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20 JUILLET 2000
En avril 1995, le législateur fédéral modifia la loi communale en vue d'offrir aux communes la possibilité d'organiser une consultation populaire. En mars 1999, l'article 41 de la Constitution fut complété par un alinéa disposant que « les matières d'intérêt communal ou provincial peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la commune ou la province concernée. La loi règle les modalités et l'organisation de la consultation populaire ».
Dans la mesure où l'on souhaitait que la consultation populaire puisse être initiée par la population elle-même, il a été jugé nécessaire d'inclure dans la Constitution le principe de la consultation populaire au niveau communal et au niveau provincial. Mais, le Conseil d'État a, à plusieurs reprises, confirmé que le référendum consultatif au niveau communal n'était pas contraire à la Constitution pour autant que celui-ci ne soit contraignant ni en droit, ni en fait, et pour autant qu'il soit organisé sur l'initiative du conseil communal et que ce référendum consultatif concerne des matières d'intérêt communal sur lesquelles le conseil communal a en principe à trancher (doc. Sénat, nº 311/2, 1988-1989; doc. Chambre, nº 177/3, 85/86; doc. Sénat, nº 701/4, 1988-1989; doc. Sénat, nº 1338/1, 1994-1995).
Au début de cette législature, les commissions pour le renouveau politique de la Chambre et du Sénat se sont penchées sur la question de la « démocratie directe ». Le référendum et la consultation populaire figuraient bien évidemment au rang des outils permettant de renforcer dans notre pays la participation des citoyens au processus décisionnel. En abordant la thématique du référendum et de la consultation populaire, la première question qui fut mise en évidence était celle de la compatibilité de ces instruments avec notre charte fondamentale, la Constitution belge.
En ce qui concerne le référendum, la question appelle une réponse évidente : une révision de la Constitution paraît nécessaire. En effet, l'article 33 de la Constitution dispose que tous les pouvoirs émanent de la Nation et que ces pouvoirs sont exercés de la manière établie par la Constitution. L'article 42 prévoit précisément que les membres des deux Chambres représentent la Nation. Dans l'esprit de la Constitution, les articles 33 et 42 se complètent.
Par ailleurs, l'article 36 de la Constitution prévoit de manière limitative que le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat et ne mentionne donc pas la possibilité de légiférer par voix référendaire. Ces articles fondent bien évidemment le régime de représentation qui est le nôtre : seuls les élus du peuple représentent ce dernier.
Malheureusement, la précédente majorité gouvernementale n'a pas jugé opportun d'ouvrir à révision ces articles avant la dissolution des assemblées en vue des élections du 13 juin 1999.
En ce qui concerne l'introduction de la consultation populaire au niveau fédéral, l'hypothèse d'une modification nécessaire de la Constitution ne nous semble pas pouvoir être suivie. Comme nous l'avons déjà souligné, le Conseil d'État a évoqué, à l'occasion des débats relatifs à la consultation populaire au niveau communal, la compatibilité de cet outil avec notre charte fondamentale dès lors que la consultation populaire est initiée par l'organe législatif lui-même, qu'elle ne revêt pas de caractère contraignant et qu'elle a trait à une matière relevant de la compétence du niveau de pouvoir concerné. Par le biais de la consultation populaire, le citoyen n'exerce pas directement les pouvoirs constitutionnels (dont celui de l'élaboration des lois).
Au contraire, en prenant part à une consultation populaire, le citoyen n'exerce pas le pouvoir législatif : il informe les assemblées de ses préférences. En sens inverse, le Parlement, en organisant une consultation populaire, prend le « pouls » de la population concernant un sujet important. Ce faisant, le Parlement consulte, s'informe, un peu comme il a l'habitude de le faire régulièrement lors des travaux préparatoires dans les commissions permanentes des assemblées, à la différence bien évidemment que dans le cas de figure envisagé la consultation est plus large puisqu'elle s'adresse à l'ensemble des électeurs de la Nation.
Le principe d'une consultation populaire fédérale, pouvant être initiée par le Parlement, est donc tout à fait compatible avec les dispositions constitutionnelles puisqu'elle ne vise pas à ajouter une branche supplémentaire au pouvoir législatif, mais se limite à évoquer une modalité dans la procédure d'exercice de son pouvoir législatif par la Chambre ou le Sénat.
Le programme de la fédération PRL-FDF-MCC plaide en faveur du renforcement de la participation citoyenne au mécanisme de la prise de décision politique. Le vote est bien évidemment la forme minimum indispensable de cette participation et ce, en vue de l'élection des représentants du peuple. Le principe de la démocratie représentative ne s'oppose pas à l'introduction de mécanismes de démocratie directe. Il faut rejeter les préjugés des extrémistes de l'école participationniste et de l'école représentationniste qui semblent croire qu'un régime politique moderne n'a que deux choix institutionnels possibles : la participation directe de tous ou la représentation pure. Un régime représentatif, un gouvernement représentatif doivent pouvoir bénéficier de certaines des vertus des mécanismes de démocratie directe en permettant au citoyen, dans les conditions qu'ils déterminent, d'être consulté, de confirmer, rejeter ou élaborer des normes. Comme le rappelle Austin Ranney, dans un article relatif au référendum et à la démocratie, renforcer des institutions représentatives par le recours au mécanisme de la démocratie directe offre plusieurs avantages :
une légitimité accrue pour les régimes démocratiques représentatifs. Les décisions qui sont prises par le peuple ou au sujet desquelles le peuple a été consulté, apparaissent plus légitimes. Par ailleurs, un pouvoir qui consulte la population sur des sujets importants apparaît moins éloigné des préoccupations des citoyens;
un accroissement de la participation des citoyens (un des objectifs fondamentaux des régimes démocratiques est d'impliquer au maximum les citoyens dans la prise de décision politique). Les citoyens votent beaucoup plus volontiers lorsqu'ils ont l'occasion de s'exprimer directement sur des décisions politiques qui leur sont soumises pour ratification ou pour avis.
Comme nous l'avons souligné plus haut, il est malheureusement impossible d'avancer dans l'état actuel des choses dans la voie du référendum décisionnel. Les auteurs de la présente proposition de loi estiment cependant que l'on peut avancer dès aujourd'hui en ce qui concerne « la consultation populaire fédérale ». On préférera le terme « consultation populaire » au terme « référendum consultatif » dans la mesure où le risque de confusion avec le « référendum décisionnel » est moindre.
Le mécanisme de la consultation populaire au niveau de l'ensemble d'un pays est un mécanisme connu en droit comparé : à titre d'exemple, citons la Constitution espagnole qui prévoit que les décisions politiques d'une importance particulière pourront être soumises au référendum consultatif de tous les citoyens; en Grèce, un référendum consultatif doit être mis en oeuvre sur des questions nationales graves sur décision de la majorité absolue du nombre total des députés, décision prise à la suite d'une proposition du Conseil des ministres; en Finlande, l'article 22 de la Constitution permet l'organisation d'un référendum consultatif, décidé par la Chambre unique du Parlement.
Les auteurs de la présente proposition de loi optent donc pour l'introduction d'une consultation populaire au niveau fédéral pouvant être initiée par le Parlement à une large majorité. L'initiative appartiendra au seul Parlement qui jugera de l'importance du sujet. Certaines matières seront cependant exclues du champ d'application de la consultation fédérale : les questions concernant des personnes particulières, les questions relatives au budget, et les questions qui pourraient avoir pour effet de remettre en cause les droits et les libertés fondamentales garanties par la Constitution et par les conventions internationales et supranationales liant la Belgique.
Le vote n'est pas obligatoire. L'ensemble des électeurs a le droit de participer à la consultation populaire fédérale. Il ne sera toutefois procédé au dépouillement que si 10 % des électeurs ont participé à cette consultation qui ne pourra avoir lieu que le dimanche.
Les électeurs seront amenés à se prononcer sur l'approbation ou le rejet d'un texte de proposition ou de projet de loi. Un choix entre deux textes peut également leur être soumis.
Les modalités pratiques d'organisation de la consultation populaire fédérale sont largement inspirées des dispositions prévues par la nouvelle loi communale et par la loi provinciale en ce qui concerne la consultation populaire au niveau communal et provincial.
Lorsque le Parlement décide d'organiser une consultation populaire, le président de l'assemblée concernée transmet une demande officielle au Roi. Le pouvoir exécutif est donc chargé de l'organisation pratique de la consultation populaire fédérale.
Philippe MONFILS. Nathalie de T'SERCLAES. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
La Chambre ou le Sénat peuvent, à l'occasion de l'examen d'une proposition ou d'un projet de loi, décider de consulter les électeurs du Royaume.
La décision de la Chambre ou du Sénat est adoptée à la majorité exigée à l'article 4, dernier alinéa, de la Constitution.
Art. 3
Les questions de personnes et les questions relatives au budget ne peuvent faire l'objet d'une consultation. Il en va de même en ce qui concerne les questions qui peuvent avoir comme objet ou pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés fondamentales garanties par la Constitution et pas les conventions internationales liant la Belgique.
Art. 4
La décision d'organiser une consultation populaire fédérale est prise par la Chambre ou par le Sénat avant que cette assemblée ne se soit prononcée, en séance plénière, sur la proposition ou le projet de loi auquel se rapporte l'objet de ladite consultation.
Art. 5
Lorsque la Chambre ou le Sénat décide d'organiser une constitution populaire, l'assemblée concernée arrête, dans les plus brefs délais, à la majorité visée à l'article 2, le texte de la question qui sera soumise à l'avis des électeurs.
La question doit être formulée de manière à ce qu'il puisse :
soit y être répondu par oui ou par non;
soit être opéré par l'électeur un choix parmi deux ou plusieurs propositions de texte.
Art. 6
Lorsque le texte de la question qui sera soumis aux électeurs pour consultation a été arrêté, l'assemblée concernée transmet sa décision au Roi. Le Roi fixe la date de la consultation populaire fédérale.
Il doit s'écouler un délai de soixante jours entre la décision de la Chambre ou du Sénat et le jour prévu pour la consultation des électeurs. Le Code électoral est d'application pour l'organisation et le déroulement de la consultation populaire fédérale.
Art. 7
La participation à la consultation populaire fédérale n'est pas obligatoire. Chaque participant a droit à une voix.
Le scrutin est secret.
La consultation populaire fédérale ne peut avoir lieu que le dimanche.
Les participants sont admis au scrutin de 8 à 13 heures. Ceux qui se trouvent dans le local de vote avant 13 heures sont encore admis au scrutin.
Il n'est procédé au dépouillement que si 10 % des électeurs ont participé à la consultation.
Art. 8
Nulle consultation populaire fédérale ne peut être organisée au cours des douze mois qui précèdent la réunion ordinaire des électeurs pour le renouvellement des chambres législatives.
En outre, nulle consultation populaire ne peut être organisée au cours des quarante jours qui précèdent la réunion ordinaire des électeurs pour le renouvellement des conseils communaux et provinciaux. De même, nulle consultation populaire fédérale ne peut être organisée au cours des six mois qui précèdent l'élection des membres des conseils de communauté et de région et du Parlement européen.
Les électeurs ne peuvent être consultés qu'une seule fois par semestre et six fois au plus par législature. Au cours d'une législature il ne peut être organisé qu'une seule consultation sur le même sujet.
Art. 9
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités pratiques de l'organisation de la consultation populaire fédérale.
Art. 10
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la date d'entrée en vigueur de la présente loi qui ne peut être postérieure au 1er janvier 2002.
Philippe MONFILS. Nathalie de T'SERCLAES. |