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1er FÉVRIER 2001
Le sport professionnel génère des mouvements financiers de plus en plus importants. Les sommes mises en jeu dans le cadre des activités sportives professionnelles atteignent des sommets qui, d'un jour à l'autre, sont aussitôt dépassés. Qu'il s'agisse de rémunérations des sportifs les plus convoités, du coût des transferts d'une équipe à l'autre, ou des droits de diffusion des événements sportifs dans les médias audiovisuels, les montants concernés sont en pleine explosion.
Cela n'a en soi rien d'anormal si l'on considère que l'activité sportive relève maintenant inéluctablement de la sphère économique et que, comme entreprise de spectacle, elle est donc soumise en matière de prix à la loi générale du marché, selon les aléas de l'offre et de la demande.
Cependant, d'autres considérations doivent aussi être prises en compte.
En premier lieu, ne perdons pas de vue que la recherche de la performance maximale et de l'élitisme sportif pousse les clubs, associations et fédérations à découvrir au plus tôt les jeunes talents; de la sorte, des jeunes sportifs amateurs sont embrigadés à des âges de plus en plus précoces dans les milieux du sport professionnel. Si leurs talents sportifs sont parfois évidents, il n'en est pas nécessairement de même pour leurs compétences dans les domaines juridique et économique.
Les jeunes sportifs sont donc souvent second élément à considérer « pris en charge » par « des agents d'affaires », « managers » ou autres intermédiaires qui s'occupent de leur trouver un club employeur, de leur faire conclure un contrat de travail de sportif rémunéré et, de manière plus générale, de gérer leur carrière professionnelle autant que leurs intérêts financiers.
La tentation est grande, pour certains, d'abuser de l'inexpérience, de la crédulité ou de la situation sociale défavorisée de ces jeunes pour leur faire miroiter monts et merveilles, leur prédire un avenir brillant dans la carrière sportive et, en réalité, utiliser à leur propre profit d'intermédiaire, les talents sportifs en devenir.
Certains jeunes sont des proies d'autant plus faciles à utiliser qu'ils sont recrutés dans des pays étrangers et « introduits » sur le territoire belge dans des conditions parfois douteuses sur le plan de la légalité.
Le législateur s'est déjà ému de ce genre de situation en élargissant les possibilités de sanction pénale pour ces derniers cas bien particuliers. Ainsi, les dispositions légales qui frappaient précédemment de sanctions pénales les employeurs ayant fait travailler sur le territoire une personne non autorisée à s'y établir ont été étendues, par une loi du 9 février 1999, à toute personne ayant prêté son concours à ce genre de situation. Depuis lors, et pour en rester au domaine du sport, les clubs employeurs mais également les intermédiaires à titre quelconque pourront être pénalement et solidairement condamnés pour avoir procédé à l'embauche d'un sportif étranger entré illégalement sur le territoire.
Ces dispositions pénales nouvelles, qui sont intéressantes et justifiées, n'en demeurent pas moins insuffisantes. Elles ne visent qu'un aspect de la problématique de l'exploitation dont certains jeunes sportifs sont victimes, mais ne règlent pas l'ensemble des questions en cette matière.
La présente proposition entend compléter le dispositif pénal déjà mis en place à l'encontre des intermédiaires sportifs en lui adjoignant un volet préventif à caractère civil.
La profession d'intermédiaire du sport n'est pas actuellement réglementée. Aucune condition légale ou réglementaire n'étant mise pour accéder à cette profession, la porte est ouverte à tous sans qualification particulière, ni sur le plan de la compétence, ni même sur le plan de la probité.
L'expérience montre que l'on trouve, dans ce monde des intermédiaires, le meilleur comme le pire. D'anciens sportifs de haut niveau peuvent y trouver une intéressante reconversion qu'ils exercent avec compétence et probité, dans le respect de la personne du jeune sportif dont ils ont pris les intérêts en charge. Force est aussi de constater que d'autres intermédiaires n'ont parfois que de lointaines accointances avec le monde du sport et que la « défense » des intérêts de jeunes athlètes ne représente pour eux qu'un moyen d'existence particulièrement lucratif qui les pousse à accroître, par des moyens inappropriés ou parfois contraires aux intérêts du jeune sportif, la valeur marchande de leurs « protégés ».
La pratique montre aussi que la confusion des genres n'est pas rare dans le domaine de l'intermédiation sportive. Certains agents prennent en charge la carrière de sportifs et leur font conclure des contrats d'emploi avec des clubs, associations ou fédérations au sein desquels ils assument eux-mêmes des fonctions à responsabilité : on est alors en plein conflit d'intérêts et le rapport de force est souvent tel que ce n'est pas le sportif qui peut espérer en être le bénéficiaire.
C'est à ces situations que la proposition entend mettre un terme en fixant, outre certaines incompatibilités destinées à éviter les conflits d'intérêt, une condition d'agréation dans le chef des intermédiaires.
La proposition entend assurer une meilleure protection du jeune sportif de talent face aux « requins » qui voudraient « l'assister » dans la gestion de ses intérêts matériels. Pour ce faire, la proposition organise la nullité automatique des conventions passées entre le sportif professionnel et l'agent d'affaires qui ne répondrait pas aux critères d'agréation; ce système devrait permettre de faire la séparation entre le bon grain et l'ivraie. L'agréation préalable, dont le Roi peut déterminer certaines modalités, et le système d'incompatibilités organisé visent à ne maintenir sur le marché de l'intermédiation sportive, que des agents sérieux, compétents et corrects. La nullité de la convention d'intermédiation entre le sportif et son agent si celui-ci n'est pas agréé empêchera ce dernier de profiter des fruits d'un contrat qu'il aurait passé au mépris de la légalité autant que de l'intérêt bien compris du jeune sportif. Le monde du sport ne peut qu'y gagner.
Philippe MONFILS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Un article 9bis, rédigé comme suit, est inséré dans la loi du 24 février 1978 relative au contrat de travail du sportif rénuméré :
« Art. 9bis. Est nulle de plein droit toute convention passée par le sportif rémunéré, en vue de la conclusion d'un contrat de travail visé à l'article 3, avec un mandataire, agent d'affaires ou intermédiaire quelconque autrement qualifié, si celui-ci ne satisfait pas aux conditions suivantes :
1º être agréé par la Commission paritaire nationale des sports prévue à l'article 11. Le Roi détermine les conditions d'octroi, de suspension et de retrait de l'agréation;
2º ne pas être avocat;
3º ne pas exercer de fonction dirigeante au sein d'un club, d'une association ou d'une fédération relevant de la discipline sportive concernée par le contrat de travail pour lequel l'agent sert d'intermédiaire.
Art. 3
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi.
Philippe MONFILS. |