2-368/2

2-368/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

25 JUIN 2001


Proposition de loi modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État, en ce qui concerne la nomination des conseillers d'État


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

31.244/AG


Le CONSEIL D'ETAT, section de législation, assemblée générale, saisi par le président du Sénat, le 2 février 2001, d'une demande d'avis, dans un délai ne dépassant pas un mois, sur une proposition de loi « modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État, en ce qui concerne la nomination des conseillers d'État » (doc. parl. Sénat, 1999-2000, nº 2-368/1), a donné le 9 mai 2001 l'avis suivant :

PORTÉE DE LA PROPOSITION

La proposition de loi soumise pour avis tend à modifier la procédure de nomination des conseillers d'État et des assesseurs auprès du Conseil d'État.

Selon la proposition, les conseillers d'État et les assesseurs seraient nommés dorénavant par le Roi, sur présentation d'une commission. Cette commission serait composée pour moitié de conseillers d'État, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État, et pour l'autre moitié, de membres extérieurs nommés par le Sénat à la majorité des deux tiers des suffrages émis.

La commission devrait faire ses présentations à la majorité des deux tiers des suffrages émis. Le Roi pourrait soit nommer le candidat présenté par la commission, soit inviter, par décision spécialement motivée, la commission à faire une nouvelle présentation.

OBSERVATION GÉNÉRALE

La compétence du Conseil d'État, section de législation, est limitée à l'examen des aspects juridiques du texte qui lui est soumis.

Dans l'examen de la proposition soumise, le Conseil d'État s'est donc particulièrement penché sur la conformité de la proposition avec des normes supérieures, sur la manière dont le texte est rédigé ainsi que sur la façon dont le texte proposé peut s'inscrire dans la législation existante.

Dans le cadre du présent avis, le Conseil d'État ne se prononce pas, par conséquent, sur les aspects de la proposition qui relèvent de l'opportunité.

L'examen ainsi limité donne lieu aux observations qui suivent.

EXAMEN DU TEXTE

Intitulé

La portée de la proposition serait plus clairement exprimée si les mots « en ce qui concerne la nomination des conseillers d'État » étaient remplacés par les mots « en ce qui concerne les conditions et la procédure de nomination des conseillers d'État et des assesseurs ».

Observation générale

Il ressort de la teneur de la proposition et de ses développements, que les auteurs se sont inspirés, pour élaborer le texte proposé, des dispositions du Code judiciaire relatives à la nomination des juges et des magistrats du ministère public. L'attention doit toutefois être attirée sur un certain nombre de divergences dont la justification manque de clarté :

­ en ce qui concerne la composition du « second groupe » de non-magistrats (article 70-4, alinéa 3, proposé, des lois coordonnées sur le Conseil d'État), la proposition ne reproduit pas les conditions mentionnées à l'article 259bis-1 du Code judiciaire relatives à la possession de la nationalité belge, la jouissance des droits civils et politiques, la production d'un certificat de bonne vie et moeurs ni la disposition relative à la présence de chaque sexe;

­ en ce qui concerne toujours la composition de ce « second groupe » de non-magistrats (article 70-4, alinéa 3, proposé), elle n'envisage pas de régime analogue à celui de l'article 259bis-2, § 5, du Code judiciaire pour ce qui est de la publication d'un appel aux candidats et des modalités d'introduction des candidatures;

­ en outre, il n'est pas prévu que des candidats extérieurs puissent être présentés pour siéger dans la commission, comme le fait l'article 259bis-2, § 2, alinéa 2, du Code judiciaire (présentation de certains candidats par les ordres des avocats ainsi que par les universités et les écoles supérieures);

­ en ce qui concerne le fonctionnement de la commission, la proposition n'envisage pas de règlement de l'emploi des langues analogue à celui de l'article 259bis-4, § 5, du Code judiciaire.

Article 70-4 proposé

Selon l'article 70-4, alinéa 3, 2º, proposé, cinq membres externes de la commission doivent posséder une expérience professionnelle « respectivement dans le domaine de la recherche en droit, dans l'administration et dans les milieux économiques, sociaux et associatifs ».

Si les Chambres législatives souhaitent maintenir le système de membres externes ayant une expérience professionnelle spécifique (1), il faudrait en tout cas préciser ce qu'il y a lieu d'entendre par les notions visées. Les termes « recherche en droit », « milieux sociaux » et « milieux associatifs » sont notamment à ce point vagues et ambigus que des problèmes peuvent se poser lors de l'application de la disposition proposée.

Article 70-8 proposé

L'alinéa 2 de l'article 70-8 proposé prévoit une incompatibilité avec, entre autres, « une charge publique d'ordre politique ».

Afin d'éviter qu'une telle disposition donne lieu à des problèmes d'interprétation lorsqu'il s'agit de l'appliquer, il serait préférable d'énumérer les fonctions, mandats et charges concernés de manière expresse et limitative.

Article 70-15 proposé

Selon l'article 70-15, alinéa 2, 2º, proposé, les candidats à une fonction de conseiller doivent introduire deux contributions originales en rapport avec des questions qui relèvent respectivement de la compétence de la section de législation et de celle de la section d'administration.

Si les Chambres législatives souhaitent maintenir la condition portant sur une ou plusieurs contributions écrites (2), il faudrait préciser l'objet de ces contributions. Le texte proposé ne spécifie pas, par exemple, s'il s'agit de questions juridiques sur lesquelles les sections visées peuvent donner un avis ou prononcer un arrêt, ou s'il s'agit de questions ayant trait à la compétence et la procédure de ces sections.

Article 70-18 proposé

Selon l'article 70-18 proposé, c'est à la majorité des deux tiers des suffrages émis que la commission doit donner son avis sur chaque candidat et présenter l'un des candidats à la nomination.

Il y a lieu de signaler que la condition d'une majorité des deux tiers dans une telle situation, où une décision doit être prise pour chacun des candidats séparément, implique le risque qu'il n'y aura pas, à certains moments, de majorité ni, partant, de décision. Afin d'y remédier, il faudrait prévoir soit une majorité simple, soit un mécanisme de rechange pour le cas où la majorité des deux tiers ne serait pas atteinte.

Article 70-19 proposé

Dans le texte français, les mots « spécialement » et « sur ce point » et dans le texte néerlandais, le mot « speciaal » peuvent être omis, dès lors que ces mots n'ajoutent rien à l'obligation de motiver.

Article 70-21 proposé

Dans le texte néerlandais, les mots « en de kamervoorzitters » doivent être remplacés par « , de kamervoorzitters en de staatsraden ».

Article 80 proposé

1. Concernant l'article 80, alinéa 3, 2º, proposé, on se reportera à l'observation faite sous l'article 70-15 proposé.

2. Dans le texte néerlandais de l'article 80, alinéa 4, proposé, les mots « 74, tweede tot vierde lid » sont à remplacer par les mots « 74, tweede en vierde lid ».

L'assemblée générale était composée de :

M. W. DEROOVER, premier président;

M. R. ANDERSEN, président du Conseil d'État;

M. M. VAN DAMME, président de chambre;

MM. Y. KREINS, D. ALBRECHT, P. LEMMENS, P. LIENARDY, J. BAERT, Ph. QUERTAINMONT, J. SMETS et P. VANDERNOOT, conseillers d'État;

MM. G. SCHRANS, F. DELPÉRÉE, J. van COMPERNOLLE, J.-M. FAVRESSE, H. COUSY, J. KIRKPATRICK et A. SPRUYT, assesseurs de la section de législation;

Mme D. LANGBEEN, greffier en chef.

Les rapports ont été présentés par MM. X. DELGRANGE, auditeur et B. WEEKERS, auditeur adjoint. Les notes du Bureau de coordination ont été rédigées et exposées par MM. P. BROUWERS, référendaire et L. VAN CALENBERGH, référendaire adjoint.

La concordance entre la version néerlandaise et la version française a été vérifiée sous le contrôle de M. P. LEMMENS.

Le greffier, Le premier président,
D. LANGBEEN. W. DEROOVER.

(1) Il s'agit ici d'une question d'opportunité sur laquelle le Conseil d'État ne se prononce pas dans le cadre du présent avis (voir l'observation générale ci-dessus).

(2) Il s'agit de nouveau d'une question d'opportunité sur laquelle le Conseil d'État ne se prononce pas.