2-263/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

29 FÉVRIER 2000


Projet de loi exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR MMES VAN RIET ET WILLAME-BOONEN


La commission a discuté le projet de loi qui vous est soumis les 18 janvier et 3, 15 et 29 février 2000.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

L'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions prévoit que l'État doit allouer un crédit aux communautés pour couvrir le financement de l'enseignement universitaire qui est dispensé aux étudiants étrangers.

Cette disposition s'explique par le fait que l'adhésion de la Belgique, par une décision de l'État, aux institutions de l'Union européenne, oblige les communautés à considérer les étudiants étrangers comme des étudiants à financer. Divers arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ont d'ailleurs rappelé cette obligation à la Belgique. Il convient donc que l'autorité fédérale alloue aux communautés les moyens d'assumer cette obligation qui leur incombe.

Depuis 1988, le nombre d'étudiants étrangers européens a augmenté de manière sensible. Il s'agit d'une augmentation d'environ 80 %. Simultanément, la répartition de ces étudiants entre la Communauté flamande et la Communauté française a été modifiée. À l'heure actuelle, les deux tiers des étudiants étrangers européens sont inscrits dans des établissements d'enseignement dépendant de la Communauté française et un tiers de ceux-ci sont inscrits dans des établissements dépendant de la Communauté flamande.

Le présent projet de loi a pour objectif de tenir compte des changements qui se sont opérés et a pour effet, d'une part, d'augmenter le montant global qui est alloué aux communautés et, d'autre part, de fixer une nouvelle clé de répartition de ce montant pour tenir compte de la répartition des étudiants sur le modèle 1/3-2/3.

Très concrètement, pour l'année 1999, l'État a versé 1,47 milliard de francs à la Communauté française et 367,1 millions de francs à la Communauté flamande ­ la clé de répartition était de 80 % pour la Communauté française et de 20 % pour la Communauté flamande.

Le projet de loi a pour effet d'allouer 2,265 milliards de francs à la Communauté française et 1,115 milliard à la Communauté flamande. L'augmentation de la dotation est de 795,1 millions pour la Communauté française et de 748,1 millions pour la Communauté flamande.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un commissaire signale que d'après l'avis du Conseil d'État, le projet de loi tend à arrêter une réglementation qui s'appliquera pendant plusieurs années. Dans ce cas, estime le Conseil, l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 doit être modifié, car la loi en projet ne l'exécute pas. Seule l'exécution pure et simple de l'article 62 pourrait justifier une intervention du législateur par loi ordinaire. Dans ce cas, la réglementation arrêtée devrait toutefois être inscrite dans un article de la loi fixant le budget pour l'année 2000 et ne serait valable que pour un an.

Les modifications que le projet de loi veut apporter nécessitent donc une loi adoptée à la majorité spéciale. Cela signifie que la loi doit être adoptée à la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique et que le total des votes positifs émis doit atteindre les deux tiers des suffrages exprimés. La base du financement des communautés ne peut être modifiée par une loi ordinaire. Les régions et les communautés ont droit à une certaine stabilité de leur financement.

Le gouvernement passe outre à l'avis du Conseil d'État. Dans le passé, pourtant, les gouvernements ont donné suite aux avis du Conseil lorsque celui-ci plaidait pour l'inscription d'une réglementation déterminée dans une loi spéciale. Ne pas tenir compte d'une observation aussi fondamentale constituerait un précédent grave. Il ne faut pas toucher à la légère aux équilibres subtils entre les institutions.

La seule solution acceptable consiste, pour le gouvernement, à retirer le projet de loi en discussion.

Un autre membre considère le présent projet comme une astuce que le gouvernement a dû trouver pour arriver aux 2,5 milliards de francs promis à la Communauté française. Pour arriver à cet accord, le gouvernement a rompu avec le principe fondamental inscrit dans la loi spéciale de financement, à savoir qu'un enfant égale un enfant. D'autre part, ce projet ignore totalement l'année 1999. Enfin, on comptabilise le nombre d'élèves selon une autre méthode que celle qu'on avait élaborée dans la loi de financement en 1989.

L'orateur estime que l'avis du Conseil d'État est extrêmement clair. Le Conseil d'État déclare notamment que « l'avant-projet de loi examiné ne se contente pas d'exécuter l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 mais y déroge ». La réponse du gouvernement est totalement insuffisante à cet égard. Pour modifier les montants de base, il y a lieu de modifier la loi de financement à la majorité spéciale et non à la majorité ordinaire.

Il apparaît en outre qu'en fait, il y a une divergence d'interprétation de l'accord entre Flamands et francophones au sein de la majorité. C'est exactement comme pour les additionnels et les soustractionnels à l'impôt des personnes physiques. Le ministre des Finances avait déclaré initialement qu'il ne s'agissait pas de modifier l'échelle de progressivité de l'impôt, mais simplement d'ajouter un additionnel ou un soustractionnel comme cela se fait au niveau communal. Il déclarait même qu'il saisirait la Cour d'arbitrage s'il en était autrement. On s'est rendu compte par la suite que les néerlandophones au sein du gouvernement fédéral avaient une autre interprétation. Il semble qu'en l'espèce existe également, entre les deux rôles linguistiques de la majorité, une divergence d'interprétation de l'accord concernant le calcul de dotations à transférer pour les étudiants étrangers. Les francophones estiment que les montants prévus à l'article 2 en projet sont des montants de base à partir desquels on calculera l'indexation, tandis que, du côté flamand, certains pensent que ces montants sont limités à l'année 2000. L'opposition flamande pourrait demander à la Cour d'arbitrage d'annuler cette disposition en s'appuyant simplement sur l'avis du Conseil d'État.

Les chambres réunies du Conseil d'État ont conclu à une interprétation claire de l'article 62 de la loi spéciale de financement. Cette interprétation est cependant différente de celle affichée par le gouvernement. C'est inquiétant parce que ça donnerait une base pour une demande en annulation devant la Cour d'arbitrage. En tout cas, cela permettrait à certains de faire en sorte qu'à partir de 2001, les francophones soient à nouveau demandeurs d'un accord. On rouvrira la discussion non seulement sur le financement des étudiants étrangers mais également sur l'autonomie fiscale ou même, comme le demandent certains, la scission de la sécurité sociale. Cet accord est donc dangereux sur le plan politique.

Le gouvernement détermine à l'article 2 certains montants qui sont ajoutés à ceux prévus à l'article 62 de la loi spéciale. Sur quels chiffres le gouvernement s'est-il basé pour déterminer ces montants ? La proportion entre les moyens transférés est très différente de la proportion entre les montants inscrits dans la loi spéciale de financement en 1989. Les montants inscrits dans la loi sont respectivement de 1 200 millions pour la Communauté française et de 300 millions pour la Communauté flamande, soit un rapport de 4 à 1. Il convient de rappeler que ces deux montants, même s'ils apparaissent assez fortement disproportionnés, ne constituent en aucune manière un cadeau pour la Communauté française. Lorsqu'on a déterminé les montants à transférer aux communautés via la masse TVA, on a d'abord déterminé le coût de l'enseignement pour les deux communautés. Puis on en a déduit les montants inscrits dans l'article 62, pour ajouter ces deux montants, l'un à la Communauté française, l'autre à la Communauté flamande.

Quant aux montants inscrits à l'article 2 du projet, à savoir 2 265,6 millions de francs pour la Communauté française et 1 115,9 millions de francs pour la Communauté flamande, ils se situent dans un rapport de 2 à 1. Le membre s'interroge sur la réalité de l'évolution dans une proportion aussi importante du nombre étudiants étrangers inscrits dans les universités de la Communauté flamande, d'une part, et dans celle de la Communauté française, d'autre part. Sur quels chiffres le gouvernement s'est-il appuyé ?

Le membre se demande en outre pourquoi le gouvernement ne tient compte que des étudiants étrangers de l'Union européenne, en oubliant les autres étudiants étrangers qui fréquentent nos universités et qui devraient également être pris en considération.

On a l'impression que ce projet de loi est ajouté au projet de loi fixant les critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, pour compenser ce que les ministres francophones n'avaient pas pu obtenir par l'exécution correcte de l'article 39, § 2. Ce qu'ils ont obtenu, risque de n'être qu'une duperie. Les francophones risquent de devoir renégocier ce montant dans les années à venir.

L'intervenant suivant signale que le projet en discussion est étroitement lié au projet de loi fixant les critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. Ces deux projets forment un tout.

Le premier ministre a toujours soutenu que le financement de l'enseignement constitue un dossier purement technique. Il s'agirait simplement de l'exécution d'un article spécifique de la loi spéciale. Or, il s'avère qu'on n'a pas affaire à un dossier technique. Plusieurs problèmes sont en effet regroupés. Au début de la discussion sur la répartition des fonds destinés à l'enseignement, il n'était pas question de l'exécution de l'article 62 de la loi spéciale. Mais lorsqu'il s'avéra que la Communauté française ne recevrait, sur la base des critères définis à l'article 39, § 2, de la loi spéciale, que 1,8 milliard de francs, il a fallu concocter une autre solution. Les ministres francophones exigeaient en effet au moins 2,4 milliards pour l'enseignement francophone. La question de savoir suivant quels critères cette somme serait octroyée revêtait une importance secondaire. C'est alors qu'a surgi l'idée de combler le déficit par les subventions en faveur des étudiants étrangers. Le résultat en est que la Communauté française perçoit désormais même plus que les 2,4 milliards de francs souhaités et que de surcroît, la Communauté flamande se voit, elle aussi, attribuer des moyens supplémentaires. En résumé, un cas typique de fédéralisme de consommation. Le projet de loi n'est donc absolument pas un projet technique, il s'agit au contraire d'un dossier purement politique.

D'autres intervenants ont déjà évoqué les observations du Conseil d'État. Cette réglementation ne peut pas être mise en place par une loi ordinaire. En effet, elle n'exécute pas l'article 62 de la loi spéciale de financement, elle la modifie. S'en tenir à une réglementation instituée par une loi ordinaire crée un précédent dangereux.

Le projet de loi relève les crédits en faveur des étudiants étrangers de 1,2 milliard à 2,265 milliards de francs pour la Communauté française et de 300 millions à 1,115 milliard de francs pour la Communauté flamande. Sur la base de quels critères procède-t-on à ce relèvement ? A-t-on recensé les étudiants étrangers qui fréquentent nos universités ? Le projet de loi fixant les critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale de financement élabore un système ingénieux de comptage des élèves, mais le projet de loi en discussion ne souffle mot d'un comptage.

En outre, cette solution n'est que provisoire. Le projet de loi majore les montants de base. Toutefois, le nombre des étudiants étrangers continuera d'évoluer, si bien que dans un proche avenir, les montants légaux seront à nouveau dépassés et qu'une nouvelle intervention du législateur s'imposera.

Un sénateur se rallie à l'observation du Conseil d'État selon laquelle la réglementation en question doit prendre la forme d'une loi spéciale, car cette réglementation touche aux relations entre l'État et les communautés et peut même mettre en péril la loyauté fédérale.

De plus, on a créé, par la Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel (CIIRI), un organe qui est appelé à se pencher sur les relations entre l'État, les régions et les communautés. Il est tout à fait singulier que les projets de loi en discussion nºs 2-262/1 et 2-263/1 règlent à la hâte un élément aussi crucial du financement des communautés, alors que la CIIRI doit réfléchir sur une adaptation fondamentale dudit financement.

Aussi serait-il judicieux d'essayer d'oublier les projets de loi en attendant les discussions au sein de la CIIRI.

Le dispositif en projet suppose une modification du rapport entre le crédit alloué à la Communauté flamande et celui alloué à la Communauté française. Une fois adapté, ce rapport sera plus fidèle à la réalité que celui prévu encore aujourd'hui à l'article 62 de la loi spéciale de financement, mais cette adaptation entraînera de facto un transfert nouveau. Les crédits qui seront alloués par l'autorité fédérale proviennent en effet de manière inégale des deux communautés. Les partis néerlandophones devraient dès lors bien se garder de tout triomphalisme à propos de « l'amélioration » du rapport. Ce volet de l'accord de la Saint-Éloi est tout sauf une victoire pour la Flandre.

Un membre réplique que les travaux de la CIIRI n'empêchent en rien que le gouvernement prenne d'ores et déjà des initiatives relatives à la loi de financement.

Un débat sur le financement de l'État, des régions et des communautés n'est pas sans rapport avec la politique qui est menée individuellement par ces diverses autorités. La politique de l'enseignement est définie par les communautés mais a aussi des répercussions sur l'État. Il convient de ne jamais perdre de vue la cohérence de l'exercice des compétences au sein d'un État fédéral. Une meilleure formation entraîne sans doute une diminution du chômage et influe donc aussi sur le budget de l'autorité fédérale. L'intervenant estime que la volonté d'évaluer le lien entre le financement des entités fédérées et le produit national brut est présente dans les deux communautés. Il s'agit néanmoins d'un débat fondamental qui doit être mené au sein de la CIIRI.

Le projet de loi à l'examen vise cependant à apporter une réponse à un problème concret, qui appelle une solution urgente à cause, surtout, de l'inertie du gouvernement précédent. Ceux qui insistent aujourd'hui sur le respect des dispositions de la loi spéciale ne doivent pas oublier que cette même loi spéciale imposait au gouvernement précédent d'élaborer une réglementation en 1999. C'est l'inaction de celui-ci qui constitue le fondement politique du projet de loi à l'examen.

Le groupe politique auquel le membre appartient soutient le projet de loi et espère aussi qu'il ne s'agira pas de la dernière modification de l'article 62. Ne faudrait-il pas, en effet, tenir compte, pour le calcul des montants, des étudiants étrangers qui sont inscrits dans l'enseignement supérieur non universitaire ? Ce projet de loi n'est dès lors qu'une étape dans l'amélioration du financement des communautés. Celle-ci ne se fait toutefois pas aux dépens de l'État, mais dans un climat de concertation entre celui-ci et les communautés. On sait en effet que toute décision en matière de financement de l'enseignement a des répercussions pour l'État.

Un intervenant précédent fait remarquer qu'il est quasi impossible pour tout gouvernement de conclure un accord à caractère communautaire quelques mois avant les élections. Tout le monde était cependant conscient que le dossier serait l'un des volets des négociations en vue de la formation d'un gouvernement après les élections législatives du 13 juin 1999, quels que fussent les partis qui allaient prendre part aux négociations. La solution proposée aujourd'hui ne prévoit cependant pas de réglementation pour 1999, même si l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 prescrit expressément d'adapter la clé de répartition à partir de l'année budgétaire 1999.

Un membre souligne que les remarques critiques formulées par le Conseil d'État se fondent sur une analyse des diverses parties de l'article 62 de la loi spéciale de financement. Le Conseil n'aborde cependant pas à proprement parler l'article 62, § 3, alinéa 1er , dans son analyse. Or, c'est précisément cette disposition qui constitue le fondement de l'action du gouvernement. Dès lors, les observations du Conseil d'État ne portent pas sur la principale considération juridique servant de base au présent projet de loi.

Un membre ne partage pas ce raisonnement. L'article 2 en projet ne prévoit pas une réglementation pour l'année budgétaire 2000, mais une réglementation qui sera valable à partir de cette année budgétaire et le restera par conséquent pour plusieurs années budgétaires. Le fait de fixer les montants pour plusieurs années constitue, comme le fait remarquer à juste titre le Conseil d'État, une modification de l'article 62 de la loi spéciale.

Un membre fait observer que le gouvernement précédent avait mis au point une réglementation provisoire pour l'année budgétaire 1999. Cela n'était que temporaire. Dès que l'on aurait élaboré une réglementation définitive, on l'aurait appliquée avec effet rétroactif, y compris pour l'année 1999. Il n'était effectivement pas indiqué d'élaborer une réglementation dès 1999. Le mode de financement de l'enseignement doit en effet faire partie d'une réforme institutionnelle beaucoup plus vaste.

Le ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique déclare que les montants prévus à l'article 62, § 1er , de la loi spéciale du 16 janvier 1989 peuvent être augmentés conformément au § 3, alinéa 1er , de ce même article. Aux termes de l'article 62, § 3, alinéa 2, une concertation préalable doit avoir lieu entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de communauté sur le projet de loi fixant les crédits visés au § 1er . L'article 62, § 3, alinéa 1er , confère par conséquent une compétence générale pour augmenter les montants prévus en 1989. L'habilitation a été formulée en termes généraux et n'est pas limitée à une loi budgétaire.

L'article 62, § 3, alinéa 1er , de la loi spéciale prévoit que les montants peuvent être augmentés, en particulier pour tenir compte des conséquences financières éventuelles sur les communautés de décisions prises par l'autorité fédérale dans l'exercice de ses compétences propres.

Les chiffres concernant le nombre d'étudiants étrangers viennent du Comité de concertation. Ces chiffres ne font l'objet d'aucune polémique. Il y a consensus sur la matière entre les communautés et l'État fédéral.

Le projet du gouvernement ne vide en aucun cas la concertation de son sens. Elle se poursuivra comme l'impose l'article 62, § 3, alinéa 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989. Les montants inscrits dans le présent projet de loi ont déjà fait l'objet d'une concertation, même d'un accord au sein du Comité de concertation. On peut également garantir qu'à partir de l'année budgétaire 2001, cette concertation aura lieu comme dans le passé.

Un membre émet des doutes quant à la déclaration du ministre suivant laquelle la loi en projet serait fondée sur l'article 62, § 3, alinéa 1er . Selon cet article, les montants peuvent être majorés pour tenir compte des conséquences des décisions prises par l'autorité fédérale dans l'exercice de ses compétences propres. Ni l'exposé des motifs, ni l'exposé introductif du ministre n'indiquent quelles décisions l'autorité fédérale aurait prises, qui nécessiteraient l'adaptation des montants visés au § 2 du même article.

De plus, le ministre confirme la présomption selon laquelle les montants mentionnés dans la loi en projet ont été fixés de manière arbitraire. Ils sont en effet purement le résultat d'un accord au sein du Comité de concertation et ne sont donc pas basés, par exemple, sur un quelconque comptage. Dès lors, l'article 62 est modifié dans le seul but de combler l'écart entre le montant de 1,8 milliard que le projet de loi 2-262/1 octroie à la Communauté française et les 2,4 milliards que cette communauté réclame. Le gouvernement majore substantiellement les montants mentionnés à l'article 62, mais est incapable de fournir un mode de calcul concret pour cette majoration.

Un autre membre fait remarquer qu'une nouvelle concertation aura lieu chaque année à partir de 2001 sur le montant visé à l'article 62, § 1er . Cette concertation pourrait-elle aboutir à une diminution des montants repris dans le présent projet de loi ordinaire ? La réponse du ministre sera-t-elle celle de l'ensemble du gouvernement, y compris des ministres néerlandophones ?

Un sénateur suppose que les montants ont été calculés sur la base de chiffres communiqués par le Vlaamse Interuniversitaire Raad (VLR) et le Conseil interuniversitaire francophone. Il demande que l'on mette ces chiffres à la disposition de la commission.

Le ministre dément l'affirmation selon laquelle le Comité de concertation aurait élaboré une solution purement politique. L'article 62, § 3, alinéa 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 prévoit expressément que la majoration des montants doit faire l'objet d'une concertation entre les gouvernements. Le gouvernement a respecté cette disposition en organisant la concertation au sein du Comité de concertation. Telle est, incontestablement, la base légale, et donc juridique, sur laquelle repose la fixation des crédits.

Qui plus est, le principe de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne oblige les communautés à considérer les étudiants étrangers des pays de l'Union comme susceptibles d'être financés, au même titre que les étudiants belges. Cette obligation a cependant un impact budgétaire important pour les communautés. Le projet adapte les montants en fonction de cette évolution. Les deux communautés concernées ont approuvé l'adaptation.

Le projet de loi fixe de nouveaux montants. Ces montants seront adaptés au taux de fluctuation de l'indice moyen des prix à la consommation selon les modalités fixées par l'article 13, § 2, de la loi spéciale. Une augmentation au-delà de l'indexation doit faire l'objet d'une concertation entre l'État fédéral et les communautés. C'est la procédure qui a été suivie jusqu'à présent.

Un membre regrette que les montants ne soient pas inscrits dans une loi spéciale. L'inscription des montants dans une loi ordinaire les rend précaires. Ils pourront facilement être remis en question, ce qui fera que les francophones seront à nouveau demandeurs d'une augmentation.

Le ministre déclare qu'il n'a pas l'intention de procéder à un arbitrage entre les deux communautés. On cherchera cependant l'intérêt général.

Quant aux appréciations de la base juridique, il y a deux interprétations distinctes. Aucun argument ne permet toutefois de juger que l'interprétation du gouvernement est à ce point inacceptable.

À la demande d'un membre, le ministre confirme que le projet de loi a été approuvé par les deux gouvernements de communauté concernés.

Un commissaire souligne que compte tenu des dispositions de la loi spéciale, la loi exécutant l'article 62 de la loi spéciale ne produira ses effets que pendant un an. Cela implique qu'une nouvelle loi devra être votée pour l'année budgétaire 2001.

Un autre commissaire voit dans cette déclaration une confirmation de sa thèse selon laquelle l'accord prévu par le projet de loi en discussion est précaire et mènera inévitablement à de nouvelles négociations.

Un membre tient à préciser que les déclarations des deux intervenants précédents se basent sur une interprétation strictement personnelle, à laquelle la majorité des commissaires ne se rallie pas.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement visant à modifier l'intitulé (doc. Sénat, nº 2-263/2, amendement nº 1).

L'auteur principal déclare qu'il ressort sans la moindre équivoque de l'avis du Conseil d'État que la réglementation projetée doit être inscrite dans une loi spéciale. C'est pourquoi cet amendement propose de modifier l'intitulé.

L'amendement nº 1 est rejeté par 7 voix contre 3.

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux déposent eux aussi, dans le même but, un amendement visant à modifier l'intitulé (doc. Sénat, nº 2-263/2, amendement nº 2). Inscrire l'accord intervenu dans une loi ordinaire permet de modifier aisément les montants, selon l'un des auteurs de l'amendement. Il faudra de nouvelles négociations, au cours desquelles les francophones seront une fois de plus demandeurs. C'est notamment pour cette raison qu'il s'impose d'adopter le texte sous forme d'une loi spéciale, de sorte que l'on puisse moins facilement essayer d'oublier l'accord.

Le ministre renvoie aux déclarations qu'il a faites au cours de la discussion générale.

L'amendement nº 2 est rejeté par 7 voix contre 3.

Article 1er

L'article est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 2

MM. Caluwé et Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement visant à compléter l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions par un § 5 (doc. Sénat, nº 2-263-/2, amendement nº 3).

L'auteur principal de l'amendement souligne que la loi spéciale du 16 janvier 1989 existe depuis déjà plus de dix ans. En 1989, un certain nombre de mécanismes de financement spécifiques ont été mis au point pour quelques problèmes particuliers. L'un d'eux concerne la fixation des crédits nécessaires au financement des étudiants étrangers. En soi, il n'y a pas d'objection essentielle au maintien de ces mécanismes particuliers. Si par contre on estime nécessaire de les adapter, il semblerait logique de les remplacer par les mécanismes de financement généraux. Cela signifie, soit qu'on reconnaît aux communautés un pouvoir fiscal propre, soit qu'on leur attribue une partie des recettes fiscales fédérales. L'on opte toutefois à nouveau, dans le projet de loi, pour une technique particulière. On octroie un crédit spécial aux communautés, spécifiquement pour financer l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers. De plus, on ne justifie pas la fixation du montant de ces crédits. Il n'y a pas de données chiffrées disponibles concernant les étudiants étrangers inscrits aux universités de la Communauté française et de la Communauté flamande, ce qui corrobore le soupçon que le projet de loi ne sert qu'à mettre en oeuvre un accord politique.

Au fond, on attribue aux communautés un crédit supplémentaire de 2 milliards de francs, réparti de manière à peu près égale entre les deux communautés concernées. L'article 62 de la loi spéciale ne sert que de prétexte utile permettant de donner à cet octroi de crédits une base un tant soit peu légale.

L'amendement vise à supprimer la technique de financement particulière pour l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers. Le crédit considéré doit être alloué selon les mécanismes de financement généraux.

Le ministre renvoie aux déclarations qu'il a faites au cours de la discussion générale.

L'amendement nº 3 est rejeté par 8 voix contre 2.

Mme Willame-Boonen et M. Barbeaux déposent un amendement visant à modifier l'article 62, § 1er , de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions (doc. Sénat, nº 2-263/2, amendement nº 4).

Un des auteurs de l'amendement déclare qu'en 1989, les montants inscrits dans l'article 62 de la loi spéciale étaient déterminés par le nombre des étudiants étrangers. Il s'agissait d'un rapport de 4 à 1. On ne comprend pas pourquoi ce rapport doit être modifié maintenant. On ne dispose d'aucun chiffre justifiant le passage du rapport de 4 à 1 vers un rapport de 2 à 1 comme le gouvernement le propose dans le présent projet de loi. Il semble de toute façon étonnant que la proportion ait changé dans une mesure aussi importante.

L'amendement nº 4, A, vise à maintenir, à enveloppe budgétaire constante par rapport au projet de loi, le rapport de 4 à 1, à savoir 2 625,2 millions de francs pour la Communauté française et 656,3 millions de francs pour la Communauté flamande.

Le ministre rappelle que les chiffres ont fait l'objet d'un accord en Comité de concertation.

Le dépositaire de l'amendement explique que les points B et C de l'amendement nº 4 sont la suite logique du point A du même amendement.

Les points A, B et C de l'amendement nº 4 sont rejetés par 9 voix contre 1.

L'article 2 est adopté par 7 voix contre 3.

VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble du projet de loi est adopté par 7 voix contre 3.

La commission décide de remplacer, dans le texte néerlandais de l'article premier, les mots « een materie bedoeld » par les mots « een aangelegenheid als bedoeld » .

Dans l'article 2, alinéa 1er , les mots « À partir de 2000 » sont remplacés par les mots « À partir de l'année budgétaire 2000 ».

De plus, les corrections de texte suivantes sont apportées au deuxième alinéa de cet article :

­ Dans le texte néerlandais, les mots « zullen de bedragen vermeld in het vorige lid aangepast worden » sont remplacés par les mots « worden de bedragen vermeld in het vorige lid aangepast » .

­ Dans le texte néerlandais, les mots « de schommelingskoers van de gemiddelde index » sont remplacés par les mots « de procentuele verandering van het gemiddelde indexcijfer » . C'est cette formule qui est utilisée également à l'article 62, § 2, de la loi spéciale de financement.

­ Dans le texte néerlandais, les mots « volgens de modaliteiten » sont remplacés par les mots « op de wijze » .

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Les rapporteuses,
Iris VAN RIET.
Magdeleine WILLAME-BOONEN.
Le président,
Armand DE DECKER.