Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-25

SESSION DE 2000-2001

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires sociales et des Pensions (Affaires sociales)

Question nº 824 de Mme De Schamphelaere du 11 septembre 2000 (N.) :
Asthme. ­ Coût supplémentaire pour le patient. ­ Interventions.

Les personnes qui souffrent d'asthme constituent une catégorie particulière de patients du fait que le surcroît dû à leur maladie grève lourdement le revenu de leur ménage. Il ressort d'une étude qui a été menée auprès des membres de la Astmastichting België que la part personnelle des patients (tickets modérateurs, frais non remboursés, etc.) dans ce surcoût dépasse les 15 000 francs par mois.

Ledit surcoût est déterminé par une série de facteurs dont le ticket modérateur relatif aux prestations des médecins. Pour évaluer l'incidence de la maladie sur le budget des ménages, il faut dès lors tenir compte de tous les aspects de la question :

­ Comme l'asthme est une maladie chronique et que les coûts les plus importants sont connus, il est possible de déterminer de manière précise l'ampleur des frais. Les personnes qui souffrent de cette maladie doivent s'adresser surtout à des spécialistes, doivent recourir fréquemment à des prestations médicales, sont admises plus souvent et plus longtemps dans les hôpitaux que la moyenne des gens et doivent faire face chaque année à la charge financière importante qu'elle engendre.

­ Les personnes qui souffrent d'asthme doivent se faire examiner régulièrement pour pouvoir suivre l'évolution de leur état de santé et pour pouvoir intervenir éventuellement. Les patients qui ont des problèmes financiers essaient de réaliser des économies en négligeant de se rendre aux consultations ou de prendre leurs médicaments, d'où des hospitalisations plus fréquentes et plus longues et des frais supplémentaires pour l'assurance-maladie.

­ Le coût des médicaments que les patients doivent prendre leur vie durant pour stabiliser leur état de santé, atténuer les symptômes ou combattre la cause de l'asthme, est déterminé unilatéralement par le médecin, sans que le patient ne puisse intervenir ni formuler aucun choix. De plus, les solutions de remplacement reposant sur la prescription de médicaments équivalents mais de moindre coût ou sur la prescription de médicaments dont le prix est remboursé intégralement, sont encore très rares. En raison de la majoration des tickets modérateurs, les frais augmentent constamment. L'on ne pourra mettre fin à cette discrimination fondamentale, qu'en incluant le montant des tickets modérateurs dans le calcul de la franchise sociale.

­ Par ailleurs, la personne qui souffre d'asthme doit faire face à toutes sortes d'autres dépenses. Le coût des aérosols, des spacers et des chambres d'inhalation (accessoires d'aérosols doseurs), les débitmètres de pointe, les filtres à air, les housses de matelas, l'aménagement du logement, etc. doit être supporté intégralement par le patient.

Les frais strictement médicaux ne sont pas le seul facteur en soi. Dans bien des cas, les patients ont aussi à faire face à un boulversement de leur vie sociale.

­ Les personnes souffrant d'asthme ne sont souvent plus en état de s'occuper seuls de leur famille et doivent parfois faire appel à une aide familiale.

­ À ces frais supplémentaires s'ajoute fréquement une diminution drastique du revenu professionnel des intéressés lorsqu'ils exercent une activité professionnelle irrégulière (soit en raison de leur maladie, soit parce qu'on choisit de les soigner à domicile). Lorsqu'un ménage doit se rabattre sur une allocation de chômage à la suite d'un licenciement pour absences répétées ou sur un revenu de remplacement en cas d'incapacité de travail permanente, sa capacité financière est considérablement réduite. L'incertitude sous-jacente due au fait que l'on ne peut décider de ne pas verser l'allocation alourdit encore la charge. Or, le ménage doit continuer à assumer toutes ses obligations financières (loyer, remboursement d'hypothèque, frais d'étude des enfants, etc.).

À ce sujet, il y a lieu de souligner qu'une mauvaise appréciation de la capacité financière du ménage d'un asthmatique pourrait engendrer à terme pour la sécurité sociale un coût d'un montant supérieur à celui de l'économie qui aura pu être réalisée éventuellement.

Lorsque des personnes qui souffrent d'asthme se mettent à économiser ­ pour tenter d'équilibrer leur budget ­ sur les soins médicaux et, notamment, sur les médicaments et les visites médicales de contrôle, leur situation peut se détériorer à tel point que les dommages qu'ils s'infligent engendrent par la suite, pour la société, des frais plusieurs fois supérieurs à ce qu'elles auront pu économiser elles et leur famille. En disant cela, on ne parle même pas encore de la dégradation de leur état physique, moral et social.

Il faut souligner en outre, qu'un grand nombre de mesures existantes ne prévoient qu'une indemnisation des patients frappés d'un handicap de plus de 66 % et les patients asthmatiques ou allergiques ne peuvent être classés dans aucune autre catégorie ni bénéficier d'aucun statut particulier.

Les personnes qui ont appris à vivre avec leur maladie, qui la gardent sous contrôle et qui prennent toutes les mesures préventives nécessaires pour rester productives sur le marché du travail, sont condamnées à payer tous les frais engendrés par leur maladie. C'est une situation inacceptable.

J'aimerais demander, dès lors, à l'honorable ministre s'il est disposé à tenir compte de la situation des personnes et de retenir, dans l'affirmative, les propositions suivantes :

­ celle de rembourser le coût des aérosols électroniques;

­ celle d'intégrer dans la franchise sociale le ticket modérateur relatif aux médicaments;

­ celle d'assouplir la procédure de remboursement des médicaments par l'intermédiaire du médecin-conseil (catégorie Af, Bf, Cf);

­ celle de prévoir une intervention dans les frais qu'engendre l'achat de housses anti-mites, de filtres à air, de débitmètres de pointe;

­ celle de reconnaître l'asthme comme une maladie chronique;

­ celle d'étendre le statut VIPO aux personnes qui souffrent de manière chronique d'asthme, pour qu'elles puissent également bénéficier du ticket modérateur réduit d'une allocation.

Réponse : Les questions posées par l'honorable membre présentent l'intérêt particulier de souligner les besoins et souhaits concrets d'un groupe de patients, à savoir les patients asthmatiques, mais elles mettent également en exergue, de manière fondamentale, les problèmes ­ notamment d'ordres financier, familial et social ­ auxquels sont confrontées sur un plan plus général les personnes qui, touchées par la maladie, sont exposées à un moment de leur existence ou pour une période de longue durée à des frais élevés, difficilement supportables, engendrés par les soins que nécessite une prise en charge adaptée de leur maladie, personnes au rang desquelles il faut compter une majorité de malades chroniques.

En ce sens, les questions posées par l'honorable membre, touchent à une préoccupation essentielle à mes yeux, celle qui concerne la nécessité de mettre tout en oeuvre afin de garantir et améliorer pour l'avenir l'accès à des soins de santé de qualité pour l'ensemble de la population et singulièrement, au sein de celle-ci, pour les groupes les plus fragilisés. Il s'agit là d'une question cruciale qui nous interpelle déjà aujourd'hui et dont il est clair qu'elle se posera demain avec davantage d'acuité encore, eu égard notamment aux évolutions que nous sommes appelés à connaître tant sur les plans démographique que technologique et sociétal.

Ces dernières années, des mesures importantes ont été prises en vue d'apporter certaines réponses à ce type de préoccupation.

Je vise essentiellement ici l'instauration du système de franchises sociale et fiscale, l'extension des groupes cibles auxquels s'applique le régime préférentiel VIPO ou encore les initiatives prises en faveur des patients chroniques, qu'elles soient de nature assez générale (du type de l'octroi d'une allocation annuelle forfaitaire) ou qu'elles concernent de manière plus précise des groupes de patients atteints de pathologies spécifiques.

Ces mesures constituent des jalons significatifs posés dans la bonne direction. Elles ne sont toutefois pas suffisantes eu égard à l'ampleur de la problématique et à ses multiples facettes. C'est pourquoi j'ai, dès mon entrée en fonction dans ce département, posé comme l'une de mes priorités essentielles, celle de continuer la politique menée en ce domaine, en l'approfondissant et en la développant sur certains points.

Ainsi, après une évaluation du fonctionnement du système de franchises sociale et fiscale en vigueur depuis 1994, il me paraît nécessaire d'y apporter certaines modifications, notamment afin de prendre désormais en considération les tickets modérateurs en matière de médicaments. Cette mesure n'avait jusqu'à présent pas pu être mis en oeuvre pour des raisons techniques. Ces difficultés sont actuellement en voie d'être levées, ce qui devrait permettre sous peu une avancée déterminante dans ce domaine.

En outre, il entre dans mes intentions de proposer au gouvernement la mise en place d'un système plus large de « facture maximale », garantissant à l'ensemble des assurés le remboursement intégral des coûts auxquels ils sont confrontés en matière de soins de santé au-delà d'un certain plafond dépendant de leurs revenus. J'espère pouvoir couler prochainement les bases de ce chantier important.

En ce qui concerne les médicaments, outre l'inclusion des tickets modérateurs dans le système de franchise mentionné ci-avant, je m'attache depuis plusieurs mois à négocier avec les diverses autorités et différents partenaires concernés, en vue de tracer les pistes d'une réforme en profondeur de la politique du médicament existant dans notre pays en poursuivant à la fois un objectif d'optimisation de l'efficience des dépenses considérables de l'assurance maladie en la matière et d'amélioration de l'accessibilité pour les patients, tant sur un plan général que pour ce qui concerne les médicaments innovants particulièrement onéreux.

Parmi les divers aspects étudiés dans ce contexte, figure un assouplissement de la procédure administrative de remboursement des médicaments via le médecin-conseil de l'organisme assureur. Dans ce domaine, certaines propositions formulées de façon unanime par les représentants du corps médical, des pharmaciens et des organismes assureurs, visent à remplacer progressivement un système de demande a priori par une évaluation a posteriori des prescriptions, effectuée par sondage dans le cadre de l'accréditation.

Pour ce qui concerne la reconnaissance d'un statut de « malade chronique », je souligne que nous n'avons pas opté, dans le cadre de notre régime d'assurance soins de santé obligatoire, pour la définition strictement limitative d'une liste de maladies chroniques qui engendreraient, dans le chef des patients qui en sont atteints, l'obtention automatique du bénéfice d'un statut particulier.

Ainsi, les dispositions instaurant depuis 1998 une allocation annuelle forfaitaire en faveur des malades chroniques, prévoient que peuvent bénéficier de cette intervention les assurés réunissant un certain nombre de conditions concernant, d'une part, le montant de leurs dépenses en soins de santé et, d'autre part, le degré de dépendance quant à l'aide de tiers dans laquelle ils se trouvent. Après une première évaluation de ce dispositif, je compte prochainement quelque peu élargir les conditions d'octroi de cette allocation en prenant en considération à l'avenir également certains critères relatifs à des hospitalisations répétées ou de longue durée pendant une période de référence.

Toutefois, je suis convaincu qu'à côté de ce type de mesure de portée générale, dans la ligne des initiatives particulières taillées dernièrement « sur mesure » pour certaines pathologies (mucoviscidose, maladies métaboliques rares, maladies neuromusculaires), il s'impose de rencontrer mieux les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés certains groupes de patients chroniques.

C'est notamment dans l'optique d'étudier cette problématique et de formuler à ce sujet des propositions ciblées, que j'ai installé fin 1999 au sein du Conseil scientifique du Service des soins de santé de l'INAMI un « Comité consultatif en matière de dispensation de soins pour des maladies chroniques et pour des pathologies spécifiques ».

Des informations qui m'ont été communiquées via un rapport concernant le premier semestre d'activités de ce comité, il apparaît qu'un groupe de travail y sera incessamment créé concernant les maladies chroniques obstructives des voies aériennes (bronchopneumopathie chronique obstructive et asthme bronchique) aux fins de tenter de mettre au point un projet innovateur en matière de prise en charge des patients atteints par ces pathologies.

J'ai personnellement insisté auprès du président de cet organe afin que les représentants des associations de patients soient associés aux travaux et j'ai reçu de sa part une assurance formelle à ce sujet. J'invite dès lors vivement lesdites associations à saisir cette occasion afin d'informer au mieux les membres du « comité consultatif » au sujet des divers problèmes auxquels sont confrontés les patients asthmatiques et des solutions concrètes qu'ils préconisent, tant sous un angle qualitatif que quantitatif, afin d'y remédier.

J'examinerai, le moment venu, avec intérêt le rapport que m'adressera le comité consultatif à ce sujet et considérerai alors les propositions qui seront formulées.

Dans l'attente du résultat de cette étude globale, j'estime prématuré de me positionner aujourd'hui par rapport à certaines demandes précises dont l'honorable membre se fait le porte-parole au travers de ses questions.

Par ailleurs, j'entends souligner que les pathologies qui sont ou seront examinées au sein du « comité consultatif » en vue de la mise en oeuvre de projets innovateurs de prise en charge de soins en faveur des malades chroniques sont nombreuses et toutes dignes d'intérêt. Il est clair que, même si des moyens financiers appréciables ont été dégagés dans le budget de l'INAMI pour permettre la concrétisation de ce type d'initiatives, ces moyens demeuront en tout état de cause insuffisants par rapport aux demandes qui seront exprimées. En conséquence, des choix devront inéluctablement être opérés et certaines priorités devront être déterminées. Cette réalité rend d'autant plus aléatoire tout pronostic au sujet des mesures concrètes qui pourront être prises suite aux propositions qui seront formulées pour les diverses pathologies, et a fortiori pour celle d'entre elles qui a motivé les questions de l'honorable membre.

En dernier lieu, concernant la problématique d'une réduction éventuelle des tickets modérateurs inhérents aux prestations effectuées pour les patients chroniques, je rappelle que tout récemment, le groupe-cible des patients qui peuvent confier la gestion de leur dossier médical global à leur médecin de famille afin de bénéficier, en échange de cet engagement, d'un avantage financier sous la forme d'une réduction du ticket modérateur pour certaines prestations, a été élargi aux malades chroniques qui remplissent certains critères. En l'occurrence, ces personnes peuvent maintenant bénéficier d'une réduction de 30 % sur le ticket modérateur dont ils sont redevables en cas de consultation chez un généraliste ou de visite à domicile d'un généraliste.

De manière générale, je suis, comme je l'ai mentionné ci-dessus, partisan d'une solution globale visant à alléger de manière équilibrée la charge financière représentée par les interventions personnelles qui incombent aux assurés sociaux en raison des soins que nécessite leur état de santé, via l'instauration d'un système de « facture maximale ». Dans ces conditions, je n'envisage actuellement pas l'extension du statut VIPO à une éventuelle catégorie « malades chroniques ».