à être comptabilisés pour le calcul du chiffre électoral mais ne sont pris en considération qu'à concurrence de la moitié pour les opérations de dévolution des sièges entre les candidats de la liste.
Le projet supprime également la distinction entre candidats titulaires et candidats suppléants, comme c'est déjà le cas pour les élections communales et provinciales ainsi que pour l'élection du Conseil de la Communauté germanophone. Pour ces trois éléctions, il n'y a en effet pas de candidats à la suppléance.
Pour la désignation des élus suppléants au Conseil flamand, au Conseil régional wallon et au Conseil de Bruxelles-Capitale, il sera procédé, comme dans l'état actuel de la loi, à une nouvelle attribution individuelle par dévolution aux candidats non élus, du même nombre de votes de liste favorables à l'ordre de présentation, c'est-à-dire de la moitié du nombre de bulletins marqués dans la case de tête. Cette nouvelle attribution se fera de la même manière que pour la désignation des élus, c'est-à-dire à concurrence chaque fois de ce qui est nécessaire pour atteindre le chiffre d'éligibilité spécifique à chaque liste mais en commençant par le premier des candidats non élus, dans l'ordre de présentation.
Le mode de détermination du chiffre d'éligibilité n'est pas modifié par le présent projet de loi. Il s'obtient en divisant le chiffre électoral de la liste par le nombre de sièges attribués à celle-ci, majoré d'une unité.
Le projet de loi spéciale innove également sur un autre point : pour toute liste comprenant au moins un élu, tous les candidats non élus seront proclamés suppléants suivant la procédure ci-avant exposée. Dans l'état actuel de la loi, le nombre d'élus suppléants ne peut en effet excéder le double de celui des élus de la liste, ni être inférieur à trois.
a) Discussion générale
Une membre conteste que la modification législative favorisera les femmes et l'équilibre en question, parce que la compétition entre les candidats ne fera que croître et qu'il en résultera un autre type de campagne électorale. Les candidats qui pourront investir dans des campagnes plus intensives en tireront profit.
L'intervenante souligne par ailleurs qu'une étude européenne en cours vise à mettre au point un meilleur système électoral au niveau européen, y compris en ce qui concerne l'équilibre entre hommes et femmes. Le cabinet du ministre ne dit mot de cette étude pourtant essentielle.
Il convient en outre de considérer une politique favorable aux femmes dans sa globalité. On pourrait compenser cette mesure en décrétant une alternance légale dans la composition des listes. Elle demande où en est à cet égard la proposition du gouvernement à laquelle la ministre Onkelinx a fait référence et dit appréhender la façon dont le gouvernement traite ce point.
Une commissaire rappelle que l'on a débattu pendant de longues heures de cette matière au cours de la législature précédente. On avait déjà demandé précédemment de supprimer les listes pour permettre aux citoyens d'élire réellement leurs représentants. Elle reste donc favorable à une suppression intégrale du vote de liste, qui doit certes entrer en ligne de compte pour l'attribution du nombre de sièges, mais pas pour la désignation des élus. Elle souhaite également que le système qui consiste à faire apparaître la liste distincte des suppléants sur la liste électorale soit modifié, de manière que celui qui a obtenu le plus de voix après les élus soit le véritable suppléant.
Il ne faut favoriser ni les hommes ni les femmes. Il faut réduire à néant l'impact du vote de liste. L'intervenante est convaincue que l'abolition du vote de liste permettra tant aux hommes qu'aux femmes d'être élus par leurs seuls moyens et que les citoyens verront de la sorte émerger les élus effectifs.
Une membre s'étonne du fait que l'on ne tienne pas compte des données scientifiques disponibles sur le sujet débattu. Une recherche intéressante concernant l'effet de la suppression de l'effet dévolutif de la case de tête sur l'élection des femmes a été réalisée et démontre qu'il n'y a pas de lien entre ces deux facteurs puisque cette suppression amène à des campagnes très organisées et sophistiquées qui défavorisent les femmes.
Il est évident qu'il faut améliorer la démocratisation et la transparence des partis politiques mais le projet de loi utilise les femmes comme alibi alors que la représentation des femmes s'inscrit dans un cadre beaucoup plus important.
La préopinante souligne que la société évolue. Dans le passé, on s'est battu pour que les femmes puissent être élues. À l'issue des dernières élections du bureau et des structures du parti de l'intervenante, les femmes détenaient la majorité absolue. Les hommes et les femmes ont les mêmes chances. Le temps où il existait une distinction entre hommes et femmes est révolu. Il n'est plus nécessaire de lancer des actions positives à cet égard. Le citoyen sait pour qui il doit voter, que ce soit un homme ou une femme.
Un autre membre déclare que son parti soutiendra le compromis, mais il souhaite apporter quelques nuances. Il est d'avis que la proposition de loi ne va pas favoriser l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.
Les membres du parti auquel il appartient sont divisés sur la question de savoir s'il faut ou non supprimer complètement ou partiellement les listes. Certains membres du parti qui sont moins bien connus pourraient être pénalisés par une telle mesure. On constate en effet que, dans bien des cas, l'ordre de présentation sur une liste est fonction de la notoriété des personnes concernées et qu'il ne tient pas compte du contenu réel de leur projet. C'est pourquoi la plupart des partis ont mis sur leurs listes des flamands et des wallons connus. L'intervenant craint que les candidats moins populaires mais compétents ne soient plus en mesure de se mesurer à leurs collègues en place. Si l'on supprime la liste des suppléants dans les circonscriptions provinciales, les candidats qualifiés mais moins populaires n'auront tout simplement plus aucune chance. Le membre apportera son soutien au compromis du gouvernement en dépit des craintes qu'il a exprimées.
Un membre souscrit à la thèse du préopinant et fait référence à une journée d'étude sur l'élection directe des bourgmestres qui a été organisée à Gand et au cours de laquelle plusieurs participants ont souhaité que l'on développe la démocratie, mais en se demandant si la nouvelle mesure en question visait vraiment cet objectif. Les campagnes électorales et le fait que l'on sélectionne des candidats célèbres montrent que la popularité joue un rôle important.
Mme Thijs annonce le dépôt de deux amendements tendant à prévoir une liste de cinq suppléants pour que l'on ne soit pas contraint d'organiser des élections intermédiaires au cas où il n'y aurait plus d'élus.
Une membre signale, en réponse à cette intervention, que la province de Namur, au cours de l'ancienne législature, a été confrontée à un manque de conseillers provinciaux et à un épuisement de sa réserve mais n'a cependant pas procédé à de nouvelles élections. Le conseil provincial a simplement siégé avec quelques conseillers de moins.
Un autre membre déclare qu'il n'est pas favorable à la suppression complète de l'effet dévolutif. Un compromis acceptable serait d'en réduire l'effet de moitié. Il doit encore y avoir des places éligibles pour que les candidats moins populaires, qui accomplissent néanmoins un bon travail parlementaire, puissent également entrer en ligne de compte. Il ne croit pas au principe selon lequel seul l'électeur détient la vérité.
En ce qui concerne les petites listes, il est partisan d'une circonscription provinciale, car la suppression des suppléants n'entraînera que des problèmes.
Encore un membre estime que différents débats sur la parité se sont entremêlés au cours de la discussion. Il maintient et souhaite redéfendre la suppression totale des cases de tête, même si cela entraîne plus de compétition au sein des partis politiques. Selon lui, on a tendance à oublier le fossé qui sépare le monde politique des citoyens, ainsi que l'amertume des citoyens qui ont l'impression que leurs votes ne changeront rien.
Il faut donc franchir cette étape aujourd'hui en se rappelant le contrat proposé au citoyen par le biais des assises de la démocratie et d'une série de déclarations promettant une meilleure écoute du citoyen.
La commission du renouveau politique, qu'il considère comme morte, est déjà un reniement de ce qui a été promis et risque de décevoir le citoyen. Il est conscient des difficultés du système qu'il propose, lesquels pourront éventuellement être corrigées mais il estime que c'est une bonne proposition pour la décennie qui vient.
Une membre souligne que le problème du manque d'élus se pose surtout sur les listes provinciales, en différents endroits, mais beaucoup moins sur les autres listes. Elle n'a pas d'objection aux amendements de Mme Thijs.
L'auteur des amendements déclare qu'un certain nombre de problèmes peuvent surgir au cours d'une législature : décès d'un élu, acceptation d'un emploi incompatible avec le mandat exercé, ... À ce moment-là, une liste de suppléants est bien nécessaire.
Le ministre souligne que le problème des petites circonscriptions est réel et qu'en cas d'épuisement des réserves, le Conseil d'État a jugé qu'il fallait organiser des élections extraordinaires. Le ministre préfère que le problème soit réglé pour l'ensemble des assemblées après le vote des projets à l'examen et qu'une proposition de loi pour l'ensemble des assemblées soit déposée.
Un membre estime qu'en cas de choix en matière de décumul de mandats, où certains cumuls ne seront plus permis, cela provoquera de nombreuses difficultés.
Selon un membre, le voeu du ministre d'examiner la proposition pour l'ensemble des assemblées n'est pas réalisable. Il est en effet impossible de parvenir à un accord pour toutes les assemblées dans un délai raisonnable. Les élections législatives sont les seules élections pour lesquelles le problème peut se poser rapidement et où le délai des élections n'est pas fixé. Il est irresponsable de réaliser ce qui est proposé sans régler le problème de la suppression des suppléants. Avant que la Chambre ne vote le présent projet, le gouvernement doit déjà avoir élaboré une solution pour les élections législatives. L'intervenant s'oppose à une procédure dans laquelle tout doit être réglé en une seule fois parce que cela posera des problèmes.
b) Discussion par article
Article premier
Cet article ne donne lieu à aucune observation.
Article 2
Mme Thijs dépose un amendement nº 1 prévoyant de compléter l'alinéa 2 par les mots « plus cinq ».
Il s'agit en effet d'éviter que par suite de la loi en projet, des élections intermédiaires doivent être organisées faute de suppléants. Il est donc proposé qu'une liste puisse comprendre cinq candidats de plus que le nombre de membres à élire. La formule proposée est une possibilité et non une obligation, de sorte qu'elle ne porte pas atteinte au droit démocratique qu'ont les citoyens de se porter candidat aux élections. Cette proposition est d'ailleurs de nature à accroître l'engagement des citoyens.
Le ministre réitère son point de vue et confirme qu'il préfère que le problème soit réglé par proposition de loi séparée, pour l'ensemble des assemblées.
Articles 3 et 4
Ces articles ne donnent lieu à aucune observation.
Article 5
M. Dallemagne dépose un amendement nº 3 tendant à supprimer les mots : « Préalablement à la désignation des élus, ... jusqu'à ce que la moitié du nombre de bulletins marqués de la case de tête soit épuisée. »
Selon l'auteur de l'amendement, il faut supprimer totalement l'effet dévolutif de la case de tête afin de donner plus de poids aux choix opérés par les électeurs afin d'assurer une plus grande transparence du système électoral. Ces voix ne devraient être comptabilisées que pour la répartition des sièges entre les listes et ne plus être prises en considération pour l'attribution des sièges aux candidats. Seuls les candidats qui obtiendraient le plus de voix de préférence seraient alors élus, et ce quelle que soit leur place sur la liste.
Le ministre signale que l'amendement vise à obtenir la suppression totale de l'effet dévolutif de la case de tête. Ceci n'est pas conforme à l'accord du gouvernement qui ne prévoit que la réduction de moitié de l'effet dévolutif. Le ministre demande dès lors le maintien du projet de loi initial.
Une membre déclare que la proposition de M. Dallemagne a déjà été faite auparavant par le VLD et qu'elle peut dès lors souscrire, elle aussi, à la suppression totale de l'effet dévolutif. Mais comme il s'agit d'un compromis gouvernemental et que gouverner c'est pratiquer le donnant, donnant, son parti se range au compromis adopté par le gouvernement.
Une membre s'étonne du caractère démagogique et antidémocratique de cet amendement, au vu des différents travaux réalisés par le PSC. L'incapacité de certains partis d'organiser une démocratie interne semble les obliger à se lancer dans des discours anti-idéologiques alors que le débat politique est précisément un débat idéologique où des choix doivent être faits et s'expriment à travers les partis politiques. On peut estimer que les structures internes et le fonctionnement des partis ne sont pas suffisamment organisés et démocratiques mais de là à créer un système de démocratie directe, il y a une marge. C'est même une erreur grossière.
Toutes les études du CRISP démontrent, en effet, qu'un tel système ne crée pas plus de démocratie mais engendre un système où le débat politique est effacé et où le caractère exclusivement médiatique d'un candidat l'emporte.
La déclaration de gouvernement limite les dégâts en prévoyant une réduction de moitié de l'effet dévolutif.
Si les partis entendent réformer leurs structures internes, c'est leur droit mais ils n'ont, par contre, pas le droit d'imposer une dépolitisation de la société.
Un membre rappelle qu'il s'agit d'une proposition du PSC qui date du congrès sur la démocratie de 1998. Il faut se rappeler que chacun des partis s'est interrogé sur la manière de réconcilier le citoyen avec la politique. Il est vrai qu'il y a peut-être d'autres moyens pour faire en sorte que le citoyen pèse davantage sur le choix des élus.
Peut-être que la mesure qu'il propose doit être corrigée pour certains effets qu'elle engendre, tel que le marketing politique qui est un problème dans la démocratie d'aujourd'hui.
Il estime cependant qu'il faut faire confiance au citoyen et qu'il faut tenter de corriger les errements de la démocratie, tels que l'influence de l'argent et du marketing sur notre système démocratique. Il est trop facile de considérer que la suppression totale de l'effet dévolutif nuirait à la démocratie. Il vaut mieux accepter ce système tout en corrigeant ses effets pervers et de faire confiance aux citoyens.
Il est affligé de voir que la commission du renouveau politique est dans l'impasse et que tout ce qui a été promis au citoyen pour améliorer la démocratie n'a pas eu de suite. La suppression totale de l'effet dévolutif est donc un signal fort envers le citoyen pour restaurer sa confiance.
Article 6
M. Dallemagne dépose un amendement nº 4 tendant à supprimer l'article 6 du projet de loi spéciale.
La justification est identique à celle de l'amendement nº 3.
Article 7
Cet article ne donne lieu à aucune observation.
Article 8
Cet article ne donne lieu à aucune observation.
Article 9
Mme Thijs dépose un amendement nº 2 visant à compléter l'alinéa 2 par les mots « plus cinq ».
La justification est identique à celle de l'amendement nº 1.
Articles 10 à 16
Ces articles ne donnent lieu à aucune observation.
c) Vote par article
Article premier
L'article est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
Article 2
L'amendement nº 1 est rejeté par 10 voix contre 1.
L'article est adopté par 9 voix et 2 abstentions.
Article 3
L'article est adopté par 10 voix et 1 abstention.
Article 4
L'article est adopté par 10 voix et 1 abstention.
Article 5
L'amendement nº 3 est rejeté par 11 voix contre 1.
L'article est adopté par 11 voix et 1 abstention.
Article 6
L'amendement nº 4 est rejeté par 10 voix contre 1 et 1 abstention.
L'article est adopté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.
Article 7
L'article est adopté par 11 voix et 1 abstention.
Article 8
L'article est adopté par 10 voix et 2 abstentions.
Article 9
L'amendement nº 2 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'article est adopté par 9 voix et 3 abstentions.
Articles 10 à 16
Ces articles sont adoptés par 11 voix et 1 abstention.
d) Vote sur l'ensemble
L'ensemble du projet de loi spéciale est adopté par 10 voix et 2 abstentions.
Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.
La rapporteuse, | La présidente, |
Jeannine LEDUC. | Anne-Marie LIZIN. |
Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet de loi spéciale
(voir le doc. Sénat nº 2-679/1 - 2000/2001)