2-712/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

16 MAI 2001


Projet de loi complétant l'article 447 du Code pénal


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME DE SCHAMPHELAERE


La commission de la Justice a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 16 mai 2001, en présence du ministre de la Justice.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

Le ministre déclare soutenir pleinement la proposition de loi qui a été déposée initialement par M. Eerdekens à la Chambre des représentants.

L'article 447 du Code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse à l'autorité doit être modifié. C'est tout à fait légitimement que l'article 445 du Code pénal sanctionne la dénonciation calomnieuse à l'autorité. Il est donc logique que le législateur adopte exactement la même attitude en ce qui concerne l'article 447.

La proposition de loi résulte principalement de différentes procédures qui ont été engagées dans le passé pour tenter de salir certaines personnes par le biais de dénonciations et qui se sont ensuite avérées parfaitement injustifiées.

Lorsqu'une plainte est déposée, on applique le principe selon lequel « le criminel tient le civil en état », de sorte que l'action en calomnie sera suspendue jusqu'au jugement définitif, ou jusqu'à la décision définitive de l'autorité compétente. Dans de nombreuses circonstances, il en résulte une impunité de fait.

Le débat à la Chambre a débouché sur une modification de l'article 447, alinéa 3, du Code pénal.

Le ministre demande au Sénat d'adopter ce texte.

II. DISCUSSION

A. Observations des membres

Un membre déclare pouvoir adhérer pleinement au présent projet. Il est absolument nécessaire de modifier l'article 447 du Code pénal. Dans le passé, nombre de personnes ont ainsi été déstabilisées par des dénonciations calomnieuses.

Un membre soulève la question de la nécessité de la modification proposée dans quelques cas précis, qui relèveront désormais du champ d'application de l'article 447 modifié.

Si le parquet ouvre d'office une instruction pénale concernant un fait déterminé et qu'un « calomniateur » divulgue ce fait, l'action en calomnie engagée à l'encontre du calomniateur sera effectivement suspendue.

Il se peut que l'instruction pénale débouche sur un non-lieu. Le projet dispose donc que l'action en calomnie « revit » dès cet instant (tandis qu'elle resterait actuellement suspendue pour cause d'absence de jugement).

Est-ce bien nécessaire ?

Face à ce non-lieu, en effet, on peut seulement constater :

­ que le fait imputé n'a pas été établi;

­ que la loi n'autorise plus aucune preuve (certainement lorsqu'il s'agit d'affaires à caractère privé dans lesquelles la preuve ne peut être apportée que par jugement ou par acte authentique, et qu'il n'est plus possible d'obtenir de jugement compte tenu du non-lieu).

On se retrouve donc dans l'hypothèse de la diffamation : le « calomniateur » peut donc parfaitement être poursuivi pour diffamation (mêmes peines que pour la calomnie, article 444 du Code pénal).

Il en va de même en cas d'extinction, après une demande d'office du parquet en la matière. Dans ce cas aussi, le fait imputé n'est pas établi, et la loi n'admet plus la preuve résultant d'un jugement : on est là aussi en stituation de diffamation. Le « calomniateur » peut donc parfaitement être poursuivi par le biais de la diffamation.

Est-il donc bien nécessaire, dans ces cas, de modifier les dispositions actuelles ?

En définitive, l'actuel article 447, alinéa 3, fait surtout problème lorsqu'il s'agit d'une dénonciation calomniteuse, il se pourrait qu'alors en cas d'extinction, de non-lieu ou de classement sans suite sans que l'auteur de la calomnie se soit constitué partie civile, l'action en calomnie est « pour de bon » suspendue.

N'est-il dès lors pas plus indiqué de réécrire le texte du projet de manière à faire face spécifiquement à ces difficultés ? La problématique des dénonciations calomnieuses était du reste la seule motivation de l'auteur initial de la proposition de loi (M. Eerdekens).

Une question similiaire se pose à propos de l'autorité disciplinaire. L'actuel article 447, alinéa 3, prévoit que « l'action en calomnie sera suspendue jusqu'au jugement définitif, ou jusqu'à la décision définitive de l'autorité compétente ». Le seul problème qui se pose dans ce cas est celui de l'extinction de l'action disciplinaire, dès lors qu'un classement sans suite ou un non-lieu est bel et bien une « décision définitive de l'autorité compétente », après quoi l'action en calomnie reprend de toute manière son cours.

Est-il dès lors nécessaire de modifier la loi pour tenir compte de ces cas ?

Subsidiairement à cette observation principale, l'intervenante souligne que le projet de loi nécessite une modification de l'article 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

L'article 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale énumère les cas dans lesquels la prescription de l'action publique est suspendue. Le 3º de cet article mentionne « le cas prévu à l'article 447, alinéa 3, du Code pénal ». Le projet de loi ajoute toutefois un nouveau cas où l'action en calomnie est suspendue. Le dernier alinéa qui compléterait l'article 447 dispose en effet que l'action est suspendue « si l'enquête relative au fait imputé connaît de nouveaux développements judiciaires ».

Dans ce cas également, la prescription de l'action publique devrait être suspendue. Le projet de loi doit donc être complété par un article nouveau modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Le projet dispose qu'il peut être statué sur l'action en calomnie, « conformément à l'alinéa 1er » de l'article 447, si l'action publique relative au fait imputé est éteinte ou si le fait imputé a fait l'objet d'un classement sans suite ou d'un non-lieu.

Les mots « conformément à l'alinéa 1er » posent toutefois problème.

Le renvoi à l'alinéa 1er a pour conséquence que le large régime de la preuve prévu à l'alinéa 1er s'appliquera dorénavant aussi aux hypothèses visées par l'alinéa 2 de l'article 447. La preuve de faits relevant de la vie privée pourra dès lors être apportée par toutes les voies ordinaires, du moins si l'action publique relative au fait imputé est éteinte ou en cas de classement sans suite ou de non-lieu.

Les développements de la proposition de loi initiale aussi bien que le rapport de la commission de la Justice de la Chambre indiquent que tel n'est absolument pas le but poursuivi. La modification pourrait d'ailleurs aussi engendrer des injustices. Une personne qui souhaite imputer à une autre un fait relevant de la vie privée pourrait simplement attendre que ce fait soit prescrit pour faire une dénonciation. L'action publique relative au fait sera alors en effet éteinte et la preuve pourra être apportée par toutes voies.

Le projet vide largement de sa substance le régime de l'article 447, alinéa 2, qui a été instauré en vue de protéger la vie privée. Il s'ensuit que le projet, qui vise à renforcer la position juridique de la personne calomniée, a pour effet secondaire de renforcer la position du calomniateur lorsqu'il s'agit de faits concernant la vie privée.

L'alinéa 5 proposé de l'article 447 (cas de classement sans suite ou de non-lieu) est également applicable aux actions disciplinaires, alors que cela n'est pas nécessaire (voir supra).

L'alinéa 4 proposé de l'article 447 ne s'applique toutefois pas aux actions disciplinaires, parce qu'il ne vise que l'extinction de « l'action civile ».

L'action disciplinaire aussi peut être éteinte, notamment sous l'effet de la prescription. Dans ce dernier cas, selon le libellé actuel, l'action en calomnie restera cependant suspendue.

Il convient dès lors de régler le cas des actions disciplinaires éteintes.

Il convient enfin de faire une observation terminologique concernant la formulation de l'article 447, alinéa 5, proposé (« sans préjudice d'une suspension de l'examen de cette action si l'enquête relative au fait imputé connaît de nouveaux développements judiciaires »).

Cette disposition veut dire que si après un classement sans suite, le calomniateur se constitue partie civile ou lance une citation directe concernant le fait imputé (mais classé sans suite), l'action en calomnie est (à nouveau) suspendue. Les termes « nouveaux développements judiciaires » n'appartiennent toutefois pas à la terminologie juridique et sont ambigus.

Ne serait-il pas préférable de remplacer cette expression par « constitution de partie civile ou citation directe » ?

Pour répondre à ces observations, Mme De Schamphelaere dépose les amendements nºs 1 à 8 (doc. Sénat, nº 2-712/2).

B. Réponse du ministre

Le ministre marque son accord sur les amendements proposés.

III. VOTES

Les amendements nºs 1 à 6 et 8 sont adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.

L'amendement nº 7, qui est subsidiaire à l'amendement nº 2, devient sans objet.

IV. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi ainsi amendé est adopté par 7 voix et 1 abstention.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse,
Mia DE SCHAMPHELAERE.
Le président,
Josy DUBIÉ.