2-262/4

2-262/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

16 MARS 2000


Projet de loi fixant les critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR MMES VAN RIET ET WILLAME-BOONEN


I. PROCÉDURE

La commission a examiné la loi en projet au cours de ses réunions des 18 et 27 janvier, 3, 15 et 29 février et 16 mars 2000.

Au cours de la première réunion, certains membres ont proposé de demander un avis de la Commission pour la protection de la vie privée. Ils se fondaient pour ce faire sur l'avis du Conseil d'État (doc. Sénat, nº 2-262/1, p. 22, article 3, point 1). Ils faisaient en outre référence aux travaux de la commission de la législature précédente, dans le cadre desquels la Commission pour la protection de la vie privée avait émis un avis au sujet des projets de loi exécutant et complétant les lois du 2 mai 1995 relatives à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine (doc. Sénat, nº 1-621/12, annexe nº 1).

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale a estimé qu'en fait, ce n'était pas à la commission qu'il appartenait de solliciter cet avis, mais plutôt à la Cour des comptes en sa qualité d'organe appelé à enregistrer, à contrôler et à traiter les fichiers de données. Par ailleurs, d'autres membres ont souligné qu'on ne transmettra pas de données personnalisées à la Cour des comptes.

La proposition de solliciter un avis écrit de la Commission de la protection de la vie privée a été rejetée par 7 voix contre 5.

Au cours de la réunion du 27 janvier 2000, l'on a entendu les représentants de la Cour des comptes suivants :

M. J. Van de Velde, premier président,

M. W. Dumazy, président,

M. R. Lesage, conseiller,

M. P. Rion, conseiller.

Au cours de la réunion du jeudi 3 février 2000, plusieurs membres ont proposé d'entendre les fonctionnaires dirigeants des départements des communautés qui sont chargés de l'enseignement. Ils se sont basés pour ce faire sur la demande exprimée par le premier président de la Cour des comptes et ils ont formulé leur proposition eu égard au rôle que joue le Sénat en tant que lieu de rencontre entre les communautés. Ils ont en outre évoqué le précédent de l'audition de nombreux fonctionnaires de communauté et de région au cours de la législation précédente dans le cadre de l'évaluation du fonctionnement des structures fédérales (doc. Sénat, nº 1-1331/1, 1998-1999). Enfin, ils ont argué que la législateur avait le devoir d'examiner l'applicabilité des normes en projet.

D'autres membres de la commission ont estimé qu'une commission du Parlement ne peut pas requérir des fonctionnaires de communauté ou de région sans l'approbation des ministres communautaires ou régionaux compétents. Ils ont toutefois reconnu que la commission du Sénat pourrait inviter des fonctionnaires de région et de communauté. Ils ont estimé en outre que la question de l'examen de la loi en projet était d'une toute autre nature que les travaux qui ont été effectués dans le cadre de l'évaluation des structures fédérales : on ne peut pas demander à des fonctionnaires d'apprécier un projet de loi. Si on le faisait, l'audition revêtirait nécessairement un caractère politique plutôt que technique. C'est aux sénateurs de communauté qu'il appartient de faire valoir l'évaluation politique qui a eu lieu aussi au sein des parlements de communauté. Enfin, ils ont souligné que les questions concernant l'applicabilité de la loi pouvaient être posées au ministre fédéral compétent, qui s'est concerté sur le sujet avec les ministres communautaires qui sont en charge de l'enseignement.

La proposition d'entendre des fonctionnaires de communauté a été rejetée par 9 voix contre 4.

La commission a estimé finalement que, dans les circonstances données, il n'était pas utile de demander des explications écrites aux ministres communautaires compétents. Elle a décidé d'apprécier, au cours des discussions, s'il y avait lieu de leur en demander.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DU BUDGET, DE L'INTÉGRATION SOCIALE ET DE L'ÉCONOMIE SOCIALE

Les articles 38 à 41 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions règlent l'attribution d'une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée aux communautés pour le financement de l'enseignement.

Pendant une période transitoire de 10 ans, le montant en question a été réparti entre les communautés, conformément à l'article 39, § 2, alinéa 1er , de la loi spéciale, en fonction de la répartition du nombre d'élèves, à savoir 57,55 % pour la Communauté flamande et 42,45 % pour la Communauté française.

En vertu de l'article 39, § 2, deuxième alinéa, de la loi spéciale, cette clé de répartition doit être adaptée, à partir de l'exercice budgétaire 1999, à la répartition du nombre d'élèves, sur la base de critères objectifs fixés par la loi.

Cette disposition légale n'a pas pu être exécutée jusqu'à présent, faute d'unanimité. Le gouvernement fédéral a mis sur pied, avec le Parlement, une conférence intergouvernementale et interparlementaire pour le renouveau institutionnel (CIIRI). Cette conférence doit, à terme, mettre au point une adaptation plus structurelle de la loi spéciale de financement. En attendant, un projet de loi exécutant l'article 39, § 2, de la loi spéciale de financement est soumis au Parlement.

Dans sa recherche de paramètres appropriés et acceptables, le gouvernement s'est laissé guider par les critères suivants :

­ conformité avec la loi spéciale, qui fait explicitement mention du nombre d'élèves et exige par conséquent un lien avec la scolarité effective;

­ neutralité par rapport à la politique : les critères choisis ne peuvent pas permettre à une communauté d'orienter sa politique dans le sens d'une répartition des moyens qui lui serait plus favorable et ne peuvent pas non plus entraîner une pénalisation d'une politique d'enseignement de qualité;

­ des contrôles incontestables, transparents et objectifs doivent être effectués par une instance impartiale et faisant autorité;

­ faisabilité sur le plan financier : la réglementation élaborée doit être supportable pour le pouvoir fédéral et aucune des deux communautés concernées ne peut y perdre, en ce sens que la quantité ou la qualité de l'enseignement s'en trouverait altérée.

Sur la base de ces quatre critères, le gouvernement a indiqué clairement dans le projet de loi que la clé de répartition sera fondée sur le nombre d'élèves soumis à l'obligation scolaire, régulièrement inscrits dans l'enseignement primaire et secondaire institué ou subventionné par la communauté concernée. On obtient de la sorte douze catégories d'âge et les redoublants âgés de plus de 18 ans sont neutralisés. Afin d'éviter des distorsions qui seraient uniquement dues à des intervalles trop longs entre les moments de comptage respectifs, le comptage doit refléter la situation à une date de la période allant du 15 janvier au 1er février compris.

Une disposition spécifique a été insérée concernant les ramassages régulièrement organisés par une ASBL, une école ou n'importe quelle autre entité sur le territoire d'une autre communauté. Selon le gouvernement, pareilles pratiques sont contraires au principe de la neutralité de la politique.

Pour garantir de manière durable une exécution loyale et efficace du règlement de répartition, les deux grandes communautés sont explicitement invitées à conclure, dans un esprit de dialogue constructif, un accord de coopération. Une disposition spécifique est également inscrite dans le projet à cet égard.

La clé de voûte du projet de loi est le contrôle, par la Cour des comptes, de l'exactitude des données fournies par les communautés. La Cour vérifiera tout d'abord les fichiers électroniques transmis par chaque communauté, et ce tant en ce qui concerne leur adéquation pour le contrôle que l'exactitude des données mêmes. Étant une instance de contrôle indépendante et objective, la Cour des comptes déterminera elle-même sa méthode de contrôle.

En outre, un contrôle supplémentaire est prévu en vérifiant la compatibilité des statistiques concernant les élèves avec celles de la population.

Le nombre d'élèves entrant en ligne de compte pour la répartition ne sera fixé par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres que dans le cas exceptionnel où la Cour des comptes constate, après toutes les phases de contrôle prévues par la loi, une différence significative et inexplicable entre les données relatives à la population scolaire et les données démographiques.

Dans tous les autres cas, la répartition interviendra de manière purement technique et mathématique. Ce qui garantit un règlement serein, à l'écart de l'atmosphère de discussions politiques communautaires.

III. AUDITION D'UNE DÉLÉGATION DE LA COUR DES COMPTES

Le 27 janvier 2000, la commission a organisé une audition d'une délégation de la Cour des comptes qui se composait de :

­ M. Van de Velde, premier président;

­ M. Dumazy, président;

­ M. Rion, conseiller;

­ M. Lesage, conseiller.

A. Introduction de M. Van de Velde, premier président

M. Van de Velde commence par donner un bref aperçu historique. Au début du mois de novembre 1999, des rumeurs sont parvenues à la Cour des comptes à propos d'une éventuelle participation de celle-ci au comptage du nombre d'élèves. La Cour des comptes a alors décidé d'attendre le texte du projet de loi.

Au mois de novembre 1999, le premier président a pris contact avec le secrétaire général du département de l'Enseignement de la Communauté flamande. À cette occasion, il a souligné que le contrôle interne du département de la Communauté française et le contrôle interne du département de la Communauté flamande devaient se faire de la même façon. La Cour des comptes doit, en effet, pouvoir se baser sur des chiffres fiables. L'on a également prévu que le département et la Cour des comptes veilleraient de près à l'objectivité et à la transparence de l'avant-projet, étant donné qu'il met en jeu des montants importants et que le dossier en question est un dossier politiquement délicat.

Le 5 décembre 1999, la Cour a reçu un premier avant-projet de loi, d'où il ne ressortait pas qu'elle devrait procéder à des travaux urgents. L'article 3 en projet prévoyait en effet que les fichiers électroniques devaient être établis par les communautés.

Le 21 décembre 1999, la Cour a reçu un avant-projet fondamentalement retravaillé dont l'article 3, § 2, prévoit que la Cour des comptes doit communiquer, pour le 15 janvier au plus tard, les instructions aux communautés concernées. Aussi la Cour des comptes a-t-elle jugé qu'il convenait de prendre au plus tôt des mesures préparatoires, pour que l'on ne puisse pas lui reprocher de ne pas respecter les délais légaux et de faire de l'obstruction.

Les 5 et 10 janvier 2000, la Cour s'est réunie avec les départements de la Communauté française et de la Communauté flamande. L'assemblée générale de la Cour a approuvé les instructions et les a transmises, le 13 janvier 2000, aux trois ministres compétents, à savoir la ministre Vanderpoorten de la Communauté flamande et les ministres Hazette et Nollet de la Communauté française. Une copie de la lettre a été adressée au premier ministre ainsi qu'aux ministres-présidents du gouvernement de la Communauté française et du gouvernement flamand.

M. Van de Velde met les instructions à la disposition de la commission (voir annexe, p. 73).

B. Discussion

­ La compétence de la Cour des comptes

Un membre fait remarquer que le Conseil d'État a émis des doutes concernant la compétence de la Cour des comptes par rapport au travail qui lui est demandé par le projet de loi. Quelle est l'opinion de la Cour sur cet avis ?

Une autre membre s'étonne elle aussi du fait que la Cour participe à l'exécution d'un projet de loi à propos duquel le Conseil d'État ­ mais également le groupe politique auquel elle appartient ­ émet de sérieuses réserves d'ordre constitutionnel. La Cour n'était en tout cas aucunement obligée de prendre des initiatives anticonstitutionnelles.

M. Van de Velde fait remarquer que le Conseil d'État a déjà émis de telles observations à propos de projets de loi relatifs à la Cour des comptes et, notamment, à propos du projet qui allait devenir la loi du 2 mai 1995 relative à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine. Cette loi confie à la Cour une série de missions qui n'ont rien à voir avec le contrôle des recettes et des dépenses des pouvoirs publics. La Cour des comptes n'a émis aucune critique à propos de cette loi. Il appartient en effet au législateur de juger de l'opportunité d'une telle réglementation et de déterminer le rôle que la Cour des comptes doit jouer dans le cadre de celle-ci.

Le Conseil d'État souligne qu'il n'a pas eu suffisamment de temps pour examiner cette question en détail. Il renvoie dès lors à sa jurisprudence constante, mais en concédant qu'il devrait peut-être revoir son point de vue en la matière.

La Cour des comptes ne souhaite pas se prononcer sur la constitutionnalité de cette partie de la réglementation en projet. Il appartient au Parlement de se prononcer en toute autonomie sur ce point.

Une autre question est de savoir si la Cour des comptes est effectivement compétente en cette matière. Même si aucun projet de loi n'avait été déposé, la Cour des comptes aurait été obligée de contrôler la répartition de la dotation des autorités fédérales entre les communautés. Mais elle aurait dû, alors, fixer elle-même les critères à respecter. Il va de soi que, dans un tel cas, la Cour des comptes aurait été sévèrement critiquée par la communauté qui se serait sentie lésée. Voilà pourquoi il convient de fixer les critères dans un texte de loi. Tel est l'objet de la loi en projet. Quoi qu'il en soit, le contrôle relève des compétences de la Cour des comptes. Il est question, en effet, de dépenses des autorités fédérales et, de surcroît, de recettes des communautés.

­ L'initiative de la Cour des comptes

Un membre se pose la question de savoir s'il est normal que la Cour des comptes prenne un certain nombre de mesures alors que le projet de loi est toujours discuté par une commission au Parlement. S'il est de bonne gestion qu'elle prenne des mesures internes, il ne semble pas normal qu'elle contacte déjà des écoles dans ce cadre. Ne pourrait-on pas imaginer une mesure transitoire pour l'année 2000 ? Le membre est vraiment choqué par cette démarche de la Cour.

Le premier président de la Cour des comptes dit assumer la responsabilité des démarches entreprises. Les remarques critiques des sénateurs étaient prévisibles, mais la Cour estime qu'elle a agi de manière mûrement réfléchie. Il convient d'ailleurs d'attirer une nouvelle fois l'attention sur le fait que, dans le cadre des projets de loi d'exécution des lois du 2 mai 1995, la Cour a été invitée à faire ses commentaires sur les textes à l'examen. Les lettres envoyées aux ministres mentionnaient d'ailleurs que la Cour des comptes ne communique ses directives que « sous réserve de l'approbation, par le législateur, de l'avant-projet de loi (...) ainsi que des modifications qu'il apportera éventuellement ».

Il ne faut pas oublier, en outre, qu'il y a déjà un comptage annuel des élèves. Il a lieu le 15 janvier en Communauté française et le 1er février en Communauté flamande. En effet, c'est sur la base du nombre d'élèves de part et d'autre que l'on détermine la clé de répartition des dotations et le nombre d'heures de cours.

Un membre dit partager le point de vue selon lequel la Cour des comptes ne doit pas se prononcer sur la constitutionnalité du projet de loi. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit obligée, dès à présent, de participer à l'exécution de la loi en projet. Elle n'a d'ailleurs manifestement consenti à le faire qu'après quelque hésitation. N'aurait-il pas mieux valu, en effet, que la Cour des comptes prenne le temps de s'assurer que le législateur n'avait pas prévu de régime transitoire dans le cadre du projet ?

Le conseiller Rion fait remarquer qu'il faut aussi tenir compte de l'encadrement légal existant. L'article 2 en projet prévoit que le comptage intervient chaque année sur la base de données arrêtées à une date fixée entre le 15 janvier et le 1er février. Ces dates sont fixées par des règlementations voire des décrets des communautés. Les communautés exercent à ces dates un comptage des élèves qui suivent l'enseignement auprès des établissements organisés ou subventionnés par ces communautés. Ce contrôle effectué par les communautés a une importance déterminante pour la manière dont elles-mêmes répartissent les moyens financiers à destination des écoles, d'une part, en terme de dotations de fonctionnement et, d'autre part, en terme d'heures organisables et donc de charges-professeurs. Dès lors ces dates ont une signification légale précise.

La Cour se trouve en l'espèce devant un dilemme. Soit elle attend le vote du projet de loi, mais elle risque de la sorte d'être taxée d'attentisme, soit elle réagit bien avant que le projet de loi soit voté, tout en risquant d'être critiquée pour avoir manqué de respect vis-à-vis des compétences du Parlement.

On peut imaginer les effets d'une absence de réaction de la Cour des comptes. Dans cette hypothèse, les communautés n'auraient pas été informées des instructions nécessaires pour effectuer le comptage prévu par l'avant-projet de loi. Le comptage n'aurait pu dès lors intervenir qu'à une date ultérieure, par exemple dans le courant du mois de mars ou d'avril, ce qui aurait retardé d'autant la réalisation des fichiers informatiques attendus. En définitive, la Cour risquait de ne pouvoir contrôler ces fichiers qu'après le 30 juin, c'est-à-dire quand les écoles sont en vacances. En fait, le calendrier prévu par l'avant-projet est très serré, ce qui explique pourquoi la Cour a estimé qu'une réaction rapide de sa part était de bonne gestion.

Un membre demande sur quelle base juridique la Cour se fonde pour envoyer déjà les instructions ? Si l'article 5 de la loi du 29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes et les lois sur la comptabilité de l'État, coordonnées le 17 juillet 1991, suffisent pour permettre l'envoi de cette circulaire, quelle est encore l'utilité de ce projet de loi ?

­ La Cour des comptes devient juge et partie

Un membre s'attarde sur la fonction de la Cour des comptes dans le système constitutionnel belge. La Cour joue un rôle pivot dans le contrôle externe et parlementaire du budget. Le gouvernement souligne à juste titre, dans l'exposé des motifs du projet de loi, l'importance d'un contrôle objectif et transparent du nombre d'élèves. Il est effectivement nécessaire de disposer pour cela d'une institution caractérisée par son indépendance, son autorité et sa neutralité. Or, la Cour des comptes tire précisément sa légitimité de son impartialité et de son objectivité, qu'elle met pleinement au service du Parlement.

Le présent projet de loi dégrade toutefois la Cour des comptes en la réduisant à un instrument de préparation de la politique. On fait en effet intervenir la Cour dans la définition des critères pour la répartition, de fait éminemment sensible, des crédits affectés à l'enseignement. La Cour doit fixer le mode de confection des fichiers et les formalités auxquelles ils doivent satisfaire. La Cour est toutefois mise sur la touche en tant que contrôleur externe du pouvoir exécutif car elle est appelée à assurer elle-même la mise en oeuvre de la réglementation. Il est étonnant que ces objections constitutionnelles n'aient pas été soulevées par l'assemblée générale de la Cour.

Un autre membre ajoute que la Cour des comptes a pour tâche de contrôler la licéité des critères appliqués par l'autorité fédérale dans le cadre de la répartition des dotations. Or, c'est là précisément que se situe le noeud du problème : le projet de loi fait intervenir la Cour des comptes elle-même dans l'élaboration des directives. L'autorité fédérale fixera la clé de répartition sur la base des données recueillies par la Cour. En sa qualité d'organe de contrôle du Parlement, la Cour devra ensuite contrôler l'action du gouvernement. La Cour devra donc se contrôler elle-même et devient ainsi juge et partie.

La Cour adhère-t-elle à cette interprétation ? Dans l'affirmative, cela ne pose-t-il pas de problème déontologique ?

En ce qui concerne l'analyse des compétences légales de la Cour des comptes, le conseiller Rion observe tout d'abord qu'il n'appartient pas à celle-ci de se prononcer sur l'avis du Conseil d'État. On peut simplement constater que ce dernier a été prudent, dans la mesure où il a déclaré ne pas pouvoir faire un examen exhaustif de cette question, eu égard au bref délai qui lui était imparti. Quoi qu'il en soit, il convient tout de même d'attirer l'attention de la commission sur le fait que les articles 5 et 5bis de la loi organique de la Cour des comptes confèrent à celle-ci une compétence générale pour contrôler les éléments qui déterminent les flux financiers entre l'État fédéral et les communautés (pour l'un en termes de dépenses et pour les autres en termes de recettes). Un des éléments pour apprécier la validité légale de ces flux est bien évidemment le nombre des élèves. En outre, à la lumière des normes internationales de contrôle externe des finances publiques, l'institution qui est compétente pour exercer ce contrôle est également compétente pour fixer elle-même les méthodes de ce contrôle. En l'occurence il n'apparaît pas excessif d'estimer que, indépendamment du projet de loi en discussion, la Cour des comptes peut contrôler le nombre d'élèves servant à déterminer la hauteur des flux financiers en provenance de l'État fédéral vers les communautés et que, dans ce cadre, elle peut aussi communiquer aux parties en présence des instructions utiles à l'exercice d'un contrôle objectif, transparent et parallèle.

Un membre déplore une nouvelle fois que la Cour des comptes, en tant qu'émanation du pouvoir de contrôle du Parlement, soit associée pleinement à la préparation de la politique. Il espère que l'on n'en arrivera effectivement pas au point que la Cour doive préparer un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres au cas où il existerait un écart chiffré significatif et inexplicable entre les données. Par crainte de ne pas être en mesure de prendre une décision en pareil cas, le gouvernement s'en remet à la Cour des comptes pour prendre les décisions délicates, par exemple sur l'adéquation des fichiers, sur le contenu du double contrôle ou sur un écart chiffré significatif et inexplicable. La mission constitutionnelle de la Cour des comptes n'est pas de prendre ce type de décisions politiques. La neutralité, l'objectivité et l'autorité de la Cour des comptes s'en trouveront affectées de manière durable.

­ Concertation entre le gouvernement et la Cour des comptes

Un membre estime que le législateur charge la Cour des comptes d'une mission particulièrement délicate. Le gouvernement fédéral s'est-il concerté au préalable à ce sujet avec la Cour des comptes ?

M. Van de Velde déclare qu'il n'y a jamais eu de concertation formelle entre le gouvernement fédéral et la Cour des comptes. La Cour n'a d'ailleurs jamais reçu officiellement copie de l'avant-projet de loi. Les textes des avant-projets n'ont été communiqués à la Cour qu'à l'initiative d'un collaborateur du cabinet.

Il n'est pas certain qu'une concertation préalable entre le gouvernement et la Cour des comptes aurait conduit à un meilleur projet de loi, mais si cette concertation avait eu lieu, le texte aurait peut-être bien été différent.

­ Les fichiers adéquats et exacts

Un membre se réfère à l'article 3, § 2, du projet. La Cour des comptes doit vérifier si les fichiers sont adéquats et exacts. Elle se demande ce que la Cour des comptes entend par les termes « adéquats et exacts ».

Un membre observe que le premier président de la Cour parle de données exactes et fiables. Selon l'orateur, une analyse exhaustive est requise pour pouvoir affirmer que les données reprises dans les fichiers sont exactes. Le contrôle que la Cour exercera sur les données transmises par la communauté sera-t-il exhaustif ou s'agira-t-il plutôt d'un contrôle par sondage ? Si c'est un contrôle par sondage, on ne peut plus parler de données exactes mais de données fiables.

Un membre demande si la Cour peut apprécier l'adéquation des fichiers en fonction de critères légaux.

M. Van de Velde répond que la Cour a déterminé, en concertation avec les départements, les éléments qui doivent nécessairement être intégrés dans les fichiers pour que le contrôle soit satisfaisant. De plus, il faut que la Cour transmette préalablement des directives aux communautés. Si elle ne le fait pas, les communautés risquent d'utiliser des techniques totalement diparates, ce qui rendrait toute comparaison et tout contrôle impossibles. Il convient, sans doute aussi, pour l'efficacité, que la Cour des comptes puisse éditer ces directives elle-même, fût-ce en concertation avec les administrations concernées, comme le projet de loi le prévoit d'ailleurs. La coopération entre la Cour et les administrations a permis, selon M. Van de Velde, de trouver une solution pratique.

Il n'y a du reste aucune distinction entre les fichiers adéquats et les fichiers fiables.

Le conseiller Rion ajoute qu'il convient d'entendre le terme « adéquat » dans un sens formel : dans quelle mesure les fichiers qui ont été réalisés par les deux communautés sur la base des instructions que la Cour leur a communiquées, correspondent-ils bien à ces instructions ?

L'exactitude des fichiers concerne l'analyse par la Cour, au-delà de ces aspects formels, de la mesure dans laquelle les données estimées adéquates sur le plan formel correspondent bien à la réalité. L'élève X renseigné à l'école Y correspond-il bien à une réalité physique ?

­ La Cour des comptes dispose-t-elle d'un personnel suffisant ?

Un membre constate que la loi en projet prévoit que la Cour des comptes devra effectuer des contrôles là où elle ne le faisait pas jusqu'ici, comme auprès des instituts subventionnés par les communautés, des établissements d'enseignement organisés par les villes et les communes, des établissements de l'enseignement non subventionné, et en ce qui concerne l'enseignement à domicile. Les élèves qui bénéficient d'un enseignement au sein de tels établissements ou d'un enseignement à domicile doivent être déduits des totaux d'élèves. Il faudra de toute façon que la Cour des comptes exerce un certain contrôle. Combien d'agents la Cour des comptes peut-elle affecter aux divers contrôles ? Faudra-t-il procéder à de nouveaux engagements ? Les contrôles seront-ils effectués par des personnes ayant un statut de bilingue ? La Cour des comptes dispose-t-elle d'un nombre suffisant d'agents bilingues ?

Un autre membre demande si l'on a suffisamment de garanties que la Cour des comptes pourra remplir lesdites missions objectivement avec le cadre du personnel dont elle dispose. La Cour a-t-elle un cadre linguistique mixte et travaillera-t-elle avec des équipes mixtes sur le plan linguistique ?

Un membre demande s'il y a des bilingues dans le cadre actuel du personnel de la Cour. Même si les fichiers s'avèrent adéquats, la Cour des comptes doit effectuer des contrôles par sondage. Pour ce faire, elle devra faire appel à des équipes mixtes sur le plan linguistique.

M. Van de Velde déclare que la Cour des comptes ne va pas engager du personnel pour effectuer des contrôles spécifiques durant six semaines. Au cas où la Cour serait appelée à effectuer un grand nombre de contrôles approfondis, elle devrait décharger certains de ses agents de leurs activités normales, et les joindre à la petite cellule qui s'occupe actuellement des questions qui concernent l'enseignement.

L'on n'a toutefois pas encore réfléchi sérieusement au scénario en question. Il était en effet primordial de donner des directives pour ce qui est de la confection des fichiers. Si les fichiers sont conformes à ces directives, il n'y aura pas de gros problèmes.

En ce qui concerne les équipes bilingues, il conviendrait que les auditeurs francophones soient accompagnés d'auditeurs néerlandophones et vice versa. L'on pourrait prendre connaissance ainsi des méthodes et des critères qui sont appliqués dans l'une et l'autre des deux communautés. C'est d'ailleurs ce qui se fait déjà. Dans le cadre du contrôle des recettes fiscales, des agents francophones accompagnent leurs collègues néerlandophones en Flandre, non pas pour effectuer le contrôle eux-mêmes, mais pour s'informer sur leur méthode de travail. La méthode de travail doit être la même dans les deux parties du pays.

­ Les ramassages concurrentiels

Un membre demande comment la Cour des comptes contrôlera les ramassages concurrentiels. Va-t-on vérifier si des minibus franchissent la frontière linguistique ?

Un sénateur demande ce qu'est un ramassage concurrentiel pour la Cour des comptes.

Un membre fait remarquer que le projet de loi ne définit pas les ramassages concurrentiels visés à l'article 2. Dans l'exposé des motifs, il est dit que, lors de la fixation du nombre d'élèves entrant en ligne de compte pour la répartition des moyens, les élèves faisant l'objet de ramassages réguliers par une ASBL, une école ou n'importe quelle autre entité sur le territoire de l'autre communauté sont neutralisés. Est-ce que cela implique que les élèves qui ne font pas l'objet de ramassages réguliers par une ASBL, une école ou n'importe quelle autre entité mais qui seraient conduits par leur familles, qui s'organiseraient pour ramasser 10 élèves, ne seront pas neutralisés ? Cette question ne touche-t-elle pas à la vie privée ? Les élèves qui se rendent à l'école à pied seront-ils neutralisés aussi ?

En ce qui concerne les ramassages concurrentiels, M. Van de Velde renvoie, comme dans les lettres envoyées aux ministres, au Règlement nº 684/92 du Conseil de la CEE du 16 mars 1992. En vertu de ce règlement, la Cour des comptes, en concertation avec les administrations concernées, entend par « ramassage », le transport d'élèves au moyen d'un véhicule de neuf places ou plus, conducteur compris. Les établissements scolaires devront faire en l'espèce une déclaration sur l'honneur.

Le conseiller Rion ajoute que le texte du projet est relativement limité quant à la définition de la notion de « ramassages concurrentiels ». La lecture de l'exposé des motifs permet d'y voir un peu plus clair. Il doit s'agir d'un ramassage régulier et organisé sciemment. En accord avec les deux départements concernés, on a trouvé un critère suffisamment objectif pour répondre aux observations du Conseil d'État. Pour l'interprétation de cette notion, la Cour se référera au règlement du Conseil des Communautés européennes du 16 mars 1992 (nº 684/92) concernant le transport des personnes. Certes ce ne sont pas des dispositions formellement adaptées au présent projet de loi, mais elles permettent de définir ce qu'on entend par ramassage organisé et régulier. La notion de ramassage désigne le transport d'élèves au moyen d'un véhicule de neuf places ou plus, conducteur compris. La Cour des comptes n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si le texte constitue une atteinte à la vie privée et à la liberté des personnes.

Un membre estime que la Cour des comptes a raison de ne pas se prononcer sur la problématique de l'atteinte à la vie privée.

Un sénateur fait remarquer que la circulaire qui a été envoyée aux établissements scolaires de la Communauté flamande contient deux critères concernant les ramassages concurrentiels. D'après cette circulaire, sont considérés comme faisant l'objet d'un ramassage concurrentiel les élèves transportés

1) régulièrement (et donc pas occasionnellement) et de manière organisée par une ASBL, une école ou tout autre entité établie sur le territoire de la Région wallonne;

2) au moyen d'un véhicule de neuf places ou plus, conducteur compris.

Ces conditions doivent-elle être toutes les deux remplies ou suffit-il que l'une d'elles le soit ?

Un membre fait remarquer qu'il existe des véhicules privés de neuf places ou plus, conducteur compris. Si un certain nombre de parents organisent à titre privé un ramassage régulier, cela correspond-il au principe du projet de loi ?

Un membre constate que les établissements d'enseignement doivent faire une déclaration sur l'honneur au sujet des ramassages concurrentiels. La Cour des comptes contrôlera-t-elle aussi ces données par coups de sonde, en comparant par exemple l'adresse de l'école à celle du domicile des élèves ?

Un membre ajoute que le Conseil d'État a souligné que la loi de financement exige des critères objectifs. Comme le projet de loi est lacunaire à cet égard, la Cour des comptes se voit contrainte de trouver elle-même des points d'ancrage juridiques pour donner corps à ces critères vagues, notamment pour ce qui est de l'interprétation de la notion de « ramassages concurrentiels ». De telles définitions doivent toutefois figurer dans la loi elle-même, ainsi que le prévoit expressément l'article 39, § 2, de la loi spéciale de financement.

Le conseiller Lesage répond à la question spécifique relative aux voitures privées qui seraient utilisées pour le transport de neuf enfants ou plus. Le transport des personnes est soumis à autorisation. Des personnes privées ne peuvent pas organiser un tel transport d'élèves sans autorisation. Une initiative privée de ce type ne peut donc pas être considérée comme un transport organisé. Par contre, les élèves qui utilisent les transports en commun seront comptabilisés.

Un sénateur repose sa question concrète relative à la circulaire destinée aux écoles de l'enseignement fondamental en Communauté flamande. La circulaire mentionne deux conditions pour les ramassages concurrentiels. Mais ces deux conditions doivent-elles être remplies cumulativement ? Peut-on parler de ramassage concurrentiel lorsqu'une ASBL va prendre les élèves l'un après l'autre ?

Un membre ajoute que si chaque condition est suffisante en soi, les transports publics sont également visés.

Les représentants de la Cour des comptes répondent que les deux conditions doivent être remplies conjointement.

Le membre en conclut que si une ASBL organise un transport avec des véhicules de moins de neuf places, elle ne fera pas du « ramassage concurrentiel ».

Le conseiller Rion précise que c'est ainsi que la Cour des comptes l'a entendu. Par rapport à la situation dans laquelle ils étaient placés, il leur semblait difficile de ne pas aborder cette question de la manière la plus objective ou en tout cas la moins indiscutable pour les parties. S'ils avaient laissé la question en suspens, on leur aurait reproché de ne pas couvrir l'ensemble des conditions prescrites par la loi. Ils ont donc estimé d'une manière qui leur semblait raisonnable, sur la base de l'encadrement européen en matière de transport, d'une part, et, d'autre part, avec l'accord des communautés, que c'était de cette manière qu'il convenait d'entendre le « ramassage concurrentiel ». Les conditions sont cumulatives.

Par ailleurs, un commissaire a signalé qu'il y aurait une déclaration sur l'honneur des écoles. En effet, chaque école qui aurait connaissance de ramassages concurrentiels doit les signaler par une déclaration sur l'honneur. C'est une façon classique de procéder. L'école doit fournir une liste séparée des élèves concernés. La Cour des comptes exercera un contrôle sur la validité de ces listes. Une autre manière de procéder, relativement simple, consiste à identifier, à partir des fichiers, la commune où habite l'élève, et sur cette base, à recouper les deux fichiers. Il n'y aura donc pas là de problème particulier. Une liste spécifique facilitera la tâche de la Cour.

Un membre demande très concrètement si cela signifie que le directeur d'école devrait déclarer comme ramassage concurrentiel deux pères de famille qui ont de grandes voitures où ils peuvent mettre huit jeunes enfants.

Le conseiller Rion répond qu'il fallait trouver un critère objectif, qui évite trop de discussions. Comme il s'agit ici de personnes privées, la double condition n'est pas remplie.

Un membre demande comment la Cour des comptes fera pour contrôler les déclarations sur l'honneur des directeurs d'école.

M. Van de Velde répond que les déclarations sur l'honneur doivent être contrôlées par le département et non pas par la Cour des comptes. La Cour des comptes peut, par contre, comparer les élèves figurant sur la liste à ceux figurant sur d'autres listes.

Un membre constate que les communautés décident donc de manière autonome de porter ou non en déduction les élèves faisant l'objet des ramassages concurrentiels.

M. Van de Velde déclare que la Cour des comptes travaille sur la base des données qui lui ont été transmises. La Cour ne contestera pas les déclarations sur l'honneur. La Cour contrôlera toutefois sur la base desdites déclarations si l'on a déduit le bon nombre d'élèves.

­ Contrôles dans les écoles libres et dans les écoles communales

Un membre demande sur quelle base juridique la Cour des comptes peut effectuer des contrôles dans les écoles libres et dans les écoles des villes et des communes. En effet, le contrôle exercé par la Cour des comptes s'est déjà heurté par le passé au principe de l'autonomie communale.

Un autre membre déclare que les élèves qui suivent l'enseignement non subventionné, y compris l'enseignement à domicile, doivent être portés en déduction. Il faut donc en tout cas un certain contrôle à cet égard. Sur quelle base juridique la Cour des comptes peut-elle contrôler l'enseignement non subventionné ? En effectuant des contrôles en ce qui le concerne, elle pénètre en effet dans le domaine de l'initiative privée pour lequel il semble bien qu'elle ne dispose d'aucune base juridique.

M. Van de Velde déclare qu'en cas de problème en ce qui concerne le contrôle de l'enseignement libre, la Cour des comptes, se basera sur le contrôle interne fait par le département. La Cour des comptes a déjà effectué des contrôles au sein des écoles supérieures libres, des écoles supérieures provinciales et des hautes écoles supérieures organisées par les communautés. Les écoles supérieures de l'enseignement libre n'ont fait aucune observation.

­ L'utilisation des matricules scolaires

Un membre fait remarquer que la circulaire de la Communauté flamande oblige les établissements scolaires à communiquer le numéro de registre national ou, à défaut, le matricule scolaire. Cela n'est pas prévu par les directives que la Cour des comptes a communiquées aux ministres concernés. Est-ce parce que la Communauté française ne dispose pas d'un tel système ? Comment le contrôle s'effectue-t-il en Communauté française pour ce qui est des élèves ne possédant pas de numéro de registre national ?

Le conseiller Lesage souligne que les communautés doivent contrôler le respect de la scolarité obligatoire. Or, il ne faut pas confondre scolarité obligatoire et obligation scolaire. On peut également suivre l'enseignement à domicile. Les communautés disposent des données qu'elles doivent transmettre en application de l'article 4. Elles savent combien d'élèves reçoivent un enseignement à domicile et combien d'élèves suivent les cours de l'enseignement non subventionné. Jadis, ce contrôle était effectué par les inspecteurs cantonaux en collaboration avec les communes, mais cette compétence relève aujourd'hui des communautés.

­ Contrôles sur place

Un sénateur relève que l'article 3 en projet dispose que la Cour des comptes effectue « le cas échéant » des contrôles sur place. Qu'entend la Cour par « le cas échéant » ?

­ Les ajustements nécessaires

Un membre fait remarquer que l'article 5, § 2, en projet parle d'erreurs et d'ajustements nécessaires. En quoi consistent selon la Cour ces ajustements nécessaires ?

­ Les erreurs et les écarts significatifs

Un membre observe que le projet précise que les erreurs seront corrigées par la Cour, tandis que les écarts significatifs seront corrigés par le Conseil des ministres. Où se situe, selon la Cour, la différence entre erreur et écart significatif ? Y a-t-il un écart significatif à partir de 1 %, 0,1 % ou 0,01 % de la clé de répartition ? Pour modifier la deuxième décimale, il suffirait, selon certains calculs, de 60 élèves pour entraîner une différence de répartition d'une trentaine de millions.

D'autres membres demandent également sur quels critères la Cour des comptes se fondera pour dire que l'écart chiffré est significatif et inexplicable et que le nombre d'élèves doit dès lors être déterminé par un arrêté délibéré en Conseil des ministres. La Cour dispose en la matière d'une liberté d'appréciation très large et très importante.

Selon un membre, le gouvernement est en train de porter un problème purement politique devant la Cour des comptes, qui est une institution absolument neutre mise au service du Parlement. En remplissant cette mission, la Cour sort de la sphère de compétences qui lui a été attribuée par la Constitution.

­ La procédure a-t-elle été lancée à temps ?

Un membre constate que les instructions destinées aux communautés ont été communiquées le 13 janvier alors que les comptages pour la Communauté française ont lieu le 15 janvier. Ces instructions sont-elles parvenues à temps dans les écoles de la Communauté française ?

­ Comparaison avec les chiffres de population

Un sénateur souligne que, si une communauté ne transmet pas un fichier adéquat, la Cour est chargée, conformément à l'article 4, de comparer les données en question aux chiffres de population, en tenant compte d'une série d'autres données. Pourquoi n'at-on pas précisé dans le projet que cette comparaison doit avoir lieu dans tous les cas ? Il y a en effet un nombre important d'élèves belges qui sont inscrits dans un établissement scolaire étranger, comme il y a un nombre important de non-ressortissants qui sont inscrits régulièrement dans des établissements d'enseignement situés en Belgique.

Un autre membre demande comment la Cour des comptes procédera à cette comparaison.

­ Les délais

Un membre fait remarquer que les fichiers électroniques doivent être communiqués au plus tard le 15 mai à la Cour des compte. De combien de temps la Cour des comptes dispose-t-elle pour effectuer un contrôle ? La Cour des comptes peut-elle encore contrôler, le 15 mai, si les enfants d'étrangers résidant illégalement en Belgique étaient inscrits le 15 janvier ou le 1er juillet dans une école déterminée. Peut-on encore effectuer un contrôle après le 1er juillet ? Selon l'exposé des motifs, la réglementation ne vaut pas pour ce qui est de l'année 1999, parce que l'on peut difficilement appliquer rétroactivement les nouveaux critères.

­ Réponse générale aux questions précédentes

M. Van de Velde déclare que, jusqu'à présent, la Cour des comptes ne s'est occupée que de la première phase de la mise en oeuvre du projet de loi. Elle s'est donc contentée de communiquer des instructions. La deuxième phase de la procédure prévue n'a pas encore été examinée par la Cour des comptes.

La Cour espère que les fichiers seront adéquats pour le contrôle et conformes aux instructions. Si l'on s'en tient aux instructions, les fichiers seront adéquats et la Cour des comptes pourra se contenter de procéder à un contrôle par sondage. C'est en ce sens que la Cour des comptes interprète les mots « le cas échéant ». Cela signifie que les contrôles de la Cour seront plutôt des contrôles au hasard. Elle ne dispose bien entendu pas des moyens nécessaires pour pouvoir se rendre dans toutes les écoles. Si elle ne dispose pas des fichiers adéquats, de sérieux problèmes peuvent surgir. La Cour n'a cependant pas encore pu examiner à fond ce cas-là.

Le conseiller Rion se réfère à l'article 2, alinéa 2, du projet de loi. Seuls sont pris en compte les élèves âgés de 6 à 17 ans inclus régulièrement inscrits dans l'enseignement primaire et secondaire, y compris l'enseignement à horaire réduit, dans un établissement d'enseignement organisé au subventionné par la Communauté française ou flamnade, selon le cas. Les deux départements se sont engagés à fournir les fichiers pour le 15 mai sur la base des instructions qu'on leur a communiquées. Dans un souci d'efficacité, la Cour a suggéré que les départements fournissent à titre de test dès le 15 mars un premier fichier qui permettra de contrôler dans quelle mesure l'interprétation des instructions est cohérente.

Les fichiers électroniques reprendront un nombre important de données puisque, d'après les dernières statistiques, il y a 675 000 élèves en Communauté française et 870 000 en Communauté flamande. Il est clair qu'un contrôle manuel de ces données n'a aucun sens.

Il faudra d'abord contrôler l'adéquation. Un fichier informatique peut se traiter avec des logiciels de contrôle permettant de sérier de manière systématique les données et de voir très vite si ces données sont adéquates. Quant à l'exactitude des fichiers, il importe d'éviter les doubles comptages ou le calcul d'étudiants inexistants. En ce qui concerne les étudiants inexistants, dans l'état actuel des choses, les deux communautés organisent elles-mêmes un propre contrôle sur la manière dont les écoles leur transmettent les données. Pour fixer la répartition des dotations de fonctionnement entre les différents établissements et pour fixer la charge horaire organisable par ces établissements, les deux communautés fixent elles-mêmes des normes de contrôle interne. Des équipes de vérificateurs sont chargées d'aller régulièrement dans les écoles voir dans quelle mesure les données fournies par celles-ci sont correctes et vérifier si les élèves inscrits sont bien existants. Vu leurs difficultés financières, les communautés n'ont aucun intérêt à subventionner des élèves inexistants.

La Cour effectuera son contrôle de deux manières. Elle appréciera d'abord le contrôle interne exercé par les communautés. Les deux communautés ont à leur disposition les données sur les élèves, la Communauté française sur la base de ce qu'on appelle le système « fichier élève », la Communauté flamande sur la base d'un système informatisé permettant de rassembler l'ensemble des données. Ces deux systèmes sont soumis au contrôle des vérificateurs mandatés par les deux communautés. La Cour des comptes évaluera donc la manière dont ce système fonctionne. En ce qui concerne la Communauté française, une étude interuniversitaire déposée l'année dernière a considéré que le contrôle interne sur le nombre d'élèves était satisfaisant. C'est déjà un élément rassurant.

En outre, la Cour des comptes vérifiera, à l'aide de logiciels de type ACL, la conformité et l'exactitude des listes fournies. Par rapport à une base de données complexe et étendue, de tels logiciels permettent en effet de faire des analyses et des tris exhaustifs. Concrètement, il s'agit, par exemple, d'interroger la base de données sur un nom afin de déterminer s'il ne donne pas lieu à des redondances (double occurence). Il est ainsi possible de faire apparaître que tel élève dans telle école est mentionné deux fois, ce qui indique un problème de double comptage éventuel. Cette analyse débouchera sur la confection d'une liste réduite, du moins on peut l'espérer, des difficultés potentielles. Cette liste sera soumise à des vérifications supplémentaires de la Cour des comptes : soit par un contrôle sur place dans les écoles où les doubles comptages auront été relevés, soit au sein du département dans la mesure où les données fournies révèleraient un problème structurel dans la réalisation des fichiers.

Selon l'hypothèse du calendrier du projet de loi, les communautés fourniront les fichiers le 15 mai. Avant le 15 mai, la Cour aura défini une procédure de contrôle précise applicable identiquement aux deux communautés. Ce contrôle sera terminé le 30 juin au plus tard. Un contrôle sur place auprès des établissements dans lesquels on aurait repéré des problèmes potentiels, n'a plus aucun sens après le 30 juin. La Cour des comptes dispose donc de 45 jours pour effectuer ce contrôle de l'exactitude et de la fiabilité. Les moyens informatiques disponibles permettront d'effectuer le contrôle dans ce délai.

Un sénateur déduit de l'exposé des représentants de la Cour des comptes que l'on risque la catastrophe si les communautés ne transmettent pas des fichiers adéquats. Dans ce cas, la Cour sera dans l'impossibilité de réaliser les contrôles prescrits dans le délai extrêmement bref dont elle disposera encore. Est-ce bien ainsi que la Cour des comptes voit les choses ?

Même si les fichiers sont adéquats, le contrôle se limitera aux cas dans lesquels les chiffres dénotent un problème potentiel, par exemple si des noms sont mentionnés deux fois, si des données sont incomplètes, etc. Pour ce contrôle, la Cour dispose de 45 jours, ce qui, en pratique, revient à environ 20 jours ouvrables. Cela signifie donc qu'il sera impossible de contrôler correctement le nombre de non-résidents régulièrement inscrits dans des établissements d'enseignement en Belgique ou le nombre de résidents inscrits dans des établissements d'enseignement hors de Belgique.

Un membre estime qu'il incombe au législateur d'examiner s'il est possible de mettre en oeuvre la réglementation projetée. Cette tâche a été quelque peu négligée dans le passé. La Cour des comptes ne s'est pas encore penchée en détail sur toutes les phases ultérieures de la procédure projetée. À l'heure qu'il est, nous ne savons donc pas si la Cour pourra faire face aux missions prescrites par la loi. Cette conclusion est-elle exacte ? N'est-on pas, en outre, fondé à conclure que ce contrôle plus poussé sera sans doute pratiquement impossible, compte tenu du délai très bref dans lequel il devra être effectué ?

M. Van de Velde déclare que la Cour des comptes n'a pas encore approfondi la question de la procédure à suivre si une communauté ne communique pas un fichier adéquat. La question est de savoir si, dans ce cas, la Cour des comptes rectifiera elle-même les données ou si elle transmettra le dossier au gouvernement fédéral et aux gouvernements de communauté concernés. On ne sait pas encore exactement aujourd'hui comment la Cour des comptes s'y prendra. Mais pour l'intervenant, il n'y a assurément pas lieu de parler de scénario catastrophe. Il faut seulement que la Cour des comptes ait une concertation interne sur la procédure.

S'agissant de la liste des données que la Cour des comptes demande, une large concertation avec les départements a déjà eu lieu. La liste a été dressée sur la base des données figurant dans le projet de loi, à l'article 3, § 1er . Il a été tenu compte des possibilités de certaines écoles, du fait qu'il peut y avoir des enfants d'illégaux ou des enfants qui ne sont pas domiciliés en Belgique mais y fréquentent l'école, etc. Les fichiers établis conformément aux directives permettront donc de contrôler toutes ces données.

­ Le contrôle de certaines catégories

Un membre demande comment s'effectuera le contrôle des enfans qui habitent à l'étranger et des enfants de personnes qui séjournent illégalement en Belgique.

Un autre membre se demande également si la Cour des comptes dispose des moyens juridiques nécessaires pour procéder aux différents comptages qu'elle doit effectuer conformément à l'article 4 en projet. À qui la Cour s'adressera-t-elle par exemple pour connaître le nombre d'enfants d'étrangers en séjour illégal qui fréquentent l'école ?

Un autre membre soulève aussi le problème des enfants scolarisés d'étrangers résidant illégalement en Belgique. Le Conseil d'État a fait une remarque judicieuse qui a entraîné l'introduction dans le commentaire de l'article 3 d'une précision utile sur la bonne utilisation des données, notamment du numéro de registre national et du domicile. Le Conseil d'État a fait remarquer que ces données devaient bien servir à la seule utilisation de comptage prévue par le projet de loi. Le membre souhaiterait savoir si la Cour des comptes a les moyens d'obtenir le respect de cette condition. La Cour peut-elle garantir que les données ne pourront pas être utilisées à d'autres fins que l'application de la loi ?

M. Van de Velde répond que c'est évident. L'information recueillie sera uniquement utilisée dans le cadre de l'application de cette législation. Aucune poursuite ne pourra être entamée contre des illégaux sur la base de ces documents. C'est d'ailleurs pour cela que, pour certaines choses, ce n'est pas le domicile qui est indiqué.

Le conseiller Rion ajoute qu'il convient de lire l'article 4, § 2, du projet de loi : « La communauté concernée (...) communique les données visées au § 1er , 2º, à la Cour des comptes. » Toutes les données prévues par ce 2º doivent être fournies par les communautés. Ce n'est donc pas la Cour des comptes qui va rechercher ces données, elle va seulement les contrôler. En ce qui concerne la définition du champ d'action sur lequel la Cour va exercer son contrôle, la Cour considère que sont seuls prévus dans les listes à fournir par les communautés les élèves : 1º entre 6 et 17 ans; 2º inscrits régulièrement dans l'enseignement primaire et secondaire, et 3º dans un établissement d'enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française ou flamande (article 2 du projet). N'entre donc pas dans le champ de la loi l'enseignement libre non subventionné.

Un commissaire fait observer que, dans la deuxième phase, la Cour doit de toute manière contrôler les élèves qui suivent l'enseignement non subventionné pour pouvoir faire la comparaison avec les chiffres de la population.

Le conseiller Rion en convient. La Cour a jusqu'à présent préparé la première phase en partant de l'hypothèse que les communautés seraient capables de donner les fichiers adéquats dans les délais impartis. La Cour n'a pas encore osé imaginer ce que serait la deuxième phase, dans la mesure où, pour la première phase déjà, elle savait qu'on pourrait lui reprocher d'agir prématurément, la loi n'ayant pas encore été adoptée. Il reconnaît que les critères et les définitions suscitent effectivement une question qui pourrait être abordée par le gouvernement.

En ce qui concerne le périmètre des compétences ratione personnae de la Cour des comptes, l'intervenant fait remarquer, à titre personnel, qu'il s'agit d'une problématique classique : la Cour peut-elle oui ou non contrôler des ASBL et des organismes privés, dotés d'une personnalité juridique privée, mais fonctionnant essentiellement avec des moyens publics. On peut développer à ce propos une casuistique juridique sans fin. Le fait de la personnalité juridique privée met en principe ces entités à l'abri du contrôle de la Cour des comptes; toutefois, puisque l'essentiel de leurs ressources est d'origine publique, il ne serait pas inconcevable que la Cour puisse vérifier la destination et l'utilisation de telles ressources. Les pays européens ont élaboré diverses solutions à cet égard. Ainsi, la Cour des comptes de France est-elle légalement compétente pour contrôler de manière directe la comptabilité des organismes, qui, quelle que soit leur forme juridique, récoltent des fonds publics. On entre évidemment dans un débat d'opportunité, dans le cadre duquel la Cour des comptes n'est pas appelée à prendre position.

Un sénateur s'étonne d'entendre que la Cour des comptes s'attend à ce que les données visées à l'article 4 soient communiquées par les communautés. Il envisage spécifiquement ici le nombre d'élèves inscrits dans des établissements d'enseignement situés hors de Belgique. Les intervenants partent de l'hypothèse qu'il y a obligation scolaire et que les communautés la contrôleront. Si certains élèves ne sont inscrits ni dans l'enseignement de la Communauté française, ni dans celui de la Communauté flamande, ils doivent être enregistrés quelque part pour vérifier d'une manière ou d'une autre, s'ils satisfont bien à l'obligation de scolarité. La Flandre ne dispose pas actuellement de données précises sur le nombre d'élèves de nationalité belge qui sont inscrits à l'étranger. Que fera la Cour des comptes si elle ne reçoit pas ces données des communautés ?

La tentation est grande d'inciter la Communauté flamande à ne pas fournir de fichiers adéquats à la Cour des comptes. Celle-ci devra alors procéder à un double contrôle, qu'elle n'est manifestement pas en mesure de mener à bien. La seule décision que l'on pourra prendre alors sera d'accorder le financement sur la clé de répartition existante.

Un membre constate que la Cour des comptes ne s'attaquera aux problèmes que s'ils se posent. La procédure l'obligera toutefois à prendre une série de décisions subjectives. De ces décisions dépendra la question de savoir si la Cour devra procéder à une enquête plus approfondie et souvent complexe.

IV. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. Observations des membres

Contexte politique

Un membre déclare que le présent projet est le résultat d'une promesse qui a été faite par le formateur, l'actuel premier ministre, durant les négociations en vue de la formation du gouvernement. L'accord prévoyait que la Communauté française recevrait des moyens supplémentaires à hauteur de 2,4 milliards de francs pour le financement de l'enseignement. Sur la base des critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, la Communauté française n'obtient cependant que 1,8 milliard de francs en plus. Pour compenser la différence entre ces deux montants, on a fait usage de l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989. Le projet de loi exécutant cet article majore les crédits octroyés à la Communauté française et à la Communauté flamande pour le financement de l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers. En définitive, la Communauté française recevra du fédéral des moyens supplémentaires représentant un montant total de 3,2 milliards.

Un autre membre rappelle qu'au cours de la législature précédente, tant le Parlement fédéral que le Parlement flamand ont discuté à plusieurs reprises du financement de l'enseignement. Le noeud de la discussion était toujours la question des critères à appliquer pour la répartition de la dotation affectée à l'enseignement entre la Communauté flamande et la Communauté française. Avant les élections, on avait clairement opté du côté flamand pour les chiffres de la population plutôt que pour les nombres d'élèves. Les Flamands se sentaient en effet quelque peu floués par la décision de 1989 qui avait opté pour les nombres d'élèves. Le ministre Duquesne avait déclaré à l'époque qu'il ne connaissait même pas de manière approximative, le nombre d'élèves inscrits dans l'enseignement francophone. Il s'était dès lors borné à une estimation grossière. Si l'on compare les chiffres qui ont été arrêtés à l'époque aux chiffres de la population du même moment, on voit apparaître une différence annuelle de l'ordre de 6 à 8 milliards de francs.

Tous les partis flamands se sont accordés à reconnaître que ce problème devait être réglé dans le cadre d'un débat plus vaste sur l'autonomie fiscale. Durant la décennie écoulée, les deux communautés concernées ont en effet développé une politique très contrastée en matière d'enseignement. Compte tenu de ces contrastes, le financement doit reposer sur les critères les plus objectifs possible, du moins si l'on s'en tient à un financement par le fédéral. Les chiffres de la population constituent un critère objectif. Ces chiffres permettent en effet de calculer le nombre de jeunes soumis à l'obligation scolaire et, partant, le nombre d'élèves.

Les partis flamands de la majorité ont abandonné ce point de vue après les élections. C'est ainsi qu'on a entamé une discussion sur les critères du côté flamand, tandis que du côté francophone, le débat portait surtout sur les montants, les francophones demandant des moyens supplémentaires à hauteur de 2,4 milliards de francs. Quant à savoir quels critères permettraient d'arriver à cette somme, il s'agissait là d'un problème secondaire.

En fin de compte, on opta pour le critère des nombres d'élèves. Sur cette base, la Communauté française n'allait toutefois obtenir que 1,8 milliard de francs de moyens supplémentaires. La différence de 0,6 milliard de francs a été comblée grâce à une augmentation des crédits affectés au financement de l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers. Le ministre de l'Économie et de la Politique scientifique a d'ailleurs été incapable de dire sur la base de quels éléments concrets les crédits affectés à l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers ont été majorés.

Le projet de loi exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, qui a été déposé en même temps que le présent projet de loi, n'est donc pas du tout une matière technique. Il s'agit au contraire d'un dossier purement communautaire. Le ministre de l'Économie et de la Politique scientifique a d'ailleurs reconnu que ces montants reposent tout bonnement sur un consensus au sein du Comité de concertation. Ces montants ont donc été fixés de manière arbitraire, ce qui ne fait que renforcer l'impression que l'on a affaire à un maquignonnage politique.

On en trouve une excellente illustration dans le fait qu'un double contrôle des nombres d'élèves, vient encore s'ajouter un contrôle exercé par la Cour des comptes. La méfiance envers les nombres d'élèves en tant que critère n'est donc pas dissipée. Selon le membre, si l'on avait totale confiance dans les chiffres à transmettre par les communautés, le contrôle par la Cour des comptes serait superflu.

Le membre estime que le projet de loi est un bel échantillon du fédéralisme de consommation, basé sur les besoins financiers d'une seule communauté.

Le contexte communautaire du financement de l'enseignement

Un membre replace le problème du financement de l'enseignement dans le contexte communautaire général. Lors de la conception de la loi spéciale de financement en 1988, le rapport entre le nombre d'élèves dans chacune des deux communautés a été adopté comme critère de calcul des montants qui seraient alloués aux communautés et on a d'emblée distingué une phase transitoire et une phase définitive. La phase transitoire couvrait la période comprise entre les années budgétaires 1989 et 1998, tandis que la phase définitive devait s'ouvrir avec l'année budgétaire 1999. Toutefois, la mise en oeuvre concrète de cette phase définitive devait faire partie d'une négociation beaucoup plus large sur la réforme de l'État. Il semble effectivement indiqué de procéder, après un laps de temps de dix ans, à une évaluation approfondie de la réforme de l'État, et en particulier du financement des entités fédérées.

C'est en vue d'une telle évaluation générale que le ministre-président du gouvernement flamand présenta, en 1996, la note dite du 29 février, que le Parlement flamand examina trois années durant. Le Sénat se pencha lui aussi pendant quatre ans sur l'évaluation des structures fédérales. Mais une nouvelle négociation sur la réforme de l'État ne peut aboutir à un quelconque résultat que si l'on y inclut tous les problèmes. Le projet de loi à l'examen va à l'encontre de cette philosophie. Il règle séparément le financement de l'enseignement en fixant les critères objectifs sur la base desquels sera déterminée la clé de répartition pour l'octroi des montants aux communautés. On s'engage ainsi dans la phase définitive du financement de l'enseignement sans qu'il y ait le moindre accord sur les autres composantes de la réforme de l'État. Pourtant, durant toute une décennie, le débat sur la phase définitive du financement de l'enseignement a été considéré comme le point de fixation idéal pour un débat beaucoup plus large sur la réforme de l'État.

Entre-temps, il est vrai, la Conférence intergouvernementale et interparlementaire pour le renouveau institutionnel (CIIRI) a été créée. Elle devrait devenir le forum où des négociations sur la réforme de l'État pourraient avoir lieu. Or, le dossier du financement de l'enseignement est traité complètement en dehors de la CIIRI. Et il s'avère d'ailleurs à présent que l'accord sur le financement de l'enseignement a bloqué de facto les discussions au sein de la conférence. Même des dossiers mineurs, ayant trait par exemple à l'agriculture, au commerce extérieur et aux aspects techniques de la fiscalité régionale, n'enregistrent aucun progrès. Le gouvernement flamand se fixe désormais le 31 décembre 2001 comme objectif. On ne doit dès lors pas s'attendre à la moindre avancée dans le dossier de la réforme de l'État avant cette date.

Rappel de la procédure

Un membre brosse les antécédents procéduraux du projet de loi à l'examen. Le 10 décembre 1999, le premier ministre invite le Conseil d'État à rendre un avis sur l'avant-projet de loi dans un délai ne dépassant pas trois jours. Le Conseil d'État, chambres réunies, rend son avis le 17 décembre 1999. Pour justifier sa demande d'urgence, le gouvernement avait fait valoir que la loi en projet devait entrer en vigueur le 1er janvier 2000, le comptage des élèves devant, en effet, avoir lieu entre le 15 janvier et le 1er février de chaque année, et pour la première fois en l'an 2000.

Si le gouvernement avait suivi l'avis du Conseil, il aurait dû remanier son projet sur plusieurs points. Pourtant, même si le gouvernement avait effectivement adapté le projet, ce qui ne fut pas le cas, il eût été matériellement possible d'encore le déposer au Sénat avant les vacances de Noël, et même de le faire voter par le Sénat avant le nouvel an. Dans cette hypothèse, la Chambre aurait pu aussi adopter le texte avant le 15 janvier 2000.

La réalité fut tout autre. Le gouvernement n'apporta que quelques rares modifications et attendit la mi-janvier avant d'engager la discussion au Sénat. Dans l'intervalle, la Cour des comptes avait été mise sous pression pour envoyer des directives aux communautés concernées, ce qu'elle fit effectivement le 13 janvier. Les directives sont promptement exécutées par la Communauté flamande, ainsi qu'en témoigne la circulaire envoyée à l'ensemble des écoles. Les écoles procèdent au comptage le 1er février. En un mot, la Cour des comptes et les départements de l'enseignement appliquent un projet de loi qui n'a pas encore été adopté par les Chambres législatives. On fait donc fi de la possibilité qu'a le Parlement d'amender le projet, voire de le rejeter. Le Parlement pourrait, par exemple, décider que le comptage des élèves doit se faire plus tard dans l'année ou que, dans le cadre de la comparaison des données des fichiers aux chiffres de la population, il ne faut pas tenir compte de certaines catégories énumérées à l'article 4 en projet ou, au contraire, qu'il y a précisément lieu de tenir compte de certaines catégories.

Un enfant égale un enfant

Un membre est d'avis que le présent projet de loi et l'accord politique sous-jacent remettent en question le principe de base du financement de l'enseignement. Selon ce principe, un enfant égale un enfant.

Si, lors de la discussion sur la loi spéciale de financement en 1989, on avait accepté du côté francophone la thèse développée du côté flamand selon laquelle, pour les régions, on s'oriente de plus en plus vers un financement basé sur les ressources propres de chaque région, il avait été acté, à la demande francophone, que le transfert financier de l'enseignement se ferait sur la base du principe « un enfant égale un enfant ». Il s'ensuit que le nombre d'élèves devait être calculé pour arriver à la clef de répartition prévue à l'article 39, § 2, de la loi spéciale, à savoir 42,45 % pour la Communauté française et 57,55 % pour la Communauté flamande.

Le présent projet remet en question ce principe essentiellement parce qu'il exclut les élèves qui ont 18 ans ou plus. L'article 39 actuel considère tous les élèves inscrits dans l'enseignement primaire et secondaire comme des élèves entrant en ligne de compte pour le calcul.

Dans cette perspective, le projet de loi viole également l'esprit de la loi spéciale de financement. Lorsqu'il y a un problème d'interprétation d'une loi, il convient de consulter les travaux préparatoires de la loi en question. Le Conseil d'État rappelle que le vice-premier ministre (N) avait déclaré que le montant global de la masse TVA est ventilé selon la réparttion du nombre actuel d'élèves, c'est-à-dire selon le nombre d'élèves au début de l'année 1989. Pour ce faire, le législateur spécial est parti du nombre d'élèves de l'enseignement fondamental et secondaire, quel que soit leur âge. Sur la base de ces nombres, la loi spéciale de financement a déterminé des pourcentages fixes, à savoir 42,45 % pour la Communauté française et 57,55 % pour la Communauté flamande. Le présent projet de loi ne respecte pas cette philosophie, ce qui entraîne du côté francophone une perte de 1,8 milliard de francs selon le calcul des présidents des partis francophones.

On déroge également au principe de base précité puisqu'on exclut les élèves des communes voisines de Bruxelles faisant l'objet de ramassages concurrentiels.

L'année budgétaire 1999

Un membre est d'avis que le projet de loi viole la lettre même de la loi spéciale de financement puisqu'on oublie l'année 1999. L'article 39 de la loi spéciale stipule clairement que la répartition doit être adaptée dès l'année budgétaire 1999. Le Conseil d'État relève dans son avis qu'il y aura un vide juridique dans la législation en ce qui concerne l'année budgétaire 1999. Du côté francophone, la perte est d'au moins 2,5 milliards de francs selon le calcul actuel du gouvernement et même de 3,6 milliards de francs selon la méthode de calcul des quatre présidents des partis francophones.

Un autre membre partage cette opinion. Le projet de loi ne vise pas l'année budgétaire 1999, laissant ainsi un vide juridique. Le Conseil d'État l'a constaté aussi dans son avis. Le gouvernement se justifie dans l'exposé des motifs en se référant à la difficulté d'appliquer rétroactivement les nouveaux critères. On aurait pu pourtant envisager un ajustement budgétaire pour l'année 1999.

Caractère temporaire

Un membre constate que le caractère temporaire du dispositif légal, lequel avait été défendu par certains négociateurs de l'accord de la Saint-Éloi, n'est mentionné nulle part dans la loi en projet. Celle-ci sera applicable pour une durée indéfinie et non pas, par exemple, jusqu'à la fin de 2001 comme l'affirment certains.

Un autre membre estime que le projet de loi est un bon exemple d'une loi d'airain. L'exposé des motifs énonce que « dans l'attente d'une modification de la loi de financement au sein de la conférence intergouvernementale et interparlementaire, un règlement est élaboré actuellement afin de résoudre quelques problèmes pendants dans le cadre de la loi de financement ».

Le projet de loi semble être une solution temporaire. La Flandre exige l'autonomie fiscale et la Communauté française demande plus d'argent du niveau fédéral.

Modification de la loi de financement

Un membre est d'avis que le législateur fédéral ordinaire dépasse ses compétences lorsqu'il donne des instructions aux communautés. Il est dit notamment à l'article 3 que les communautés communiquent les données résultant du comptage. Le législateur ordinaire ne peut absolument rien imposer aux communautés. Pareille obligation doit être inscrite dans une loi adoptée à la majorité spéciale. C'est pourquoi le membre déposera un amendement visant à remplacer cette obligation par une invitation.

Un autre membre déclare que dans son avis, le Conseil d'État a souligné que la loi en projet n'est pas une loi d'exécution, mais qu'elle implique de facto une modification de la loi spéciale de financement. Une loi votée à la majorité spéciale est dès lors requise.

Circulaire

Un membre souligne que la loi en projet n'a pas encore été votée, mais que le ministre de l'Enseignement de la Communauté flamande a déjà envoyé une circulaire aux écoles. Il s'ensuit que les écoles doivent appliquer un projet de loi qui, en théorie du moins, peut encore être modifié.

Le membre désire savoir si le contenu de la circulaire qu'a envoyée le ministre de l'Enseignement de la Communauté flamande est identique à celui de la circulaire émanant de la Communauté française.

Ramassages concurrentiels

Un membre réagit aux observations du Conseil d'État concernant les ramassages concurrentiels. Le Conseil d'État contrôle la conformité des critères pour déterminer le nombre d'élèves à l'exigence de l'objectivité, prévue par l'article 39, § 2, de la loi spéciale de financement. Pour le Conseil d'État, l'exigence de l'objectivité implique que le critère doit permettre de déterminer les nombres d'élèves à partir de la simple constatation d'éléments de fait.

Le législateur spécial a voulu éviter que le résultat du comptage puisse susciter une contestation, notamment parce que l'application des critères nécessiterait une appréciation supplémentaire. En outre, l'objectivité des critères implique également que leur application doit être vérifiable, par exemple par un tiers indépendant.

Le Conseil d'État estime que le critère « ramassages concurrentiels » ne peut pas être considéré comme un critère objectif et, par conséquent, qu'il est inconciliable avec l'article 39, § 2, alinéa 2, de la loi spéciale de financement.

Dans l'éventualité où l'on souhaiterait malgré tout maintenir le critère des ramassages concurrentiels, celui-ci devra être inscrit dans une loi spéciale. On ne peut pas l'insérer dans une loi ordinaire pour la raison que le législateur ordinaire ne peut déroger aux dispositions d'une loi spéciale.

Le critère des ramassages concurrentiels a été inclus dans le dispositf à la demande instante du gouvernement flamand. Or, ainsi le membre raisonne-t-il, si tous les partis flamands qui composent le gouvernement flamand actuel votent la loi en projet dans les Chambres fédérales, il y aura effectivement une majorité spéciale. Par contre, si un parti approuvant la réglementation en projet au niveau du gouvernement flamand ne la soutient pas au Parlement fédéral, il n'y aura pas de majorité spéciale.

Un autre membre ajoute que les nouvelles majorités affirment volontiers que les violons sont toujours accordés aux différents niveaux de pouvoir. Par conséquent, et à moins qu'il ne s'agisse d'une affirmation gratuite, il ne devrait pas y avoir de problème pour approuver la réglementation à la majorité spéciale.

Le préopinant rappelle que les représentants de la Cour des comptes ont déclaré qu'ils ne contrôleraient pas les ramassages concurrentiels. Les directeurs d'école déclareront sur l'honneur si leurs élèves font l'objet de ramassages réguliers sur le territoire de l'autre communauté, organisés par une école, par une ASBL ou par une autre entité et, dans l'affirmative, combien d'élèves sont concernés.

Concrètement, il s'agit du transport d'élèves au moyen d'un véhicule de 9 places au moins, conducteur compris. Les véhicules à 8 places n'entrent donc pas en ligne de compte. La Cour des comptes ne contrôlera pas les déclarations sur l'honneur des directeurs d'école, pour la simple raison qu'un contrôle efficace de ces déclarations est impossible.

Un autre membre lit dans l'exposé des motifs que le gouvernement, à la demande du Conseil d'État, précise que sont visés les ramassages par une entité reconnue ou subventionnée par une communauté ou une région, ou organisés par celles-ci. Le 13 janvier 2000, la Cour des comptes a envoyé des directives aux ministres de communauté ayant l'Enseignement dans leurs attributions. Ces directives précisaient ce qu'il y a lieu d'entendre par « ramassages ». En outre, la Cour demandait à chaque communauté d'identifier les élèves qui font l'objet de tels ramassages concurrentiels et priait les établissements d'enseignement de faire des déclarations sur l'honneur à ce sujet. Le ministre est-il d'avis que ces directives contribuent à l'objectivation de la notion de « ramassages concurrentiels » ?

Le ministre répond par l'affirmative.

Une membre fait remarquer que, pour définir le ramassage scolaire régulier, la Cour des comptes se base sur le règlement nº 684/92 du Conseil des Communautés européennes du 16 mars 1992 concernant le transport des personnes. La notion de ramassage désigne le transport d'élèves au moyen d'un véhicule de neuf places ou plus, conducteur compris. Selon la commissaire, ça veut dire que, au niveau de la vie privée, il faut voir qui va profiter de ce ramassage régulier ou non. Si, par exemple, deux ou trois parents d'élèves ont une voiture qui leur permet de conduire un certain nombre d'élèves, ils vont pouvoir s'organiser sans que ce soit un ramassage régulier. Il y a toute une série d'éléments relatifs à la vie privée qui inquiètent assez fort la commissaire. Selon elle, une discrimination risque d'exister entre les parents qui ont le temps de conduire leurs enfants à l'école et les parents qui n'ont pas le temps et qui dépendent du ramassage scolaire régulier. La vérification par la Cour des comptes de ces données risque d'être une atteinte à la vie privée. Le Conseil d'État l'a d'ailleurs aussi souligné.

La commissaire s'inquiète surtout de l'atteinte qui risque d'être portée à la liberté de l'enseignement et à la libre circulation des personnes, comme indiqué par le Conseil d'État (doc. Sénat, nº 2-262/1, p. 21, point 2). Elle veut une réponse du ministre à ce sujet.

De plus, il semble à l'oratrice qu'il est exclu de toute cette législation, qu'éventuellement, des francophones puissent inscrire leurs enfants dans une école néerlandophone pour qu'ils apprennent l'autre langue et vice versa. C'est en tout cas la solution au problème du non-bilinguisme en Belgique. Le projet de loi casse d'une certaine manière les initiatives en faveur du bilinguisme.

La commissaire regrette que le projet de loi contienne des dispositions qui portent atteinte à la liberté du père de famille. Trois types d'élèves sont visés : les francophones établis dans les communes à facilités, les élèves flamands qui souhaiteraient pouvoir suivre un enseignement dans une école relevant de la Communauté française ainsi que les élèves établis dans la Communauté française qui souhaiteraient suivre un enseignement dans la Communauté flamande.

Fichiers adéquats

Un membre lit également dans l'avis du Conseil d'État une observation critique sur le contrôle de l'adéquation des fichiers. Le Conseil constate qu'il n'est indiqué nulle part à quel moment un fichier doit être considéré comme adéquat. Selon le Conseil, les précisions nécessaires sur ce point devraient à tout le moins figurer dans l'exposé des motifs. Pour répondre à cette observation, le gouvernement précise dans l'exposé des motifs que l'on entend par « fichier adéquat » un fichier reprenant les données visées à l'article 3, § 1er , et conforme aux instructions communiquées par la Cour des comptes. Les représentants de la Cour des comptes ont toutefois demandé au cours de l'audition que la notion de « fichier adéquat » soit encore précisée. La définition que le gouvernement en donne dans l'exposé des motifs est en effet très vague.

Le membre demande en outre ce que la Cour des comptes doit faire lorsqu'elle constate, après avoir effectué une série de contrôles par sondage, que les données figurant dans les fichiers ne sont pas correctes. Doit-elle en conclure que les fichiers sont inadéquats et procéder au double contrôle visé à l'article 4 ? Doit-elle extrapoler la marge d'erreur constatée dans le cadre des contrôles par sondage à l'ensemble de la communauté concernée ou doit-elle simplement corriger les données relatives aux écoles sur lesquelles portait le contrôle par sondage ?

Un membre demande à ce propos s'il est exact que soixante élèves représentent une différence de trente millions de francs. Un écart marginal peut donc avoir de lourdes conséquences.

Les données exactes

Un membre fait remarquer qu'aux termes de l'article 3, § 2, en projet, la Cour des comptes est chargée de vérifier si les données reprises dans les fichiers communiqués par les communautés sont exactes. Ce contrôle sera-t-il basé sur un contrôle exhaustif ou sur un sondage ? Si la Cour procède par sondage, peut-on parler de données exactes ? À titre de comparaison, un réviseur d'entreprises ne peut pas affirmer que toutes les données sont exactes lorsqu'il a procédé par sondage dans son contrôle.

Les données énumérées à l'article 4, § 1er , 2º

Un membre s'interroge sur la possibilité de mettre en oeuvre l'article 4, § 2, en projet. Selon cette disposition, la communauté qui n'a pas transmis un fichier adéquat doit communiquer les données énumérées à l'article 4, § 1er , 2º, à la Cour des comptes. Selon le Conseil d'État, il n'est pas sûr que les communautés soient en mesure de soumettre des chiffres fiables en ce qui concerne les données visées à l'article 4, § 1er , 2º. La Communauté française dispose-t-elle par exemple de données sur le nombre d'enfants inscrits dans un établissement d'enseignement organisé ou subventionné par la Communauté germanophone ? Les communautés disposent-elles de données sur le nombre de résidents inscrits dans des établissements d'enseignement à l'étranger ou sur le nombre d'enfants inscrits dans l'enseignement non subventionné et dans l'enseignement à domicile ? Le Conseil d'État considère pour sa part que les communautés devront collaborer avec d'autres instances en ce qui concerne certaines données. Selon le Conseil d'État, cela soulève la question de savoir s'il ne faudrait pas revoir l'article 4, § 2.

Un membre ajoute que la Cour des comptes est chargée de comparer les données fournies par les communautés aux chiffres de population corrigés en tenant compte de données multiples. On peut se demander si la Cour dispose des instruments juridiques suffisants pour exercer ce contrôle. Comment la Cour peut-elle vérifier le nombre d'enfants scolarisés étrangers résidant illégalement en Belgique, ou le nombre d'enfants inscrits dans l'enseignement non-subventionné et donc privé ? La Cour des comptes a-t-elle le droit d'imposer à des organismes privés de fournir la liste de leurs élèves ? La Cour des comptes a-t-elle le pouvoir d'imposer aux établissements d'enseignement à l'étranger de fournir le nombre d'élèves résidant en Belgique ? Ce ne sont que quelques exemples qui montrent que le contrôle qui est demandé à la Cour des comptes, apparaît largement inopérant.

La migration nette entre les communautés

En ce qui concerne la migration nette entre les communautés, un membre estime qu'il ressort du projet de loi que lorsque les fichiers transmis par les communautés sont jugés adéquats, aucun contrôle n'a lieu, pas même en ce qui concerne les « pratiques de recrutement ». L'article 4 ne prévoit un contrôle par la Cour des comptes que dans le cas où les fichiers s'avèrent inadéquats. L'on n'a donc aucune garantie légale de voir comptabilisée la migration nette. Selon l'intervenant, il s'agit pourtant d'environ 13 000 élèves, ce qui représente un budget considérable. Le membre déplore dès lors que cette migration nette ne soit pas prise en compte d'entrée de jeu.

Les ajustements nécessaires

Un membre fait remarquer que la Cour des comptes doit procéder aux ajustements nécessaires lorsqu'elle constate des erreurs. En quoi consistent ces ajustements ? Appartient-il à la Cour elle-même de déterminer ce qu'est un ajustement nécessaire ?

Les écarts chiffrés significatifs et inexplicables

Un membre observe que l'article 5, § 2, prévoit que les erreurs seront corrigées par la Cour, tandis que le § 3 prévoit qu'en cas d'écarts significatifs, il appartient au Roi de déterminer, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le nombre d'élèves à prendre en compte. Quelle est la différence entre une erreur et un écart chiffré significatif et inexplicable ? Un écart significatif, est-ce un écart de 1 %, de 0,1 % ou de 0,01 % ? Il faut bien savoir qu'un écart de 60 élèves modifie la deuxième décimale de la clef de répartition, ce qui entraîne une différence d'au moins 30 millions de francs.

D'autres membres insistent, eux aussi, pour que cette notion soit précisée dans la loi même ou, à la rigueur, dans les travaux préparatoires.

La compétence ratione personae de la Cour des comptes

Un commissaire constate que le gouvernement n'a pas davantage donné suite aux objections sérieuses formulées par le Conseil d'État à l'encontre du rôle que le projet de loi en discussion assigne à la Cour des comptes. Ce rôle n'est pas compatible avec les compétences de la Cour des comptes définies à l'article 180, deuxième alinéa, de la Constitution.

En premier lieu, la compétence ratione personae est outrepassée. En effet, le projet oblige la Cour des comptes à contrôler également les écoles libres. En vertu de l'article 180, deuxième alinéa, de la Constitution, la Cour des comptes n'est toutefois compétente que pour l'examen et la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public. Cette disposition de la Constitution exclut les écoles libres de la sphère de contrôle de la Cour des comptes. Celle-ci n'exerce pas sa juridiction envers les comptables de ces écoles. Le contrôle de la Cour des comptes ne peut être étendu aux écoles libres sans révision de la Constitution.

Il ressort en outre des dispositions de l'article 180, deuxième alinéa, de la Constitution que la compétence de la Cour de comptes reste limitée à l'administration générale. Selon une interprétation constante, le pouvoir de contrôle de la Cour ne s'étend pas aux pouvoirs locaux. Comme de nombreux pouvoirs locaux organisent un enseignement, ils doivent cependant, aux termes de la loi en projet, être contrôlés par la Cour des comptes.

Le principe fondamental de la compétence de la Cour des comptes est toujours le contrôle des fonds publics. Si des pouvoirs locaux et des particuliers peuvent être confrontés dans des cas spécifiques à des contrôles exercés par la Cour des comptes, ces contrôles restent limités à l'affectation de subventions publiques qui leur sont éventuellement accordées. Le contrôle de la Cour des comptes demeure en tout cas limité à l'affectation des deniers publics et ne peut être étendu aux personnes et aux établissements mêmes. Ici, contrairement à la Constitution, la Cour des comptes devient également compétente pour contrôler l'enseignement non subventionné, y compris l'enseignement à domicile, ou les résidents inscrits dans des établissements d'enseignement situés à l'étranger.

La compétence ratione materiae de la Cour des comptes

La compétence ratione materiae de la Cour des comptes est essentiellement un contrôle financier, qui comporte trois composantes : un contrôle des comptes, un contrôle de la légalité des opérations examinées et un contrôle de l'efficacité. La Cour des comptes ne peut être chargée d'une autre mission, comme le fait le projet de loi en discussion. Ce dernier charge la Cour de compter elle-même les élèves, par exemple par des contrôles effectués sur place. Le comptage des élèves relève de la compétence exclusive des communautés.

La Cour des comptes est par ailleurs une émanation du pouvoir législatif. La charger de recenser les élèves en lieu et place et pour le compte du pouvoir exécutif équivaut à violer le principe de la séparation des pouvoirs. En tant que contrôleur externe intervenant pour le pouvoir législatif, la Cour des comptes doit pouvoir juger tous les actes du pouvoir exécutif. En l'occurrence, le projet en discussion exclut le gouvernement du contrôle de la Cour des comptes, car si le gouvernement fixe une clé de répartition sur la base du travail préparatoire de la Cour, celle-ci peut difficilement encore exercer son contrôle.

En outre, la Cour des comptes devra prendre une série de décisions qui l'engageront dans des méandres politiques délicats. Elle devra d'abord décider si les fichiers existants sont adéquats pour le contrôle. Elle se voit ainsi investie d'une grande responsabilité politique. La décision sur l'adéquation des fichiers prêtera en effet toujours le flanc à la critique. Si la Cour conclut à l'inadéquation d'un fichier, cette décision se heurtera à des critiques virulentes de la part de la communauté concernée. Si, au contraire, elle considère qu'un fichier déterminé est bel et bien adéquat, cette décision peut, elle aussi, faire l'objet de critiques. Jusqu'à ce jour, la Cour est restée incontestée et politiquement au-dessus de tout soupçon. Ses observations et recommandations jouissent d'une grande autorité. Elle risque à présent de devenir l'instrument de manoeuvres politiques.

Aux termes de la loi en projet, la Cour des comptes est tenue de prendre une deuxième décision d'une portée politique considérable lorsqu'elle constate l'existence d'un écart chiffré significatif et inexplicable entre les données figurant dans un fichier et les chiffres de population adaptés. À défaut de directives légales claires, la Cour des comptes devra constater arbitrairement quand un écart est significatif.

Le projet impose à la Cour des comptes une série de tâches qui s'écartent sensiblement de celles qu'elle a exercées jusqu'à présent, et même des missions qui lui ont été confiées récemment. C'est ainsi que la loi du 10 mars 1998 l'habilite à effectuer des contrôles d'efficacité, ce qui entérine une pratique longue de plusieurs années et fait en outre partie intégrante des missions de base de la Cour. Les lois du 2 mai 1995 relatives à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine ne désignent la Cour des comptes que comme dépositaire des déclarations de patrimoine, qui lui sont transmises sous pli fermé. Cette tâche n'est pas contraire aux compétences dont la Constitution l'a dotée. La loi du 3 avril 1995 modifiant la loi du 29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes et les lois sur la comptabilité de l'État, coordonnées le 17 juillet 1991, a modifié les règles de procédure relatives aux missions juridictionnelles de la Cour des comptes. Cette loi n'a pas non plus étendu sa compétence, mais elle a adapté la procédure devant la Cour aux obligations qui découlent de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle confirme dès lors la compétence juridictionnelle de la Cour telle qu'elle avait été fixée dès 1830.

Dans tous les autres cas où il était proposé par la voie législative d'attribuer d'autres compétences à la Cour des comptes, on a suivi l'avis du Conseil d'État soulignant que l'énumération de compétences par la Constitution doit être considérée comme limitative.

Un membre partage l'opinion que le projet de loi fait erreur sur la répartition des compétences entre les institutions, notamment en transférant certaines responsabilités politiques à la Cour des comptes. La Cour est un organisme strictement impartial dépendant du Parlement. Le projet de loi impose à la Cour l'élaboration d'instructions aux communautés, alors que cela relève du pouvoir exécutif. S'ajoute à cela que l'article 5 confie à la Cour le soin de déterminer les écarts chiffrés significatifs entre les données fournies par les communautés et les chiffres de population corrigés conformément à l'article 4. Il s'agit là d'une responsabilité politique qui incombe au pouvoir politique.

Sur quelle base juridique la Cour des comptes a-t-elle envoyé des instructions aux communautés alors que le projet de loi n'était pas encore voté ? Si la Cour des comptes estimait avoir déjà l'arsenal juridique suffisant pour le faire, on se demande pourquoi il faut encore un projet de loi. Il apparaît que la Cour des comptes est intervenue à la demande du pouvoir exécutif, ce que ne permet pas la Constitution. La Cour des comptes est un organe du Parlement.

Un autre membre a retenu de l'audition avec les représentants de la Cour des comptes que la Cour s'est engagée dans un processus comme si la loi était votée. Le gouvernement a placé la Cour des comptes devant un dilemme que la Cour n'avait pas à trancher. Le projet dépasse largement sa compétence, comme le Conseil d'État l'a largement souligné.

L'impossibilité de mettre en oeuvre le régime proposé

Un membre estime que la procédure en projet risque d'être impraticable. Alors qu'il ne disposait que de trois jours pour rendre un avis sur le projet, le Conseil d'État a cependant constaté que la procédure à suivre est à ce point complexe qu'elle risque de rendre le régime en projet inopérant.

Les nombres d'élèves sont arrêtés le 15 janvier pour la Communauté française et le 1er février pour la Communauté flamande, tandis que le contrôle est effectué par la Cour des comptes après le 15 mai. À cette occasion, la Cour devra vérifier d'abord l'adéquation des fichiers. On peut supposer qu'elle conclura toujours à l'adéquation des fichiers. Car, si la Cour devait décider qu'un fichier n'est pas adéquat, elle engagerait une procédure particulièrement complexe, qui doit être bouclée dans un délai de six semaines. Lors de l'audition, les représentants de la Cour des comptes ont d'ailleurs laissé entendre que cette procédure était pratiquement inapplicable en raison notamment de la brièveté du délai et du nombre limité des membres de son personnel que la Cour pourait affecter à cette tâche.

Critères objectifs

Un membre estime que le régime en projet pénalise largement l'enseignement flamand. Tout d'abord, on ferait bien de renoncer au comptage effectif des élèves. La loi spéciale de financement même prévoit que les nombres d'élèves doivent être déterminés sur la base de critères objetifs. Un critère objectif pourrait consister à calculer les nombres d'élèves de la manière suivante. Le nombre d'élèves en Communauté flamande est la somme du nombre d'enfants soumis à l'obligation scolaire résidant en Région flamande et de 20 % des élèves inscrits dans les registres de la population de la Région de Bruxelles-Capitale. Le nombre d'élèves en Communauté française est la somme du nombre d'enfants soumis à l'obligation scolaire résidant en Région wallonne, à l'exception des enfants inscrits dans un enseignement d'établissement organisé ou subventionné par la Communauté germanophone, et de 80 % des élèves inscrits dans les registres de la population de la Région de Bruxelles-Capitale. Cette clé de répartition est utilisée pour plusieurs régimes applicables à la Région de Bruxelles-Capitale. Ces données sont objectives, car on peut les retrouver facilement dans les registres de la population. En outre, ce critère offre l'avantage de ne pas nécessiter de procédure complexe.

Le ministre précise que la règle 80-20 pour Bruxelles tient compte également des élèves francophones qui sont inscrits dans une école néerlandophone.

Un membre souligne que la Communauté flamande paie chaque année 200 millions de francs environ pour les élèves francophones qui sont inscrits dans des écoles néerlandophones. Malheureusement, il n'y a aucune réciprocité en la matière, même si des accords ont déjà été pris à ce sujet.

Un membre rappelle que les 372 milliards de francs qui sont actuellement attribués aux communautés pour financer l'enseignement ne servent pas uniquement à financer l'enseignement primaire et secondaire. Le passage d'un élève d'une école francophone à une école néerlandophone, ou inversement, a donc des conséquences financières importantes. Un élève de l'enseignement primaire rapporte 250 000 francs et coûte en moyenne 98 000 francs. Attirer un élève d'une autre communauté se traduit donc par un gain de 150 000 francs. Ce système ne fait qu'attiser la concurrence entre les communautés. L'enseignement flamand à Bruxelles s'efforce donc d'attirer le plus grand nombre possible d'élèves francophones pour des raisons purement financières. De même, les écoles francophones cherchent à attirer des élèves néerlandophones.

Si l'on s'en tient à cette formule et que l'on calcule donc le financement de l'enseignement sur la base du nombre d'élèves dans l'enseignement primaire et secondaire, pourquoi ne pas inclure les enfants des classes maternelles dans le comptage ? Serait-ce parce qu'ils sont inscrits à plus de 60 % dans des écoles néerlandophones ?

Le régime en projet est donc mal mûri. Tout d'abord, on omet d'élaborer des critères objectifs pour la clé de répartition. Le mode de calcul proposé prête à interprétation et peut donc susciter des contestations qui reviendront chaque année. La solution de rechange proposée est fondée sur des critères clairs et objectifs. Avec ces critères, les montants attribués ne pourront plus changer que sous l'effet de la dénatalité.

La loi en projet ne soumet donc pas le financement de l'enseignement à des critères objectifs, mais le lie aux besoins d'enseignement. Toutefois, cette option n'est pas appliquée de manière cohérente, vu que les enfants des classes maternelles ne sont pas inclus dans les comptages. L'intervenant déposera des amendements pour rectifier le projet sur ces points essentiels.

Un autre membre déplore lui aussi que le projet ne propose pas de critère objectif, à savoir les chiffres de population des élèves soumis à l'obligation scolaire. En adoptant ce critère, on aurait évité de mettre sur pied toute une machinerie bureaucratique et on n'aurait pas eu besoin d'imaginer un mécanisme de contrôle particulièrement compliqué par la Cour des comptes. Avec le projet tel qu'il est, on doit effectivement craindre que, par souci de précaution, la Cour des comptes conclura systématiquement que les fichiers sont adéquats, afin d'échapper à cette procédure de contrôle compliquée.

La compétence du Roi

Un membre évoque les observations formulées par le Conseil d'État au sujet de l'article 5, § 3, troisième alinéa, et § 4, troisième alinéa, de l'avant-projet, qui laissait au Roi le soin de fixer la clé de répartition dans les cas visés par ces dispositions. Le Conseil d'État avait conseillé de préciser que, pour fixer cette clé, le Roi devrait se fonder sur le nombre d'élèves de chaque communauté. Cette observation est la seule dont le gouvernement ait tenu compte. Les autres observations, souvent beaucoup plus fondamentales, sont restées sans suite. Le projet demeure, par conséquent, contraire en plusieurs points aux dispositions de la loi spéciale de financement.

2. Réponses du vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale

Critères objectifs

Le ministre estime que le débat sur le financement de l'enseignement est très intéressant. Du côté francophone, l'on entend dire que, si le niveau fédéral devait disposer d'une marge financière supplémentaire, il devrait l'affecter en premier lieu à l'enseignement. Du côté flamand, on couple l'octroi de moyens supplémentaires à l'enseignement à une autonomie fiscale accrue des entités fédérées. Le ministre trouve que ces deux points de vue ne tiennent pas suffisamment compte des réalités.

Il note tout d'abord qu'en affirmant que l'on dispose d'une marge financière au niveau fédéral et qu'il existe des régions riches et des régions pauvres en Belgique, l'on entretient un mythe. L'on a adopté des points de vue similaires dans le débat sur les traitements des fonctionnaires. Selon le ministre, l'on n'a toutefois jamais mentionné les faits, à savoir que les fonctionnaires francophones sont mieux rémunérés que les fonctionnaires flamands. La Région wallonne a les fonctionnaires les mieux payés de Belgique. Chaque niveau de pouvoir pose ses propres choix politiques en la matière. Il n'y a toutefois pas plus de marge budgétaire au niveau fédéral qu'au niveau des communautés et des régions.

Par ailleurs, l'autonomie fiscale est, en soi, un principe sain. Le décideur qui décide de dépenser des fonds publics doit pouvoir solliciter lui-même les ressources nécessaires auprès de l'opinion publique. La Communauté française a été la première à appliquer ce principe en 1989, en adoptant le décret relatif à l'impôt sur la redevance radio, lequel a cependant été annulé par la Cour d'arbitrage.

En ce qui concerne l'autonomie fiscale, le problème dans un pays comme la Belgique, qui a des bases économiques différentes, est qu'elle génère de l'inégalité.

En ce qui concerne la loi en projet, l'attitude correcte est de se demander ce que l'on peut faire pour que toutes les personnes qui suivent un enseignement en Belgique soient traitées sur un pied d'égalité. Il faut répondre abstraction faite de l'affirmation selon laquelle une communauté serait plus prospère qu'une autre. Il y a aussi un choix politique à faire.

En 1988-1989, le législateur spécial a prévu que la loi de financement doit garantir, en principe, que tous ceux qui suivent un enseignement soient traités sur un pied d'égalité. Pour le ministre, c'est le seul point déterminant. Il s'ensuit que tous les élèves doivent bénéficier du même système de subvention. Ce principe est appliqué également dans les communautés.

D'après le ministre, les chiffres de la population constituent une donnée qui est, certes, facile à vérifier, mais qui n'est pas objective. Concrètement, l'on commettrait une erreur en se fondant pour ce qui est du financement des établissements d'enseignement d'une ville comme Ostende, sur le nombre de mineurs qui habitent à Ostende. Ce serait contraire à l'objectivité et totalement inéquitable.

En Communauté flamande, les écoles ne reçoivent pas de subventions pour ceux de leurs élèves qu'elles ont recrutés en dehors d'un certain rayon. C'est également pour cette raison que l'on a retenu, comme critère objectif, le nombre d'élèves soumis à l'obligation scolaire, abstraction faite des élèves qui redoublent, car le but n'est pas d'appuyer une politique dont l'objectif serait d'attirer un maximum d'élèves sans offrir, de manière acceptable, un enseignement de qualité.

L'on pourrait peut-être imaginer d'autres critères objectifs, mais les critères définis dans la loi en projet sont eux aussi objectifs. Ils sont d'ailleurs déjà appliqués dans le cadre de la politique de la Communauté flamande en matière d'enseignement. Ces choix sont non pas liés à des considérations d'ordre communautaire, mais fondés sur des analyses correctes et conformes à la politique choisie.

L'essentiel, dans le débat sur le critère objectif, est de veiller à ce que tous les élèves qui fréquentent l'enseignement en Belgique soient traités sur un pied d'égalité. Les communautés ont la responsabilité de veiller à ce que les moyens en question soient utilisés au mieux.

Enfin, le ministre souligne encore qu'une augmentation des moyens financiers affectés à l'enseignement n'entraîne pas automatiquement une augmentation des moyens financiers pouvant être consacrés aux enseignants.

Élargissement de la compétence de la Cour des comptes

Le ministre estime que l'avis du Conseil d'État est particulièrement nuancé sur ce point. Le Conseil d'État affirme que, selon la jurisprudence de sa section de législation, l'énumération des compétences de la Cour des comptes qui est faite à l'article 180 de la Constitution doit être regardée comme limitative. Le Conseil d'État constate également que le législateur a manifestement une autre conception des choses, de sorte que se pose la question de savoir si cette pratique du législateur ne doit pas donner lieu à une interprétation évolutive de l'article 180 de la Constitution et aboutir, par voie de conséquence, à une révision du point de vue adopté par le Conseil d'État, lequel n'a pas pu consacrer un examen exhaustif à cette question eu égard au bref délai qui lui a été imparti pour donner son avis.

En résumé, l'article 180 de la Constitution définit les compétences minimales de la Cour des comptes, de sorte que le législateur peut lui attribuer des compétences supplémentaires. Telle est la pratique constante du pouvoir législatif, chose que le Conseil d'État reconnaît pour ainsi dire explicitement.

L'action de la Cour des comptes

La Cour des comptes a effectivement déjà entamé la mise en oeuvre de la loi. Le fait que cette loi rétroagira au 1er janvier 2000 est un argument important en faveur de cette manière de procéder. En d'autres mots, la Cour des comptes a pris ses responsabilités. Au cas où le projet de loi ne serait pas adopté, la Cour des comptes se contenterait de stocker les fichiers qui lui ont été transmis. Ce ne serait pas illégal étant donné que la Cour des comptes peut déjà réclamer des informations à l'heure actuelle. Par contre, la Cour des comptes aurait enfreint la loi au cas où elle n'aurait pas demandé ces informations et où la loi serait entrée en vigueur avec effet rétroactif. La Cour des comptes a donc fait le bon choix et elle a veillé à ce que la loi ne reste pas en tout cas inapplicable.

Ramassages d'élèves

Le ministre déclare qu'on peut rapporter la discussion non seulement à l'article 24 de la Constitution, qui garantit la liberté de l'enseignement, mais aussi à l'article 127 de la Constitution dont les communautés tirent leur pouvoir de régler l'enseignement pour une population déterminée sur un territoire déterminé. De plus, l'article 143, § 1er , de la Constitution prévoit que, dans l'exercice de leurs compétences, les communautés doivent agir dans le respect de la loyauté fédérale, comme le fait d'ailleurs remarquer le Conseil d'État (doc. Sénat, nº 2-262/1, p. 21, point 2).

Le ramassage concurrentiel est un ramassage qui est assuré par une entité agréée ou subventionnée par une communauté ou une région, ou organisée par celles-ci (le ramassage concurrentiel émane donc d'une autorité). Il diffère en cela des ramassages organisés par les parents.

Les pouvoirs publics ne peuvent pas agir partout. Dans le cadre de l'État fédéral belge, l'on a délimité le champ d'action des communautés dans la Constitution et dans les lois qui ont été votées à des majorités spéciales.

Une école flamande située en Flandre qui recrute des élèves en Communauté française viole le principe de la loyauté fédérale. La personne qui envoie ses enfants dans une école d'une autre communauté ne viole pas la loyauté fédérale. L'article 24, § 1er , de la Constitution lui garantit le libre choix de l'école. Ce n'est donc pas la liberté des parents qui est limitée, mais la liberté des pouvoirs publics de déployer de manière déloyale des activités sortant de leur champ d'action spécifique.

Fichiers adéquats

Le ministre définit le sens de l'adjectif néerlandais « geschikt » en se référant au dictionnaire explicatif « van Dale » selon lequel il signifie « bruikbaar voor de doelstelling » (adapté à son but). Telle est également la signification qui lui a été donnée dans le présent projet de loi. L'objectif est, en l'espèce, de fixer le nombre d'élèves d'une manière qui garantit l'égalité de traitement entre les élèves.

Écart significatif

Le ministre déclare que les termes néerlandais « betekenisvol » et « significant » ont le même sens. Selon le dictionnaire explicatif « van Dale », « significant » veut dire « die toelaat verantwoorde conclusies te trekken uit een bepaald gegeven » (tirer des conclusions justifiées d'un élément précis).

L'objectif du projet de loi

Le ministre déclare que le gouvernement a choisi de résoudre un problème politique latent par essence de la manière la plus technique possible. L'on pourrait envisager de meilleures solutions, mais ce seraient peut-être des solutions inapplicables du point de vue politique. On avait déjà tenté de trouver une solution à ce problème en 1989. Aujourd'hui, la Flandre opte pour une répartition basée sur les chiffres de la population, qui est jugée plus favorable pour la Communauté flamande.

Selon le ministre, le seul objectif doit être d'assurer l'égalité de traitement entre tous ceux qui suivent un enseignement. L'autorité politique responsable, en l'espèce la communauté, doit veiller subsidiairement à mener, à l'aide des moyens dont elle dispose, une politique de l'enseignement qui garantit cette égalité des chances de manière effective.

3. Répliques

Le cadre général

Un membre constate cependant que le ministre, en faisant référence aux articles 38 et 39 de la loi spéciale de financement, ne parle que du financement de l'enseignement. Ce n'est pas tout à fait correct car ces articles ont trait au financement des communautés et les communautés ont plus de compétences que l'enseignement. Il faut appliquer l'article 39 de la loi spéciale de financement, mais l'article 39 se fonde lui-même sur les montants de base mentionnés dans l'article 38, § 1er , de la loi spéciale de financement. Ces montants de base n'évoluent qu'en fonction de l'indice moyen des prix à la consommation, malgré les marges budgétaires qui se développeront au niveau fédéral. On ne suit pas le produit intérieur brut.

Le ministre réplique qu'il en était de même pour le budget fédéral.

Le membre affirme que le budget fédéral bénéficie aujourd'hui d'une croissance qui va bien au delà de l'indice moyen des prix à la consommation. Ce débat n'est pas forcément un débat du Nord contre le Sud. Le membre souligne que dans ses directives, le Conseil supérieur des finances écrit que les communautés ont pendant des années participé aussi à l'assainissement des finances publiques.

Le ministre répond qu'il faut prendre en compte l'évolution du budget des communautés et l'évolution de leurs dépenses. Si on compare ces données avec celles de l'État fédéral, on constatera que ce que le membre dit n'est pas correct.

Le membre dit que, selon les prévisions et en appliquant l'article 38 de la loi spéciale de financement, l'évolution future des communautés ne sera pas brillante. Il est faux de croire qu'on règle une fois pour toutes le financement des entités fédérées ­ en particulier des communautés. Il y a un débat d'avenir à créer et le membre souhaite que dans un tel débat, on évite d'être trop simpliste.

Le ministre répond qu'il respecte la thèse de l'intervenant, mais sans pour autant partager son avis. Selon cette thèse, il ne sera peut-être plus possible, dans dix ans, de financer le vieillissement de la population. Cette conclusion résulterait du raisonnement selon lequel ce sont les communautés qui ont besoin de plus d'argent. En l'espèce, le problème majeur concernerait non pas les pensions, mais toutes les autres conséquences du vieillissement de la population. Le ministre reconnaît certes que la loi spéciale de financement ne sera pas applicable éternellement. Il ne faut toutefois pas partir de l'axiome selon lequel les dotations en faveur des communautés doivent être adaptées à l'évolution du bien-être.

Le membre est partisan d'un mouvement d'action-réaction et il considère qu'il ne se passera rien si l'on ne pose pas les exigences qu'il a formulées et que le pouvoir fédéral se réservera alors la totalité de la marge budgétaire dégagée.

Selon un autre membre, la réponse du ministre préfigure un élargissement du financement des communautés qui impliquerait que l'on doive scinder et transférer aux communautés un des domaines qui font croître le plus rapidement les dépenses fédérales, à savoir celui des soins de santé.

Un autre commissaire estime que l'on peut également tirer la conclusion inverse.

Un membre trouve que le principe selon lequel « chaque élève doit être traité de la même manière » est un principe noble qui n'est pas respecté dans la pratique du fait que le fédéralisme belge est un fédéralisme inachevé dans la mesure où les entités fédérées ne disposent d'aucune autonomie fiscale. Le responsable d'une politique déterminée doit aussi avoir une responsabilité financière.

En appliquant jusqu'au bout la logique du principe selon lequel « chaque élève doit être traité de la même manière », on arrive à la conclusion que le pouvoir fédéral devrait pouvoir déterminer combien d'argent les communautés peuvent consacrer à chaque élève. Or, ce n'est pas ce qui se passe actuellement, car la dotation pour l'enseignement ne couvre les frais de l'enseignement dans aucune des communautés. Le coût de l'enseignement est déterminé par la politique des communautés. Ladite dotation constitue une subvention non pas au bénéfice des élèves, mais au bénéfice des communautés qui mènent une politique de l'enseignement déterminée. Comme la politique de l'enseignement que mène la Communauté flamande diffère sensiblement de celle que mène la Communauté française, il est très difficile de définir des critères objectifs de répartition des moyens destinés à l'enseignement. L'intervenant estime d'ailleurs que le principe de base ne tient pas. Il illustre son point de vue par l'exemple suivant : en Communauté flamande, les établissements d'enseignement qui font du recrutement concurrentiel d'élèves ne reçoivent pas d'argent pour ces élèves. Il y a donc déjà des différences de traitement entre les élèves au sein même des communautés.

L'on pourrait en outre étendre le débat au problème de l'encadrement par le personnel. Combien y a-t-il de membres du personnel par groupe de 100 élèves ? Selon l'intervenant, il existe à cet égard, entre les communautés des différences importantes qui influencent le coût de l'enseignement. En d'autres termes, le niveau fédéral finance une partie de la politique de l'enseignement. Ce sont finalement les communautés qui fixent le montant budgétaire qu'elles affecteront à l'enseignement. Tant que le financement restera fédéral, les communautés réclameront des moyens accrus pour développer leur propre politique.

Autrement dit, la situation dans laquelle les entités fédérées jouissent de l'autonomie pour mener une politique déterminée dans un domaine donné sans avoir à en assumer effectivement le coût, est une situation intenable. Voilà, selon l'intervenant, l'une des conclusions que l'on peut tirer de tout le débat.

Critères objectifs

Un membre estime que le ministre interprète erronément la notion de « critères objectifs », telle que définie à l'article 39, § 2, alinéa 2, de la loi spéciale de financement. C'est à tort que le ministre soutient que les chiffres de la population ne constituent pas un critère objectif. Le Conseil d'État a en effet noté dans son avis que, pour être objectifs, « les critères doivent permettre de déterminer les nombres à partir de la simple constatation d'éléments de faits. Le législateur spécial a voulu éviter que le résultat du comptage puisse susciter une contestation, notamment parce que l'application des critères nécessiterait une appréciation supplémentaire » (doc. Sénat, nº 2-262/1, p. 21, point 3).

Le Conseil d'État a estimé également que le critère relatif aux élèves qui ont fait l'objet de ramassages concurrentiels, visé à l'article 2, alinéa 4, ne répond pas à l'exigence d'objectivité (ibidem, p. 21, point 3). Les ramassages à l'aide de mini-bus dont la capacité est limitée à huit passagers ne sont pas des ramassages concurrentiels, contrairement aux ramassages à l'aide de mini-bus d'une capacité de neuf passagers. Selon le membre, cette distinction prête à des divergences d'interprétation, si bien qu'il y a lieu de s'interroger sur l'objectivité du critère appliqué. En l'espèce, le gouvernement a interprété le mot « objectif » comme signifiant « ce qui sert nos objectifs ».

Le ministre réplique qu'un critère est « objectif » dans la mesure où il n'est pas influencé par des préjugés. Telle est la signification du mot « objectif » dans le langage courant ainsi que dans le projet de loi à l'examen.

Le membre déplore que plusieurs questions n'aient pas reçu de réponse satisfaisante. Comment la Cour des comptes vérifiera-t-elle, par exemple, si un élève qui fréquentait une école au 1er février 2000 mais plus au 20 mai 2000, est ou non un enfant d'un étranger en situation illégale ?

Le ministre demande que l'on ne fasse pas une caricature du régime projeté. L'on peut discuter à l'infini de la question de savoir comment les communautés contrôlent actuellement la fiabilité des chiffres communiqués par les écoles. Il est illusoire de croire que l'on pourra arriver à exercer un contrôle parfait. Comment peut-on savoir, par exemple, si les chiffres de la population qui sont communiqués par l'officier de l'état civil sont exacts ? L'on peut simplement tenter de les cerner au mieux à l'aide des contrôles en question. Un critère objectif est donc un critère qui permet d'approcher le plus possible de la réalité.

Le membre fait référence à l'audition des représentants de la Cour des comptes. Ceux-ci ont demandé avec insistance que les commissaires soumettent plusieurs questions spécifiques au gouvernement. La Cour des comptes espère obtenir ainsi, dans le cadre du rapport de la commission, des précisions utiles sur le projet de loi à l'examen. Les réponses du ministre reviennent toutefois à donner carte blanche à la Cour des comptes pour ce qui est de la mise en oeuvre du projet de loi.

Un autre membre déclare qu'il conteste la manière dont le préopinant interprète les observations du représentant de la Cour des comptes.

Le ministre souligne qu'il n'est pas le gardien de la Cour des comptes. Il appartient à la Cour des comptes d'assumer ses responsabilités. L'exécution concrète du projet de loi en question est une tâche, non pas du gouvernement, mais de la Cour des comptes. La Cour doit prendre ses responsabilités lorsque le législateur lui confie une mission.

Un membre déclare être tout à fait d'accord avec ce que le ministre a dit sur l'approche méthodologique. La réalité en effet est que, pendant des années, on n'a pas appréhendé le problème en termes de chiffres objectifs et précis, surtout sur base de critères. Il y a trop longtemps qu'on attendrait une démarche de ce type. Le membre avoue ne pas savoir si le projet de loi sera facilement applicable ou pas, mais ceci n'est pas le problème. Le problème est de savoir si on peut se mettre d'accord une fois pour toutes sur des critères objectifs. Si on se décide à choisir des critères objectifs, il faut un comptage précis et un contrôle par la Cour des comptes. Il faut aussi que les communautés jouent leur rôle. C'est le point principal de cette loi. À partir de là, on peut dire qu'on a une méthode objective et, du point de vue de chaque communauté, dire qu'il y a une confiance réciproque entre les communautés parce qu'on a la volonté de respecter ensemble une même méthode.

L'extension des missions de la Cour des comptes

Un membre précise qu'en raison du bref délai qui lui a été imparti pour donner son avis, le Conseil d'État n'a pas examiné quant au fond, la question de savoir s'il doit revoir sa jurisprudence relative aux compétences de la Cour des comptes. Le Conseil émet dès lors une réserve sur cette question.

Le membre renvoie ensuite à son exposé antérieur dans lequel il a montré qu'il y a une différence essentielle entre les lois qui ont attribué par le passé des compétences supplémentaires à la Cour des comptes et le projet de loi à l'examen qui élargit les missions de celle-ci. Les lois antérieures confiaient à la Cour une mission supplémentaire. Selon le membre, cette manière de procéder n'est pas contraire à l'article 180 de la Constitution. Par contre, la loi en projet charge la Cour des comptes d'une mission qui ne s'accorde pas avec les missions dont elle a été chargée par l'article 180. Il contredit bel et bien l'article 180. Le projet charge en effet d'abord la Cour des comptes d'aider le pouvoir exécutif à fixer la base de répartition de la dotation affectée à l'enseignement. La Cour doit se prononcer à propos de l'adéquation des fichiers. Le Conseil des ministres décidera de la répartition des moyens en fonction de ces données. Sa décision ne revêtira pas la forme d'un projet de loi à soumettre au Parlement. L'article 180 de la Constitution n'en oblige pas moins la Cour des comptes à contrôler cette décision. La Cour des comptes doit aider le pouvoir législatif à contrôler le pouvoir exécutif. Elle devra donc se critiquer elle-même. Le membre ne croit pas qu'elle le fera dans la pratique.

Le ministre réplique que, dans cette matière, la Cour des comptes a l'avantage de pouvoir agir préventivement.

Selon le membre, force est toutefois de constater que le pouvoir législatif ne pourra plus exercer aucun contrôle a posteriori, ce qui est contraire à l'article 180 de la Constitution. Le membre estime que la mission préventive devrait être exercée par une autre instance. Selon lui, la seule solution pour que la Cour des comptes puisse combiner les deux missions, serait de charger une chambre de la Cour des comptes de vérifier l'adéquation des fichiers et une autre d'exercer le contrôle a posteriori .

Données que les communautés doivent communiquer à la Cour des comptes

Selon l'intervenant, le Conseil d'État doute que les communautés soient en mesure de présenter des chiffres fiables concernant certaines données qui sont visées à l'article 4, § 1er , 2º. Il partage ces doutes. Il aimerait que le ministre lui dise comment les communautés pourront disposer de ces données.

Le ministre souligne que la discussion concerne les enfants en âge de scolarité, dont les parents sont des étrangers qui séjournent illégalement en Belgique. Les communautés dépendent en l'espèce des informations qui leur sont fournies à ce sujet par les établissements d'enseignement, lesquels ont tout intérêt à transmettre leurs informations à l'autorité communautaire s'ils souhaitent obtenir des subventions pour les élèves en question. Les données ne sont portées en compte, pour ce qui est des élèves inscrits dans des établissements d'enseignement situés à l'étranger, que s'il y a un écart significatif et inexplicable entre les communautés.

L'on ne procédera à des comptages que dans ce cas-là et la Cour des comptes devra alors essayer de cerner la réalité le plus étroitement possible.

Ce contrôle n'est effectivement pas aisé, mais il ne doit avoir lieu que lorsque des écarts significatifs sont constatés. En effet, les communautés ont déjà recueilli un grand nombre de données sur lesquelles elles peuvent appuyer leur politique. Au cas où elles ne disposeraient pas de certaines des données qu'elles doivent communiquer à la Cour des comptes conformément à la loi en projet, la Cour les accablerait de questions embarrassantes auxquelles elles devraient bien répondre de manière satisfaisante sous peine de conséquences négatives.

Les ministres de l'enseignement de la Communauté française et de la Communauté flamande ont déjà promis qu'ils seraient en mesure de fournir les fichiers prévus par la loi en projet. Cela permettra à la Cour des comptes d'effectuer un contrôle efficace, ce qui répondra d'ailleurs aux intérêts des communautés mêmes.

En effet, lorsqu'une communauté transmettra des chiffres erronés, elle en subira elle-même les conséquences. La communauté qui transmettra des informations selon lesquelles une école donnée compte 500 élèves alors qu'elle n'en compte que 200 devra subventionner cette école jusqu'à concurrence de 500 élèves.

Le membre souligne que c'est au législateur qu'il appartient de déterminer si la loi en projet sera applicable. Dans la mesure où le Conseil d'État nourrit des doutes sérieux quant à l'applicabilité de la loi en projet, le Parlement et le pouvoir exécutif devront interroger ceux dont la tâche sera de veiller à l'application concrète de la loi. Le membre croit pouvoir conclure de l'exposé du ministre, que l'on exerce surtout des pressions sur les communautés pour qu'elles communiquent des fichiers corrects. Il estime toutefois que le problème vient surtout de ce que l'on veut confier à la Cour des comptes une tâche impossible dans la mesure où elle doit apprécier l'adéquation des fichiers.

Le ministre répète que les communautés disposent de nombreuses données issues du contrôle du respect de l'obligation scolaire. Dans ce dossier, par exemple, c'est de données non pas sur le nombre de Belges résidant à l'étranger dont on a besoin, mais sur le nombre d'élèves soumis à l'obligation scolaire en Belgique qui vont à l'école à l'étranger. Lorsque les communautés ne disposent pas de cette information, elles concèdent en quelque sorte qu'elle ne contrôlent pas le respect de la loi sur l'obligation scolaire.

Les circulaires ministérielles

Un membre souhaite que le ministre lui dise si la circulaire du ministre de l'Enseignement de la Communauté française relative à la manière dont les données doivent être communiquées a effectivement été envoyée le 9 décembre 1999, soit à un moment où l'avant-projet n'avait même pas encore été soumis à l'avis du Conseil d'État.

Il déplore par ailleurs que bien des questions qu'il se pose sur la loi en projet restent sans réponse.

Ramassages concurrentiels

Un membre est d'avis que le système prévu afin de sanctionner les ramassages scolaires est injuste dans la mesure où un certain nombre de parents, parce qu'ils vivent d'une certaine manière ­ par exemple les deux parents travaillent ­ ne peuvent pas conduire eux-mêmes leurs enfants à l'école tandis que d'autres familles peuvent le faire.

De surcroît, le ministre n'a pas, selon la commissaire, répondu à l'avis du Conseil d'État concernant la liberté des parents et concernant la libre circulation des personnes.

La commissaire trouve que le Parlement assiste par ce projet de loi à une rupture totale de la solidarité entre la Communauté française et les habitants des communes à facilités. La Communauté française a tout simplement accepté que le ramassage scolaire soit terminé ou, plus exactement, que les enfants n'aient plus de subventions.

Le ministre réplique que les communes à facilités dont parle la commissaire se situent hors du territoire de la Communauté française et que, par conséquent, elles ne concernent pas la Communauté française. De plus, il est prévu par une loi que les habitants des communes à facilités ont droit à l'enseignement dans l'autre langue que celle de la communauté dans laquelle ces communes sont situées. Cet enseignement est subventionné par la communauté en question.

La commissaire est quand même convaincue que dans les communes situées tout près de la frontière linguistique, il y aura des problèmes pratiques. La Communauté française ne pourra plus ramasser des élèves par exemple à Wezembeek-Oppem pour les conduire à une école francophone sur le territoire de Bruxelles-Capitale.

Un autre membre remarque que l'enseignement prévu dans l'autre langue dans les écoles à facilités, ne concerne que l'enseignement primaire. Il n'y a pas d'enseignement secondaire de cette sorte.

Le ministre précise que lesdits élèves pourront encore faire l'objet d'un ramassage, mais que les établissements d'enseignement qui l'organiseront ne recevront plus de subventions pour ces élèves.

Un membre signale à ce sujet qu'un établissement d'enseignement peut en tout cas organiser un ramassage par bus ne comptant pas plus de huit places.

Le ministre reconnaît que c'est exact en principe, mais que le coût d'un ramassage aussi limité est si élevé qu'on ne le rencontrera pas dans la pratique.

Un membre estime que l'interprétation du transport des élèves qui a été formulée au cours du débat est malencontreuse. Du point de vue de la réglementation, il y a une grande différence entre les véhicules de moins de neuf places et les véhicules de plus de neuf places. En outre, il faut un autre permis que le permis B pour pouvoir conduire ces derniers. Qui plus est, il serait très dangereux d'organiser des ramassages à l'aide de petits véhicules, étant donné que les particuliers ne sont pas assurés. Ils devraient souscrire une assurance supplémentaire pour pouvoir organiser un ramassage limité. Lorsqu'un nombre suffisant de parents résidant dans une commune à facilités demandent une école francophone, il faut que cette école ait exactement les mêmes droits que les écoles néerlandophones. Le membre estime par contre que si, par exemple, l'école provinciale des Fourons devait aller racoler des élèves dans d'autres communes flamandes, la question, bien que flamande, devrait faire l'objet d'un débat.

L'action de la Cour des comptes

En ce qui concerne la nouvelle tâche de la Cour des comptes, une commissaire n'est pas d'accord avec la réponse du ministre. Elle est fort étonnée que le ministre trouve normale l'initiative prise par la Cour des comptes d'exécuter déjà une loi qui n'est pas encore votée par le Parlement. Elle a même souligné que c'est un précédent qui sera répété dans le futur.

Le ministre ne partage pas l'interprétation que la commissaire a donnée de sa réponse.

Un enfant égale un enfant

Un membre rappelle que le ministre a souligné que le point de départ du raisonnement est que les élèves doivent être subventionnés de manière égale. Le membre soutient cette thèse mais demande pourquoi un enfant qui a 18 ans et qui est dans l'enseignement obligatoire n'est plus un élève. La loi spéciale de financement prévoit très clairement qu'on fixe des critères objectifs pour déterminer le nombre d'élèves. Le membre veut que le ministre donne une définition de la notion d'« élève » et explique la différence avec un étudiant.

Le ministre répond que, si le financement de l'élève dépend de la politique suivie par la communauté en question, il n'y a plus d'objectivité. Si la politique d'une communauté a pour effet que davantage d'étudiants doublent ou triplent, ce n'est pas à l'autorité fédérale de financer cela. C'est une question d'égalité. Si on permet qu'une politique spécifique à une communauté augmente de l'une ou l'autre façon le nombre d'élèves, ce n'est plus objectivement l'égalité. C'est pour cette raison qu'on n'a pas retenu les élèves au delà de 18 ans et les élèves de l'école maternelle. Le critère retenu est l'obligation scolaire, se terminant à 18 ans.

Le membre veut savoir pourquoi on a modifié les critères entre 1989 et aujourd'hui. Lors des discussions parlementaires de la loi spéciale de financement en 1989, le vice-premier ministre néerlandophone a déclaré qu'on avait calculé le nombre d'élèves en reprenant tous les élèves de l'enseignement obligatoire, quel que soit leur âge (1). La loi spéciale de financement a repris le mot « élève » par opposition au mot « étudiant », l'étudiant étant celui qui a quitté l'enseignement obligatoire. Le groupe du membre estime par conséquent que le texte du projet de loi ne répond pas aux exigences de la loi spéciale de financement qui parle d'élève sans faire de restriction sur le mot.

Le ministre réplique que le raisonnement du membre n'est pas correct parce que l'interprétation que le membre donne ne garantit pas le traitement égal des élèves. Une telle interprétation permet que la politique menée par l'une ou l'autre communauté influence directement le financement des élèves.

Le membre rétorque que la conception du ministre est basée sur le nombre d'enfants et non pas d'élèves. L'élève est celui qui est dans l'enseignement obligatoire.

Le ministre ne partage pas du tout l'interprétation du membre. Les personnes qui ont plus de 18 ans mais qui sont encore dans l'enseignement secondaire ne sont plus soumis à l'obligation scolaire, et par conséquent, ne sont pas retenues dans les critères pour fixer la clef de répartition entre les communautés.

Selon le membre, c'était l'interprétation donnée par le législateur spécial en 1989. Les travaux parlementaires de la loi spéciale de financement en sont la preuve. La loi d'application de la loi spéciale de financement doit respecter l'interprétation donnée par le législateur spécial.

Le ministre fait observer que le Conseil d'État n'a fait aucune remarque en ce sens.

Le membre n'est pas d'accord et fait référence à la note nº 4 en bas de la page 17 dans l'avis du Conseil d'État : « Les élèves de plus de dix-huit ans sont donc également pris en considération. Voir la déclaration du vice-premier ministre (N.), dans le rapport fait au nom de la commission de la Révision de la Constitution, des Réformes institutionnelles et du Règlement des conflits, doc. parl., Chambre, 88/89, nº 635/18, p. 602 ».

Le ministre répond que c'était une description de la phase transitoire couvrant les années budgétaires 1989 à 1998. Le Conseil d'État ne fait aucune remarque sur le système élaboré dans le projet de loi pour la phase définitive. Depuis le début de la phase transitoire, dix ans se sont écoulés et les situations dans les communautés ne sont plus comparables.

Le membre estime toutefois que, lorsqu'on rédige une loi exécutant une loi spéciale, il faut l'interpréter très soigneusement. Selon lui, l'interprétation de la loi spéciale de financement est dans ce cas-ci extrêmement claire.

L'année budgétaire 1999

Le membre souhaite savoir si le gouvernement estime que la loi est conforme à la loi spéciale de financement alors que le gouvernement a oublié de prendre en compte l'année budgétaire 1999.

Le ministre répond affirmativement.

Le membre rétorque que ce n'est pas conforme à l'avis du Conseil d'État.

Le contrôle à exercer par la Cour des comptes

En ce qui concerne la nouvelle tâche de la Cour des comptes, le membre souhaite savoir s'il existe une base juridique suffisante pour permettre à la Cour de connaître le nombre d'enfants qui suivent un enseignement à l'étranger, qui suivent un enseignement privé (donc non-subventionné), ou qui sont enfants d'illégaux en Belgique.

Le ministre répond affirmativement. La Cour des comptes a même confirmé cela lors de l'audition en commission. De surcroît, c'est aux communautés à transmettre ces données. C'est dans le projet de loi en question que la Cour des comptes trouve une base juridique pour effectuer le contrôle.

Le membre demande si, en cas de refus d'une école non-subventionnée de fournir la liste de ses élèves aux communautés, la Cour des compte peut l'exiger.

Le ministre répond que cette hypothèse ne se produira jamais. Les communautés connaissent déjà ces élèves grâce au contrôle dans le cadre de l'obligation scolaire.

Imposer des charges aux communautés

Le membre demande si le ministre croit possible que, par une loi ordinaire, le Parlement fédéral puisse obliger les communautés à fournir des données. Selon lui, ce n'est pas possible : il faut un accord de coopération ou une disposition dans une loi spéciale. On ne peut pas imposer des charges aux communautés par une loi ordinaire.

Le ministre ne partage pas l'opinion du membre puisque le projet de loi est une loi exécutant la loi spéciale de financement.

Les écarts chiffrés significatifs

En ce qui concerne la définition « d'écart chiffré significatif » (article 5, § 3, troisième alinéa), le membre souhaite savoir de combien d'élèves il s'agira et quelles seront les conséquences budgétaires.

Le ministre répond que les conséquences budgétaires ne seront pas importantes. « Significatif » ne signifie pas basé sur l'impact budgétaire, mais veut dire qu'on peut tirer des conclusions sur la réalité des chiffres. La question est de savoir si les chiffres sont fiables oui ou non. Ce n'est pas l'impact budgétaire qui compte mais la fiabilité des données.

Le membre trouve que la réponse du ministre reste floue.

La Communauté germanophone

En ce qui concerne les ramassages concurrentiels, le membre demande si les élèves de la Communauté germanophone qui seraient ramassés pour aller suivre un enseignement français dans une école de la Communauté française, doivent être exclus du calcul.

Le ministre répond que selon lui, la Communauté française n'a pas la compétence de ramasser des élèves sur le territoire de la Communauté germanophone.

La Communauté flamande ne peut pas non plus racoler des élèves à Mons. Si elle le faisaient, elles agiraient, en effet, en dépit de la répartition des compétences.

Un membre fait remarquer que la Communauté française accueille des élèves à titre individuel. Il n'y a pas de ramassages organisés par la Communauté française dans la Communauté germanophone.

Le ministre ajoute qu'une communauté ne peut exercer ses compétences dans une autre communauté. Il n'est pas permis d'aller chercher des enfants dans une autre communauté. Il s'ensuit que le projet de loi se borne à appliquer les règles de la répartition des compétences. C'est aussi l'enseignement de la Cour d'arbitrage. Les compétences communautaires et culturelles peuvent bien dépasser la frontière linguistique mais les communautés ne peuvent pas prendre la liberté d'exercer leurs compétences dans une autre communauté.

Un membre demande si l'on considère qu'un ramassage qu'une ASBL effectue à l'aide d'un véhicule de neuf places dans le but de conduire des élèves germanophones dans des écoles francophones est un ramassage concurrentiel.

Plusieurs membres répondent par l'affirmative.

Un membre estime que si une école francophone à Fourons décide de faire des ramassages à Aubel, ce n'est pas comptabilisé. Si par contre, il n'y avait pas d'école francophone à Fourons de sorte que les élèves francophones devraient aller à Visé ou Aubel, il faudrait les comptabiliser. À partir du moment où il y a une école francophone à Fourons, on ne comptabilise pas les Fouronnais francophones qui se rendent à Visé ou Aubel.

Un membre estime que les ramassages effectués par la Communauté germanophone ne doivent pas être pris en compte. Seules la Communauté française et la Communauté flamande doivent transmettre des fichiers.

Le ministre déclare que le financement de l'enseignement en Communauté germanophone est soumis à un régime particulier. Cette communauté est cependant confrontée à un problème très spécifique qui est dû au fait que bon nombre d'enfants allemands sont inscrits dans les écoles de la Communauté germanophone. Le droit européen ne permet pas d'empêcher cela.

Ces dix dernières années, le nombre d'élèves a augmenté de 20 % dans l'enseignement germanophone et seulement d'1 % en Communauté française. La Communauté flamande a même enregistré une baisse d'1 % du nombre d'élèves.

L'adéquation des fichiers

Un autre membre demande si la décision par laquelle la Cour des comptes déclare un fichier adéquat peut faire l'objet d'un contrôle externe.

Le ministre déclare avoir pleinement confiance en la Cour des comptes à cet égard. Celle-ci accomplira fidèlement la mission que le législateur lui confierait le cas échéant.

Un membre réplique que la Cour des comptes déclare elle-même ne pas être en mesure de remplir cette mission.

Un autre membre ajoute qu'il ressort du dernier cahier de la Cour des comptes que celle-ci a certes développé une grande expertise, mais pas pour ce qui est des fichiers électroniques.

Le ministre répète qu'il fait confiance à la Cour des comptes, parce qu'il est persuadé qu'elle arrivera à maîtriser rapidement les finesses de la procédure définie dans le projet.

Le membre se demande s'il est bon de se livrer à des expériences du type de celles dont il est question dans une matière telle que le financement de l'enseignement.

Le ministre souligne qu'il part du principe que la Cour des comptes remplira les missions que le législateur lui aura confiées. Sinon, l'on devra considérer aussi, par exemple, que si la Cour des comptes ne contrôle pas les pensions, c'est uniquement parce qu'il faut vérifier des fichiers électroniques pour pouvoir assurer ce contrôle. Ce serait désagréable et incorrect.

Un membre répond qu'il ressort clairement de l'audition que la Cour doute elle-même sérieusement que ces contrôles soient réalisables.

V. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-262/2) qui vise à modifier l'intitulé du projet de loi. L'auteur principal précise que, dans son avis, le Conseil d'État a indiqué que le critère des « ramassages concurrentiels » n'était pas un critère objectif. La loi spéciale de financement limite le mandat du législateur ordinaire à la fixation de critères objectifs pour le comptage des élèves. Voilà pourquoi l'amendement nº 1 vise à modifier l'intitulé du projet de loi afin de convertir le projet de loi ordinaire en un projet de loi dont l'adoption nécessite une majorité spéciale des deux tiers.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie, pour sa réplique, aux interventions qu'il a faites au cours de la discussion générale.

L'amendement nº 1 est rejeté par 6 voix contre 3.

Article 1er

L'article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 2

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2-262/2) qui vise à remplacer cet article. L'auteur principal précise que la loi spéciale de financement charge effectivement le législateur de fixer des critères objectifs pour le comptage des élèves. Les critères doivent être neutres par rapport à la politique des communautés. Ils ne peuvent être influencés d'aucune manière par la politique que les communautés mènent. Voilà pourquoi l'auteur principal estime que le système le plus objectif consiste à se baser sur le nombre d'élèves soumis à l'obligation scolaire qui sont inscrits dans les registres de la population de la région relevant de la responsabilité des communautés. En ce qui concerne la Communauté flamande, il s'agit des enfants de 6 à 17 ans qui sont inscrits dans les registres de la population des communes de la Région flamande et de 20 % de ceux qui sont inscrits dans les registres de la population des communes de la Région de Bruxelles-Capitale. Pour ce qui est de la Communauté française, il s'agit des enfants des 6 à 17 ans qui sont inscrits dans les registres de la population des communes de la Région wallonne, à l'exception des 9 communes de la Région de langue allemande, et de 80 % des enfants qui sont inscrits dans les registres de la population des communes de la Région de Bruxelles-Capitale. La clé de répartition 80 F - 20 N est la clé de répartition traditionnelle à Bruxelles entre Flamands et francophones. En appliquant le système proposé en l'espèce, on se baserait, selon l'auteur principal, sur des critères objectifs ne laissant pas la moindre occasion aux communautés de contester chaque année les comptages. En effet, personne ne met en doute la validité des données qui figurent aux registres de la population. Selon l'auteur principal, des contestations intercommunautaires majeures seront inévitables si l'on n'amende pas le projet de loi à l'examen. Il constitue, en effet, un solide moyen de provoquer de la concurrence entre les communautés. La communauté qui aura réussi à ravir un élève à l'autre communauté bénéficiera d'une subvention supplémentaire de 250 000 francs alors qu'un élève ne coûte en moyenne que 98 140 francs à la communauté.

Le système de financement que tend à introduire le projet de loi encourage les communautés à « se voler » des étudiants, dans la mesure où elles feront un bénéfice de quelque 150 000 francs par élève « volé ». Cela résulte du fait que les moyens financiers provenant de la dotation TVA sont affectés au financement, non pas seulement de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, mais aussi à celui de l'enseignement maternel, de l'enseignement supérieur non universitaire et de secteurs de l'enseignement universitaire. Le projet de loi organise par conséquent la concurrence entre les communautés et incite les communautés à racoler des étudiants dans les pays voisins.

L'auteur principal estime également que le projet de loi outrepasse la mission que la loi spéciale de financement a assignée au législateur ordinaire. Selon lui, l'amendement qu'il a déposé offre un avantage supplémentaire en ce sens qu'il permet d'appliquer facilement la réglementation proposée avec effet rétroactif pour l'année budgétaire 1999. Cela répond à une demande expresse du Conseil d'État. Déterminer les chifres de la population pour l'année 1999 ne pose pas le moindre problème. Il n'en va pas de même pour ce qui est du nombre d'élèves. L'auteur principal souligne enfin que l'on peut aussi déduire de ce qui précède que le but du précédent gouvernement était de fixer des critères objectifs sur la base des chiffres de la population.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie, pour sa réplique, à ce qu'il a dit au cours de ses interventions pendant la discusion générale.

L'amendement nº 2 est rejeté par 7 voix contre 1.

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 2-262/2), subsidiaire à leur amendement nº 2. L'auteur principal déclare que, l'amendement nº 2 ayant été rejeté, la majorité à l'intention, non pas de fixer des critères objectifs mais de financer des besoins. Dans ce cas, il n'y a aucune raison de ne prendre en considération que les besoins de l'enseignement primaire et secondaire, ni d'accorder, pour ces élèves, une subvention supérieure à celle qui est normale. L'auteur principal propose par conséquent de compter également les élèves qui fréquentent l'enseignement maternel. Aux termes de la Constitution, les communautés sont en effet tenues d'organiser un enseignement gratuit pour les enfants ayant atteint l'âge de 3 ans.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie, pour sa réplique, à ce qu'il a dit au cours de ses interventions pendant la discussion générale.

L'amendement nº 3 est rejeté par 7 voix contre 2.

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux déposent un amendement nº 6 (doc. Sénat, 2-262/2) concernant les élèves pris en considération selon l'article 2, deuxième alinéa. Le fait de ne viser les élèves qu'entre six et dix-sept ans y compris ne correspond pas à l'avis du Conseil d'État, ni aux travaux préparatoires de la loi spéciale de financement. Le Conseil d'État fait d'ailleurs référence à ces derniers, et notamment aux déclarations du vice-premier ministre néerlandophone de l'époque, M. Dehaene, signalant que, pour le calcul du nombre des élèves, il était tenu compte de tous les élèves de l'enseignement fondamental et secondaire, quel que soit leur âge. Il avait été clairement précisé qu'on ne se limitait pas aux enfants de moins de dix-huit ans. Or, il faut se référer aux travaux parlementaires lorsqu'il y a un problème d'interprétation d'une loi. Il est vrai que prendre en considération les élèves de dix-huit ans ou plus ­ on vise bien les élèves, qui fréquentent l'enseignement secondaire, et non les étudiants ­ donne davantage de moyens à la Communauté française. En effet, le taux de redoublement est malheureusement plus élevé dans l'enseignement secondaire en Communauté française qu'en Communauté flamande. Il faut cependant en examiner les raisons et on peut affirmer que ce taux de redoublement est largement imputable à des critères objectifs. Les enfants issus de l'immigration qui ont des difficultés dans l'apprentissage d'une langue nationale de la Belgique ont davantage de problèmes au niveau de l'enseignement. Or, il apparaît que les élèves issus de l'immigration sont plus nombreux dans les écoles francophones que néerlandophones. Ce taux de redoublement peut également s'expliquer par le nombre d'élèves issus de milieux sociaux défavorisés et les statistiques économiques montrent que le niveau de bien-être économique est plus élevé en Communauté flamande qu'en Communauté française.

Les auteurs de l'amendement estiment donc contraire à la loi spéciale, telle qu'interprétée sur base des déclarations du vice-premier ministre de l'époque, et contraire aux situations objectives des deux communautés, de ne pas tenir compte des élèves âgés de dix-huis ans et plus, qui fréquentent toujours l'enseignement obligatoire. Ils proposent de prendre en considération le nombre d'élèves âgés de plus de cinq ans, étant entendu que par « élève », on entend les élèves qui fréquentent l'enseignement obligatoire.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie pour sa réplique à ce qu'il a dit au cours de ses interventions pendant la discussion générale.

L'amendement nº 6 est rejeté par 8 voix contre 1.

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux déposent un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 2-262/2) visant à appliquer la nouvelle clé de répartition dès 1999. Le coauteur de l'amendement explique qu'il s'agit d'un amendement essentiel car, comme l'a souligné le Conseil d'État, il y a un vide juridique pour l'année 1999. L'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et régions prévoit en effet que c'est dès l'année budgétaire 1999 que la répartition des crédits entre les communautés doit être adaptée à la répartition du nombre d'élèves sur la base de critères objectifs. Si on accepte la formulation actuelle de l'article 2, les francophones du gouvernement se voient flouer pour une année. On s'aperçoit de plus en plus en analysant les accords de la Saint Éloi que c'est vraiment la loi d'airain. C'est grave, notamment si on pense aux recours qui seront probablement introduits car certains l'ont annoncé.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie pour sa réplique à ce qu'il a dit au cours de ses interventions pendant la discussion générale.

L'amendement nº 5 est rejeté par 8 voix contre 1.

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-262/2), qui est un amendement subsidiaire à l'amendement nº 3 des mêmes auteurs. L'auteur principal déclare que, comme l'amendement nº 3 a été rejeté, il tient à faire une ultime proposition en vue de limiter la durée d'application de la loi en projet au seul exercice 2000 c'est-à-dire à un an. Selon l'intervenant, le caractère temporaire du régime en projet répond même à une exigence d'importants partis de la majorité au sein du gouvernement flamand.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie pour sa réplique à ce qu'il a dit au cours de ses interventions dans la discussion générale.

L'amendement nº 4 est rejeté par 8 voix contre 1.

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux déposent un amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 2-262/2). Le coauteur de l'amendement explique que cet amendement est la conséquence logique de l'amendement nº 6. Il répète que, conformément à l'interprétation à donner de la loi spéciale de financement selon le vice-premier ministre de l'époque, il y a lieu de prendre en considération tous les élèves de l'enseignement secondaire, même au-delà de dix-huit ans.

Le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie pour sa réplique à ce qu'il a dit au cours de ses interventions dans la discussion générale.

L'amendement nº 7 est rejeté par 8 voix contre 1.

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux déposent un amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 2-262/2) visant à supprimer l'exclusion des élèves ayant fait l'objet d'un ramassage concurrentiel.

L'auteur principal de l'amendement renvoie à un article paru dans La Dernière Heure du 17 février 2000 dans lequel il était écrit que l'on recense tous les élèves en Communauté française. Une photocopie de la carte d'identité des enfants est demandée par certaines écoles et il y a des réactions de parents qui trouvent cela un peu bizarre. « Une maman de l'école de Rixensart n'apprécie pas la note de la direction invitant les parents à rentrer les documents précités. Le directeur ne fait pourtant que répondre à l'invitation de l'administration. Toutes les directions doivent dorénavant pouvoir prouver l'identité des enfants qui fréquentent leur établissement, explique le directeur. Pour les moins de douze ans, il existe un certificat d'identité pour ceux qui vont à l'étranger. Le directeur accepte une photocopie de ce document, voire même du petit carré blanc que chaque enfant reçoit à sa naissance ou encore de la composition du ménage dans le carnet de mariage. L'objectif est d'établir une concordance entre le fichier national et le fichier de chaque établissement. L'explication est confirmée au cabinet du ministre Hervé Hasquin : dans le cadre de l'accord de la Saint-Éloi fixant la clé de répartition des subsides à l'enseignement, il est prévu que chaque communauté fournisse la liste des élèves inscrits dans leurs écoles. En Communauté française, une cellule « 15 mai 2000 » a même été créée. Dans le fondamental, pratiquement tous les dossiers sont complets. Dans le secondaire, l'opération est bouclée depuis le 15 février. Un fichier test sera envoyé à la Cour des comptes le 17 mars. La clôture de l'opération est fixée au 15 mai. Certaines écoles se sont adressées aux administrations communales pour résoudre la question. D'autres ont demandé des photocopies aux parents. Une chose est sûre : tout est prévu pour que l'on respecte la vie privée des gens. On ne pouvait cependant pas nous dire les mesures prises pour que cela soit effectif. Pas de réponse non plus sur les conséquences au cas où un parent ne souhaiterait pas donner le document demandé. »

L'intervenante rappelle que la loi n'est pas encore votée et que tout un travail se fait déjà à partir d'une loi qui n'est pas votée, sur lequel la Cour des comptes a donné son accord. Elle estime qu'à ce stade, on a vraiment quitté l'État de droit et trouve cela inouï. Par ailleurs, elle ne voit vraiment pas pourquoi les parents devraient communiquer la carte d'identité de leurs enfants, document qui, en outre, n'existe pas pour les moins de douze ans. Il est aussi révoltant que les parents étrangers doivent fournir une photocopie de leur propre carte d'identité. Est-ce pour faire la chasse aux illégaux ?

La membre souhaiterait avoir une réponse du ministre, d'une part, sur cet article, d'autre part, sur le fait que la Cour des comptes travaille bien avant que la loi ne soit votée.

Le ministre se dit choqué que la membre trouve cette procédure contraire à la vie privée. Les écoles peuvent savoir qui fréquente leur établissement. La plupart des élèves en Belgique connaissent ce système, notamment en s'inscrivant au registre national. Si tout le monde l'avait fait on ne connaîtrait pas les problèmes actuels. Il faut être conscient qu'une grande partie des problèmes viennent de là. Quant à la critique faite, c'est une fausse utilisation de la notion de « vie privée ». La protection de la vie privée a-t-elle bénéficié du flou actuel ? Non, mais cela a permis des abus.

En ce qui concerne le travail effectué par la Cour des comptes, le ministre a déjà signalé qu'une fois la loi votée, elle aura effet rétroactif. On pourrait donc trouver aussi paradoxal que la Cour des comptes n'ait pas déjà commencé son travail. Il pense que la Cour des comptes a eu tout à fait raison de commencer les opérations, tout en sachant que si la loi n'est pas votée, tout le travail aura été inutile.

C'était évidemment un risque, mais si la Cour ne l'avait pas pris, il y aurait eu le risque que la loi votée par le Parlement ne puisse plus être appliquée. Entre deux difficultés, la Cour des comptes a dû chercher une solution.

L'auteur principal de l'amendement comprend la première réponse, mais elle trouve la seconde énorme. Elle donne un autre exemple. Sous la législature précédente, les sénateurs ont beaucoup travaillé sur le projet de loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs. Du vote de cette loi dépendait toute une série de réalisations concrètes, dont l'installation d'un casino à Bruxelles. On aurait donc pu décider d'installer déjà ce casino avant même que le projet de loi ne soit adopté, puisqu'on pouvait supposer qu'il allait certainement être voté. L'intervenante demande où est l'État de droit si, parce qu'une loi sera en principe votée, on prend déjà de manière anticipative, une série de mesures, parmi lesquelles on demande à la Cour des comptes de travailler déjà en exécution de cette future loi. Elle se dit indignée par cette manière de procéder.

Le ministre répond qu'il y a une grande différence entre l'exemple donné et le présent cas : la loi qu'on est en train de discuter aura effet rétroactif, et cet effet rétroactif est voté par le Parlement. La loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs n'avait, elle, aucun effet rétroactif. Si on avait commencé l'exécution de cette loi alors qu'elle était encore en discussion, c'aurait été contraire à l'esprit même de la loi. Ici, le législateur décide de donner effet rétroactif à la loi, en l'assortissant de délais très précis, dont l'échéance du 15 mai 2000, dans le but d'éviter que le financement de l'enseignement ne soit mis en danger cette année.

L'auteur principal de l'amendement estime que cela ne répond pas à sa question relative à l'État de droit. Faire agir la Cour des comptes alors que la loi n'est pas votée, c'est proprement scandaleux.

Un membre estime que l'article paru dans le journal La Dernière Heure est très révélateur. Cet article souligne plus particulièrement que le système défini dans le projet de loi est inapplicable. On peut dire d'ores et déjà que les chiffres que l'on obtiendra au terme des comptages seront inexacts. Si les écoles de la Communauté française doivent encore demander maintenant des copies des cartes d'identité des élèves, cela signifie que l'on ne dispose pas encore, en Communauté française, de fichiers fiables qui soient reliés aux numéros du registre national des élèves. Les données qui seront communiquées à la Cour des comptes le 15 mai 2000, ne seront donc pas des données exactes. Le membre estime qu'en définitive, le comptage des élèves ne permettra pas de résoudre les problèmes actuels.

L'amendement nº 8 est rejeté par 8 voix contre 1.

L'article 2 est adopté par 7 voix contre 2.

Article 3

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 2-262/2) tendant à supprimer les articles 3, 4 et 5. L'auteur principal précise que cet amendement est une conséquence logique de l'amendement nº 2.

L'amendement nº 9 est rejeté par 8 voix contre 1.

L'article 3 est adopté par 7 voix contre 2.

Article 4

Mme Willame et M. Barbeaux introduisent un amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 2-262/2) concernant le paragraphe 1er .

Le coauteur de l'amendement explique que c'est la suite logique de ce qu'il a exposé précédemment en rapport avec l'amendement nº 6. Il s'agit de prendre en considération tous les élèves âgés de plus de cinq ans, sans limitation d'âge.

L'amendement nº 10 est rejeté par 8 voix contre 1.

Mme Willame et M. Barbeaux introduisent un amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 2-262/2) visant à supprimer la référence au ramassage concurrentiel.

L'auteur principal de l'amendement renvoie à ce qu'elle a dit lors de la discussion générale, mais elle tient à attirer l'attention sur le fait que la correction des données en fonction du ramassage concurrentiel est regrettable. On va à l'encontre des initiatives en vue du bilinguisme, de la même manière qu'avec les inspections linguistiques qui ont lieu pour le moment dans les écoles de la périphérie de Bruxelles afin de vérifier la connaissance du français dans les écoles où on enseigne le français, vérifier en fait qu'il n'y a pas de jeunes enfants du rôle linguistique néerlandophone qui viendraient apprendre le français dans ces écoles. Avec un parlementaire bruxellois néerlandophone, la membre avait lancé un mouvement intitulé « TiBeM » (Tweetaligheid in Beweging ­ Bilinguisme en mouvement) après un colloque qui s'était tenu à la fin de l'année 1998. De nombreuses actions ont été menées, notamment un sondage concernant la connaissance de l'autre langue par les enfants et les jeunes après avoir passé un certain nombre d'années à apprendre cette langue. On s'est rendu compte que la meilleure manière d'être bilingue, c'est d'apprendre l'autre langue dès la plus tendre enfance, entre trois et six ans, avec des professeurs « native speaking ». Entendre très jeune les sons de l'autre langue finit par rendre celle-ci tout à fait naturelle. Or, tout ce qui se passe actuellement dans le gouvernement va à l'encontre de ce mouvement. En mai 1999, un mois avant les élections, un membre du gouvernement régional bruxellois actuel soutenait l'idée qu'il fallait des échanges entre écoles, entre professeurs pour que les enfants puissent apprendre l'autre langue dans les écoles de l'autre régime linguistique.

En refusant les échanges entre écoles, on s'oppose à ce processus d'apprentissage de l'autre langue dès l'enfance, dont l'efficacité est reconnue scientifiquement. La membre exprime sa colère vis-à-vis de cela et dénonce le véritable cinéma que sont les grandes amitiés communautaire dans le gouvernement. Le projet de loi à l'examen en est une preuve.

Un membre réplique que la membre fait un amalgame entre deux choses différentes. Il est bon de rappeler que l'inspection linguistique a été votée par la majorité de l'époque. Lui-même est tout à fait opposé à l'inspection linguistique dans la mesure où on porte atteinte au libre choix du père de famille d'envoyer ses enfants à l'école qu'il souhaite. Mais cela ne concerne que les communes à statut linguistique. Pour la petite histoire, dans sa commune, il faut faire une déclaration d'appartenance culturelle et communautaire pour obtenir sa carte d'identité. Ça aussi, cela a été voté par une autre majorité de l'époque. Mais cela n'a rien à voir avec les problèmes dont on discute aujourd'hui. Il ne faut pas mélanger des choses différentes.

Un membre trouve le plaidoyer de l'auteur principal de l'amendement nº 11 émouvant mais il constate que dans la pratique les choses sont tout à fait différentes de ce qu'elle croit : les parents francophones qui habitent dans la région de langue néerlandaise envoient souvent leurs enfants à l'école en Communauté française. C'est l'inverse de ce pour quoi plaide l'auteur principal de l'amendement nº 11. Si ces enfants fréquentaient des écoles néerlandophones, il y aurait plus de bilingues que ce n'est le cas aujourd'hui. Le projet de loi a le mérite de prévoir des mesures pour tenter de décourager le ramassage concurrentiel entre les communautés. Le membre répète toutefois qu'il est convaincu que le régime défini dans le projet de loi est impossible à mettre en oeuvre. Il considère qu'il faut éviter dès lors de financer la promotion du bilinguisme à l'aide de moyens fédéraux.

L'amendement nº 11 est rejeté par 7 voix contre 1.

Mme Willame et M. Barbeaux introduisent un amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-262/2) visant à remplacer, au § 2, le mot « communiquent » par les mots « sont invités à communiquer ».

Le coauteur de l'amendement rappelle que l'État ne peut imposer aucune charge aux communautés et aux régions, qui sont autonomes, sauf par une loi à majorité spéciale. Or, l'article 4, § 2, du présent projet de loi, qui est un projet de loi à majorité ordinaire, impose aux communautés de communiquer certaines données. Les auteurs de l'amendement estiment cette disposition contraire aux lois et à la Constitution.

Le ministre estime que la possibilité d'imposer des charges aux entités fédérées est présente implicitement du fait que la loi spéciale oblige le législateur ordinaire à créer un système de répartition des moyens, ce qui veut dire aussi créer les outils pour le mettre en application et le contrôler.

L'amendement nº 12 est rejeté par 6 voix contre 2.

L'article 4 est adopté par 6 voix contre 2.

Article 5

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux introduisent les amendements nº 13 à 20 (doc. Sénat, nº 2-262/2) visant à préciser la notion d'écart chiffré « significatif ».

Le coauteur des amendements rappelle que, lors de l'audition des représentants de la Cour des comptes, il a fait état d'un problème soulevé par les notions d'« erreur » et d'« écart chiffré significatif ». L'article 5, § 2, du projet de loi prévoit que, lorsque les fichiers transmis par les communautés sont adéquats mais qu'ils contiennent des erreurs, ces erreurs sont corrigées par la Cour des comptes. Par contre, si la Cour constate des écarts chiffrés significatifs, elle doit le signaler au Gouvernement fédéral qui va corriger ces écarts (§ 3, alinéa 3). La Cour doit donc faire une distinction entre une erreur, qu'elle corrigera elle-même, et un écart significatif, qu'elle ne peut pas corriger.

Déterminer ce qu'est un écart chiffré significatif a un impact important en termes de répartition de la masse TVA, selon qu'on opte pour 0,1 %, 0,5 %, 1 %, 2 %. Il s'agit d'un rôle politique et les auteurs de l'amendement estiment que la Cour des comptes ne peut l'assumer. C'est au Gouvernement ou au législateur à préciser ce qu'il faut entendre par écart significatif.

Le premier président de la Cour des comptes a déclaré que la Cour avait eu un premier échange avec le Gouvernement, notamment en vue de la préparation des circulaires aux communautés, mais qu'elle devait encore avoir une discussion pour déterminer les autres éléments permettant l'application de la loi. Cette question n'a pas reçu de réponse précise lors de la discussion générale. Or, un élève de plus ou de moins équivaut à 250 000 francs de plus ou de moins pour une communauté. Le membre souhaite donc que le législateur précise à partir de quel chiffre la Cour des comptes doit considérer qu'il y a un écart significatif dans les données. Il a déposé plusieurs amendements, et laisse la possibilité de choisir le seuil qu'on estime pertinent.

Le ministre renvoie à ce qu'il a dit lors de la discussion générale. Il a consulté à ce moment là le dictionnaire pour expliquer que « significatif » n'était pas lié à un chiffre ou un pourcentage. Il faut voir si la différence signifie qu'il y a une difficulté majeure, telle qu'un abus.

Le coauteur de l'amendement fait remarquer qu'il serait intéressant d'interroger le premier président de la Cour des comptes pour savoir si, sur base de la notion donnée par le ministre, il peut dégager une solution opérationnelle. À partir de quel moment l'écart est-il significatif ?

Un sénateur fait remarquer que c'est la première fois qu'il voit un projet de loi suscitant autant de réactions que le projet de loi à l'examen. Pour ce qui est de la notion d'écart significatif, la Cour des comptes a déclaré explicitement au cours de l'audition, qu'il y a lieu de craindre qu'il sera très difficile d'interpréter cette notion de manière univoque. Le ministre déclare en outre maintenant que la notion d'écart significatif n'a rien à voir avec les chiffres. Or, il est littéralement question à l'article 5, § 3, d'un « écart chiffré significatif et inexplicable ». Selon le sénateur, le texte du projet de loi est donc en contradiction avec l'exposé du ministre.

Le ministre répète ce qu'il a dit au cours de la discussion générale :

« Significatif » ne signifie pas basé sur l'impact budgétaire, mais veut dire qu'on peut tirer des conclusions sur la réalité des chiffres. La question est de savoir si les chiffres sont fiables ou non. Ce n'est pas l'impact budgétaire qui compte mais la fiabilité des données.

Lorsque des institutions publiques telles que la Cour des comptes sont investies d'une mission par le législateur, elle se doivent de l'accomplir en âme et conscience.

Le sénateur estime que le ministre se livre à une interprétation politique. Il serait beaucoup plus logique selon lui que la Cour des comptes fasse état des données telles qu'elle les a constatées et que le gouvernement interprète ces données. Le projet de loi charge la Cour des comptes d'une analyse très difficile. Il serait plus logique selon le sénateur que la Cour des comptes informe le gouvernement dans tous les cas. C'est d'ailleurs ce qu'elle fera de toute manière, fût-ce de manière informelle.

Le ministre précise que l'article 39, § 2, de la loi spéciale de financement charge le législateur de fixer des critères objectifs. En confiant le contrôle à un organe neutre comme la Cour des comptes, on objective l'interprétation des données transmises par les communautés. La proposition du sénateur reviendrait à fixer la répartition entre les communautés sur la base d'un accord politique, ce qui serait contraire à l'article 39, § 2, de la loi spéciale de financement.

Un membre demande que le ministre fournisse des précisions sur le § 2 de l'article 5. Il estime en effet que le scénario visé au § 2 se produira plus fréquemment que celui qui est visé au § 3. Les communautés transmettront bel et bien des fichiers à la Cour des comptes. L'article 2 prévoit que la Cour des comptes peut procéder à des ajustements dans les fichiers de données, en cas d'erreur. La Cour des comptes doit-elle corriger simplement les données recueillies par sondage ou doit-elle corriger l'ensemble des données ? Le membre estime qu'en toute logique il faudrait toutes les corriger.

Le ministre répond qu'il appartient à la Cour des comptes de répondre à cette question en sa qualité d'organe de contrôle neutre et indépendant. Le système de contrôle défini dans le projet de loi permettra selon lui d'évaluer le mieux possible la situation réelle qui règne au sein des communautés.

Le sénateur maintient que la notion d'« écart significatif » n'est pas une notion scientifique.

Le ministre ne partage pas cet avis et souligne qu'il est également question d'écarts significatifs dans la science médicale.

Le sénateur conteste que l'on puisse interchanger les mots néerlandais « betekenisvol » et « significant ».

Le ministre ne partage pas son point de vue.

Le sénateur souligne qu'il est question, à l'article 5, § 3, non pas de contrôles par sondages, mais des chiffres réels. Si l'on réalisait un contrôle par sondages portant sur 5 à 10 % des données et si l'on constatait un certain écart, il faudrait l'interpréter par rapport à l'ensemble des données. Dans le cas visé à l'article 5, § 3, il s'agit de la totalité des chiffres. L'intervenant estime dès lors que les amendements nºs 13 à 20 ont une certaine logique.

Dans le domaine scientifique, on essaie de cerner la totalité de la réalité au moyen de sondages. L'aspect significatif est important mais pas dans le contexte de l'article 5, § 3, du projet de loi où l'on utilise l'adjectif « significatif » pour indiquer que l'écart doit être suffisamment important pour qu'il puisse influencer la répartition des moyens entre les communautés. Le sénateur demande à cet égard au ministre ce qu'il entend par « significatif » : en effet, une différence d'une unité (élève) correspond à 250 000 francs. Le sénateur demande si ce chiffre est significatif ou non.

Le ministre précise que les contrôles du caractère significatif des écarts éventuels ont pour but de vérifier si l'on peut comparer une série de chiffres à une autre série de chiffres. La question est précisément décrite à l'article 5, § 3, du projet de loi. Les fichiers de données des deux communautés sont comparés les uns avec les autres et l'on examine s'il y a des écarts significatifs entre eux ou non.

Le sénateur propose d'inscrire dans ce cas, dans le projet de loi qu'il y a un écart significatif dès que p est inférieur à 0,05 (soit un écart de 95, dans l'intervalle de fiabilité). Il est parfaitement possible, selon lui, d'inscrire un pourcentage dans la loi.

Le ministre répond que ce pourcentage ne peut pas être fixé dans la loi, parce que l'on ne sait pas si les deux fichiers sont corrects. La deuxième série de chiffres fournit également une image approximative de la situation réelle. Mais il en va de même en ce qui concerne les fichiers de données fondés sur les chiffres de la population. Il est question chaque fois d'une estimation de la situation réelle.

Le sénateur propose de mentionner dans le projet de loi la valeur de p permettant de trancher. En médecine, par exemple, on considère qu'un écart de 0,05 est admissible. Il formule une nouvelle fois sa proposition d'inscrire un pourcentage dans la loi en projet. La Cour des comptes a en effet déclaré au cours de l'audition qu'elle ne souhaitait pas réaliser cette mise en balance du contenu des fichiers. La fixation de la marge d'erreur dépend en effet d'un choix politique.

Le coauteur de l'amendement précise que la masse de la TVA transférée en l'an 2000 est de 372 milliards. 0,01 % de cette masse équivaut à 37 millions, soit près d'une trentaine de traitements d'enseignants. Ce n'est pas négligeable. 0,01 % constitue-t-il un écart significatif ?

Le ministre demande ce que le membre en pense.

Le coauteur de l'amendement répond qu'il estime que c'est significatif.

Le ministre demande que cette position soit actée au rapport.

Le coauteur de l'amendement réplique qu'il pose seulement la question. Sa position est claire : il refuse les articles qui permettent le double contrôle. Une seule liste compte, c'est la liste communiquée par les communautés, qui reprend le nombre d'élèves, et il n'y a pas lieu de la corriger avec toutes les adaptations qu'on a énumérées.

Le ministre répète que, si l'on avait depuis longtemps utilisé le registre national, on n'aurait pas maintenant cette discussion. Il faut quand même bien savoir d'où viennent les problèmes. Si, pour arriver à l'égalité entre les élèves, on doit recourir à une loi très compliquée, c'est parce qu'on n'a jamais rien fait de correct pour assurer un comptage. Des ministres ont déclaré ne pas connaître le nombre exact de leurs élèves, à 20 ou 30 000 unités près ! Aujourd'hui, on essaie de trouver un système qui garantisse que les élèves soient traités de manière égale. C'est une lourde responsabilité, et si tout le monde avait voulu collaborer depuis des années, on n'en serait pas là.

M. Caluwé dépose les amendements nºs 22 et 23 (doc. Sénat, nº 2-262/3) qui sont des sous-amendements respectivement aux amendements nºs 13 et 17 de Mme Willame-Boonen et de M. Barbeaux. Les sous-amendements tendent à remplacer le chiffre « 0,1 » par le chiffre « 0,01 ».

L'auteur des amendements nºs 22 et 23 estime en effet que les marges d'erreur prévues par les auteurs des amendements nºs 13 à 20 sont trop grandes. Une marge d'erreur de 0,1 %, par exemple, signifie, pour la Communauté flamande, que 860 élèves ne seraient pas repris dans les fichiers. Pour la Communauté française, cela représenterait 650 élèves. Un tel nombre d'élèves correspond souvent dans la réalité à la population entière d'une école. En adoptant la proposition de l'intervenant de prévoir un écart de 0,01 %, l'écart maximal admis correspondrait à un équivalent financier de 37 millions de francs.

Le ministre dit qu'il n'est pas d'accord avec l'interprétation que les intervenants précédents ont donnée de l'article 5, § 3.

Un membre dit partager le point de vue du ministre. On commet une erreur quand on confond ce qu'on essaie de mettre en place, à savoir une objectivation des données qui concernent les élèves ­ et c'est là qu'est visée la notion d'« écart significatif » ­, et les résultats en termes budgétaires. Le problème n'est pas de fixer une norme, un écart chiffré inexplicable par rapport aux résultats, mais bien d'essayer de rétablir une confiance après trop d'années de flou qui a entretenu des relations de méfiance entre les communautés.

Les critères doivent sans doute encore être affinés, le dispositif est complexe, mais la question est de savoir si on veut rétablir la confiance entre les communautés sur des réalités. Derrière ces chiffres, il y a des êtres humains, des enfants, des illégaux aussi. C'est d'ailleurs pour cela que les données ne peuvent pas être mises à la disposition de n'importe qui. Il y a des contraintes liées au respect de la vie privée. Malgré tout, on essaie de trouver un mode de comptage qui agrée les deux communautés qui veulent rétablir la confiance.

L'essentiel du projet ne se trouve pas à l'article 5, mais d'abord à l'article 3 qui traite des données à communiquer pour une certaine date et des fichiers électroniques. C'est seulement si des problèmes sont constatés que la Cour des comptes fera une espèce d'arbitrage selon l'article 5. Ces problèmes que sont les écarts chiffrés significatifs apparaissent dans les données et non dans les résultats en termes de masses.

Le dispositif du projet de loi n'est sans doute pas parfait, mais on est parti dans une logique de compréhension, de confiance dans laquelle on essaie de donner des critères, de fournir des données et une possibilité de vérifier. Avec un tel dispositif qui, de plus, prévoit qu'en cas de problème on doit s'adresser au niveau fédéral, le membre pense qu'on va dans le bon sens.

L'auteur principal des amendements nºs 13 à 20 trouve que l'article 5 du projet de loi est tout à fait surréaliste. Le dernier paragraphe se caractérise par un arbitraire total. Elle admire le talent oratoire du ministre qui, parce qu'on dépose des amendements allant un peu à l'encontre du projet, ne répond pas, mais s'indigne. Au niveau du fond, cela ne modifie pas la vision qu'a son groupe de ce projet, et particulièrement du dernier paragraphe de l'article 5.

Le ministre précise que, s'il est impossible de rédiger un article en deux lignes, c'est parce qu'on ne dispose pas des chiffres. Pour exécuter la loi spéciale, il faut le mécanisme le plus objectif possible. Ce mécanisme d'objectivation constitue l'essentiel de cette loi. Plus loin on ira dans l'objectivation des données, moins la loi d'exécution sera volumineuse. Une liaison de la TVA au produit net du pays ne sera jamais possible s'il reste un doute sur les chiffres. Cette loi a pour but d'essayer de trouver des données objectives sur lesquelles on pourra discuter et les ministres des communautés ont exprimé leur volonté de collaboration. Aussi longtemps qu'il n'y aura pas une confiance absolue en ces chiffres, toute autre discussion sera exclue.

Le coauteur des amendements ajoute encore que l'objectif énoncé par le ministre de déterminer les critères les plus objectifs possibles pour calculer les masses TVA à allouer est louable. Il est tout à fait vrai que le gouvernement ne pourrait pas décider de lier la masse TVA au produit intérieur brut en l'absence de confiance entre les deux communautés sur la façon de calculer le nombre d'élèves. Cependant, il estime que le deuxième contrôle ne répond pas à ce but de définition de critères objectifs. Comment va-t-on calculer le nombre de résidents inscrits dans des établissements d'enseignement à l'étranger, le nombre d'élèves inscrits dans l'enseignement non subventionné privé, le nombre d'enfants scolarisés d'étrangers résidant illégalement en Belgique ? On aurait simplement pu considérer comme élèves inscrits les élèves également au-delà de dix-huit ans tant qu'ils étaient dans l'enseignement obligatoire secondaire et la Cour des comptes pourrait contrôler les fichiers en voyant si les deux communautés ont utilisé la même notion d'« élève ».

Un membre demande que le ministre lui dise, pour la clarté, si le gouvernement fédéral considère que, si l'exécution du projet de loi ne pose aucun problème, l'on pourra coupler la dotation TVA à la croissance économique.

Le ministre répond à l'intervenant qu'il a mal compris son intervention. La réponse est donc négative.

Les amendements 13 à 20 et les sous-amendements 22 et 23 sont rejetés par 7 voix contre 1.

L'article 5 est adopté par 6 voix contre 2.

Article 6

Mme Willame et M. Barbeaux introduisent un amendement nº 21 (doc. Sénat, nº 2-262/2) visant à fixer la date d'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 1999.

Le coauteur de l'amendement répète que le projet de loi a le grand défaut, sur le plan légal, d'oublier l'année 1999. Le Conseil d'État l'a rappelé et les auteurs de l'amendement estiment cela tout à fait contraire à la loi spéciale, dans son esprit et dans sa lettre. Puisqu'ils ont proposé de régler aussi l'année 1999, la date de l'entrée en vigueur de la loi devrait être le 1er janvier 1999.

En guise de réplique, le vice-premier ministre et ministre du Budget et de l'Intégration sociale renvoie à ce qu'il a dit au cours de ses interventions dans la discussion générale.

L'amendement nº 21 est rejeté par 8 voix contre 1.

L'article 6 est adopté par 6 voix contre 2.

VI. VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 6 voix contre 2.

De plus, la commission apporte quelques corrections de texte (voir doc. Sénat, nº 2-262/5).

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Les rapporteuses, Le président,
Iris VAN RIET. Armand DE DECKER.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.


ANNEXE


Lettre envoyée par la Cour des comptes

­ à M. P. Hazette, ministre de l'Enseignement secondaire, des Arts et des Lettres du Gouvernement de la Communauté française

­ à M. J.-M. Nollet, ministre de l'Enfance, chargé de l'Enseignement fondamental, de l'Accueil et des missions confiées à l'ONE

Monsieur le ministre,

Concerne : Instructions relatives aux fichiers électroniques à remettre par la Communauté française et la Communauté flamande à la Cour au plus tard pour le 15 mai 2000.

Après concertation avec l'administration compétente des deux communautés et sous réserve de l'approbation, par le législateur, de l'avant-projet de loi fixant les critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions ainsi que des modifications qu'il y apportera éventuellement, la Cour des comptes a l'honneur de vous communiquer ses instructions, en exécution de l'article 3, § 2, 1º, dudit avant-projet. En annexe à la présente lettre sont jointes les dispositions techniques sur la base desquelles la Cour appréciera si les fichiers électroniques transmis sont adéquats pour le contrôle.

Elle attire l'attention des deux communautés sur l'article 2, quatrième alinéa, de l'avant-projet de loi, qui dispose que sont exclus du comptage les élèves identifiés comme faisant l'objet de ramassages concurrentiels sur « le territoire » d'une autre communauté.

En référence au règlement du Conseil des Communautés européennes du 16 mars 1992 (nº 684/92), la Cour des comptes interprète la notion de « ramassage » comme signifiant le transport d'élèves au moyen d'un véhicule de neuf places ou plus, conducteur compris.

La notion de « ramassage concurrentiel » est définie dans l'exposé des motifs comme « le ramassage régulier par une ASBL, une école ou n'importe quelle autre entité sur le territoire de l'autre communauté ».

La Cour demande à chaque communauté d'identifier les élèves faisant l'objet de semblables ramassages concurrentiels en interrogeant systématiquement les établissements scolaires ­ qui doivent introduire, à ce sujet, des déclarations sur l'honneur ­ de la Région de Bruxelles-Capitale, du Brabant flamand et du Brabant wallon, ainsi que les établissements scolaires qui ont leur siège administratif dans une commune située le long de la frontière linguistique ou dans une commune limitrophe de l'une de ces communes. Cette disposition n'exonère pas les autres établissements scolaires de l'obligation de déclarer également les élèves faisant l'objet d'un ramassage concurrentiel.

Chaque communauté communiquera à la Cour, par établissement d'enseignement, la liste des élèves faisant l'objet d'un ramassage concurrentiel. Ces élèves ne seront pas repris dans le fichier qui sera transmis à la Cour le 15 mai.

Enfin, la Cour des comptes insiste sur la nécessité d'adopter d'une méthode de vérification identique du comptage effectué par les départements. Une vérification aussi complète que possible est nécessaire. Bien que l'objectif avancé soit d'atteindre les 100 %, il y aura lieu de soumettre au moins 80 % des établissements au contrôle interne.

Copie de la présente lettre est transmise, ce jour, pour information, à M. le premier ministre et à M. le ministre-président de la Communauté française.

Par ordonnance :

Le greffier,

(s) F. WASCOTTE

La Cour des comptes :

Pour le Président,

(s) M. de FAYS

Conseiller à la Cour

BIJLAGE


Brief verstuurd door het Rekenhof naar mevrouw M. Vanderpoorten, Vlaams minister van Onderwijs en Vorming

Mevrouw de minister,

Betreft : Richtlijnen betreffende de elektronische bestanden die de Franse en de Vlaamse Gemeenschap ten laatste op 15 mei 2000 aan het Rekenhof dienen over te zenden.

Na overleg met de bevoegde administratie van de beide gemeenschappen en onder voorbehoud van de goedkeuring en eventuele wijzigingen door de wetgever van het voorontwerp van wet tot bepaling van de criteria bedoeld in artikel 39, § 2, van de bijzondere wet van 16 januari 1989 betreffende de financiering van de Gemeenschappen en Gewesten deelt het Rekenhof in uitvoering van artikel 3, § 2, 1º, van dit voor-ontwerp zijn richtlijnen mede. Als bijlage bij dit schrijven worden de technische beschikkingen gevoegd, aan de hand waarvan het zal oordelen of de voorgelegde elektronische bestanden geschikt zijn voor het nazicht.

Het vestigt de aandacht van de beide gemeenschappen op artikel 2, vierde lid, van het voorontwerp van wet, waarin wordt bepaald dat de leerlingen die het voorwerp uitmaken van concurrentiële ophalingen op « het grondgebied » van een andere gemeenschap en als dusdanig worden geïdentificeerd, uitgesloten zijn uit de telling.

Met verwijzing naar de verordening nr. 684/92 van de Raad van de EEG van 16 maart 1992 neemt het Rekenhof als interpretatie voor het begrip « ophaling » het vervoer van leerlingen met een voertuig van negen plaatsen of meer, de bestuurder inbegrepen.

Het begrip « concurrentiële ophaling » wordt in de memorie van toelichting gedefinieerd als « de regelmatig georganiseerde ophaling door een VZW, een school of welke andere entiteit ook op het grondgebied van de andere gemeenschap ».

Het Rekenhof vraagt elke gemeenschap de leerlingen te identificeren die het voorwerp uitmaken van dergelijke concurrentiële ophalingen door een systematische bevraging van de onderwijsinstellingen ­ die hierover verklaringen op eer dienen af te leggen ­ in het Brussels Hoofdstedelijk Gewest, in Vlaams Brabant respectievelijk Waals Brabant alsook van de onderwijsinstellingen die hun administratieve zetel hebben in een gemeente palend aan de taalgrens of in een gemeente die op haar beurt aan één van deze gemeenten grenst. Deze bepaling ontslaat de andere onderwijsinstellingen niet van de verplichting eveneens de leerlingen mee te delen die het voorwerp uitmaken van een concurrentiële ophaling.

Iedere gemeenschap deelt aan het Rekenhof per onderwijsinstelling de lijst van de leerlingen mee die het voorwerp uitmaken van een concurrentiële ophaling. Deze leerlingen worden niet opgenomen in het bestand dat op 15 mei aan het Rekenhof wordt bezorgd.

Tenslotte dringt het Rekenhof tevens aan op een gelijke verificatiemethode van de telling door de departementen. Een zo volledig mogelijke verificatie is noodzakelijk. Alhoewel als doelstelling 100 % wordt vooropgezet, dient ten minste 80 % van het aantal onderwijsinstellingen onderworpen te worden aan de interne controle.

Een kopie van deze brief wordt heden, ter informatie, bezorgd aan de heer eerste minister en de heer minister-president van de Vlaamse regering.

Op last :

De Hoofdgriffier,

w.g. F. VAN DEN HEEDE

Het Rekenhof :

De Eerste Voorzitter;

w.g. J. VAN DE VELDE


(1) Voir doc. Chambre, 98/89, nº 635/18, p. 602.