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M. René Thissen (PSC). - La presse faisait écho, voici quelques jours, des premières conclusions tirées du rapport du groupe de travail présidé par Mme Cantillon, chargé de formuler des recommandations en vue d'un rapprochement entre la sécurité sociale des travailleurs salariés et le statut social des indépendants.
Le groupe d'experts proposerait - j'emploie le conditionnel puisque nous n'avons pas encore pu prendre connaissance de ce rapport -, entre autres, d'aligner l'allocation familiale du premier enfant d'indépendant sur celle du premier enfant du salarié.
Si nous nous réjouissons évidemment de cette mesure pour laquelle nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi, nous nous étonnons quant au mode de financement proposé, à savoir la suppression de la déductibilité pour enfant à charge.
Mes questions sont donc les suivantes.
Premièrement, quel est le sort qui sera réservé au rapport et aux propositions du groupe de travail d'experts chargé d'évaluer les modifications à apporter au statut social des indépendants ? Deuxièmement se pose plus fondamentalement la question du financement du statut social des indépendants.
Si des améliorations doivent être apportées à la protection sociale des travailleurs indépendants, est-il acceptable que cela se fasse au détriment des travailleurs salariés ? Je rappelle que je me base sur des articles de presse. Une telle mesure ne risque-t-elle pas d'avoir pour conséquence que les corps sociaux se montent l'un contre l'autre ? Ne serait-il pas plus judicieux d'affecter les marges financières, dont on nous parle beaucoup, au financement des protections accrues en faveur des indépendants ?
Est-il logique d'organiser une réforme fiscale - dont on parle également beaucoup et pour laquelle on nous promet monts et merveilles - qui allège la pression fiscale, d'une part, et de supprimer la déductibilité fiscale des enfants à charge, d'autre part ?
M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Je voudrais d'abord préciser que le rapport du groupe de travail Cantillon constitue, selon moi et le ministre Gabriëls, une contribution précieuse à la recherche d'une meilleure organisation de la sécurité sociale et, en particulier, d'un rapprochement des régimes sociaux des salariés et des indépendants.
Le rapport présente une esquisse d'une architecture nouvelle avec une convergence - et pas nécessairement une harmonisation totale - entre la protection sociale des travailleurs indépendants et celle des travailleurs salariés. Il s'agit donc seulement d'une esquisse, d'une architecture. Une série de détails ne sont pas encore explicités. Le rapport propose des options, des choix et, ce qui est important, ne présente pas de proposition précise en ce qui concerne la facture et la répartition de celle-ci. En d'autres mots : qui paie quoi ?
Le rapport ne formule, par ailleurs, aucune proposition en ce qui concerne le timing. Cela signifie que le gouvernement, sur la base de cet avis, a encore tout un travail à effectuer et qu'il faudra encore entamer de nombreuses discussions. M. Gabriëls et moi organiserons, dans les plus brefs délais, la concertation au sein du gouvernement.
Vous savez que, dans une première phase, le groupe de travail s'est penché sur les règlements en matière d'incapacité de travail, de soins de santé et d'allocations familiales. M. Gabriëls et moi estimons qu'il serait utile que le groupe de travail poursuive ses travaux et qu'il examine notamment le secteur des pensions. C'est d'ailleurs également un souhait des organisations d'indépendants. Nous allons donc proposer au gouvernement de demander officiellement au groupe de travail Cantillon de présenter un deuxième rapport concernant les pensions. Nous disposerons alors d'un tout.
Il faut donc peut-être patienter un peu car, pour les organisations sociales notamment, il est important d'avoir une vision globale.
Vous avez posé plusieurs questions importantes. Je voudrais formuler quelques remarques sans toutefois vouloir me prononcer sur les propos précis de Mme Cantillon.
Vous demandez s'il est acceptable que des améliorations apportées à la protection sociale des indépendants se fassent au détriment des travailleurs salariés.
A vrai dire, il n'y a pas de proposition allant dans ce sens. Cependant, il semble exister un malentendu concernant une des options dans le secteur des allocations familiales, à savoir l'idée que le statut social des travailleurs indépendants serait financé par la sécurité sociale des travailleurs salariés. Ce n'est pas le cas. Cette proposition ne figure pas dans le rapport. Une telle mesure serait à la fois injuste et politiquement peu réaliste. De plus, comme vous l'avez souligné, elle risquerait d'opposer les corps sociaux les uns aux autres, ce qu'il faut éviter à tout prix.
Vous m'avez interrogé également au sujet de l'opportunité d'organiser une réforme fiscale afin d'alléger la pression fiscale et de supprimer la déductibilité fiscale des enfants à charge, mesure qui fait référence à l'une des options du rapport Cantillon qui précise qu'on pourrait financer partiellement une amélioration tant pour les indépendants que pour les salariés dans le secteur des allocations familiales par une diminution de la déductibilité fiscale du premier enfant. Il serait peu prudent de me prononcer sur ce point sans concertation avec mes collègues et sans avoir étudié la question plus profondément. A titre personnel, je considère que si cette option était retenue, il faudrait l'intégrer dans l'approche fiscale globale du gouvernement. Il ne s'agit que d'une option parmi trois et je répète que le rapport est un avis et non une série de décisions.
J'espère avoir répondu à vos questions qui concernent un sujet extrêmement important du point de vue social.
M. René Thissen (PSC). - Je prends acte du fait que ce rapport est l'esquisse d'une architecture et constitue donc une base de discussion. Il est important de le rappeler.
Le ministre confirme que les propositions ne pourront avantager un corps social au détriment d'un autre. C'est une question de bon sens et cela permettra d'éviter de sérieuses difficultés.
En ce qui concerne la déduction fiscale, il est vrai que l'on a intérêt à réfléchir à la question. Aujourd'hui, les personnes qui se situent en dessous du minimum imposable ne bénéficient pas de la déduction fiscale. Il serait intéressant d'avoir une démarche qui ne semble pas avoir été effectuée dans le cadre des travaux du groupe Cantillon, à savoir organiser une concertation avec notamment les représentants de la Ligue des familles qui espéraient beaucoup avoir leur mot à dire mais n'ont pas été consultés.
M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Selon mes informations, Mme Cantillon avait l'intention de rencontrer une délégation de la Ligue des familles. J'ignore si cette rencontre a eu lieu. En tout cas, elle me semble opportune. Quoi qu'il en soit, des concertations auront lieu avec toute une série d'organisations sociales avant que les décisions ne soient prises au sein du gouvernement. La Ligue des familles est une organisation représentative qui doit évidemment être consultée et je suis prêt à m'y engager.