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M. Paul Galand (ECOLO). - Mon intention était, il y a quatre semaines, de poser une question orale sur les problèmes de la drogue en prison et sur ce que la presse en rapportait à l'occasion de l'ouverture du procès Ketfi à Liège. J'avais donc déposé un texte en ce sens mais le Bureau du Sénat a estimé qu'il fallait aborder cette question sous la forme d'une demande d'explications. Si la décision du Bureau souligne l'importance du sujet, elle explique aussi que le texte qui vous a été transmis, Monsieur le Ministre, n'était pas tout à fait adapté à cette nouvelle donne et je vous prie de m'en excuser.
La semaine passée, il me paraissait également normal d'accéder à votre souhait de reporter ce débat vu que vous étiez attendu à la Chambre. De plus, entre temps, vous avez répondu à une question de Mme Cahay à la Chambre et votre réponse confirme déjà plusieurs initiatives de votre part face à cette problématique.
Je vais donc accentuer le deuxième volet de mon intervention car, en plus de la remise en lumière de l'importance et de la gravité de la problématique de la toxicomanie en prison, la presse faisait aussi état de trafic de drogue de grande ampleur, parfois organisé sous forme quasi mafieuse dans l'enceinte même de la prison.
Des témoignages au sujet de pressions exercées sur des prisonniers non coopératifs rendaient compte de faits d'une extrême gravité allant jusqu'à ce qu'il faut bien appeler de la torture.
La prison d'un État de droit peut-elle aboutir à autre chose qu'à un enfermement, avec des lendemains aggravés, si elle-même est un lieu où l'absence de droit domine ?
Monsieur le Ministre, vous avez déjà pris plusieurs initiatives en la matière. Vous avez annoncé la nomination de deux experts qui seront, dès le début de l'an prochain, chargés de visiter les établissements pénitentiaires et d'intervenir dans les problématiques de drogue tant dans leurs aspects collectifs qu'individuels. Pouvez-vous déjà préciser le rôle de ces experts par rapport à la lutte contre des systèmes de pression et d'implication parfois forcée de nouveaux détenus dans des trafics de drogue internes au milieu carcéral ?
Vous avez aussi indiqué, à juste titre, votre volonté que des dispositions soient prises pour que les traitements entamés ne soient pas interrompus lors d'un emprisonnement. Évidemment, pour qu'un traitement de substitution et l'accompagnement psychothérapeutique qui doit y être associé aient des chances de se poursuivre valablement, il faut éviter des ruptures thérapeutiques en cas d'emprisonnement et éviter de nouvelles sollicitations. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Les deux experts devront-ils vous faire des propositions à ce sujet ?
Je mesure les difficultés et la complexité du problème d'autant plus que pour plusieurs spécialistes en la matière l'usage de drogue en prison joue le rôle d'une sorte d'échappatoire psychologique et de soupape contre les tensions extrêmes renforcées par la surpopulation carcérale.
Ce constat entraînerait une attitude ambivalente de certains vis-à-vis d'une politique efficace en matière de toxicomanie et de lutte contre les trafics de drogue à l'intérieur des prisons. Le défi n'est évidemment pas simple pour assurer en prison des traitements modernes de limitation des risques et de réappropriation progressive d'une autonomie psychologique personnelle face à une consommation abusive et délétère.
Encore que si la prison arrivait à être ce qu'elle doit être, un lieu de privation de liberté pour le coupable, bien sûr, mais aussi un lieu où l'État de droit s'affirme jusque dans la façon dont la dignité de l'être humain est respectée en rendant « justice » à la dignité humaine, celle du prisonnier qui, par ses actions délictueuses ne la respectait ni en lui-même ni chez les autres... alors, la prison n'offrirait-elle pas un climat plus propice aux traitements et aux efforts de réhabilitation sociale futurs ?
C'est d'ailleurs confronté à cet apparent paradoxe que la personne en prison serait incitée à se remettre en question par rapport aux comportements délictueux qui l'ont conduite en prison.
Vous pourriez me dire que je parle d'un idéal difficile à atteindre ? D'accord. Je ne ferai le reproche à personne de ne pas y arriver mais la dimension des drames dus à l'usage délétère de drogue est telle qu'elle est inversement proportionnelle aux dimensions et ambitions des solutions vers lesquelles nous devons tendre.
M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Les problèmes concernant l'utilisation et la vente des stupéfiants au sein du milieu carcéral ne sont pas nouveaux. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la presse en parle.
Vous voulez savoir, monsieur Galand, si je vais prendre des mesures « vu la gravité des événements rapportés par la presse ». La question ainsi posée, je dois vous répondre « non ». Je ne dois pas prendre de nouvelles initiatives après ce que j'ai lu dans la presse : je suis, depuis longtemps déjà, conscient de la problématique des stupéfiants au sein du milieu carcéral. Cela explique pourquoi j'ai déjà pris, il y a longtemps, des initiatives qui sont actuellement en phase de finalisation.
Ce qui est très important pour moi dans ce contexte, c'est la circulaire circonstancielle traitant spécifiquement de cette question. Elle va être finalisée dans les prochains jours : le texte est actuellement soumis à mon administration pour une dernière vérification ; il sera ensuite publié.
Je ne souhaite pas encore aborder les lignes de force de cette instruction mais je peux d'ores et déjà vous dire qu'il entre dans mes intentions de coordonner les actions entreprises dans toutes les directions.
De plus, sachez que l'attention nécessaire sera accordée à la vente des stupéfiants et à ses conséquences.
Ensuite, un instrument de recherche scientifique est également mis sur pied afin que l'on puisse suivre de très près la problématique des stupéfiants au sein du milieu carcéral et évaluer de façon permanente les effets de la politique choisie.
Enfin, un Groupe central de Gestion de la problématique des Stupéfiants est actuellement créé au sein de mon administration. Sous peu, il devrait bénéficier de l'assistance de deux coordinateurs dans le domaine des stupéfiants ; ceux-ci seront chargés de suivre, à temps plein, la problématique des stupéfiants au sein du milieu carcéral. Ils effectueront des visites dans les prisons afin de cerner le problème et d'y apporter une solution contraignante.
-Het incident is gesloten.