2-486/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

22 JUIN 2000


Proposition de loi relative au contrat de soins médicaux et aux droits du patient(1)

(Déposée par Mme Ingrid van Kessel)


DÉVELOPPEMENTS


Différents développements en matière de soins de santé, parmi lesquels la complexité croissante de la pratique médicale et, surtout, l'évolution rapide des sciences et des technologies médicales, ont suscité un regain d'intérêt pour les droits des patients et l'importance qu'il convient d'accorder à leur reconnaissance.

Sur le plan international, on insiste également de plus en plus souvent sur la position centrale du patient. Un des principaux documents est la Déclaration d'Amsterdam de 1994 de l'Organisation mondiale de la santé, une déclaration de principes très complète concernant les droits du patient, rédigée selon l'optique du patient en tant que consommateur de soins de santé et que partenaire dans le système des soins de santé. Nous avons été incités à déposer la présente proposition par la « Convention bioéthique » (dont l'intitulé intégral est « Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine »), qui a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 19 novembre 1996. Cette convention concrétise un consensus international minimum en ce qui concerne la protection des droits des patients au sens large. Dans son avis du 7 juillet 1997 sur la convention, le Comité consultatif de bioéthique réclame du reste l'élaboration d'une réglementation légale relative aux droits des patients.

Contrairement au droit social ­ le droit d'être patient (à savoir le droit à l'accès aux soins de santé) ­, la teneur et la mise en oeuvre des droits individuels des patients ­ les droits que l'on a en tant que patient (c'est-à-dire les droits du patient) ­ dépendent actuellement non pas de la disponibilité des moyens ou des structures sociales, mais de la relation concrète entre le patient et le prestatoire de soins. C'est cette relation qui fait l'objet de la présente proposition de loi.

En Belgique, il n'existe pratiquement pas de cadre juridique pour les droits du patient. D'un point de vue légal, les patients se trouvent toujours dans un vide juridique; ils ne sont définis ni constatés dans aucun code ni dans aucune série de lois. Il n'existe pas de codification structurée des droits du patient. La Constitution belge ne contient pas davantage de dispositions pertinentes en la matière. On retrouve, çà et là dans la législation belge, un certain nombre de lois spécifiques (telles que la loi relative à la transplantation d'organes et les lois sur le régime des aliénés) décrivant les droits du patient dans des situations spécifiques. Encore s'agit-il souvent de droits qui ne concernent pas les patients, tels que la capacité de disposer de ses biens, ou de modalités organisationnelles, telles que le régime du tiers payant.

Le code de déontologie des médecins contient par contre un certain nombre de dispositions relatives à la relation médecin-patient. Le code impose une certaine obligation d'information, prévoit que le médecin doit normalement demander l'accord du patient pour chaque traitement et qu'il doit en principe tenir un dossier médical. Le code n'est cependant pas contraignant; les dispositions n'engagent le médecin qu'en âme et conscience. Qui plus est, en raison du paternalisme encore fortement ancré chez les praticiens de l'art de guérir, le code a été imposé unilatéralement et rédigé dans l'optique du médecin. Tandis qu'aucun droit du patient n'y est énoncé, ce code se borne à définir certains devoirs du médecin.

S'ils peuvent donc aider à orienter le comportement des prestataires de soins, les codes de déontologie ne peuvent remplacer une réglementation sur les droits des patients. La présente proposition de loi vise dès lors à fixer de véritables droits des patients en partant de la situation du patient lui-même.

Jusqu'à ce jour, faute de réglementation, c'est la jurisprudence qui devait régler les rapports juridiques entre le patient et le prestataire de soins. La jurisprudence a estimé qu'un contrat (tacite) se conclut entre eux, mais il s'agit là d'un contrat innommé, puisqu'il n'est pas défini expressément dans la loi. Le « contrat de soins médicaux » n'apparaît pas comme tel dans la législation belge de sorte qu'il faut se rabattre sur les règles générales du droit des contrats.

Pour la clarté et la transparence vis-à-vis du patient, il nous paraît important d'élaborer une réglementation distincte concernant la relation spécifique médecin-patient, ou pour la relation, plus générale, entre le prestataire de soins et le patient. La personne qui aboutit dans le circuit médical à la suite d'une maladie, d'une infirmité ou d'une affection, est plus ou moins limitée dans sa liberté et son autonomie. Il ne faut pas sous-estimer son désarroi au sein du « bastion médical ». Le patient confronté à des problèmes de santé est tributaire des connaissances et de la compétence du prestataire de soins, ce qui le place en situation de faiblesse et de dépendance et restreint considérablement sa liberté de décision.

Ces lacunes apparaissent également dans le « décret qualité » (décret relatif à la qualité intégrale des soins dans les infrastructures de soins) de la ministre flamande de la Santé de l'époque, W. Demeester. Le décret ne fixe pas de droits des patients, mais dispose qu'une politique de qualité doit être axée sur le respect des droits du patient.

Ce qui est frappant, mais pas totalement inattendu, c'est que les sentiments d'impuissance et de dépendance du patient s'expriment de plus en plus souvent devant le juge. L'augmentation du nombre d'actions en dommages-intérêts est d'ailleurs un problème qui s'observe dans l'ensemble de la société. Les soins de santé n'y ont pas échappé : le nombre d'actions intentées contre des médecins et des hôpitaux augmente chaque année.

Par l'instauration du « contrat de soins médicaux », nous souhaitons confirmer le patient dans sa position de « partenaire » dans les soins de santé. Nous entendons transformer la relation verticale paternaliste classique entre le médecin et le patient en une relation horizontale basée sur l'égalité ainsi que sur une coopération et une confiance réciproques. Le contrat de soins médicaux équilibrera mieux les rapports entre les différents acteurs, de sorte qu'ils pourront mieux se concrétiser, avec maintien des responsabilités spécifiques des uns et des autres, c'est-à-dire avec des droits et des devoirs réciproques.

Au cours des dernières années, l'attention du patient a été attirée de plus en plus souvent sur le fait qu'il devait assumer ses responsabilités par un mode de vie « sain et conscient ». Alors qu'il était jusqu'ici un receveur de soins passif, il doit depuis peu jouer un rôle toujours plus actif dans le maintien de sa santé et dans le traitement de ses maladies.

En outre, le patient paie toujours plus pour sa santé, étant donné que de moins en moins de prestations et de médicaments sont pris en charge par la communauté.

Le pas franchi entre le « patient » et le « partenaire dans le système des soins de santé » est le pas qui sépare la passivité de l'activité, la dépendance de l'intégrité, la position de faiblesse de l'égalité, le manque de liberté de la liberté de choix, une connaissance insuffisante du rapport qualité-prix de la conscience du prix et de la qualité, etc. Ce pas est grand et ne peut être sous-estimé, d'autant plus que notre santé n'est pas un bien ordinaire. C'est notre bien le plus précieux.

En conclusion : la présente proposition de loi n'apporte pas de modifications importantes. Les dispositions qu'elle contient sont généralement connues. Elles sont même souvent appliquées et perçues occasionnellement comme une évidence. Faute de réglementation légale, la pratique conserve toutefois un caractère incertain et boiteux. Il paraît donc opportun de faire la clarté en la matière.

L'application de cette réglementation n'alourdira guère l'administration des soins de santé ni, plus particulièrement, l'exercice de l'art de guérir. Elle apportera, par contre, aux patients la clarté et la sécurité juridique qu'ils attendent déjà depuis des années.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Le contrat de soins médicaux ne s'applique pas uniquement aux actes accomplis par le médecin à l'égard du patient, mais s'étend à toutes les conventions en vertu desquelles celui-ci reçoit des soins médicaux. Il peut donc s'agir d'un contrat conclu avec une personne morale telle qu'un hôpital. Il est par conséquent possible que deux contrats de soins médicaux soient conclus avec le même patient : un avec l'hôpital en ce qui concerne les soins et un avec le médecin en ce qui concerne l'examen et le traitement (par exemple, lorsque le médecin hospitalier n'est pas occupé dans le cadre d'un contrat de travail).

La loi ne s'applique qu'aux actes médicaux accomplis par les médecins, les dentistes et les obstétriciens, à l'exclusion des actes accomplis par les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les infirmiers et les paramédicaux. Il n'y a pas davantage de contrat de soins médicaux en ce qui concerne les prestations des médecins du travail, des contrôleurs médicaux, etc.

Article 3

Le contrat de soins médicaux se forme par la simple coïncidence de la volonté des parties. Il s'agit d'un contrat consensuel, qui se conclut par sollicitation et acceptation. Le patient s'adresse au prestataire de soins et lui demande une consultation ou un traitement. Strictement parlant, le prestataire de soins est libre de refuser le patient. S'il accepte la sollicitation du patient, il y a contrat.

Il n'est donc pas nécessaire que chaque prestataire de soins et chaque patient signent dorénavant un contrat. L'objectif est seulement qu'il soit établi entre les parties un certain nombre de normes générales auxquelles elles se tiennent sans signer de contrat formel.

Article 4

Le prestataire de soins agit comme le ferait n'importe quel bon prestataire de soins placé dans les mêmes circonstances. Il agit conformément aux obligations imposées par les codes de déontologie et de conduite et par la législation et l'éthique médicale. Compte tenu du principe primum non nocere, chaque prestataire de soins est censé agir avec soin et compétence, eu égard aux besoins du patient. Cette obligation ne peut être remplie de manière optimale que si le patient apporte de son côté son entière collaboration.

Article 5

S'il est hospitalisé, le patient devra désigner une personne de confiance. Cette personne sera majeure et capable et exercera les droits du patient lorsque celui-ci n'est plus en mesure de lme faire, par exemple s'il est incapable de manifester sa volonté. Cette obligation de désigner une personne de confiance ne s'applique qu'en cas d'hospitalisation. Pour le surplus, tout patient peut, d'initiative, désigner à tout moment une telle personne. Cette désignation doit cependant s'effectuer par écrit.

Article 6

Cet article lève l'incertitude concernant la partie contractante en cas de traitement en milieu hospitalier. L'hôpital de soins est toujours coresponsable de tous les manquements et erreurs médicales survenant en son sein. Que le prestataire de soins travaille dans le cadre d'un contrat ou en qualité d'indépendant, et qui que soit l'auteur de la faute, l'institution est solidairement responsable. Cela simplifie considérablement les choses pour le patient : l'hôpital fera désormais office de point de contact central.

La réglementation proposée ne modifie en rien les rapports de responsabilité entre le prestataire de soins et l'institution; l'hôpital peut à tout moment récupérer l'indemnité auprès du prestataire de soins, si ce dernier est reconnu coresponsable des dommages occasionnés.

Accord en connaissance de cause

Les articles suivants garantissent au patient que le prestataire de soins est obligé de demander son accord et de lui fournir l'information nécessaire afin qu'il soit en mesure de prendre une décision en connaissance de cause.

Article 7

La position du patient et sa décision de donner ou non son accord dépendent en grande partie de l'information qu'il reçoit. C'est pourquoi le prestataire de soins doit fournir l'information nécessaire au patient, de sorte qu'il puisse juger en connaissance de cause. Le prestataire de soins remarquera que le temps qu'il consacre à l'information du patient influera très favorablement sur leur relation de confiance. Le patient bien informé de son état de santé et de la thérapie mise en oeuvre sera d'autant plus responsabilisé et concourra d'autant plus à la réussite du traitement.

L'obligation d'informer le patient ne peut être déléguée au personnel soignant ou paramédical. C'est là la tâche du médecin traitant, ce qui n'exclut pas que des kinésithérapeutes, des infirmières et des paramédicaux aient l'obligation d'informer le patient sur leurs activités.

C'est pourquoi il est très important que le médecin et les autres prestataires de soins concluent des accords clairs et précis en vue de garantir pleinement le droit du patient à l'information.

Le devoir d'information du prestataire de soins va plus loin que la mise à disposition de formulaires et brochures standard. Les protocoles et autres formes de standardisation des actes médicaux contribuent largement à la qualité et à l'efficacité des soins. S'ils sont devenus des instruments indispensables, et ce surtout en raison de la complexité des soins de santé, ils présentent aussi des inconvénients non négligeables. En premier lieu, ils sont beaucoup trop peu orientés vers le patient. De plus, les choix et traitements alternatifs ne sont pas suffisamment abordés. La mise à disposition de standards ne peut donc être qu'une base, qui doit être complétée pour chaque patient par une information spécifique personnalisée.

Il existe pourtant de nombreuses imprécisions en ce qui concerne le contenu exact de la notion d'information. Bien que la jurisprudence accepte le principe de l'obligation d'informer, les avis sont très divergents quant au contenu de cette notion. La présente proposition tend, par conséquent, non seulement à inscrire expressément le droit à l'information dans la loi, mais également à en préciser de manière suffisante le contenu et les modalités.

Le prestataire de soins ne doit pas submerger le patient en lui fournissant toutes les informations : une surabondance d'informations pourrait avoir pour conséquence que le patient ne pourrait plus décider. C'est la raison pour laquelle cet article dispose que doivent être communiquées les informations dont le patient a raisonnablement besoin ou, comme le précise la World Medical Association : « les informations nécessaires à la prise de décision ».

Il appartient dès lors au prestataire de soins de décider quelles sont les informations dont le patient a besoin pour décider et quelles sont celles qu'il est préférable de ne pas communiquer, parce qu'elles augmenteraient inutilement la difficulté de décider. C'est ainsi qu'il n'est pas nécessaire de faire connaître tous les risques au patient. La jurisprudence belge estime généralement qu'il ne faut informer le patient que des risques auxquels on peut raisonnablement s'attendre, mais c'est là une notion trop vague. Le patient a également le droit de connaître les risques moins fréquents s'ils sont suffisamment graves. A fortiori dans le cas d'interventions de faible utilité thérapeutique comme la chirurgie esthétique.

Le prestataire de soins ne doit informer le patient que des traitements alternatifs raisonnables. Le fait de ne pas faire état d'autres traitements qui présentent des avantages manifestes (par exemple qui augmentent les chances de guérison ou présentent moins de risques) serait un manquement grave dans le chef du prestataire de soins. Si le prestataire de soins n'est pas capable d'administrer lui-même le traitement alternatif, il devra, les cas échéant, orienter le patient vers un autre prestataire de soins. Le patient doit également être informé des conséquences auxquelles il s'expose en ne se faisant pas traiter. Nous parlons dans ce cas d'un refus en connaissance de cause.

Dans la mesure du possible, le patient sera informé préalablement du coût total de l'intervention. Il y a lieu d'entendre par là : le ticket modérateur, les suppléments d'honoraires, les suppléments de séjour en milieu hospitalier, le coût des dispositifs médicaux ­ implantables ou non ­, les médicaments et les forfaits légaux éventuels.

L'information doit être communiquée au patient largement à l'avance. Il est inadmissible que l'on n'informe le patient que quelques heures avant l'intervention. La faculté de discernement du patient doit être intacte; il doit dès lors être pleinement conscient. Le fait de ne pas exprimer d'objections sur la table d'opération peut difficilement être considéré comme une autorisation expresse et ce, certainement si l'on a déjà administré au patient une prémédication calmante.

Le patient doit également disposer d'un délai de réflexion raisonnable, de manière à pouvoir soupeser sereinement le pour et le contre de l'intervention, consulter des parents, poser d'éventuelles questions au médecin ou recueillir l'opinion d'un autre médecin.

En outre, l'information doit être intelligible au patient. Les prestataires de soins utilisent assez volontiers un langage compliqué et emphatique que le commun des mortels ne comprend pas. C'est pourquoi il conviendra d'éviter au maximum la terminologie médicale. Le patient doit comprendre de quoi il retourne et ce qui l'attend, ce qui implique également de faire éventuellement appel aux services d'un interprète si le patient parle une autre langue ou est malentendant. Le prestataire de soins ne peut en aucun cas arguer du respect de l'obligation d'informer le patient pour se soustraire à sa responsabilité.

Le fait que le patient accorde son consentement en connaissance de cause ne peut en aucun cas créer l'illusion que le patient est aussi informé et donc aussi « responsable » que le prestataire de soins. En cas de contestation, le juge peut estimer que la charge de la preuve et l'administration de la preuve en ce qui concerne le respect de l'obligation d'informer incombe entièrement ou partiellement au prestataire de soins. Si l'on part du principe que le prestataire de soins tient, conformément aux obligations déontologiques et aux principes généralement admis, un dossier médical pour chaque patient, il peut être opportun d'alléger ou de renverser la charge de la preuve dans le chef du patient. Cette tendance semble d'ailleurs se confirmer dans la jurisprudence. En 1987 déjà, la Cour de cassation néerlandaise avait estimé que « le prestataire de soins doit remettre au patient tous les documents permettant à ce dernier de prouver les fautes du prestataire de soins ».

La Cour de cassation française a encore été plus loin dans son arrêt du 25 février 1997 : « il incombe au médecin de prouver qu'il avait satisfait à l'obligation d'information ».

L'exception thérapeutique est expressément citée comme condition de dérogation à l'obligation d'information faite au prestataire de soins. Cela signifie que le prestataire de soins peut retenir des informations lorsque cette rétention est dans l'intérêt du patient, c'est-à-dire lorsque la communication de ces informations peut affecter la santé du patient ou lorsqu'elle est de nature à perturber ou à effrayer le patient à un point tel qu'il ne serait plus en mesure de prendre une décision.

Si le patient est mineur, le prestataire de soins est tenu de communiquer l'information aux parents ou au tuteur. Si le mineur d'âge a 16 ans ou plus, il faut l'informer lui-même ainsi que ses parents ou son tuteur. Le droit à l'information d'un patient majeur incapable de fait est exercé par sa personne de confiance ou, en l'absence d'une telle personne, par l'époux cohabitant, ou par un parent, un enfant majeur ou un proche.

Article 8

Le droit à l'information n'est toutefois pas une obligation. La volonté du patient de ne pas être informé doit également être respectée. Il va de soi que le prestataire de soins peut demander au patient qu'il confirme par écrit sa demande de ne pas être informé, afin d'éviter toute contestation ultérieure à ce sujet.

Ici aussi, le principe selon lequel l'intérêt du patient prime sa volonté de ne pas savoir peut être invoqué pour justifier une exception. La volonté du patient peut également ne pas être respectée lorsque la protection de tiers le commande. L'information peut toutefois être communiquée à la personne de confiance désignée par le patient.

Article 11

Le prestataire de soins doit s'assurer, avant tout acte médical, que le patient y a donné son libre consentement en connaissance de cause. Si le prestataire de soins agit sans le consentement du patient, il viole le droit de ce dernier à l'intégrité physique et il se rend coupable de coups et blessures (article 398 du Code pénal).

En principe, l'autorisation peut être donnée tant de manière implicite qu'explicite. Il faut toutefois que l'autorisation implicite soit certaine et il ne peut en être ainsi que s'il s'agit d'un silence circonstancié, dont les circonstances sont principalement déterminées par la nature de l'acte médical, les conséquences éventuelles ainsi que par le comportement du patient lui-même.

Le silence pur et simple du patient, même après l'information nécessaire, n'induit donc pas une autorisation réelle.

L'autorisation doit être mise par écrit dans quatre situations spécifiques :

1. des actes qui ont un effet irréversible;

2. des actes qui sont liés à des risques sérieux;

3. des actes à utilité thérapeutique nulle ou faible;

4. des actes à caractère expérimental.

Le document doit mentionner clairement que le patient a reçu toutes les informations nécessaires et indiquer pour quels actes le patient donne son accord. Si le prestataire de soins tient compte de la possibilité que d'autres phénomènes devant être traités peuvent surgir lors de l'opération (extended operations), il doit en informer le patient et le mentionner sur le document, de sorte que l'extended operation soit comprise dans l'autorisation. L'autorisation écrite ne peut en aucun cas remplacer l'entretien entre le médecin et le patient, mais doit plutôt être considérée comme une condition supplémentaire. La charge de la preuve de l'autorisation reçue incombe en tous cas au prestataire de soins. Le patient peut refuser de donner son autorisation ou revenir sur celle-ci pour une opération spécifique, sans que les soins normaux ne soient arrêtés. Le prestataire de soins peut en demander confirmation écrite.

Article 12

La nécessité d'une réglementation légale en matière d'autorisation supplétive a été accentuée récemment par la controverse relative à la stérilisation de handicapés mentaux et d'incapables.

Dans le cas des mineurs, l'autorisation supplétive est donnée par les parents ou le tuteur. Ils prennent la décision après concertation avec le prestataire de soins. Le mineur qui est capable de faire connaître sa volonté, est associé à la décision. S'il a atteint l'âge de seize ans, son autorisation suffit et l'acte peut également être posé sans l'autorisation des parents ni du tuteur. Si le patient est majeur, mais qu'il est incapable d'exprimer sa volonté en raison de son état mental ou de circonstances de fait, le consentement supplétif est donné par sa personne de confiance. Cette personne de confiance est désignée par le patient au moment où il est encore capable d'exprimer sa volonté. Cette désignation se fait par écrit.

La personne de confiance doit toujours agir dans l'intérêt du patient et donc prendre la décision qu'elle prendrait pour elle-même si elle était à la place de celui-ci, et ce, en concertation avec le prestataire de soins et en se basant sur les données disponibles. Si aucune personne de confiance n'a été désignée ou à défaut d'intervention de celle-ci, le consentement supplétif est donné par le conjoint ou un proche parent. Si le prestataire de soins estime que la décision prise n'est pas conforme à l'intérêt du patient, il peut y déroger, après s'être concerté à ce sujet avec un autre prestataire de soins.

L'avis d'un collège interdisciplinaire doit être demandé préalablement à tout acte médical important pratiqué sur un mineur (de moins de seize ans) ou sur un patient incapable de manifester sa volonté. Par acte médical important, il y a lieu d'entendre chacun des actes médicaux énumérés à l'article 11. Le Roi détermine la composition et l'organisation de ce collège interdisciplinaire.

Article 13

En vertu de l'article précédent, le médecin peut déroger au consentement supplétif dans l'intérêt du patient. Le présent article formule une seconde exception : le consentement supplétif peut en outre être nuancé par les souhaits du patient lui-même. Si le patient a fait connaître ses souhaits, que ce soit par écrit ou non, avant de subir l'intervention et qu'il est incapable d'exprimer sa volonté au moment de celle-ci, le prestataire de soins doit tenir compte de cette expression de sa volonté. Il ne doit pas nécessairement suivre effectivement ces souhaits. Il suffit qu'il en tienne compte. De nouveaux développements médicaux peuvent, par exemple, constituer un motif suffisant pour considérer comme dépassée la volonté exprimée par un patient.

Article 14

En cas d'urgence, le prestataire de soins peut également accomplir les actes requis sans le consentement du patient, de son représentant légal ou de sa personne de confiance. Il y est d'ailleurs tenu par l'article 422bis du Code pénal. Il devra ensuite motiver ses prestations dans un rapport.

Article 15

Le droit de consultation est la concrétisation du droit à l'information au niveau du dossier médical. La question de savoir à quelles conditions doit répondre le dossier médical et quelles sont précisément les données qui doivent y figurer, ne fait pas l'objet de cette disposition. La loi proposée vise uniquement à conférer au patient un droit indirect de consulter les pièces objectives de son dossier médical. La consultation s'effectue par l'entremise d'un médecin pour éviter que le patient qui n'est généralement pas familiarisé avec le jargon médical, n'interprète mal les données.

Article 16

Tout patient a droit au respect de sa vie privée. Ce droit comporte deux volets, dont un volet physique qui fait l'objet du présent article. Par respect pour la dignité du patient, cet article prévoit que seules peuvent assister à l'accomplissement de l'acte médical les personnes dont la présence est requise pour l'accomplissement de l'acte médical ainsi que les personnes dont la présence aura été acceptée par le patient. Il s'ensuit notamment que les prestataires de soins en formation ne pourront assister au traitement qu'avec l'autorisation expresse du patient.

Le patient hospitalisé a en outre le droit d'être examiné et soigné dans une pièce séparée, hors de la vue et à l'abri des oreilles de tiers. Le deuxième volet concerne la protection des données à caractère personnel. Il est indéniable que l'automatisation de l'information est très importante dans le cadre des soins de santé dispensés au patient. Les possibilités accrues de l'informatique soulèvent toutefois de nouveaux problèmes juridiques dans le domaine des soins de santé. L'automatisation constitue en effet également une menace pour la vie privée du patient, étant donné que ses maladies et ses affections sont enregistrées « de l'utérus au cercueil ».

Les garanties prévues par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée offrent actuellement au patient une bonne protection, mais pourraient rapidement être dépassées par l'évolution des techniques de l'information. Ce problème doit faire l'objet d'une attention systématique.

Article 17

Reconnaître au patient toute une série de droits n'a guère de sens si l'on ne précise pas en même temps les voies que le patient peut emprunter s'il estime que ces droits ont été violés. Le droit de plainte est un élément de procédure indispensable du droit matériel. La mise en oeuvre du droit de plainte et d'une procédure de traitement des plaintes fait l'objet d'une proposition de loi, déposée en même temps que la présente proposition, proposition relative au « droit de plainte du patient et au règlement de l'accueil des plaintes ».

Ingrid van KESSEL.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE Ier

Disposition générale

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

CHAPITRE II

Du contrat de soins médicaux

Art. 2

Pour l'application de la présente loi il y a lieu d'entendre par :

1º « contrat de soins médicaux » : le contrat par lequel une personne physique ou morale, le prestataire de soins, s'engage à l'égard d'une autre personne, le demandeur de soins, à pratiquer des actes qui relèvent de l'exercice de l'art de guérir;

2º « prestataire de soins » : les établissements de soins visés par la loi coordonnée sur les hôpitaux du 7 août 1987 et les praticiens visés aux articles 2 et 3 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales;

3º « actes qui relèvent de l'exercice de l'art de guérir » : tous les actes diagnostiques, préventifs et curatifs visés aux articles 2 et 3 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales;

4º « patient » : la personne directement concernée par les actes relevant de l'exercice de l'art de guérir;

5º « personne de confiance » : la personne que le patient désigne pour le remplacer dans l'exercice de ses droits.

Il n'y a pas conclusion d'un contrat de soins médicaux si les actes relevant de l'exercice de l'art de guérir sont pratiqués pour évaluer l'état de santé d'une personne à la demande d'une compagnie d'assurances ou dans le cadre de l'inspection médicale du travail.

Art. 3

Le contrat de soins médicaux est réputé conclu dès que le prestataire de soins accepte la demande du demandeur de soins d'accomplir des actes relevant de l'exercice de l'art de guérir. L'existence dudit contrat peut être prouvée par tous les moyens.

Le prestataire de soins ne peut rompre unilatéralement le contrat de soins médicaux qu'après avoir garanti la continuité des soins à l'égard du patient.

Art. 4

Dans le cadre de l'exécution du contrat de soins médicaux, le prestataire de soins agit conformément à la responsabilité qui lui incombe du chef des exigences de rigueur et des obligations professionnelles incombant aux prestataires de soins.

Le patient fournit, autant que possible, au prestataire de soins les informations et la collaboration qui sont raisonnablement nécessaires à l'exécution du contrat.

Art. 5

Lors de toute hospitalisation, il sera demandé au patient de désigner une personne de confiance. Celle-ci sera majeure et capable.

Art. 6

L'hôpital est solidairement responsable de tous les manquements qui affecteraient les actes relevant de l'art de guérir qui sont accomplis en son sein.

CHAPITRE III

Du droit à l'information

Art. 7

§ 1er. Préalablement à tout acte relevant de l'art de guérir, le patient a droit à des informations précises et complètes concernant le traitement.

§ 2. Le prestataire de soins informe le patient, son représentant légal ou sa personne de confiance avec la rigueur nécessaire et en des termes compréhensibles. A la demande du patient, de son représentant légal ou de sa personne de confiance, les informations lui sont également communiquées par écrit. Le prestataire de soins communique en particulier les informations dont le patient a raisonnablement besoin, concernant :

1º le diagnostic;

2º la nature, l'utilité et l'urgence de l'examen ou du traitement;

3º l'efficacité et la durée probable du traitement;

4º les effets que le traitement peut avoir sur la santé du patient ainsi que les risques qu'il peut présenter pour celle-ci;

5º les risques inhérents à l'absence de traitement;

6º les méthodes alternatives d'examen ou les traitements alternatifs;

7º le coût total pour le patient.

§ 3. Si la communication de ces informations risque de nuire gravement à la santé du patient, le prestataire de soins peut refuser de les lui communiquer. Dans ce cas, il les communique à une personne désignée par le patient.

Art. 8

§ 1. Le patient a le droit de ne pas savoir.

§ 2. Si le patient a fait savoir préalablement au prestataire de soins qu'il souhaite ne pas recevoir d'informations, le prestataire de soins respecte ce voeu, à moins que l'intérêt du patient à ne pas être informé ne compense pas l'inconvénient qui en découlerait pour lui-même ou pour autrui.

Le prestataire de soins a le droit de demander au patient de lui confirmer ce souhait par écrit. Le patient peut désigner une personne à laquelle l'information pourra être communiquée.

Art. 9

Le patient hospitalisé a le droit d'être informé de l'identité et de la fonction des prestataires de soins qui participent à l'exécution du contrat de soins médicaux.

Art. 10

Le patient hospitalisé est, dans la mesure du possible, informé au préalable et par écrit de la date présumée de sa sortie de l'hôpital.

CHAPITRE IV

Du droit de donner son accord

Art. 11

§ 1. L'accord préalable, libre et délibéré du patient est requis pour tout examen, toute intervention ou tout traitement réalisé en exécution d'un contrat de soins médicaux.

L'accord est révocable à tout moment.

§ 2. L'accord est constaté par écrit pour :

1º les actes ayant des effets irréversibles;

2º les actes comportant des risques graves;

3º les actes dont l'utilité thérapeutique est faible voire nulle;

4º les actes à caractère expérimental.

Art. 12

§ 1er. Dans le cas des mineurs d'âge, le consentement est donné par le parent qui exerce l'autorité parentale ou par le tuteur. En fonction de son âge et de son degré de développement, il est également tenu compte de l'avis du mineur d'âge. L'acte peut néanmoins être accompli sans le consentement du parent ou du tuteur si le mineur d'âge a atteint l'âge de seize ans et que, après le refus de consentement, il souhaite toujours, en connaissance de cause, que l'acte soit accompli.

§ 2. Si le patient est majeur, mais qu'il est en fait incapable de donner son consentement, la personne qu'il a mandatée par écrit à cet effet lui est subrogée.

En l'absence de mandataire ou en cas d'inaction de celui-ci, le consentement est donné par le partenaire cohabitant ou par un parent, un enfant majeur ou un descendant jusqu'au deuxième degré.

§ 3. Dans les cas visés aux §§ 1er et 2, le prestataire de soins peut, après avoir pris l'avis d'un autre prestataire de soins, déroger à la décision dans l'intérêt du patient.

§ 4. Pour les actes importants visés à l'article 11, § 2, le prestataire de soins prend préalablement l'avis d'un collège interdisciplinaire si le patient n'a pas atteint l'âge de seize ans ou qu'il est en fait incapable de donner son consentement.

La composition et le fonctionnement du collège interdisciplinaire sont fixés par le Roi.

Art. 13

Si, au moment de l'intervention le patient n'est pas en mesure de donner son autorisation ou d'exprimer sa volonté, les souhaits qu'il a formulés antérieurement à ce sujet sont également pris en considération.

Art. 14

S'il s'impose manifestement d'accomplir d'urgence des actes médicaux afin d'éviter que le patient ne subisse un préjudice grave, le traitement peut également être prescrit sans l'accord du patient, de sa personne de confiance ou de son représentant légal.

CHAPITRE V

Du droit de consulter le dossier médical

Art. 15

Le patient, sont représentant légal ou sa personne de confiance ont le droit de demander à pouvoir consulter le dossier médical que le prestataire de soins établit concernant le traitement.

Le patient, sont représentant légal ou sa personne de confiance sont assistés, lors de la consultation du dossier, par un médecin de leur choix. Si la demande lui en est faite, le prestataire de soins remet une copie du document au patient. Il peut réclamer, pour ce faire, une rétribution raisonnable. Les annotations personnelles du prestataire de soins et les documents qui concernent la vie privée de tiers ne peuvent être consultés.

CHAPITRE VI

Du droit au respect de la vie privée

Art. 16

Les actes ressortissant au contrat de soins médicaux sont accomplis par le prestataire de soins dans le respect de la vie privée du patient.

Les actes sont accomplis en dehors de la présence de tiers, à moins que le patient n'ait accepté cette présence. Ne sont pas considérées comme des tiers, les personnes dont le concours professionnel est requis pour l'accomplissement des actes.

CHAPITRE VII

Du droit de plainte

Art. 17

Tout patient bénéficiant des soins ambulatoires ou résidentiels et ne pouvant introduire sa plainte auprès de son propre prestataire de soins peut faire appel à une personne ou une instance, à laquelle il peut adresser sa plainte.

Ingrid van KESSEL.

(1) La présente proposition de loi à déja été déposée à la Chambre des représentants le 9 septembre 1999, sous le numéro 70/1 ­ S.E. 1999