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Mme Clotilde Nyssens (PSC). - J'avais déposé cette demande d'explications avant que des demandes d'interpellations portant sur le même sujet aient été introduites à la Chambre. Depuis lors, je crois qu' il y a du nouveau.
J'ai été étonnée quand, dans le journal De Morgen du 11 septembre 1999, le ministre de la Justice a déclaré tout de go vouloir mettre fin aux travaux de la commission Franchimont en déclarant « de wet-Franchimont had de grote stap voorwaards moeten zijn om de rechten van het slachtoffer op het terrein te beschermen. Het werd niets meer dan een stapje, soms wel achterwaards verdachten hebben er nu een middel bij om onrust te zaaien. Ik verleng het mandaat van de wet-Franchimont niet. De nieuwe wet vertraagt het optreden van het gerecht in plaats van het te versnellen. »
Par ces propos, monsieur le ministre, vous avez déjà porté un jugement sévère sur cette loi du 9 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale. Vous savez combien cette loi a été examinée au parlement dans les deux chambres. Tous les partis y ont travaillé loyalement en déposant de nombreux amendements et je me demande s'il convient à un ministre de porter un jugement sur l'évaluation d'une loi d'une manière aussi courte.
J'aimerais que l'on procède à l'évaluation de cette loi du 12 mars 1998, qui est sûrement imparfaite. Je souhaiterais toutefois que l'on procède dans l'ordre. Je voudrais savoir si un début d'évaluation existe, si des magistrats sur le terrain ont déjà fait le travail et, dans l'affirmative, si le Sénat, chambre par excellence d'évaluation des lois tant au niveau politique qu'au niveau technique, ne pourrait pas se saisir de cette loi pour faire un travail d'évaluation sur la base d'observations de terrain.
Vous savez que la commission Franchimont a été mise sur pied par un arrêté royal de 1991. Elle avait notamment pour mission la rédaction d'un projet de code de procédure pénale.
Allons-nous attendre le bicentenaire du code actuel pour remplacer notre code d'instruction criminelle et disposer ainsi d'un nouveau code de procédure pénale ? Il est vrai que huit années, de 1991 à aujourd'hui, c'est long pour rédiger un code. Mais tout juriste qui s'y emploie sait combien il est difficile de rédiger un code, de le proposer au parlement et de le faire voter. L'avantage de cette commission composée à la fois de néerlandophones et de francophones a eu le mérite d'aboutir sur certains points. J'ai pris connaissance de l'avant-projet de code qui vous a été remis sous la forme de textes de loi, d'avant-projets de loi, exposés des motifs compris.
Vous le savez, Me Franchimont écrit dans sa note préalable que 90% du travail sont accomplis et que 10% resteraient donc à faire vu, notamment, les lois votées récemment au Parlement de même que les parties confiées à d'autres professeurs, MM. Traest et Bosly, et qu'il conviendrait d'intégrer au tome que vous avez reçu.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'année dernière, les 8 et 9 octobre 1998, un beau colloque a eu lieu dans cette enceinte à l'occasion duquel cette Commission vous a exposé son travail. Certains sénateurs ont réagi, de manière critique, et formulé des propositions. Un travail important a donc été effectué.
(Mme Sabine de Bethune, première vice-présidente, prend place au fauteuil présidentiel.)
Mon souci est que ce travail ne soit pas jeté. Il me serait agréable de savoir si effectivement vous avez formalisé vos déclarations et mis fin à la mission de la commission Franchimont.
Dans l'affirmative, que comptez-vous faire du texte que vous avez reçu ?
Enfin, à qui allez-vous confier l'achèvement des travaux ? Je le répète, n'attendons pas 2008 !
Je sais qu'il est plus facile de ne retenir que quelques fragments et peut-être de ne présenter au Parlement qu'une partie du code, que quelques matières, par exemple celles confiées à M. Traest ou à M. Bosly, sur les procédures particulières.
Mais je crois que cela grandirait le Parlement et le Sénat de pouvoir examiner un code . Il est vrai que cela prendra du temps. Mais si le Sénat n'est pas capable d'examiner un code rédigé à 90%, alors je me demande vraiment à quoi nous servons. Je vous invite donc à faire meilleur usage des travaux de la commission Franchimont.
M. Jean-François Istasse (PS). - Je voudrais me joindre à Mme Nyssens pour demander au ministre de confirmer les propos qu'il a tenus dans De Morgen. Si nous avons bien compris ces propos que Mme Nyssens vient de nous rappeler, ils ont été relativement durs à l'égard du travail de la commission sur le droit de la procédure pénale dite commission Franchimont.
Le ministre aurait évoqué la possibilité de ne pas prolonger le mandat de cette commission vu la lenteur de son travail, vu aussi le travail déjà accompli.
Je voudrais savoir si ces propos sont étayés par des éléments de fait que nous aimerions voir portés à notre connaissance. Nous ne souhaitons qu'être rassurés à ce sujet. Comme beaucoup ici, je pense, nous sommes depuis longtemps convaincus de la nécessité de la réforme de la procédure pénale qui n'est évidemment plus adaptée aux exigences de la justice d'aujourd'hui. Nous pensons aussi qu'en ces matières, il convient d'agir avec circonspection et de juger les réformes à l'aune de leur application sur le terrain chaque fois que cela s'avère possible.
Il ne faut donc pas s'en tenir à un travail d'élaboration théorique, certes indispensable, mais il convient aussi de se pencher sur l'application des réformes. Il est important de vérifier si les réformes telles que votées sont réellement appliquées. Je crois que cela fait aussi partie du rôle du politique et du Sénat. Nous devons agir sans perte de temps mais aussi sans précipitation. C'est pourquoi je me permets d'insister auprès du ministre pour qu'il nous indique s'il dispose d'une évaluation sérieuse des premières réformes dues à la Commission. Et la suggestion de Mme Nyssens me paraît très intéressante en ce sens. J'encourage aussi le ministre à débattre avec les membres de la commission Franchimont elle-même sur les moyens de voir aboutir les travaux pendant cette législature plutôt que de leur signifier la fin de leur mission.
À cet égard, lors de la séance de la commission de la Justice de la Chambre du 29 septembre dernier, le ministre aurait dit avoir reçu de la part du professeur Franchimont un rapport reprenant des propositions de réformes. Nous sommes très naturellement intéressés de savoir s'il a eu le temps de prendre connaissance de ce rapport et de ses conclusions ; nous voudrions connaître les conclusions qu'il tire des travaux qui ont été faits afin d'évaluer la perspective d'une continuation éventuelle des travaux de la commission et, surtout, la façon de mener à bien la réforme de la procédure pénale, ce que nous appelons tous, me semble-t-il, de nos v_ux.
M. Mark Verwilghen, ministre de la Justice. - En ce qui concerne les questions qui m'ont été posées par Mme Nyssens et M. Istasse, je voudrais en premier lieu dire que je comprends la réaction à une déclaration que j'ai faite dans le journal De Morgen. Cette déclaration se situait dans un cadre beaucoup plus large. J'ai effectivement émis certaines critiques à l'encontre du travail de la commission qui porte le nom de son président, M. Franchimont.
En tenant ces propos, je n'ai pas voulu attaquer M. Franchimont ni les professeurs qui l'ont assisté. Je comprends plus que n'importe quelle doit être la déception de quelqu'un qui s'est investi à fond et qui à consacré tout son temps libre à un travail qui me semble absolument nécessaire : celui de la réforme de la procédure pénale. N'oublions pas que la loi date de 1808 et que, normalement, dans quelques années, on fêterait son bicentenaire, comme vous l'avez précisé à juste titre.
J'ai moi-même été un étudiant du professeur Bekaert et j'ai vu la frustration de cet homme qui s'est investi pendant plus de dix ans dans l'élaboration d'un nouveau Code pénal. Malheureusement, ces travaux n'ont pas abouti, alors que la commission Franchimont a conduit à certains résultats.
J'en reviens à votre première question. Vous m'avez demandé si j'avais formalisé une décision de mettre fin aux travaux de la commission. Comme vous l'avez souligné, la commission Franchimont a été créée en mai 1991 et a été confirmée par un arrêté ministériel du 23 octobre. 1991.
Jusqu'à présent, je n'ai pas fait préparer et je n'ai pas non plus signé d'arrêté ministériel abrogeant ladite commission. Celle-ci existe donc encore. Néanmoins, je me suis toujours interrogé sur la mission de cette commission telle qu'elle a été définie en mai 1991. Je cite : « Faire l'inventaire des problèmes actuels de la justice pénale, mettre en évidence des réformes qui devraient être adoptées d'urgence, sans préjudice de choix plus fondamentaux, réunir les informations relatives aux réformes récentes adoptées ou en cours à l'étranger, formuler des propositions permettant de poser des choix fondamentaux en matière d'information et d'instruction judiciaire. Dans une phase ultérieure, rédiger un projet de loi réformant le Code d'Instruction criminelle. »
À cet égard, je dois tout de même dire qu'il y a eu une perte de temps considérable, qui n'est pas exclusivement due au travail de la commission, loin s'en faut. Nous savons par exemple que plus de 18 mois ont été nécessaires avant que l'avis soit rendu par le Conseil d'État, sans parler du travail parlementaire réalisé avant d'aboutir à loi du 12 mars 1998. Concernant la première mission, l'urgence est moindre, si je puis m'exprimer ainsi.
Dans l'accord gouvernemental, nous avons retenu trois pistes essentielles : premièrement, une réglementation légale du statut des repentis de témoignages anonymes de renversement de la charge de la preuve ; deuxièmement, les techniques spéciales et la recherche proactive ; troisièmement, un cadre concernant les informateurs et la façon de travailler avec ceux-ci, sans oublier l'entraide judiciaire internationale.
Depuis ma déclaration, les choses ont passablement évolué. Le 28 septembre dernier, j'ai eu l'honneur de recevoir en mon cabinet le Professeur Franchimont et le Professeur Traes qui m'ont remis un avant-projet considérable réalisé par la commission, comprenant 245 pages. Entre-temps, j'ai pu lire l'exposé des motifs et les articles et je reconnais qu'il s'agit d'un travail impressionnant.
Même si mes propos n'ont pas été correctement repris par le journal De Morgen, la réaction m'a plu. Nous disposons maintenant d'un travail assez étoffé.
La lettre d'accompagnement qui m'a été remise par le Professeur Franchimont précise que 90 % du travail aurait été effectué mais vous savez que les juristes ne sont pas très forts en mathématiques. En réalité, ce pourcentage est trop élevé ; selon le Professeur lui-même, il faudra encore deux ans, voire quatre, pour que le travail soit terminé.
Lors de cette réunion, je lui ai dit que je lirais ce qu'il avait écrit - l'honnêteté intellectuelle l'exige - et que je prendrais ensuite une décision en âme et conscience. Il va de soi que je répondrai d'abord au Professeur Franchimont et à son équipe, probablement dans les prochaines semaines. Je veux aboutir à une réforme intégrale de la procédure pénale et réaliser dans les plus brefs délais possibles les distances prises en considération sur les quatre points que je viens d'énumérer. Une décision sera prise très rapidement à cet égard et je ne manquerai pas de la communiquer d'abord, par souci de politesse, au Professeur Franchimont et, ensuite, à la Chambre et au Sénat.
En ce qui concerne l'évaluation, un certain nombre de rapports ont déjà été présentés en commission de la Justice de la Chambre. Je me suis également engagé à ce que nous puissions avoir un entretien avec M. Liégeois qui a été chargé par le Collège des procureurs généraux de réaliser une évaluation. Celle-ci est déjà faite en grande partie et les bottlenecks que l'on craignait tant au début de la procédure ne se sont pas produits. En regard des éléments dont nous disposons, j'ai même l'impression que les travaux relatifs à cette nouvelle loi peuvent être considérés comme positifs, ce qui ne veut pas dire que certains changements ne seront pas nécessaires.
Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Je remercie monsieur le ministre. Si M. Liégeois a l'occasion de venir au Parlement, je souhaiterais que ce soit au Sénat. Puisque c'est le Sénat qui évalue les lois, je voudrais que sa commission de la Justice en soit saisie par priorité.
J'ai pris bonne note du fait que le ministre écrira au Professeur Franchimont. Je souhaite en tout cas que ce travail soit terminé en fin de législature. Un délai de deux à quatre ans peut paraître long aux yeux de certains mais, quand on vient de 1908, cela n'est pas aussi long que cela.
- L'incident est clos.