2-13

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Belgische Senaat

Parlementaire handelingen

DONDERDAG 18 NOVEMBER 1999 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Georges Dallemagne aan de minister van Financiën over «de bilaterale en de multilaterale initiatieven van de Belgische regering in verband met de vermindering van de schulden van de ontwikkelingslanden» (nr. 2-19)

M. Georges Dallemagne (PSC). - Sans attendre le sommet du G8 de Cologne en juin dernier ni les décisions prises à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international fin septembre, le gouvernement belge avait dès avril dernier, en réponse aux propositions avancées par les ONG et les pays membres du G8, rappelé les initiatives prises par notre pays mais surtout adopté une position très en pointe en matière de remise de dettes des pays en voie de développement.

La position du gouvernement belge s'articulait autour de cinq objectifs à atteindre rapidement.

Le premier objectif prévoyait une amélioration ambitieuse de l'initiative du FMI en faveur des pays pauvres très endettés, initiative dite HIPC. La Belgique prévoyait que des remises de dettes puissent être accordées après trois années de bonnes performances économiques au lieu de six ; elle proposait également des critères d'éligibilité plus simples et plus souples et que la remise de dettes dépasse le taux de 80% prévu dans le cadre de l'initiative HIPC.

Le deuxième objectif concernait des propositions concrètes en faveur des pays sortant de conflits ou frappés par une catastrophe naturelle.

Il s'agissait d'abord de trouver des solutions ad hoc au problème des arriérés des pays sortant de conflits et d'adapter les programmes de reconstruction conclus avec les organisations multilatérales.

Il s'agissait également d'accorder un traitement exceptionnel aux pays victimes d'une catastrophe naturelle, comme le Honduras et le Nicaragua frappés par l'ouragan Mitch.

Le troisième objectif concernait un renforcement du lien entre allégement de la dette et développement durable : il s'agissait de créer une liste d'initiatives - ou de best practices - qui pourraient être prises pour renforcer le lien entre remise de dettes et développement social, via par exemple des fonds de développement social locaux et inscrire la stratégie des institutions multilatérales dans une perspective de développement durable fondée sur la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme, le respect de l'État de droit, l'équilibre des investissements dans les secteurs sociaux et économiques et le respect des cinq principes de base de l'Organisation internationale du travail.

Le quatrième objectif du gouvernement prévoyait un financement garanti et équitable de l'initiative HIPC. La Belgique recommandait entre autres un réexamen du niveau de la contribution de la Banque mondiale au financement de l'initiative HIPC, en veillant à ce que celui-ci soit le plus élevé possible tout en restant compatible avec le maintien de l'intégrité financière de la Banque ; une augmentation du volume de la vente d'une partie des réserves d'or du FMI, à 10 millions d'onces, afin de financer une partie de l'augmentation de l'initiative HIPC et un engagement formel des pays créanciers, en particulier du G8, avec une répartition équitable de l'effort sur la base d'une règle proportionnelle.

Enfin, le cinquième objectif visait un renforcement de l'aide de la Belgique aux pays pauvres très endettés : la confirmation d'une aide financière de 44 millions de droits de tirage spéciaux, soit environ 2,2 milliards de francs belges ; un engagement de la Belgique à annuler, pendant une période de 40 ans, le service de la dette due par les pays déclarés éligibles à l'initiative HIPC sur les prêts d'État à État contractés avec l'État belge, pour autant que le gouvernement apprécie que la situation en matière de gouvernance, de respect de l'État de droit et des droits de l'homme justifie cette mesure, et enfin, un prêt de la Belgique au FMI de l'ordre de 200 millions de droits de tirage spéciaux, soit environ 10 milliards de francs belges, pour aider cette institution à assurer l'assistance financière dans le cadre de sa facilité d'ajustement structurel renforcé.

Finalement, les décisions prises au sommet de Cologne par le G8 et dont le financement a été finalisé lors des réunions du comité au développement de la Banque mondiale et du FMI, et du comité intérimaire du FMI, fin septembre, sont beaucoup plus modestes que le battage médiatique a pu le laisser penser, en tout cas plus modestes que les propositions belges d'avril dernier.

Les critères d'admission à une réduction de la dette dans le cadre de l'initiative HIPC ont, certes, été réduits et 41 pays sont désormais éligibles, mais le financement de cette aide a été obtenu, notamment en réévaluant 14 millions d'onces d'or inscrits dans les livres du FMI au prix du marché et non pas en vendant une partie de son stock. En outre, la Banque Mondiale et l'Union Européenne ont eu recours à d'autres fonds tant et si bien que cette nouvelle réduction de dette a été financée par d'autres fonds destinés à ... lutter contre la pauvreté. Si on a beaucoup parlé de faire entendre la «voix des pauvres», notamment par la création d'un nouveau forum de dialogue intitulé G20, très peu de véritables efforts ont été entrepris pour mettre en place une meilleure régulation des crises financières dont ils sont souvent les principales victimes.

A cette occasion, notre gouvernement a-t-il confirmé les propositions d'avril visant à améliorer l'initiative HIPC et proposé un financement nouveau basé notamment sur la vente d'une partie des réserves d'or du FMI?

A-t-il proposé des mesures concrètes en faveur des pays sortant de conflits ou frappés par une catastrophe naturelle, en particulier les pays d'Amérique centrale?

A-t-il proposé un renforcement du lien entre l'allégement de la dette et le développement durable, notamment par la définition d'une liste de best practices?

En outre, confirmez-vous les aides de la Belgique annoncées au bénéfice des différentes initiatives des institutions multilatérales - proposées en avril - en vue de réduire la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés?

Notre gouvernement va-t-il annuler, pendant une période de 40 ans, le service de la dette dû par les pays déclarés éligibles à l'initiative HIPC sur les prêts d'État à État contractés avec l'État belge, sur la base des nouveaux critères HIPC et après examen de la situation de chaque pays?

M. Paul Galand (ECOLO). - La problématique de la dette du tiers monde est particulièrement importante. Je l'aborderai assez brièvement, car j'espère que cette vaste question pourra être examinée prochainement et en profondeur en commission.

La revendication d'annulation ou d'allégement de la dette du tiers monde est portée, comme vous le savez, par beaucoup d'ONG, par des mouvements citoyens comme les amis du Monde diplomatique ou les millions de signataires de la campagne Jubilé 2000 et par de nombreux militants politiques et élus.

Il y a des raisons éthiques, mais aussi des raisons socio-économiques pertinentes qui justifient cette revendication, dont la moindre n'est pas la nécessité de réaliser une des conditions de base pour permettre un développement socio-économique réel et durable des pays du tiers monde. Il y aurait aussi une contradiction fondamentale à parler d'organisation mondiale du commerce alors qu'une partie de l'humanité en serait exclue. Que ce soit pour un État ou un individu, être pris à la gorge par le surendettement conduit bien sûr à annihiler toute possibilité de redressement. Cela a été bien compris avec le vote, par le parlement belge, de la loi sur le règlement collectif de dettes, la loi Di Rupo, qui va avec raison jusqu'à permettre, si nécessaire, des remises de dettes. Cette loi indique aussi que le remboursement d'une dette ne peut se faire en entamant les montants nécessaires pour vivre à un niveau acceptable de dignité. Ce que nous défendons à juste titre pour nos concitoyens, nous devons le vouloir aussi pour les peuples du sud.

De plus, il convient de relativiser le montant de la dette du tiers monde. Elle est évaluée à quelque 1 800 milliards de dollars; celle des ménages américains tourne autour de 5 500 milliards de dollars, ce qui peut faire comprendre que l'allégement, voire l'annulation de dettes du tiers monde ne menacera pas le système financier et économique mondial.

En ce qui concerne les initiatives prises par la Belgique et les institutions internationales, nous voulons insister pour que les «conditionnalités» mises à l'annulation ou à l'allégement de dettes ne soient pas fixées unilatéralement par les pays riches. Il convient d'élaborer ces «conditionnalités» en partenariat avec les pays du Sud, en référence avec des conventions internationales comme celle de l'Organisation internationale du travail.

Le choix des pays bénéficiaires de mesures d'allégement ou d'annulation de dettes doit aussi être guidé d'abord par des critères de développement et non par des raisons commerciales opportunistes. La concrétisation des décisions prises au sommet du G8 à Cologne a finalement été en deçà des espérances et des propositions belges. Comme M. Dallemagne l'a indiqué, la Banque Mondiale et l'Union européenne en sont même arrivées à reprendre d'une main ce qu'elles avaient concédé de l'autre. C'est un comble et c'est contre-productif.

Nous appuierons bien sûr toutes les initiatives du gouvernement qui iront dans le sens de l'allégement ou de l'annulation de dettes des pays du tiers monde. Peut-être, monsieur le ministre, avez-vous déjà examiné avec vos collègues des Affaires étrangères et de la Coopération l'utilisation des 800 millions dont vous avez parlé à la commission des Finances et des Affaires économiques du Sénat, le 20 octobre dernier, pour contribuer à cet allégement! Il nous paraît important que l'Afrique centrale y ait une part importante.

Je termine en insistant pour que le gouvernement soutienne aussi l'augmentation des prêts octroyés aux pays les plus pauvres par l'Association Internationale de Développement à des conditions favorables, en veillant à ce que ces prêts-là concernent les groupes déshérités de la population des pays du tiers monde et qu'ils ne soient pas utilisés, comme cela arrive, pour refinancer les dettes envers la Banque Mondiale. Nous ne pouvons oublier que les mesures qui aident réellement à l'amélioration du niveau de vie des populations pauvres du tiers monde sont aussi parmi les meilleures mesures préventives vis-à-vis de l'immigration et de la misère. Il est tout de même préférable de pouvoir soutenir le développement humain là-bas que de devoir financer, ici, de nombreux rapatriements forcés vers la pauvreté.

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - En complément des propos de M. Dallemagne et en y ajoutant le point de vue de notre groupe, je voudrais non seulement rappeler l'importance de la remise de dette mais aussi souligner que nous sommes à présent à quelques mois de Copenhague plus cinq. A Copenhague, au sommet pour le développement social, tous les États membres se sont engagés - c'est l'engagement numéro deux - à éradiquer l'extrême pauvreté. Or, aujourd'hui, cinq ans plus tard, nous voyons que certains pays ont respecté cet objectif tandis que d'autres s'en sont éloignés.

Etant chargée par la commission des Droits de l'homme de l'ONU d'un rapport sur l'extrême pauvreté et les Droits de l'homme, je puis vous dire que ce décalage est énorme. Lorsqu'on va dans le détail de ces pays, qui sont catalogués par le FMI comme des pays difficiles, on voit que, parfois, l'argument consistant à dire que c'est le FMI qui leur impose un certain nombre de réductions, est un faux argument. Je reviens de l'Équateur où le FMI lui-même a suggéré la clause sociale dans la négociation. Cela montre à quel point la relation de négociation peut être faussée entre le FMI et un pays en situation de faillite complète.

Vous avez peut-être lu dans le Wall Street Journal de ce week-end une critique de la perspective de remplacement de M. Camdessus et du rôle qu'il avait tenu. Cette critique assez désagréable et peu fondée, me semble-t-il, soulignait qu'il était français, qu'il avait donc une vision énarque, qu'il n'avait pas le sens des responsabilités - on appelle cela en anglais l'accountability - et qu'il avait laissé se développer, pour deux grandes zones du monde, à savoir la Russie et l'Asie, la technique de la dévaluation comme élément essentiel de la remise à jour de l'économie. Je pense qu'on ne peut pas être favorable au marché pendant cinq jours de la semaine et ne plus l'être pendant le week-end, auquel cas nous ferions pendant ces deux jours des actions caritatives. Il faut être logique. Si c'est le marché qui est la base du système, il faut aussi une clarté monétaire. Et donc, il faut trouver une formule qui, au niveau international, permette réellement de combattre la pauvreté mais avec une clarté économique et un fondement économique sain.

Lorsque les gouvernements sont autorisés à ne pas rembourser une partie de la dette, il faut les contraindre à dépenser cet argent dans des secteurs essentiels pour la lutte contre la pauvreté, à savoir l'éducation, la santé, le logement. En règle générale, ils n'agissent pas ainsi et ne visent qu'à protéger leurs privilèges de classe essentiellement dominante.

Beaucoup d'initiatives sont prises au sein du FMI sous l'appellation global comprehensive framework. Il s'agit de la formule choisie pour remettre à jour les économies ayant connu une crise particulière à un moment donné et c'est sans doute un bon système. M. Dallemagne a cité les HIPC ; c'est aussi une bonne formule, mais il faut veiller, et c'est essentiel dans la démarche internationale, à ne jamais déresponsabiliser les États. C'est en cela que je ne suis pas d'accord avec M. Galand. Je ne crois pas que l'on puisse analyser l'évolution du monde uniquement en termes de responsabilité sur les organisations internationales en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. C'est un peu simpliste, monsieur Galand, mais je crois que c'est ce que vous avez essayé de dire.

M. Paul Galand (Ecolo). - J'ai dit que je serais bref et que je souhaitais un examen approfondi en commission.

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je vous fais la suggestion suivante, monsieur le ministre: la Belgique pourrait-elle, en prévision du «Millenium» et du mois de septembre de l'année prochaine, au cours duquel l'ONU doit organiser une grande réunion des chefs d'État, imaginer que le système des Nations unies, d'une part, avec toute sa complexité, et le système de Bretton Woods, d'autre part, puissent non pas fusionner les traités de base, mais aboutir à un traité commun qui serait une sorte de «traité chapeau» permettant enfin de lutter réellement contre la pauvreté avec les moyens du FMI?

J'ajoute que l'évolution de la Banque mondiale en cinq ans, depuis le sommet de Copenhague, va dans le bon sens. Cette banque essaie de prendre en charge, par le biais de fonds sociaux, tout ce qui relève de cette lutte contre la pauvreté, avec une vision non pas éparpillée des ONG, mais une vision globale de fédération des efforts privés et publics. Ces organisations ont connu une évolution en leur sein mais nous devons effectivement essayer, en tant que pays riches, conscients de cette volonté de lutter contre la pauvreté, d'être promoteurs d'initiatives visant à placer les institutions monétaires internationales en face de leurs responsabilités, mais jamais à déresponsabiliser les États, sinon nous rendrions un très mauvais service aux populations que ces derniers sont supposés avoir en charge.