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M. Jean-François Istasse (PS). - La situation financière des communes est particulièrement préoccupante ; je ne vous apprends rien.
À côté du rôle traditionnel des communes et des nombreuses charges que ce rôle suppose, en ce compris les charges du passé de communes déjà insuffisamment pourvues, de nouvelles obligations sont venues récemment grever ou sont sur le point de grever les finances communales de façon plus que significative. Je pense évidemment aux charges supplémentaires que représente la réforme des polices, réforme décidée au plan fédéral. Le ministre de l'Intérieur est sans doute le seul à croire que cela ne coûtera rien de plus aux communes que ce qui est annoncé à l'heure actuelle.
Je pense aussi au relèvement de la rémunération des mandataires locaux qui, il faut le rappeler, est issu d'une loi fédérale que nous avons voulue et qui n'a pas, jusqu'à présent, trouvé de compensation financière. Il serait pourtant justifié que les charges nouvelles imposées par le pouvoir fédéral soient compensées par ce même pouvoir. Le strict minimum serait, à ce propos, que le précompte professionnel retenu sur ces rémunérations soit ristourné aux communes qui le payent, de sorte qu'elles ne supportent que la charge nette de cette augmentation. Celle-ci pèse particulièrement lourd dans les petites communes.
Le relèvement du minimex - que nous pouvons applaudir par ailleurs - constitue également une charge supplémentaire indirecte pour les communes au travers des comptes des CPAS. Cette charge nouvelle devrait être intégralement compensée.
Enfin, cerise sur le gâteau, la réforme fiscale entraînera au total, de façon automatique, une perte fiscale de quelque 9 milliards d'additionnels pour les communes, perte encore une fois non compensée. L'argument selon lequel l'accroissement de la fiscalité a précédemment entraîné de la même façon une augmentation des ressources communales ne peut être retenu. Celui-ci n'a eu pour les communes qu'un impact réduit et progressif et a finalement atteint un équilibre qui est précisément mis en péril.
Toutes ces charges nouvelles et ces moins-values risquent de faire plonger les finances de nombreuses communes.
Pour éviter cette évolution désastreuse, plusieurs pistes ont été explorées au niveau fédéral, et en particulier en matière fiscale. La plupart, malheureusement, semblent au point mort et l'on attend avec une impatience grandissante la suite qui leur sera donnée. C'est sur ces points que j'aurais voulu savoir où l'on en est. Cette réflexion n'empêche nullement une réflexion simultanée au niveau des régions.
Premièrement, j'ai déjà évoqué la question du précompte professionnel des mandataires. La ristourne de ce précompte aux communes permettrait en effet de compenser au moins partiellement la charge supplémentaire imposée par le fédéral. À défaut, c'est au contraire à un refinancement du fédéral par les communes que l'on assisterait puisqu'il s'agirait d'un accroissement de ressources fiscales fédérales financé par des moyens communaux, ce qui serait un comble !
Deuxièmement, notre collègue Anne-Marie Lizin a déposé une proposition de loi visant à supprimer les 3% retenus par le pouvoir fédéral sur les additionnels dus aux communes. Je ne reviendrai pas sur la pertinence déjà abondamment commentée en ce lieu de cette mesure, qui se justifie par le retard endémique des paiements dus aux communes et par la réalité des coûts de perception, bien en deçà du forfait retenu. Je rappellerai seulement que cette proposition a été adoptée ici même à l'unanimité par l'ensemble des groupes de notre assemblée. Et ce n'était pas par distraction ! Or, le projet est maintenant retenu à la Chambre, à la demande, dit-on, du gouvernement, ce qui me semble injustifié. Il serait temps de faire aboutir ce dossier qui donnerait aisément aux communes un ballon d'oxygène particulièrement bienvenu. Nous sommes intervenus en ce sens à la commission de concertation Chambre et Sénat, qui a été sensible à cet argument en ramenant de 60 à 30 jours le délai d'examen par la Chambre du projet de loi.
Troisièmement, les communes ont, par l'intermédiaire d'une délégation de leurs bourgmestres, demandé une diminution de la TVA sur les travaux qu'elles effectuent. Ce dossier, qui fait l'objet d'un examen par un groupe de travail, ne semble pas avancer d'avantage. Je suis évidemment soucieux de savoir ce qu'il en est.
Quatrièmement, dans un registre parafiscal, les communes ont également demandé de pouvoir bénéficier d'une réduction des charges patronales, à l'instar de ce qui a été réalisé dans le secteur privé. Ici encore, un groupe de travail chargé de la question ne semble guère pressé d'aboutir et je suis soucieux de savoir ce qu'il en est exactement.
Cinquièmement, on en revient directement à votre département. En effet, les communes connaissent d'importants problèmes de trésorerie par suite du retard de la perception de leurs additionnels, retard dû à un retard dans l'enrôlement et le recouvrement des impôts fédéraux.
Interrogé sur cette question par M. Mahoux ici même, le 7 décembre 2000, vous imputiez ce retard à un problème informatique et vous annonciez que son rattrapage était en bonne voie. Mes informations semblent inciter à moins d'optimisme. Or, pendant ce temps, les problèmes de trésorerie des communes ne s'arrangent guère, avec les inévitables surcoûts qu'une telle situation entraîne, dus, notamment, à l'obligation d'emprunter pour faire face aux paiements, ce que M. Mahoux vous avait déjà exposé.
Après une amélioration sensible dans les versements fédéraux aux communes l'an dernier, on semble être revenu à présent à une situation aussi catastrophique qu'il y a deux ans.
Il me semble, sur ce point, qu'il serait grand temps de trouver une solution soit sous la forme d'une avance sur les additionnels, ce qui résoudrait les problèmes de liquidités des communes - ce raisonnement peut d'ailleurs également être tenu pour les CPAS dans les matières qui sont les leurs - soit sous la forme d'un dédommagement pour les surcoûts encourus, en particulier les intérêts et frais des emprunts.
Il me semble aussi qu'il serait intéressant de confier à un organisme indépendant le soin d'établir la situation exacte de ce qui est dû aux communes afin d'éclaircir une situation passablement embrouillée, voire de confier à celui-ci une mission de contrôle permanent en la matière. Le PS a déjà demandé l'examen d'une solution de ce type.
Dans le même ordre d'idée, il serait opportun que la réorganisation des services fiscaux aille dans le sens d'une meilleure information. Il est temps que l'État fédéral améliore la prévision des recettes de l'année et dispose d'un information rapide, effective et utilisable sur les recettes perçues.
Ce dernier point est en effet de la plus grande importance pour les communes qui sont pour l'instant incapables, faute d'informations suffisamment précises de l'administration fédérale, d'évaluer correctement leurs recettes pour les années à venir. Elles sont dès lors obligées, pour établir des plans financiers de plus en plus précis qui leur sont réclamés par leur tutelle, d'utiliser les montants perçus durant les années antérieures. Or, ces montants sont parfois sensiblement éloignés de la réalité et les plans financiers pluriannuels sont donc souvent particulièrement aléatoires et peu fiables.
Les hôpitaux connaissent un problème similaire et même encore plus grave, puisqu'ils sont incapables de connaître leurs recettes actuelles, fondées sur les taux de journées, et cela même sur une année entière, avec des surprises de taille lors des ajustements rétroactifs, cinq à six ans plus tard, en positif ou en négatif. Cette situation nuit évidemment à la prévisibilité et donc à la gestion, avec le risque énorme que cela suppose pour les nombreuses communes engagées derrière les hôpitaux, notamment au travers d'intercommunales.
Comment après cela faire le reproche de management insuffisant aux pouvoirs locaux ?
Je suis conscient que tous ces problèmes concernent l'ensemble du gouvernement et je ne veux certainement pas accabler votre seul département.
Pour terminer, je voudrais aborder un problème fiscal qui touche indirectement mais réellement les communes. Je veux parler du cadastre.
La dernière péréquation cadastrale a été appliquée à partir du 1er janvier 1980, soit il y a plus de 20 ans, mais cette dernière a toutefois été établie sur la base d'une époque de référence fixée au 1er janvier 1975. Certes, ces revenus cadastraux sont indexés depuis 1991. Certes, aussi, une révision a eu lieu périodiquement pour certains immeubles neufs ou notablement modifiés.
Il n'empêche que l'établissement de ce revenu sur une base vieille de plus de 25 ans conduit évidemment à des injustices flagrantes dans la valeur relative de certains immeubles, parfois assez proches, et ensuite, de manière générale, à une sous-estimation des biens immobiliers, ce qui a une incidence néfaste, et c'est principalement là que je veux en venir, sur les ressources fiscales immobilières des communes. Il appartient certes aux régions de se porter en premier lieu au secours des communes. Mais il serait injuste que le gouvernement fédéral s'en désintéresse - je ne dis pas que c'est nécessairement le cas - en se réfugiant derrière les découpages de compétences de notre État fédéral. Il est en effet à l'origine d'une partie non négligeable du problème des communes ! En outre, il me paraîtrait inacceptable de pousser indirectement de nombreuses communes dans la voie des augmentations des impôts locaux au moment où, au fédéral, on s'engage - et nous vous soutenons résolument - dans des réductions fiscales ! Le citoyen, qu'il soit contribuable fédéral ou local, n'y comprendra plus rien, ce qui n'est pas de nature à relever notre crédibilité générale !
En conclusion, j'ai relevé un certain nombre de points sur lesquels non seulement une réflexion, mais surtout une action s'impose d'urgence, me semble-t-il, sur le plan fédéral, en concertation avec les régions, afin que la commune reste ce lieu de démocratie proche du citoyen auquel nous tenons tous particulièrement.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je reprendrai, en guise d'introduction, la formule de conclusion de M. Istasse. Nous sommes unanimes à souhaiter que la commune reste le lieu vivant proche. Nous souhaitons probablement aussi que la commune conserve une part d'autonomie forte, si possible la plus forte, par rapport aux autres pouvoirs. Il n'est pas toujours simple d'assumer cette autonomie selon que la situation est plus ou moins favorable. Je constate que dans un certain nombre de cas, lorsque la situation est délicate, on plaide un peu moins en faveur de l'autonomie. J'y reviendrai à propos de certaines mesures, en matière fiscale notamment. Je crois que M. Istasse soulève à juste titre le problème des difficultés financières des communes. De nombreuses notes, émanant des différents gouvernements régionaux - wallon, bruxellois, flamand - sont produites à ce sujet. Le comité de concertation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements communautaires et régionaux a finalement décidé de charger un groupe de travail de l'examen de la problématique des finances communales et de présenter un rapport. Aucune échéance précise n'a été fixée mais le groupe de travail a été prié d'agir rapidement. Il s'agit de faire la lumière sur la totalité des flux entre les différents niveaux de pouvoir. Le groupe de travail devra donc dresser un inventaire des transferts entre les différents niveaux de pouvoir et vérifier si le pouvoir fédéral, par exemple, ou d'autres, éventuellement, imposent des charges supplémentaires aux communes. Les points à traiter sont notamment relatifs à la réforme des polices, à la réforme fiscale, à l'accueil des réfugiés, au plan Rosetta, à la libéralisation du marché de l'énergie. Dans chaque cas, il est possible d'examiner quels sont les transferts vers les communes ou des communes vers d'autres niveaux de pouvoir. Le groupe de travail plénier est placé sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur. Il doit assurer l'accompagnement de l'ensemble des sous-groupes, chacun présidé par le ministre compétent pour le problème traité. Le sous-groupe finances et fiscalité a remis un premier rapport le 23 mars 2001. Ce rapport a été considéré comme un rapport final destiné au groupe plénier. J'attends cependant que l'on puisse débattre de ce thème dans une nouvelle réunion du comité de concertation. J'espère que cela pourra se faire à bref délai.
Sans vouloir anticiper sur l'évaluation globale de la situation des communes, je voudrais approfondir quelques points concernant la fiscalité fédérale.
D'abord, je signale que des efforts importants ont été consentis récemment en vue d'améliorer les relations financières entre mon département et les communes. En avril 1999, le département des Finances devait encore des montants considérables aux communes en matière de recettes à l'impôt des personnes physiques, additionnels communaux. Au terme d'un audit interne et d'un contrôle effectué par la Cour des comptes, l'arriéré a été fixé à 17 milliards. Dès mon entrée en fonction, je me suis promis d'apurer cet arriéré. Le 18 janvier 2001, nous avons finalement réussi à rembourser les 400 derniers millions aux communes. Cela signifie que ces dernières ont reçu 17 milliards supplémentaires - arriérés dus par l'État - étalés sur une période d'un an et demi. Personne ne pourra nier que ce remboursement, accéléré par rapport à tous les plans prévus antérieurement, a eu et aura un impact favorable sur la situation financière des communes. Je souhaite, en outre, attirer l'attention sur le fait que la réforme fiscale - d'aucuns l'ont suffisamment répété dans les assemblées - aura des conséquences budgétaires progressives dans le temps : les mesures entreront en vigueur sur plusieurs années et la réforme aura un effet intégral sur les revenus de 2004. Les communes savent donc, au préalable, ce qui va se passer sur le plan de cette réforme fiscale à l'impôt des personnes physiques et elles peuvent décider soit de suivre le pouvoir fédéral dans la diminution des charges fiscales sur le travail soit de prendre une autre orientation ; dans ce dernier cas, elles peuvent conserver les mêmes revenus qu'aujourd'hui, en appliquant une simple règle de trois et en usant de leur autonomie en matière de fiscalité locale. L'autonomie fiscale des communes est ainsi respectée, ce qui n'est pas le cas si l'on demande au pouvoir fédéral de prendre une décision. Mais comme je l'ai déjà dit dans des débats précédents, si des mandataires communaux préfèrent abandonner leur autonomie face à ces discussions sur le poids de la fiscalité à l'égard du travail, nous devrons peut-être en débattre dans les assemblées fédérales. Je rappelle qu'il n'y a aucune automaticité inéluctable pour les communes à voir leurs recettes diminuer. Je vous avoue que je serais très heureux de constater que d'autres niveaux de pouvoirs, régionaux ou communaux, décident de s'engager dans la même voie que le gouvernement fédéral, c'est-à-dire la réduction des charges sur le travail - M. Istasse a lui-même évoqué la demande des communes de voir certaines charges sociales sur le travail diminuer. Il me paraîtrait quelque peu paradoxal de souhaiter voir ses propres charges, relatives à ses ouvriers ou employés, diminuer, mais continuer à estimer qu'il faut effectuer de lourds prélèvements sur le travail de ses concitoyens. Si les communes souhaitent abandonner leur autonomie fiscale en cette matière et demander au fédéral de prendre attitude, nous devrons certainement débattre de cette question. La réforme fiscale aura un effet de plus de 130 milliards de francs. Pour les communes wallonnes, par exemple, on situe l'effet, à terme, de la réforme à hauteur de 2 milliards.
Pour ce qui concerne le précompte professionnel, je rappelle que l'augmentation des rémunérations des bourgmestres et échevins a été adoptée au parlement, à la suite d'une initiative parlementaire, probablement avec l'appui d'un certain nombre de bourgmestres et échevins, y compris participant au vote des dispositions finales. Je suis surpris des réactions qui ont lieu aujourd'hui, car à l'époque, ayant pris part au débat, je ne me souviens pas que l'on ait beaucoup évoqué les difficultés que pourrait entraîner une telle augmentation sur les finances communales, mais surtout, que l'on ait évoqué des idées de transfert de moyens. Je peux comprendre qu'on le fasse aujourd'hui. Je voudrais simplement attirer l'attention des bourgmestres et échevins, notamment présents dans les assemblées fédérales, sur le fait qu'il faudra alors faire un choix.
On me demande, d'une part, d'imaginer un transfert pour compenser peut-être une partie de l'augmentation des revenus des bourgmestres et échevins. Je le répète, cette manifestation m'a surpris, car pour la première fois depuis mon entrée en fonction, je voyais des manifestants se plaindre d'être trop rémunérés. Mais d'autre part, on me demande d'adopter deux autres mesures : augmenter le montant de frais professionnels déductibles pour les mêmes bourgmestres et échevins. Il faudra tout de même savoir si l'on veut encore augmenter le revenu net des bourgmestres et échevins à travers cette majoration des frais professionnels déductibles ou si l'on envisage une mesure aidant directement la commune. On me demande également, par le biais d'une proposition de loi cosignée par plusieurs groupes à la Chambre, d'immuniser fiscalement les jetons de présence des conseillers communaux, de CPAS mais également provinciaux, si je ne m'abuse. Un choix devra être opéré. Veut-on privilégier le revenu net des élus à travers des incitants fiscaux ou veut-on aider les communes ? Je pourrais évidemment comprendre que l'on veuille faire les deux ; il n'y a pas de raison de ne pas mettre le fédéral à contribution dans toutes les directions.
Je suis plus attentif à certains autres débats.
Le premier concerne la proposition de Mme Lizin et la demande formulée par un très grand nombre de responsables municipaux de supprimer la retenue de 3%. J'ai déjà fait remarquer au cours de la discussion au Sénat que l'État ne prélève de frais administratifs que sur un seul des impôts qu'il perçoit au profit des communes, l'impôt des personnes physiques. Les autres impôts sont perçus gratuitement. En outre, les frais ne sont calculés que sur la partie de l'impôt des personnes physiques qui revient aux communes. Je ne profiterai pas de la présence de mon collègue des Affaires sociales pour évoquer la comparaison, mais cette retenue de 3% est minime par rapport aux frais administratifs prélevés dans d'autres domaines. Ce taux de 3% sur une petite part des moyens gérés n'est pas élevé. Dans ce domaine, ma réflexion est toujours la même. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable de vouloir enregistrer des progrès à partir de ce seul élément isolé d'un dossier plus complexe ou plus large. Je n'ai jamais fermé la porte à un effort en la matière ; je crois simplement que vouloir progresser sur ce seul point n'est pas très raisonnable. C'est d'ailleurs le choix qui, à ce jour, a été fait par le gouvernement. En effet, lors du contrôle budgétaire, le prélèvement des 3% pour l'exercice 2001 a été maintenu intégralement. Le débat sera sans doute à nouveau ouvert lors des nouvelles discussions budgétaires du mois de juin, voire de la rentrée. Il aura aussi certainement lieu dans une prochaine réunion du comité de concertation. C'est ce que je confirmerai en commission des Finances de la Chambre, la semaine prochaine.
Pour l'instant, je ne vois pas, au sein du gouvernement, se profiler une décision en faveur d'une suppression immédiate de ces 3%. Je le répète, je ne suis pas opposé à une démarche qui probablement, sur plusieurs exercices, diminuerait le montant de ce prélèvement, mais dans un ensemble plus vaste de mesures fédérales, régionales et probablement locales, pour assainir la situation d'un certain nombre de villes et communes.
En ce qui concerne le taux réduit de TVA appliqué aux travaux que les communes effectuent à leur patrimoine, j'ai déjà confirmé que je suis tout à fait disposé à étudier des mesures allant dans cette voie, au-delà des dérogations déjà applicables, mais ces nouvelles mesures requièrent l'autorisation de la Commission européenne, voire du Conseil.
Je poursuivrai donc, comme je l'ai déjà fait pour d'autres aspects liés aux réductions de TVA, dans la voie d'une discussion avec les représentants de la commission, puis du conseil, lorsque nous arriverons à ce stade.
Vous avez également évoqué le rythme des transferts aux communes. Les communes ne devraient normalement pas subir de préjudice - vous avez raison sur ce point - du fait des fluctuations, parfois fortes, susceptibles d'intervenir dans les prélèvements, notamment à l'impôt des personnes physiques. Chacun doit supporter une part des vicissitudes liées à l'alimentation de la trésorerie. Plus je discute avec les représentants d'autres niveaux de pouvoir, plus j'entends dire que seul le fédéral devrait être soumis à ces vicissitudes.
Afin que les communes n'encourent aucun préjudice en ce qui concerne, en tout cas, l'enrôlement de l'impôt des personnes physiques, j'ai chargé l'administration du recouvrement d'accorder des avances sans intérêts sur les additionnels communaux : 2.672.597.999 francs le 19 février 2001, 10.462.433.258 francs le 20 mars 2001, et 5.647.255.946 francs le 19 avril. Ces montants ont été versés aux communes. Les montants des avances sans intérêts correspondent aux montants que les communes ont perçus aux mois de février, mars et avril 2000, au titre de recettes nettes après déduction de 3_ de frais administratifs.
Ces avances sans intérêts seront, bien entendu, récupérées sur les montants qui seront versés aux communes aux mois de mai, juin et juillet 2001. Ces montants sont en effet plus élevés que l'an dernier en raison du nombre plus important d'enrôlements effectués depuis le mois de mars 2001.
La situation est en effet telle, dans le système actuel, que les montants versés chaque mois aux communes par l'État fédéral varient fortement. Ces grandes différences peuvent entraîner des problèmes de trésorerie pour les communes. Celles-ci ne peuvent pas toujours - vous l'avez dit - programmer leurs recettes. Je suis disposé à examiner la manière de régler - de façon acceptable pour les finances fédérales - le problème en évitant les fluctuations trop fortes.
En ce qui concerne le comité de concertation, je propose - j'espère que nous pourrons aller dans cette voie - non de créer un nouvel organisme indépendant, mais de prévoir, au sein du Conseil supérieur des Finances, une section spécialisée en matière de pouvoirs locaux. Il serait assez logique que l'on dispose d'une section - associant d'ailleurs les pouvoirs locaux - à même de suivre, de manière plus précise, les flux financiers entre le département des Finances et les pouvoirs locaux, comme c'est le cas à l'égard des régions et communautés. Une telle façon de procéder me semble tout à fait saine.
Je rejoins donc votre préoccupation, mais en plaidant en faveur non de la création d'un organisme nouveau, mais de l'élargissement de la sphère de compétences du Conseil supérieur des Finances, notamment à travers cette technique d'une section spécialisée à l'égard des pouvoirs locaux, à laquelle les tutelles pourraient bien entendu être associées. Je pense évidemment aux pouvoirs régionaux.
Vous avez également évoqué l'idée d'une péréquation générale des revenus cadastraux. Il s'agit là d'une opération de très grande envergure. Comme vous, je constate qu'elle n'a jamais été réalisée sous les gouvernements précédents. Je vous confirme qu'une première démarche a déjà eu lieu - l'indexation des revenus cadastraux - mais qu'il n'entre pas dans l'intention du gouvernement d'organiser une péréquation générale. Ce n'est pas une priorité, en tout cas sous cette législature. Les régions devraient d'ailleurs - cela dépendra de l'un ou l'autre vote dans les prochaines semaines - disposer d'une marge de manoeuvre un peu plus grande en matière de fiscalité immobilière. C'est peut-être une façon, là aussi, de jouer un rôle, en ce compris à l'égard des communes.
Certaines de vos questions s'adressent plutôt à d'autres collègues, notamment au ministre des Affaires sociales ici présent, mais vont dans la même direction.
Doit-on, et de quelle façon, alléger les charges des pouvoirs locaux aujourd'hui, voire leur venir en aide par l'octroi de moyens supplémentaires ? Cette problématique est examinée par le comité de concertation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux et communautaires. J'estime qu'il faut tenter de présenter aux parlements une situation d'ensemble et de vérifier à quel point certaines mesures sont nécessaires ou indispensables pour venir en aide aux finances communales. Nous terminerons probablement cette analyse dans le courant du mois de juin avant les discussions budgétaires qui devront alors se mener au gouvernement fédéral.
Je vous ai dit quelles étaient les limites actuelles du débat au sein du gouvernement fédéral, notamment à propos des 3%. Mais je ne doute pas de la volonté des différents gouvernements et parlements de se diriger vers un assainissement de la situation financière des pouvoirs locaux en respectant l'autonomie de ces pouvoirs. Dans ces différentes orientations, nous devrions pouvoir trouver des solutions.
J'ajouterai, mais ceux qui exercent des responsabilités locales le savent probablement mieux que moi, que la situation de certains pouvoirs locaux immédiatement après une échéance électorale locale peut être due aussi à un cycle que l'analyse des finances communales met en évidence : les majorations fiscales ont lieu en début de législature communale alors que les diminutions d'impôts ou les grands programmes de travaux se réalisent plutôt à la fin. Ce sont sans doute des raisons climatiques qui n'ont rien à voir avec des considérations politiques qui sont à l'origine de ce cycle. Il n'est donc pas étonnant qu'une attention particulière soit portée à la situation des finances locales au lendemain d'une échéance électorale communale ou provinciale. Je crois qu'il faudra en tenir compte aussi pour faire la part des responsabilités entre les mandataires locaux, régionaux et fédéraux même si, dans certains cas, il est très difficile pour certaines personnes de faire la part de leurs propres responsabilités locales, régionales et fédérales.
M. Jean-François Istasse (PS). - Je remercie le ministre des Finances des réponses apportées à mes demandes d'informations. J'en suis satisfait.
Ma tentative d'obtenir du ministre des Finances un geste en faveur des finances communales n'a pas recueilli le même succès. Mais je comprends fort bien que de telles décisions doivent être préparées. Vous nous avez d'ailleurs indiqué l'état d'avancement du groupe de travail du comité de concertation qui se penche sur ce problème. Nous lirons avec attention les conclusions de ce groupe de travail et nous suivrons avec beaucoup d'intérêt les discussions du comité de concertation.
Nous nous permettrons de revenir éventuellement sur ce sujet en séance plénière du Sénat. Nous attendrons le rapport final de la section Finances qui apportera des informations intéressantes. Je prends acte des efforts fournis par le gouvernement fédéral en matière de paiement des arriérés mais aussi sur le versement d'avances récupérables. Il faudrait encore réfléchir à la situation des hôpitaux et des CPAS dont il faudrait améliorer la trésorerie souvent délicate.
Quant à la réforme fiscale, vous avez tenu, monsieur le ministre, des propos très sages : il est nécessaire de préserver le principe de l'autonomie communale. Je pense que cette autonomie est mise à mal par d'autres pouvoirs que le pouvoir fédéral. Les communes disposent des moyens juridiques d'agir pour adapter les politiques fédérales aux réalités locales mais elles n'en possèdent pas les possibilités pratiques.
Tous les mandataires locaux souhaiteraient pouvoir effectuer des réformes fiscales d'allégement des charges de leurs concitoyens, mais force est de constater que ce n'est pas possible compte tenu de la réalité d'un certain nombre de budgets et de comptes communaux. Dans certains cas, particulièrement dans les grandes villes, il faut s'engager actuellement dans des augmentations fiscales, et vous connaissez comme moi les obstacles que rencontrent les communes. Sur le plan fédéral, nous ne pouvons effectivement que le constater.
Vous avez parlé de la proposition de loi sur les 3% de Mme Lizin, qui est devenue projet après avoir été votée par le Sénat. De nombreux collègues ont montré par leur vote unanime qu'ils sont très attachés à cette réforme. Nous souhaiterions que cette réforme soit réellement mise en oeuvre, même progressivement. Il faut être juste. Si c'est le seul impôt sur lequel l'État prélève une retenue, il faut mettre aussi dans la balance le grand nombre d'actions qui sont menées gratuitement par les communes pour le compte de l'État fédéral ou qui profitent finalement à l'État fédéral.
Nous sommes nombreux au Sénat à souhaiter que cette réforme aboutisse et qu'à terme, on ne retienne plus ce montant de 3% qui représente quand même plus de deux milliards pour l'ensemble des communes et près de 800 millions en Région wallonne. Ce n'est pas rien, et cela constituerait un ballon d'oxygène immédiat pour les communes.
Je prends aussi acte de vos propos relatifs à la TVA. Nous vous soutenons entièrement dans vos démarches européennes en la matière.
Vous avez parlé également du Conseil supérieur des Finances comme étant un des organismes qui pourraient mesurer de façon autonome et objective les flux entre les niveaux fédéraux et locaux. C'est une piste intéressante qu'il faut certainement suivre. Ce serait une façon intelligente de gérer ce problème récurrent que nous connaissons depuis longtemps et d'apporter une réponse objective qui ne soit contestable ni au niveau local ni au niveau fédéral.
Une dernière remarque au sujet de la réforme de péréquation, réforme difficile et de grande ampleur. Je regrette qu'on ne puisse s'engager dans cette action dans la mesure où nous savons que ce sont surtout les villes qui posent problème. La situation des revenus cadastraux dans les quartiers centraux des grandes villes et l'évolution du revenu cadastral en périphérie des villes ont créé des déséquilibres qui vont bien au-delà des indexations actuellement appliquées. Cela crée des distorsions non voulues entre des immeubles parfois très proches mais qui sont situés dans des communes différentes. Il serait important pour les villes et les communes qu'une politique spécifique soit menée en la matière.
Je remercie donc le ministre de sa réponse. Nous resterons attentifs à l'évolution de ce dossier.
-L'incident est clos.