2-119/4

2-119/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

27 JUIN 2000


Proposition de loi modifiant l'article 73 de la nouvelle loi communale

Proposition de loi modifiant l'article 73 de la nouvelle loi communale en ce qui concerne l'interdiction, pour les parents et alliés, de siéger dans un même conseil communal

Proposition de loi modifiant l'article 73 de la nouvelle loi communale


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MMES VAN RIET ET THIJS


I. REMARQUE MÉTHODOLOGIQUE

Comme il apparaîtra dans le compte rendu de la discussion, les auteurs des trois propositions susvisées, à savoir Mme Leduc (proposition nº 2-119), M. Vankrunkelsven (proposition nº 2-168) et M. Mahassine (proposition nº 2-205), ont décidé, après leur exposé introductif, de déposer un amendement collectif à la proposition la plus ancienne, c'est-à-dire celle de Mme Leduc.

Cet amendement est inspiré par le fait que la commission de l'Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique de la Chambre est en train d'examiner une proposition (Doc. Chambre, nº 50-0250/001) qui est beaucoup plus globale, mais ne parvient manifestement pas à trouver une solution susceptible de déboucher sur une modification de la législation avant la fin de la présente session.

Plutôt que de mener un débat parallèle pour parvenir au même constat que la commission de la Chambre, les auteurs susmentionnés ont préféré soumettre au vote l'amendement susvisé qui a une portée consensuelle minimale et qui peut être adopté par la Chambre comme par le Sénat avant les vacances parlementaires.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DES AUTEURS DES PROPOSITIONS JOINTES

A. Proposition nº 2-119/1 de Mme Leduc et consorts

Une des auteurs explique que dans sa commune, elle a déjà été confrontée à plusieurs reprises au problème que pose l'incompatibilité jusqu'au 3e degré pour les membres du conseil communal.

Le problème est bien connu. On a déjà constaté lors de plusieurs élections communales que des partis de diverses tendances sont toujours enclins à placer sur leurs listes plusieurs personnes de la même famille, dans le seul but de répartir les suffrages de cette famille. L'incompatibilité imposée par l'article 73 de la nouvelle loi communale visait à combattre ces pratiques. C'est pour cette raison que l'incompatibilité jusqu'au 3e degré a été instaurée.

En raison notamment de la fusion des communes, cette interdiction est aujourd'hui dépassée. En effet, on court bien trop souvent le risque d'être contraint d'écarter des candidats valables en raison d'une disposition comme celle-ci. Si les deux parents sont malgré tout élus, le parent le moins bien placé ne pourra jamais siéger même si l'autre parent finit par démissionner.

La solution consiste à prévoir que le candidat écarté peut siéger au conseil communal lorsque l'incompatibilité cesse d'exister. C'est une solution similaire au système qui était appliqué autrefois pour les conseillers communaux accomplissant leur service militaire.

B. Proposition nº 2-168/1 de M. Vankrunkelsven

L'auteur déclare qu'il n'a pas d'objections de principe à la suppression totale de l'incompatibilité pour les parents qui siègent au conseil communal.

Il ne voit donc pas davantage d'objections de principe à une solution intermédiaire qui consisterait à ramener l'incompatibilité du 3e au 2e degré. Cette voie médiane répond aux craintes de beaucoup de gens qui redoutent que la suppression de l'interdiction, surtout dans les communes de taille plus modeste, puisse créer une situation où une famille domine la politique communale.

Étant donné que l'attribution des mandats s'effectue généralement immédiatement après les élections, il importe de supprimer dès maintenant l'anachronisme le plus flagrant, à savoir l'incompatibilité jusqu'au 3e degré.

C. Proposition nº 2-205/1 de M. Mahassine

Le but de l'auteur est de proposer une solution minimale au problème des incompatibilités que pose l'article 73 de la nouvelle loi communale.

Cette disposition est généralement considérée comme dépassée. Toutefois, pour ne pas brusquer les choses, il a choisi de procéder par étapes et de supprimer l'incompatibilité jusqu'au 3e degré.

La suppression du 2e degré est une question plus délicate. Pour résoudre ce problème, il y a lieu de procéder à une étude approfondie qui devra prendre en compte également le problème des cohabitants.

Toutefois, si l'on désire supprimer l'injustice la plus flagrante avant les élections du 8 octobre 2000, il est préférable de supprimer, dans un premier temps, l'incompatibilité jusqu'au 3e degré.

III. DISCUSSION

Un membre souscrit à la proposition de supprimer d'ores et déjà l'incompatibilité jusqu'au 3e degré en attendant un débat de fond sur la suppression ou non de l'incompatibilité pour liens familiaux en tant que telle.

Le ministre souligne qu'on doit tenir compte du fait que la commission de l'Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique de la Chambre est en train d'examiner la même problématique à la suite d'une proposition déposée par un député, mais qu'elle n'est pas parvenue à déboucher sur une solution. C'est dû notamment au fait qu'un élément nouveau est apparu, qui est de savoir si le maintien de la solution intermédiaire consistant à supprimer uniquement l'incompatibilité jusqu'au 3e degré n'entraîne pas une dicrimination des couples mariés par rapport aux cohabitants. Il craint que même la solution minimale qui a été évoquée ici ne passe pas à la Chambre avant les vacances parlementaires, à moins d'organiser une concertation informelle à ce sujet entre les groupes politiques.

Le ministre se dit personnellement favorable à cette solution provisoire, voire même à la suppression intégrale de l'incompatibilité pour liens familiaux.

Un membre signale que le temps presse, car les listes qui ont déjà été approuvées par les partis contiennent beaucoup de parents au 2e et au 3e degré.

La première intervenante souligne que la grande injustice est que, en cas de plainte, même si un parent obtient satisfaction auprès du tribunal après avoir été écarté par la députation permanente, l'autre parent qui a été élu dans l'intervalle ne sera pas tenu d'abandonner son mandat. La décision de la députation permanente est définitive en ce qui concerne la composition du conseil communal.

À l'issue de cette discussion, Mme Leduc et MM. Mahassine et Vankrunkelsven déposent un amendement (amendement nº 1) qui, espèrent-ils, pourra recueillir une majorité à la Chambre comme au Sénat. Il s'agit de l'option minimale, à savoir la simple suppression de l'incompatibilité jusqu'au 3e degré.

Mme Nagy juge que cet amendement n'est pas assez affiné et elle dépose un autre amendement (amendement nº 2), qui reprend le principe de l'amendement nº 1 en y apportant toutefois quelques améliorations.

Tout d'abord, elle souhaite conserver l'incompatibilité jusqu'au 3e degré dans le cas de candidats figurant sur la même liste.

En outre, elle souhaite supprimer la discrimination qui frappe les couples mariés par rapport aux cohabitants de fait ayant signé un contrat de vie commune, en étendant l'incompatibilité à ces derniers.

Pour le reste, elle reprend la proposition nº 2-119/1 en vue de permettre au parent écarté de remplacer, comme effectif ou comme suppléant, l'élu qui a démissionné de son mandat.

M. Dallemagne dépose un sous-amendement (amendement nº 3) à l'amendement nº 1.

Il dit être partisan de la solution consensuelle minimum. Il redoute cependant la suppression de l'incompatibilité jusqu'au 3e degré au sein du collège des échevins, car il s'agit dans ce cas d'un cercle nettement plus restreint, dans lequel deux parents auront évidemment davantage de poids qu'au sein du conseil communal.

Une auteur de l'amendement nº 1 ne peut pas accepter ce sous-amendement, pour la raison qu'il risque de briser le consensus entre la Chambre et le Sénat en vue de parvenir à une solution minimale.

Un membre juge que l'amendement nº 1 est acceptable, d'autant plus qu'il n'aborde pas la question des couples mariés/cohabitants.

Par ailleurs, il trouve sympathique l'idée de conserver l'incompatibilité jusqu'au 3e degré à l'intérieur d'une même liste.

L'auteur de l'amendement nº 2 apprécie ce point de vue et explique que c'est effectivement l'idée qu'il faut éviter que certaines familles prennent un monopole, qui a prévalu à cette incompatibilité jusqu'au 3e degré au sein de la même liste. Éparpillés sur différentes listes, ces votes risquent moins d'influencer la politique.

Un autre membre appuie l'insertion des personnes sous contrat de vie commune dans la liste des incompatibilités.

Le ministre rappelle le récit qu'il a fait des discussions à la Chambre et qui n'ont pas abouti parce que la proposition discutée voulait régler simultanément tous les aspects de la question.

Pour débloquer la situation, il n'aurait pas pu imaginer une meilleure solution que celle proposée par les auteurs de l'amendement nº 1. En plus, celui-ci est légistiquement parfait.

Pour le surplus, il demeure réticent à toute modification plus ample, pour le motif déjà invoqué qu'il faut convaincre la Chambre.

Mais au-delà, il a aussi des appréhensions au sujet des amendements 2 et 3 qui ont le désavantage de trop compliquer la réglementation et de créer encore de plus graves discriminations que celles qu'elles ont pour objet d'abolir.

Il tient à répéter que selon lui, la tendance est à l'abolition pure et simple de toute incompatibilité familiale.

Ce n'est pas en incluant dans la liste des imcompatibilités la catégorie de gens qui ont conclu un contrat de vie commune, qu'on élimine la discrimination vis-à-vis des couples mariés. Il y a en effet une catégorie plus vaste encore de non mariés cohabitants à savoir ceux qui n'ont pas conclu de contrat de vie commune, qui sont non moins « suspects » au regard de pareil raisonnement. Il est d'avis qu'il n'y a pas lieu de créer de nouvelles discriminations. L'on peut toujours aviser après les élections communales.

Quant à la cohabitation légale, il a d'ailleurs une autre réflexion à émettre, c'est-à-dire qu'on ne saurait assimiler ménage et contrat de vie comune, en ce sens que ce dernier ne règle que les aspects matériels de la vie commune.

Comme suite à l'intervention des sociaux-chrétiens, l'on a d'ailleurs précisé lors des travaux préparatoires de la loi sur les contrats de cohabitation qu'il pouvait même s'agir de parents ne formant pas un couple (par exemple deux frères).

L'auteur de l'amendement nº 2 trouve qu'il faut régler le problème puisqu'il s'avère qu'il est bel et bien révélateur d'une certaine ineptie de la loi actuelle.

Un membre se demande s'il n'est pas illusoire de vouloir régler un problème pareil par la voie d'une disposition légale.

La plupart des liens les plus durables le sont parce qu'ils sont fondés sur des sentiments affectifs ou amoureux.

Le problème se pose d'autant moins si les parents, voire les couples, se présentent sur deux listes différentes. Vu notre culture politique, il est presque certain que la concurrence des listes prévaudra dans leur esprit, plutôt que la relation.

En fait, toutes les références à des relations familiales et sentimentales devraient être bannies du domaine des incompatibilités en matière d'élections. Il a confiance dans les électeurs. Si l'électeur est déçu, la personne ou le couple en question ne seront plus réélus.

Par ailleurs, il tient à ce que la politique des ménages de fait soit analysée par rapport à celle des couples mariés dans sa globalité, en y incluant d'autres aspects, comme la réglementation du chômage.

Le ministre opine et plaide dès lors pour qu'on se limite à l'amendement nº 1.

Personnellement, il ne tient pas au maintien des incompatibilités familiales (ménages et toutes autres forme de complicité), et encore moins à la multiplication des interdictions. Il fait confiance aux électeurs qui jugent en parfaite connaissance de cause. Dans les communes, les liens de parenté sont en effet bien connus.

IV. VOTES

Article 1er

L'article est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 2

L'amendement nº 2 est rejeté par 5 voix contre 4 et 2 abstentions.

Le sous-amendement nº 3 est adopté par 6 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 1 ainsi amendé est adopté par 10 voix et 1 abstention.

L'article ainsi amendé est adopté par 10 voix et 1 abstention.

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté par 10 voix et 1 abstention.

À la suite de l'adoption de la présente proposition, les propositions nºs 2-168/1 et 2-205/1 deviennent sans objet.

Confiance a été faite aux rapporteuses pour un rapport oral en séance plénière.

Les rapporteuses,
Iris VAN RIET.
Erika THIJS.
La présidente,
Anne-Marie LIZIN.