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21 JUIN 2000
1. Dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19 juin 2000, les services douaniers de Douvres (Royaume-Uni) ont découvert les corps sans vie de 58 migrants à bord d'un camion immatriculé aux Pays-Bas. Ce camion avait embarqué sur un transbordeur dans le port de Zeebrugge.
Les circonstances tragiques dans lesquelles ces 58 personnes ont trouvé la mort, combinées aux déclarations des responsables du contrôle à Douvres, notamment par la voie de l'Association britannique pour le transport des marchandises, qui affirment catégoriquement que ce drame aurait pu être évité si les autorités belges avaient accompli leur mission de contrôle, justifient déjà en soi l'ouverture d'une enquête détaillée sur les causes et les circonstances concrètes de la catastrophe.
2. Cette enquête, qui ne peut pas porter uniquement sur les aspects juridiques et judiciaires, doit s'inscrire dans le prolongement de l'examen de la question des contrôles administratifs et policiers qui sont effectués, en Belgique, sur le fameux itinéraire à risque Zeebrugge-Douvres et concernent les transports des flux migratoires et la lutte contre la traite des êtres humains. Cette enquête sur l'efficacité, le caractère opérationnel et la mise en oeuvre de ce contrôle et les critères à respecter pour l'effectuer doit donc permettre de répondre à la question politique de savoir comment concevoir la prévention dans le domaine de la traite des êtres humains.
Cette approche administrative a déjà été abondamment commentée dans les rapports, les conclusions et les recommandations de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, et des commissions « Traite des êtres humains et prostitution » 1995 et 2000, ainsi que dans le récent rapport du Sénat portant des recommandations relatives à la politique gouvernementale à l'égard de l'immigration.
Une enquête sur les faits dramatiques et la manière dont ils auraient pu être évités permettra de tirer des conclusions politiques et de formuler des recommandations ciblées en vue d'optimaliser la prévention de la traite des êtres humains et le contrôle relatif à ce phénomène.
3. Plus de 48 heures après les faits, il n'y a toujours aucune coordination de crise (interdépartementale) sur le plan administratif en Belgique ni aucun ordre donné en vue d'une enquête coordonnée et aucune explication n'a encore été fournie.
Comme le gouvernement n'a pas su mesurer exactement l'ampleur du drame et comme il rejette toute demande d'enquête sous le prétexte que cette affaire ne relève ni de sa responsabilité, ni de ses compétences, le Parlement est forcé d'exercer le rôle qui est le sien et de faire toute la lumière sur les causes du drame et les responsabilités des uns et des autres.
Les premières informations limitées dont on dispose permettent de dire qu'il y a des éléments qui justifient une enquête plus poussée sur les contrôles qui ont été réalisés ou qui auraient dû l'être.
4. Le Parlement ne peut rester indifférent face à l'ampleur dramatique que prend la traite des êtres humains et à l'impuissance manifeste des autorités à la combattre et à la prévenir.
Le droit d'enquête dont dispose chaque Chambre en vertu de l'article 56 de la Constitution offre la possibilité de récolter les informations qui sont nécessaires pour permettre de lutter de manière effective et efficace contre la traite des êtres humains.
Pour faire la clarté non seulement sur les faits et les causes, mais aussi sur les conséquences, les implications et les responsabilités, il convient de créer une commission d'enquête ayant pour missions :
d'une part, d'examiner les faits, circonstances et causes précis qui ont entraîné la mort de 58 migrants, partis par transbordeur de Zeebrugge pour Douvres (Royaume-Uni), de décrire les contrôles administratifs et policiers effectués et d'établir les responsabilités en la matière;
d'autre part, d'examiner comment s'effectue, en Belgique, le contrôle des transports, des flux migratoires et de la traite des êtres humains, entre autres via les itinéraires à risque connus sur terre et sur mer, avec une attention particulière pour l'efficacité, le caractère opérationnel, la mise en oeuvre du contrôle et les critères retenus pour celui-ci, ainsi que de formuler, le cas échéant, des propositions sur la manière dont les pouvoirs publics peuvent améliorer la prévention et le contrôle de la traite des êtres humains.
5. Le 27 octobre 1999, une sous-commission « Traite des êtres humains et prostitution » a été créée au sein de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives. Il est souhaitable que cette sous-commission soit transformée en commission d'enquête en conservant sa composition et ses travaux.
6. L'article 13, alinéa 3, de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, telle que modifiée par la loi du 30 juin 1996, prévoit que les travaux de la commission d'enquête parlementaire sont suspendus par la clôture de la session, à moins que la Chambre n'en décide autrement.
Vu la stricte nécessité et l'urgence de l'enquête, les travaux de la commission d'enquête ne seront pas suspendus lors de la clôture de la session du Sénat.
La commission devra faire rapport au Sénat dans les six mois de son installation.
Erika THIJS. |
Article 1er
Il est institué une commission d'enquête parlementaire ayant pour missions :
1º de mener une enquête sur les faits, les circonstances et les causes ayant entraîné la mort de 58 migrants partis en transbordeur de Zeebrugge pour Douvres (Royaume-Uni), de décrire les contrôles administratifs et policiers effectués et d'établir les responsabilités en la matière;
2º d'examiner de quelle manière est effectué, en Belgique, le contrôle des transports, des flux migratoires et de la traite des êtres humains, notamment via les itinéraires à risque connus sur terre et sur mer, en s'intéressant plus particulièrement à l'efficacité, au caractère opérationnel et à la mise en oeuvre du contrôle, ainsi qu'aux critères retenus pour ce contrôle;
3º de formuler des propositions sur la manière dont les autorités peuvent améliorer la prévention et le contrôle de la traite des êtres humains.
Art. 2
La commission est investie de tous les droits et pouvoirs prévus par l'article 56 de la Constitution et par la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et elle les exerce suivant les nécessités de sa mission.
La commission entend toutes les personnes qu'elle juge utile de faire comparaître.
La commission établit les contacts nationaux et internationaux nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Art. 3
La commission est composée de onze membres et de onze suppléants, désignés conformément à la règle de la représentation proportionnelle des groupes politiques.
Art. 4
La commission peut, dans les limites budgétaires fixées par le bureau du Sénat, prendre toute mesure nécessaire pour assurer l'efficacité de ses missions. À cette fin, elle peut faire appel à des spécialistes et, le cas échéant, les engager dans les liens d'un contrat de travail.
Art. 5
En application de l'article 13 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, les travaux de la commission ne sont pas suspendus par la clôture de la session.
Art. 6
La commission présentera un rapport au Sénat dans les six mois de son installation.
Erika THIJS. Sabine DE BETHUNE. Mia DE SCHAMPHELAERE. Hugo VANDENBERGHE. |