2-16

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Belgische Senaat

Parlementaire handelingen

DONDERDAG 9 DECEMBER 1999 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer René Thissen aan de minister van Landsverdediging over «de oprichting van een Duitstalig peloton bij de Belgische strijdkrachten» (nr. 2-27)

M. René Thissen (PSC). - j'ai craint un instant que vous ne soyez le pilote de l'avion qui emmenait M. Michel à Helsinki ! Je pensais que je n'aurais peut-être pas le plaisir de vous rencontrer ! Peut-être mes craintes n'étaient-elles d'ailleurs pas tout à fait injustifiées... Je vous remercie vraiment de répondre à ma demande d'explications.

La situation de la minorité germanophone en Belgique est loin d'être rose en ce qui concerne l'usage de sa propre langue. En effet, dans de nombreux secteurs publics, les rôles linguistiques reconnus sont encore et exclusivement le français et le néerlandais. De sorte que, systématiquement, la connaissance de l'allemand, pourtant langue nationale, ne peut être valorisée en tant que seconde langue.

Cette discrimination, puisqu'il faut appeler les choses par leur nom, est justifiée au nom d'un certain réalisme logistique: l'organisation d'examens et de formations en allemand, dans le cadre du recrutement d'agents de l'État, impliquerait un coût souvent estimé trop élevé par rapport au nombre de candidats concernés.

Les candidats germanophones se retrouvent par conséquent trop souvent dans une position bien inconfortable, puisque leur participation aux épreuves de recrutement n'est possible que s'ils maîtrisent une autre langue que leur langue maternelle. Il s'agit là d'un présupposé très exigeant, auquel ne sont pas soumis les candidats francophones ni néerlandophones, tous secteurs publics confondus, et pour autant bien sûr que les conditions d'accès à une épreuve ne requièrent pas expressément un bilinguisme.

Cette réalité est entre autres valable pour les germanophones qui se sentiraient éventuellement attirés par une carrière militaire, et c'est ce qui justifie mon intervention.

Jusqu'au 26 mars 1999, les dispositions en vigueur ne prévoyaient que d'une façon très limitée l'usage de la langue allemande à l'armée, de sorte que les candidats militaires germanophones ne pouvaient qu'être effrayés bien avant la sélection et le recrutement, puisqu'il leur fallait impérativement subir toute épreuve de recrutement et suivre tout cursus de formation, en français ou en néerlandais exclusivement, seuls rôles linguistiques officiellement reconnus.

Il en résulte que n'importe quel candidat volontaire de carrière germanophone devait être a priori bilingue en allemand et en français ou en allemand et en néerlandais. Inutile de préciser que, même si la majorité des candidats germanophones avaient généralement des notions d'une autre langue nationale, leurs connaissances en français ou en néerlandais ne leur ont pas toujours permis de rivaliser à armes égales avec des francophones ou néerlandophones de souche.

En outre, et dans le meilleur des cas, le fait de ne pouvoir suivre ne fût-ce que la formation de base dans leur langue maternelle représentait incontestablement une difficulté supplémentaire à laquelle tout candidat germanophone était systématiquement et injustement confronté.

Autant d'injustices qui ont dû, probablement, décourager certaines vocations. Autant de raisons qui n'ont sans doute pas contribué à ce que la population germanophone soit justement représentée dans les rangs de l'armée belge.

La loi du 26 mars 1999, modifiant une loi du 30 juillet 1938 concernant l'usage des langues à l'armée, prévoit une série de mesures destinées à mettre fin aux discriminations. Cette loi doit permettre enfin de faciliter l'intégration des candidats germanophones dans les forces armées belges, en valorisant légitimement la maîtrise de l'allemand dans le cadre de la sélection, du recrutement et de la formation du personnel militaire.

D'une part, elle autorise les candidats officiers et sous-officiers germanophones à présenter en allemand l'examen d'entrée portant sur la connaissance approfondie.

Cet examen doit être pris en compte pour classer les candidats en vue de leur recrutement et peut être pris en compte lorsqu'il s'agit de reconnaître leur bilinguisme, ce qui leur donne droit, à un stade ultérieur, à l'indemnité de bilinguisme.

Ces dispositions ne nécessitent pas que soit créé un troisième régime linguistique à part entière: en effet, les candidats officiers germanophones sont considérés comme appartenant provisoirement au régime linguistique français ou néerlandais, selon la langue dans laquelle ils choisissent de subir l'épreuve sur la connaissance élémentaire. Dès que ces candidats ont suivi leur première année de formation avec fruit, ils sont censés avoir acquis la connaissance de la langue dans laquelle ils ont choisi de subir l'épreuve sur la connaissance élémentaire, et leur situation se régularise naturellement: ils appartiennent définitivement au régime linguistique existant de leur choix, français ou néerlandais.

D'autre part, la loi prévoit encore la possibilité pour les candidats volontaires germanophones de suivre l'instruction de base en allemand dans un peloton germanophone qui pourrait être créé «le cas échéant» ainsi que le précise littéralement le texte légal.

Ce «cas échéant» permet de laisser en suspens la question de la faisabilité de créer une telle unité. Une analyse doit être mise en _uvre afin de voir s'il est possible de recruter assez de candidats germanophones pour occuper les différentes fonctions constitutives d'un tel peloton.

C'est toujours dans un souci de réalisme qu'il est prévu que la formation en allemand dispensée aux candidats-volontaires germanophones soit limitée à l'instruction de base, au cas où, précisément, la naissance d'un peloton germanophone s'avérerait possible.

À l'heure actuelle, quel est l'état d'avancement de la mise en _uvre de ces dispositions législatives? En ce qui concerne les officiers et sous-officiers germanophones, leur connaissance approfondie de l'allemand est-elle, dans les faits, valorisée au même titre que la connaissance approfondie du français ou du néerlandais, dans le cadre de l'accès à l'indemnité de bilinguisme?

Pour les candidats-volontaires germanophones, où en est l'étude de faisabilité de création d'un peloton germanophone? Des conclusions peuvent-elles déjà être tirées? Sinon, dans quel délai une décision pourra-t-elle être prise?

Si les conclusions de cette étude devaient être négatives, et puisqu'il nous faut considérer que les données prises en compte sont sans aucun doute évolutives, dans quel délai un nouvel examen de «faisabilité» pourrait-il être prévu?

M. Louis Siquet (PS). - Mon collègue vient de parler d'injustice, voire de discrimination à l'encontre de la communauté germanophone. Je crois qu'il s'agit là de mots un peu forts. La réalité n'est certainement pas toujours confortable si on la compare à la situation des deux autres communautés, mais dans le cas qui nous occupe ici, la loi du 26 mars 1999 a présenté un progrès que la professionnalisation des forces armées rendait d'ailleurs nécessaire. J'aimerais pour ma part, de manière complémentaire aux questions qui viennent d'être évoquées, informer le ministre de mon souci que le projet de recrutement d'environ 1300 militaires puisse être mis en corrélation avec la lettre et l'esprit de la loi de 1999. On peut voir en effet dans ce projet la perspective de renforcement de la présence germanophone au sein des forces armées, présence qui n'est pas à négliger lorsqu'on évoque les déséquilibres communautaires actuels. Cela étant dit, sans pour autant aller jusqu'à la création d'un peloton germanophone à proprement parler, je crois qu'il serait en effet nécessaire de faire preuve d'ouverture pour le recrutement. Un effort peut également être envisagé quant au statut. Je pense ici à la prime de bilinguisme évoquée par mon collègue M. Thissen. Je pense par ailleurs qu'un renforcement de la présence germanophone au sein des forces armées représenterait un atout important lors de la participation belge à des forces internationales comme par exemple la Kfor.

M. André Flahaut, ministre de la Défense. - La modification de l'article 2bis qui a été introduite par la loi du 26 mars 1999 vise essentiellement à faciliter l'entrée aux forces armées des candidats officiers en leur permettant de passer l'examen de connaissance approfondie dans la langue allemande lors du recrutement.

Pour des raisons évidentes de viabilité, d'organisation et de gestion, la modification n'a jamais eu pour but de créer un régime linguistique allemand complet.

Celui qui a passé un examen de connaissance approfondie de la langue allemande lors du recrutement sera en tout cas censé posséder la connaissance approfondie de la langue nationale de base, néerlandais ou français, dans laquelle il a suivi ses études à l'École royale militaire.

En ce qui concerne la connaissance de l'autre langue nationale, il sera traité de façon totalement identique au candidat d'origine néerlandophone ou francophone.

La connaissance approfondie de l'allemand n'est donc reconnue dans la loi linguistique qu'au niveau du recrutement des officiers. L'arrêté royal du 23 décembre 1998 ne prévoit la valorisation pécuniaire de la connaissance effective de la langue allemande que pour ceux qui sont en service dans une unité germanophone. En d'autres termes, l'arrêté ne prévoit le bénéfice d'une allocation de bilinguisme qu'en faveur de l'officier ou du sous-officier qui a la connaissance effective de la langue allemande et qui est en service dans une unité germanophone.

Il ressort d'une étude menée par l'état-major général que la création d'une unité germanophone ne peut être envisagée, étant donné le nombre trop restreint - vous l'avez souligné, monsieur Siquet - de candidats germanophones potentiels. En effet, après les diverses épreuves de sélection prévues, il ne resterait qu'un nombre insuffisant de militaires pour alimenter en régime une unité de niveau peloton.

Par ailleurs, il faut noter que la création d'une unité germanophone amènerait pour la majorité des sous-officiers et volontaires germanophones en service actif l'obligation de muter dans cette nouvelle unité germanophone. Pour beaucoup d'entre eux qui sont aujourd'hui bien intégrés dans les unités et même dans les états-majors, cette mesure donnerait lieu à un changement d'emploi, voire à un changement de force. Il va de soi que, pour bon nombre de militaires germanophones, cette mutation et le changement d'emploi qui en découlerait ne correspondrait pas nécessairement au souhait des intéressés ni à la carrière qu'ils suivent dans leur force ou à l'endroit où ils sont installés. L'état-major général a alors proposé de ne pas créer d'unité germanophone mais de désigner une unité au sein de laquelle les germanophones seront affectés par préférence, pour autant qu'ils en expriment le désir. L'état-major général a donc opté pour une approche tout à fait pragmatique de la situation.

Dans une phase ultérieure, cette solution devrait permettre le regroupement des intéressés en un peloton germanophone, lorsque les effectifs le permettront. Mais, tenant compte du potentiel très restreint de candidats germanophones, il ne me paraît pas opportun ni souhaitable de rouvrir le débat dans un futur proche. Je préfère que l'on privilégie l'approche pragmatique répondant aux besoins, préoccupations et souhaits exprimés par les intéressés eux-mêmes et qui ne leur pose pas de problème dans la vie de tous les jours, plutôt que de décider la création d'une unité risquant de ne jamais voir le jour.

J'en viens à présent à la question relative aux opérations internationales du genre Kfor posée par M. Siquet. La langue de fonctionnement des unités, langue qui est celle de leur régime linguistique, reste inchangée. Pour les contacts avec les unités d'autres nationalités, la langue anglaise est utilisée dans la plupart des cas. Les contacts avec la population et les autorités locales se font généralement dans cette langue ou par le truchement d'interprètes locaux ou de traducteurs, avec les risques que cela comporte parfois.

M. René Thissen (PSC). - Le but de ma question n'était pas d'amener le ministre à dire qu'il fallait nécessairement créer une unité germanophone. En réalité, j'entendais faire le point sur la question à la suite du vote d'une loi en d'avril. Il me semblait important que les gens puissent connaître vos intentions en la matière. Quoi qu'il en soit, je suis persuadé que le regroupement au sein d'une unité spécifique constitue une mesure bénéfique qui permettra à chacun de prendre position, sans compter que les intéressés auront désormais accès aux facilités résultant de l'expression dans une langue commune.

Ceci dit, je ne crois pas avoir obtenu une réponse au sujet de ma question sur l'allocation pour les sous-officiers. C'est vrai que l'arrêté royal du mois de décembre de l'année dernière prévoit que l'allocation soit uniquement payée dans une unité germanophone mais les précisions postérieures données par le ministre laissent entendre qu'il n'y aura finalement pas d'unité germanophone spécifique à moins que l'unité dont il vient de parler soit considérée comme telle.

M. André Flahaut, ministre de la Défense. - Il s'agira d'une unité comme les autres où les germanophones seront regroupés de manière préférentielle, pour autant qu'ils le souhaitent.

M. René Thissen (PSC). - Cela signifie donc que l'allocation ne sera pas payée.

M. André Flahaut, ministre de la Défense. - En effet.

M. René Thissen (PSC). - Je le regrette vivement.

- Het incident is gesloten.