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M. Louis Siquet (PS), rapporteur. - La commission a examiné à quatre reprises la présente proposition de loi. Elle a déjà été déposée sous la législature précédente au Sénat.
Il s'agit d'un conflit entre les pouvoirs communaux, représentés par l'Union des villes et des communes, et le pouvoir fédéral qui perçoit les taxes additionnelles pour le compte des villes et communes. L'argument pour la suppression du prélèvement est que l'État fédéral est rémunéré par l'argent que ces sommes rapportent. En effet, le prélèvement de 3% sert à rembourser les frais d'administration du Trésor pour le service rendu aux villes et communes. En réalité, le pouvoir fédéral perçoit les taxes et les gère pendant une partie de l'année, voire pendant quinze à dix-huit mois. La gestion de ces sommes se fait dans l'intérêt du ministère des Finances qui n'en est pas propriétaire, mais qui en retire suffisamment de recettes pour se rembourser les frais d'administration par la seule existence de cet argent sur ses comptes.
La proposition de loi tend à supprimer le prélèvement de 3% sur le montant des taxes additionnelles pour l'avenir. La suppression serait un cadeau très intéressant pour les communes dans la mesure où, du point de vue financier, elles n'ont pas disposé d'un financement correct depuis de nombreuses années. À cela s'ajoute le problème de la situation financière précaire que connaissent actuellement toutes les communes de Belgique. Il s'agit d'un montant de 2,33 milliards de francs.
La proposition a été adoptée à l'unanimité. Confiance avait été faite au rapporteur. Je vous propose d'adopter également cette proposition.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je ne commenterai pas longuement cette proposition de loi dont je suis l'auteur et que le ministre connaît bien, parce qu'elle est particulièrement brève même si elle est peu coûteuse pour lui, en sa qualité de ministre des Finances. Le problème du financement des communes et les charges anormales que l'État fédéral fait peser cette année sur les budgets communaux sont suffisamment d'actualité pour que nous n'ayons plus à entrer lourdement dans le détail pour démontrer que l'État fédéral doit aujourd'hui aider les communes à trouver des solutions par divers moyens. Cette proposition n'est finalement qu'une partie des moyens que nous estimons dus aux communes.
Le groupe socialiste considère qu'elle constitue une priorité, au Sénat comme à la Chambre, dans la formule qui sera, je l'espère, adoptée par notre assemblée. Le ministre dispose de quelques ministres relevant de son orientation politique à des postes stratégiques en ce qui concerne la défense des communes. Ils s'expriment assez clairement à ce sujet. Je ne les citerai pas en détail car le ministre peut retrouver toute cette littérature exposée par M. Charles Michel. La suppression des 3% figure au premier rang de ses souhaits. Il l'a écrit au premier ministre et au ministre des Finances. Il a redit à tous les bourgmestres réunis samedi à Namur qu'il ferait de ces 3% le point de départ de la bonne volonté de l'État fédéral à l'égard de l'autorité communale et de l'autorité régionale qu'il représente en qualité de ministre de tutelle.
L'Union des villes et communes, toutes sections confondues, Flandre, Wallonie, Bruxelles, est évidemment favorable à la restitution aux communes de ce niveau de perception pratiquement inutile. Je n'entamerai pas le débat initié par la note d'un fonctionnaire de l'administration des Finances à propos du détournement - c'est bien le mot -, note rédigée à l'époque où M. Viseur était à la tête du département, après le départ de M. Maystadt. Le ministre sait qu'une ville que je connais bien, rejointe par d'autres, a introduit un recours au Conseil d'État pour clarifier le maintien de sommes considérables dans les caisses du ministère des Finances, au détriment des communes. Le sourire du ministre m'incite à croire qu'il sous-estime la détermination des responsables communaux en la matière. Je crois qu'il serait bon que le ministre ne sourie pas tant et que nous commencions à parler sérieusement, s'il ne veut pas mettre M. Michel fils - le gamin, comme on l'appelle chez nous - dans une position insoutenable. Nous sommes absolument déterminés quant à ce point clé. Il en va de l'articulation logique entre les divers gouvernements. On ne peut pas avoir un ministre des Finances d'une certaine couleur politique et avoir un ministre de tutelle appartenant à la même famille politique, tout en entendant deux discours complètement différents.
Quand on gère les communes, on a les pieds absolument sur terre. Par conséquent, pour nous et pour notre groupe, cette proposition de loi constitue un test important. Nous espérons que le Sénat soutiendra la proposition telle qu'elle a été résumée par M. Siquet. Notre attitude à la Chambre sera identique à celle que nous adoptons au Sénat ; elle ne sera pas susceptible de subir la moindre variation. Ce sera, je pense, le premier affrontement net. Notre groupe veut, aux niveaux fédéral, régional et communal, que l'attitude de l'État fédéral, par rapport aux charges qu'il impose aux communes change, et que la responsabilisation soit désormais la règle. Nous commençons par cette proposition de loi. Nous continuerons, notamment vendredi, par la question du financement des polices locales. Quoi qu'il en soit, le sort qui sera réservé à cette proposition de loi est un test de la bonne volonté du gouvernement fédéral.
De heer Jan Steverlynck (CVP). - Onze fractie heeft dit wetsvoorstel goedgekeurd, omdat het een stap in de goede richting is. Als het wet wordt, krijgen de gemeenten extra financiële middelen voor de zwaardere lasten die de federale overheid ze toespeelt. Niettemin vragen we ons af of de regering het wetsvoorstel niet alleen in deze assemblee, maar ook in de Kamer zal goedkeuren?
Aangezien het wetsvoorstel unaniem is goedgekeurd in de commissie, zijn we ervan overtuigd dat de voltallige Senaat dat eveneens zal doen. Dat is een duidelijk en krachtig signaal, maar we blijven benieuwd naar het standpunt van de regering.
M. René Thissen (PSC). - Lorsque les bourgmestres PSC se sont réunis le 4 septembre dernier à Tubize, ils ont publié une déclaration commune dans laquelle ils demandaient que le transfert de nouvelles charges soit accompagné de moyens permettant aux communes d'y faire face sans menacer l'équilibre financier des villes et des communes. C'était à l'époque des élections communales et l'on n'a guère entendu les partis de la majorité sur le sujet.
Aujourd'hui, chacun admet que la revalorisation des traitements des mandataires, la réforme des polices - malgré la promesse faite par le ministre Duquesne d'une opération blanche -, la libéralisation du secteur énergétique et la réforme fiscale - qui est encore à venir - auront un impact non négligeable sur les finances communales.
D'autres paramètres vont accroître les charges des communes, entre autres, le plan Rosetta, l'augmentation du prix de l'énergie, le déficit des institutions hospitalières, la réorganisation des services d'incendie, et j'en passe ! Le moins que l'on puisse dire est que cette réalité est largement partagée, tant en Wallonie qu'en Flandre et à Bruxelles. C'est pourquoi le 7 février dernier, au Parlement wallon, le groupe PSC a plaidé - et en tant que sénateur de communauté, je voudrais me faire le relais de cette demande - pour une « sainte alliance » de tous les partis en faveur du refinancement des communes. À cet effet, une proposition de résolution a été déposée, reprenant certaines pistes de réflexion, notamment l'application d'un taux réduit à 6% pour tous les travaux immobiliers effectués par les communes, l'apurement des dettes de l'État vis-à-vis des communes en matière de centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques et enfin, la suppression du prélèvement par l'État fédéral de 3% lors de la perception des centimes additionnels, sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Le groupe PSC du Sénat ne peut que se réjouir de la présente proposition de loi qui permettra de rencontrer la problématique de la compensation financière des charges pesant sur les communes, mais très partiellement seulement. Par ailleurs, la suppression de la retenue, même si elle va dans la bonne direction, n'a aucun sens en tant que mesure prise isolément. D'autres mesures, notamment celles que je viens d'évoquer concernant les relations financières entre le pouvoir fédéral et les communes, devront être examinées au plus vite.
Je voudrais entendre le ministre indiquer de manière expresse que les discussions se poursuivront et que le débat ne sera pas « encommissionné » : ce serait la meilleure manière de le reporter aux calendes grecques et de ne pas prendre des mesures pourtant indispensables et urgentes. Les budgets des communes connaissent actuellement de graves difficultés. On ne peut continuer, comme on en a pris l'habitude, à reporter des charges sur les communes sans donner à celles-ci les moyens correspondants.
C'est sans aucune hésitation que mon groupe soutiendra la présente proposition dont je ne doute pas qu'elle recevra le même accueil à la Chambre.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Le débat sur la situation des finances communales n'est pas neuf. Il n'est pas non plus homogène : si certaines communes connaissent une situation dramatique, d'autres se portent bien financièrement. Il peut y avoir des différenciations objectives : certaines communes peuvent avoir des missions, des structures sociales, économiques différentes. Par ailleurs, il n'est pas exclu que l'autonomie communale intervienne également et que la capacité de gérer les finances communales varie d'un endroit à l'autre.
Je suis très heureux qu'un débat comme celui-ci intervienne dans une assemblée fédérale. Ce débat est-il toujours porté par des parlementaires avant tout préoccupés par la situation fédérale ? Je l'ignore. Certains membres de notre assemblée, M. Thissen a bien fait de le rappeler, appartiennent aussi à des assemblées régionales, communautaires ou communales. Je me demande donc parfois s'ils débattent vraiment de la situation des finances fédérales et des relations entre le pouvoir fédéral et les communes, ou s'ils s'expriment plutôt en tant que responsables communaux.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Vous n'avez pas affaire, monsieur le ministre, à des responsables communaux, mais à des groupes politiques qui expriment leur position.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je constate quand même, madame Lizin, qu'un certain nombre de mandataires des deux assemblées fédérales - vous avez vous-même évoqué ce point - sont aussi responsables à l'échelon local, et sont parfois même en conflit - notamment judiciaire - avec l'autorité fédérale.
Il est donc parfois compliqué, pour le responsable d'un département fédéral, de s'expliquer, dans le cadre d'une assemblée fédérale, face à la partie adverse sur le plan judiciaire. Je vous le fais simplement remarquer. Comme je l'ai également indiqué à la Chambre, ce type de débat est difficile. Les problèmes, non de cumul mais de conflits d'intérêts, doivent être un de nos sujets de préoccupation pour l'avenir et à ce titre faire l'objet d'un débat approfondi au sein des assemblées fédérales. Dans quelle mesure pouvons-nous mener une discussion correcte, sereine, ouverte, lorsque le responsable d'un département ministériel est tenu de s'exprimer face à des personnes exerçant des compétences à la fois fédérales et communales et qui, par ailleurs sont en conflit, sur le plan judiciaire, avec le département en question ? Je vous avoue que cette situation limite parfois la volonté d'aller beaucoup plus loin dans l'information ou de franchir d'éventuels premiers pas. Je vous signale - vous en avez d'ailleurs parlé - qu'en ce qui concerne certaines communes, j'ai fait procéder à des cantonnements de sommes ; dans un débat judiciaire, il faut en effet utiliser l'ensemble des arguments se trouvant à sa disposition.
Je suis ravi de constater que cette discussion a lieu dans une enceinte fédérale, mais, vu les arguments utilisés, comment savoir avec certitude si ceux-ci portent exclusivement sur les compétences fédérales ou s'ils relaient d'autres types de préoccupations ?
Je suis très attaché - nous avons défendu ce point de vue dans d'autres assemblées également - à l'idée non pas d'empêcher l'expression d'autres niveaux de pouvoir à l'échelon fédéral, mais de régler - dans les secteurs privé et public - la problématique des conflits d'intérêts. Il est important que nous sachions à quel titre les personnes - mandataires publics ou autres - s'expriment. Lorsque des conflits judiciaires sont en cours, la question est encore plus délicate.
M. René Thissen (PSC). - Les représentants politiques sont l'émanation de la population, donc de tous les niveaux de pouvoir. Je trouve un peu fort d'évoquer la question du conflit d'intérêts parce que des sujets d'intérêt également régional ou communal seraient débattus à l'échelon fédéral...
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je tiens à être tout à fait clair sur ce point. Je n'ai absolument pas dit qu'il était anormal que l'on débatte de thèmes également d'intérêt régional ou communal. J'ai parlé des conflits d'intérêts dans le cadre de procédures judiciaires. Le ministère des Finances se trouve actuellement confronté à des dossiers initiés par certains bourgmestres. Que ce soit à l'égard d'un de ces bourgmestres ou d'un parlementaire qui aurait initié une telle procédure en tant que chef d'entreprise, il est malaisé d'ouvrir le débat parlementaire.
Je sais - et j'en sais gré aux présidents - que cette question est débattue dans les assemblées : comment ce problème de conflits d'intérêts peut-il être réglé ? Je suis régulièrement confronté - dans les deux assemblées - à un certain nombre d'intervenants qui sont également porteurs d'un conflit judiciaire. Je me permets donc de le signaler. Nous devons actuellement faire face à cette situation mais, selon moi, les conflits d'intérêts ne se posent donc pas uniquement entre secteurs privé et public, mais aussi, éventuellement, à l'intérieur du secteur public, a fortiori lorsque des procédures judiciaires sont en cours.
Par contre - et je l'ai signalé en évoquant votre intervention -, il est tout à fait normal que, siégeant dans des assemblées communautaires et régionales, vous exprimiez aussi cette sensibilité au Parlement fédéral. Tant qu'il est possible de siéger au Parlement fédéral en exerçant des responsabilités communales, il est normal que l'on y porte un certain nombre de préoccupations communales. Mais autre chose est le véritable conflit d'intérêts dans le cadre de la gestion opérationnelle d'une entité, qu'elle soit privée ou publique. J'ai la charge d'un département ministériel. Je tente, avec l'aide du Parlement fédéral, de défendre les intérêts de l'autorité fédérale face à un certain nombre d'intervenants extérieurs, qu'ils soient publics ou privés. Vous avouerez que je me trouve dans une situation un peu malaisée lorsque je dois répondre à des parlementaires qui sont en même temps porteurs d'un conflit judiciaire, surtout à l'égard du département des Finances, que ce soit comme personne physique, comme responsable d'entreprise ou comme gestionnaire d'une entité publique.
Les assemblées devraient débattre de la question de savoir de quelle manière on peut réellement laisser se développer ce type de conflit d'intérêts dans nos assemblées. J'y suis très attentif au département des Finances. En matière fiscale, il est évidemment très délicat de vivre cette situation. Je n'entrerai pas dans les détails, mais vous savez comme moi qu'à travers les questions écrites, par exemple, en cherchant un peu, on arrive à identifier très facilement, sous une question générale, le conflit d'intérêts qui est réellement porté. Lorsque cela se passe dans un débat tout à fait ouvert en commission ou en séance publique d'une assemblée, c'est encore plus délicat. J'y insiste, car vous devez aussi comprendre que dans la défense des intérêts de l'institution fédérale qui vous tient aussi à coeur, on doive se préoccuper de ce genre de choses. C'est tout ce que je veux dire, mais cela porte bien sur des conflits judiciaires.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Sur ce point particulier, je comprends tout à fait la préoccupation du ministre, mais je tiens tout de même à dire qu'il n'est pas seulement ici comme ministre d'un département ; il est le représentant du gouvernement. Cet État comprend des entités de différents niveaux qui sont parfaitement fondées, en droit, d'exiger des clarifications d'une instance dont c'est la fonction.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je connais votre impétuosité dans ce genre de débat. Je vais vous donner tous les éléments de réponse, en ce compris la position de l'ensemble du gouvernement.
M. René Thissen (PSC). - En ce qui concerne les conflits d'intérêts, je suis assez d'accord avec vous, monsieur le ministre, mais il ne faudrait pas non plus prendre pour prétexte le conflit d'intérêts. Lorsqu'une action judiciaire est en cours, il exact que cela pose un réel problème, mais pour ce qui est du conflit d'intérêts, de manière générale, je serai quand même un peu plus circonspect. Certes, cette question mériterait une discussion, mais il ne faudrait pas non plus qu'un parlementaire issu d'un milieu socioéconomique ou d'une administration quelconque et qui porterait la défense d'un projet soit nécessairement considéré comme étant en conflit d'intérêts, parce que son profil pourrait le laisser supposer.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Là, vous évoquez le problème des incompatibilités ou du cumul de fonctions. J'ai bien parlé d'un problème de conflit d'intérêts, particulièrement dans le cadre d'un conflit judiciaire. Je ne souhaite pas du tout ouvrir le débat sur l'impossibilité pour les uns ou les autres de porter des projets ou des sensibilités, quelles qu'elles soient. Je dis simplement qu'il est parfois difficile pour le responsable d'un département ministériel de mener un débat parlementaire face à des parlementaires qui sont en même temps porteurs d'un dossier judiciaire à l'encontre de leur département. Ce thème n'est pas nouveau ; beaucoup d'entre vous ont déjà participé à des débats sur le sujet. On nous annonce régulièrement que ce problème des conflits d'intérêts est à l'ordre du jour dans une série de commissions, soit permanentes, soit nouvelles. Je saisis l'occasion pour souligner que dans ce cas-ci, le problème se pose et qu'il conviendrait de fixer des limites précises. Ainsi, je pense que la limite du débat judiciaire est une limite importante.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Lorsque nous siégeons ici, nous réfléchissons, au même titre que vous, à l'intérêt fédéral et, éventuellement, à l'intérêt du ministère que vous représentez. Vous ne pouvez prétendre que nous le fassions autrement. Nous exerçons un mandat qui nous est confié par un groupe politique. Le droit offre à une entité particulière de l'État belge, à savoir une commune, la possibilité de clarifier devant le Conseil d'État certaines informations, par ailleurs données par la presse, qui portent sur les intérêts de cette entité. Cette question ne concerne d'ailleurs pas qu'une seule de ces entités mais présente un intérêt global pour les communes.
Je ne pense donc pas que vous puissiez dire si aisément qu'il y a conflit d'intérêts, parce que nous sommes habitués à travailler à deux niveaux de responsabilité, que la loi le permet dans notre pays et que ceci démontre qu'il est de l'intérêt des communes que cette possibilité soit maintenue.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - La dernière phrase que vous prononcez démontre effectivement que vous défendez l'intérêt des communes, même si vous siégez dans une assemblée fédérale. Je ne pensais pas soulever un problème aussi dramatique à votre égard.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je reconnais que la ville de Huy a introduit un recours au Conseil d'État contre votre administration. Nous sommes toutefois convaincus que nous n'agissons pas seulement dans l'intérêt de la ville de Huy mais de manière générale pour clarifier la responsabilité de votre ministère dans ce dossier. Cette action ne vous vise pas personnellement. Notre groupe souhaite que les entités que sont les villes et communes aient la capacité d'être financées dans des conditions transparentes par les Finances. Il s'agit d'une position politique fédérale que nous défendons dans les instances fédérales.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je répète que ce problème de conflit d'intérêts me paraît être un problème réel et je comprends bien que cela puisse donner lieu à des avis divergents.
Je suis confronté régulièrement à des questions qui me sont posées par des membres d'assemblées qui, à titre privé ou à titre de gestionnaire d'entreprise, sont en conflit avec mon département pour des raisons de principe. Dans des dossiers fiscaux impliquant des communes, d'autres autorités publiques, des entreprises ou des particuliers, la même remarque ne cesse de se répéter. Je dis simplement, et je ne suis pas le seul, que dans certains débats cela pose problème en Belgique et dans de nombreuses assemblées étrangères. Je constate qu'elle est à nouveau au centre du débat que nous menons ici.
Certains m'ont signalé ces derniers jours que l'augmentation des barèmes de rémunération des bourgmestres et échevins pose problème parce qu'elle entraîne des surcharges pour les communes et des recettes pour le ministère des Finances. Cette remarque est souvent formulée par ceux-là mêmes qui ont voté cette augmentation dans les assemblées fédérales. Eu égard à la responsabilité que j'assume, au niveau fédéral, au sein d'un exécutif, j'ai quelques difficultés à comprendre pourquoi, au moment où ces textes ont été votés, ces personnes, agissant en tant que parlementaires fédéraux, n'ont pas demandé que les moyens permettant de financer cette charge supplémentaire soient votés en même temps.
En outre, quelques mois plus tard, ces mêmes personnes m'expliquent que cette décision schizophrénique prise auparavant, leur pose aujourd'hui un problème dans une autre fonction. Il s'agit là de cas typiques de conflits d'intérêts. Je me demande - c'est certainement un hasard - pourquoi, lorsque des groupes politiques s'expriment sur ce sujet, c'est systématiquement par la voix de mandataires qui sont, par ailleurs, bourgmestres et qui ont intenté à ce titre une action en justice contre mon département. Nous nous trouvons très clairement devant un beau cas de conflit d'intérêts. Je n'ai pas dit que ce cas était inacceptable mais je précise qu'il est peut-être utile de réfléchir à la manière d'organiser le débat à l'échelon fédéral.
J'en viens aux relations financières entre mon département et les communes. Il convient de resituer le problème.
En avril 1999, le département des Finances devait 17 milliards de francs aux communes. Il y a, certes, des contestations en justice à ce sujet, mais la Cour des comptes, l'organe associé à la Chambre des représentants dans le travail budgétaire, a traité cette situation sur base d'un audit interne. Tous les documents ayant été remis à la commission des Finances et du Budget de la Chambre sous la précédente législature, la conclusion fut qu'il y avait encore à ce moment une charge de 17 milliards.
Ayant participé précédemment à ce débat à la Chambre, j'avais dit dès mon entrée en fonction que je souhaitais régler cet arriéré le plus tôt possible. Je ne pensais pas pouvoir le faire aussi rapidement. Les derniers montants ont été payés le 18 janvier de cette année, soit au total 17 milliards de francs en un an et demi. J'espère que ce versement d'arriérés sur l'année 2000 n'a pas entraîné trop de difficultés financières dans les communes concernées. J'espère aussi que nous n'avons pas bouleversé les finances communales de manière trop importante en octroyant des montants supplémentaires pendant un an et demi, montants qui couvraient l'arriéré. Devant la Chambre, j'ai précisé que le département des Finances avait tout soldé. Le 18 janvier, les 400 derniers millions qui subsistaient encore à la fin de l'année 2000 ont été versés.
Je suis heureux d'entendre aujourd'hui que le groupe politique de M. Thissen souhaite que ces 3% dits « de frais administratifs » disparaissent pendant une dizaine d'années. J'ai entendu une version totalement opposée de la part de mes prédécesseurs PSC, ce que je puis comprendre.
M. René Thissen (PSC). - C'était tout à fait normal, monsieur le ministre, parce qu'il a fallu, dix ans durant, se battre pour atteindre, notamment, les critères de Maastricht, tout en ayant des difficultés énormes à boucler des budgets dont le déficit était structurel.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Il n'y avait aucune difficulté dans les communes pendant les dix dernières années et il était donc normal d'effectuer des prélèvements.
M. René Thissen (PSC). - Il y avait un certain nombre de difficultés qui se sont aggravées par la suite.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je viens de la ville de Liège, madame Lizin...
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - L'habit fait le moine au PSC, mais c'est le cas au PRL également parce que vous aviez soutenu cette proposition quand vous étiez député !
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je vais y revenir, ma mémoire étant assez fiable à propos de ce que j'ai soutenu et de ce que je soutiens encore.
Dans ce contexte, je suis heureux de constater qu'il y a des évolutions. C'est un changement assez significatif. J'ai constaté, dans les archives du département, que la réponse avait toujours été négative, pas nécessairement sur base de l'argument des difficultés financières, mais plutôt sur celui d'une juste mais minime rémunération d'un service presté à l'égard des communes. Vous ne devez pas vous retrancher derrière les difficultés financières de l'État. Il est assez logique qu'étant un service public prestant un service à l'égard d'une autre autorité, on peut se demander si ce service ne devrait pas faire l'objet d'une rémunération. Si cela ne coûte vraiment rien, pourquoi les communes ne le font-elles pas elles-mêmes ?
M. René Thissen (PSC). - Personne ne prétend que cela ne coûte rien et personne ne dit qu'il ne faut obtenir aucune rémunération, mais il est clair que l'État fédéral mobilise cet argent pendant un certain temps, ce qui procure une rentrée appréciable.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - J'ai écouté les arguments évoqués tout à l'heure et je vais tenter d'y répondre, tout en constatant que c'est presque plus difficile au Sénat qu'à la Chambre. Je note une évolution politique qui peut être saluée dans le chef du groupe PSC. Pendant dix ans, il s'est opposé à toutes les propositions, même celles que j'avais formulées. Il semble maintenant qu'elles deviennent prioritaires. C'est très bien : tout le monde peut changer d'avis.
En ce qui concerne le financement et le fonctionnement fédéral, l'État ne conserve nullement des moyens destinés aux communes. Je tiens à mettre fin à cette fable, même si ce n'est pas définitif, le sujet revenant régulièrement.
Je voudrais mettre fin à cette fable ! L'État prélève des précomptes mais qui ne couvrent même pas le montant des recettes fiscales de l'État. On voudrait régulièrement me faire dire que prélevant des précomptes, l'État dispose de sommes dues aux communes. C'est faux. Je pourrais d'ailleurs vous renvoyer à de nombreuses explications très claires de M. Maystadt - il avait un grand souci pédagogique - démontrant bien qu'il n'y avait aucune somme conservée par l'État au détriment des communes pendant cette période de précompte. Nous ne prélevons même pas, par les précomptes, 100% de l'impôt dû au fédéral. Comment voulez-vous que l'on conserve des montants dus aux communes ? Le paiement intervient dès que les impôts sont enrôlés. Cette année - surprise ! -, le paiement va même intervenir avant l'enrôlement.
Mais je vous rassure, nous allons payer les communes avant l'enrôlement sans pour autant leur réclamer aucun intérêt... pour le moment, car si nous devions continuer à faire cela gratuitement, il va de soi que nous examinerions l'ensemble des éléments de transfert pour déterminer dans quelle mesure il y a des intérêts de retard dans un sens ou dans l'autre. Je vous rappelle donc la règle : le paiement intervient lors de l'enrôlement. Il n'y a pas de raison de payer sur les précomptes qui financent l'autorité fédérale.
J'ai entendu les chiffres relatifs à ce mécanisme de financement tout à l'heure. Il est vrai qu'en 2000, il y a eu 2,330 milliards de prélèvement des 3%, mais sur quoi ? Soyons clairs ! Tout d'abord, l'État ne prélève de frais administratifs que sur un seul des impôts qu'il prélève pour les communes : l'impôt des personnes physiques. Tout le reste se fait gratuitement. Je tiens à le signaler. Pour les impôts immobiliers, tout se fait gratuitement. Pour l'impôt des personnes physiques, ces 3% ne sont pas calculés sur l'ensemble de l'impôt des personnes physiques, ils sont exclusivement calculés sur la part transmise aux communes : 82,137 milliards. Pourquoi ? Simplement pour limiter les frais. Normalement, on devrait faire participer les communes à l'ensemble de l'effort administratif d'enrôlement puisque nous devons enrôler l'ensemble de l'impôt pour pouvoir les payer. Or les frais n'interviennent que sur un seul impôt et dans cet impôt, ce n'est que sur la part versée aux communes à concurrence de 3%.
Dernière remarque, ces 3% comparés à quelque frais administratif que ce soit, prélevé dans d'autres domaines, sont minimes. Je ne vous renverrai pas par exemple au débat annuel sur les frais administratifs que des mutuelles demandent dans le cadre du fonctionnement de leurs services, mais interrogez-les : elles vous diront que c'est insuffisant. Pour ma part, je puis vous affirmer que c'est sans commune mesure avec ce que le ministère des Finances reçoit pour ce travail.
On nous demande aujourd'hui de le faire gratuitement, c'est plus fort que Copernic ! On nous demande d'être performants, de payer à temps, de fournir énormément d'informations et tout cela gratuitement ! Je constate que l'évolution des mentalités quant à la réforme de la fonction publique devient fulgurante et que certains groupes souhaitent qu'on franchisse des étapes plus rapidement encore !
M. René Thissen (PSC). - Pas certains groupes, tous les groupes !
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Certains groupes étaient déjà favorables à la réforme de la fonction publique, pas tous. Il y a donc peut-être des évolutions. Je constate une évolution dans le vôtre sur les 3%, il y en a peut-être dans d'autres, sur la volonté de réformer la fonction publique plus profondément encore que mon collègue Van den Bossche ne le souhaite. On nous demande bel et bien ici d'être performants, rapides, efficaces et gratuits. C'est pas mal ! Personne dans le privé n'atteint de telles performances de management !
Je tiens encore à préciser que des efforts ont été faits. Les communes reçoivent aujourd'hui une information mensuelle sur leur situation à l'égard du département alors que sous les législatures précédentes, cette information était annuelle. Comme je l'ai expliqué à la Chambre, au précompte immobilier nous avons même mis en place un système de clignotant pour éviter que des récupérations - ce qui se pratique régulièrement - ne se fassent sans que la commune n'en soit avertie. Elle est avertie un ou deux mois auparavant et pourra même demander des délais pour que le prélèvement se fasse sur les comptes qui lui sont destinés.
Cela étant, on nous propose aujourd'hui de supprimer l'ensemble des frais du département. J'ai déposé en son temps une proposition allant dans ce sens. Je l'ai d'ailleurs défendue au gouvernement quand je suis entré en fonction. J'avais proposé que, pour rembourser les 17 milliards de francs d'arriéré, on supprime la charge des 3% pendant quelques années, ce qui aurait permis d'aller plus vite. Il s'agissait simplement d'une manière de financer le remboursement de l'arriéré. Je n'ai toujours aucune difficulté aujourd'hui à défendre la même idée.
À l'époque, sous un gouvernement d'une autre composition, cette simple idée de supprimer ces 3%, même de manière temporaire, a été refusée. Je n'ai pas reçu l'unanimité pour supprimer cette charge, même de manière temporaire. Nous avons donc procédé autrement, directement par le biais du budget. Les 17 milliards sont remboursés. Je ne vois dès lors plus aucune raison aujourd'hui de supprimer les frais administratifs du département puisque nous avons réglé le problème de l'arriéré.
Sur le dossier lui-même, je maintiens la même position. En tant que gestionnaire d'un département, je vois mal pourquoi je déciderais d'offrir gratuitement un service aux communes qui a été amélioré ces dernières années et a fait l'objet d'un règlement pour solde de tout compte à l'égard de l'essentiel des communes. Il y en a moins d'une dizaine qui continuent à contester en justice la situation.
Le débat a eu lieu dans le cadre plus large des relations entre les différents niveaux de pouvoir. Je rassure donc Mme Lizin sur la position de l'ensemble du gouvernement. Nous avons tenu un comité de concertation entre les différents gouvernements. La décision qui a été prise, portée par le gouvernement fédéral dans son ensemble, est de faire la clarté sur la totalité des flux entre les différents niveaux de pouvoir. Un groupe de travail s'attellera à constater non pas s'il y a un transfert dans un sens, mais quels sont les différents transferts dans l'ensemble des niveaux de pouvoir pour vérifier si le fédéral impose des charges supplémentaires aux communes.
On me dit par exemple qu'en matière d'accueil des réfugiés, il y a des charges supplémentaires importantes. Nous allons vérifier si le passage à une aide en nature prise en charge par le fédéral, qui représentera sept à huit milliards de francs dans le budget fédéral, représente réellement une charge supplémentaire pour les CPAS. Nous allons voir dans quelle mesure il ne s'agit peut-être pas d'une reprise de charge en sens inverse. Nous allons procéder de la sorte dans tous les dossiers. Il est assez logique d'examiner si, dans l'ensemble, il existe aujourd'hui des charges en 2001 qui ont réellement été imposées par le fédéral et dans quelle ampleur.
On examinera également, en sens inverse, quels sont les efforts réalisés par le fédéral ou par d'autres niveaux à l'égard des communes. L'année dernière, nous avons par exemple mis en place un plan d'aide aux grandes villes. On peut évidemment isoler sans arrêt les éléments négatifs et ne pas prendre en compte les éléments positifs. Nous allons faire la balance de tous les éléments.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Il faut également le faire pour les petites et moyennes communes.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Pour toutes ! Ce sera fait pour toutes les communes en vue du contrôle budgétaire. En accord avec les gouvernements régionaux, nous avons pris la décision d'examiner l'ensemble des flux financiers dans l'ensemble des dossiers. Ce sera fait pour le contrôle budgétaire.
En ce qui concerne la réforme des polices, le contact avec les communes est plus direct. Les différentes associations de communes ont un contact régulier avec le gouvernement. Nous avons convenu au sein du comité de concertation que c'est là que se passerait la discussion. On peut passer par la région ou par des mandataires qui siègent également dans des assemblées fédérales. Mais qui mieux que les représentants communaux peuvent dire si les moyens mis à leur disposition par le fédéral couvrent l'ensemble des charges ? On commence à parler de montants très significatifs. On m'a même demandé si la réforme fiscale n'allait pas coûter. Le gouvernement a évalué son coût à un peu plus de 134 milliards de francs de recettes en moins pour le fédéral.
À ce jour, les décisions fiscales prises - notamment la suppression de la cotisation complémentaire de crise - ne coûtent pas un franc aux communes. Elles ne concernent pas le calcul des additionnels.
Il est possible qu'en 2004, 2005 ou 2006, lorsque le calcul définitif sera fait, on puisse trouver une diminution des additionnels communaux. Je l'ai dit à la Chambre parce que nous venons d'y avoir ce débat, il faudra faire un choix. Veut-on laisser jouer l'autonomie communale et donc laisser aux communes le soin de savoir si elles veulent conserver le même montant de recettes et ne pas participer à la diminution de la charge fiscale sur le travail ? Ou demande-t-on à l'État fédéral de prendre la décision à la place des communes ? Je n'ai aucune objection dans le débat sur la réforme fiscale à faire en sorte que les communes aient la même recette qu'aujourd'hui et décident en toute autonomie si elles veulent ou non suivre la réforme fiscale, en d'autres termes si elles veulent réduire les charges sur le travail.
On inversera la problématique. Les bourgmestres seront dans la situation de devoir dire à la population : nous souhaitons ou non prendre la même décision que l'État fédéral. Cela ne me pose aucun problème. Dans tout les calculs faits à ce jour, nous n'avons jamais souhaité diminuer en quoi que ce soit l'autonomie communale. Mais il ne faudrait pas jouer sur deux tableaux. Ce sera soit l'autonomie et l'on décide soi-même de ce que l'on veut faire, soit on demande au fédéral de décider mais alors que l'on ne se plaigne pas d'une perte d'autonomie en la matière. Voilà la situation aujourd'hui.
Il en découle, monsieur le président, que je vous confirme pour le gouvernement que nous souhaitons attendre le contrôle budgétaire et les résultats du groupe de travail mis en place en commun par le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux et communautaires avant d'avancer dans ce dossier qui n'est qu'un élément d'un tout, à savoir les différents flux financiers entre les différents niveaux de pouvoir. Ce débat pourrait être repris plus tard au sein de cette assemblée si le Sénat ne souhaite pas aller plus avant aujourd'hui. Cependant si le Sénat souhaite avancer aujourd'hui, je constaterai dès lors que la discussion devra se poursuivre à la Chambre dans un débat budgétaire puisque la Chambre a une responsabilité particulière en matière budgétaire.
Mais je ne pense pas qu'il soit très raisonnable de vouloir avancer sur un élément isolé d'un dossier bien plus large. C'est la thèse que le gouvernement fédéral - unanime, madame Lizin - a défendue au sein du comité de concertation en demandant la création d'un groupe de travail. Les différents points ont été cités y compris les frais administratifs. Sur base du rapport du groupe de travail, le gouvernement fédéral comme le comité de concertation auront à prendre attitude. Si le Sénat veut choisir une autre orientation, cela signifiera alors que le vrai débat budgétaire aura lieu à la Chambre des représentants dont c'est la responsabilité.
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