2-308/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

9 FÉVRIER 2000


Projet de loi modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME KAÇAR ET M. ISTASSE


SOMMAIRE


  1. Procédure
  2. Exposé introductif du ministre de la Justice
  3. Discussion générale
    1. Premier tour de table
      1. Questions et observations
      2. Réponses du ministre de la Justice
    2. Deuxième tour de table
      1. Questions et observations
      2. Réponses du ministre de la Justice
  4. Discussion des articles
  5. Vote sur l'ensemble

I. PROCÉDURE

Le 20 janvier 2000, la Chambre des représentants a adopté le présent projet de loi qui relève de la procédure facultativement bicamérale (article 78 de la Constitution) et ce, par 84 voix contre 42 et 9 abstentions (Annales de la Chambre, 20 janvier 2000). Parallèlement à ce projet de loi, la Chambre a adopté, le même jour, par 85 voix contre 43 et 8 abstentions, un deuxième projet de loi réglant une matière visée à l'article 77 de la Constitution (1). Ces deux projets concrétisent ensemble la simplification, voulue par le gouvernement, des procédures d'acquisition de la nationalité belge.

Dès lors que le gouvernement avait, en application de l'article 80 de la Constitution, invoqué le bénéfice de l'urgence pour le projet relevant de la procédure bicamérale optionnelle, la Commission parlementaire de concertation a fixé la date limite d'évocation au 26 janvier 2000 et réduit le délai d'examen à 25 jours (doc. Sénat, nºs 2-82/4 et 2-308/1).

Le projet ayant été évoqué le 26 janvier 2000 à la demande de 21 sénateurs, le délai d'examen arrivera à expiration le 21 février 2000 (cf. Bulletin du greffe, nº 19 du 26 janvier 2000).

Après avoir été évoqué, le présent projet de loi a été transmis à la commission de la Justice qui l'a examiné conjointement avec le projet soumis à la procédure obligatoirement bicamérale, les 2 et 9 février 2000 en présence du ministre de la Justice.

Comme le centre de gravité de la réforme proposée est contenu dans le projet soumis à la procédure facultativement bicamérale, l'exposé du ministre et la discussion générale des deux projets sont réunis dans le présent rapport.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MINISTRE DE LA JUSTICE

Le projet de loi modifiant la nationalité belge s'inscrit entièrement dans la nouvelle vision de la société qui émane de l'accord gouvernemental du 7 juillet 1999; une vision qui accentue l'attitude positive de tous et où l'on ne corrige que ceux qui font un mauvais usage de ces attentes positives. Le gouvernement estime que la jeunesse de l'an 2000 évolue vers une atmosphère de citoyenneté mondiale et qu'elle considère la diversité de cultures comme une plus-value dans la société.

Il me semble nécessaire de citer littéralement le passage de l'accord gouvernemental, dont le projet de loi présent est l'émanation, afin de pouvoir démontrer que ce projet cadre parfaitement dans cet accord gouvernemental et que les diverses dispositions dudit projet de loi forment un tout équilibré.

Le ministre cite : « La Belgique doit être une société ouverte et tolérante. Ceux qui y résident, doivent se conformer aux lois et règlements en vigueur. L'insertion dans la société doit être le point de départ de l'intégration. De même, toute forme de racisme, d'intolérance et de discriminations doit être combattue résolument.

Le gouvernement estime que l'acquisition de la nationalité belge est un facteur d'intégration important dans notre société. Afin de favoriser cette intégration, des modifications importantes seront apportées au code de la nationalité belge.

En particulier, la procédure de la nationalité belge par voie de naturalisation sera alignée sur la procédure de déclaration de la nationalité. Plus précisément, la demande de naturalisation sera gratuite et contiendra l'engagement du demandeur de respecter la Constitution et les lois du peuple belge ainsi que la Convention universelle des droits de l'homme et des libertés fondamentales et exprimera la volonté d'intégration. En outre, les dispositions de l'article 15 du Code de la nationalité belge seront revues dans le but de supprimer le questionnaire.

En outre, l'arrêté royal du 13 décembre 1995 relatif aux documents à fournir par le demandeur sera modifié comme suit : « 1º acte de naissance du demandeur ou document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires du pays d'origine. En cas d'impossibilité ou de difficultés sérieuses à se procurer cet ace, il peut être remplacé par un acte de notoriété visé aux articles 71 et 72 du Code civil ».

De plus, le rôle du parquet sera redéfini. Ainsi, le parquet se prononcera dans un délai d'un mois sur l'existence éventuelle des faits personnels graves dans le chef du demandeur. Ce n'est que si cet avis est négatif que le dossier sera transmis à la Chambre des représentants pour décision. Dans le même esprit, le ministre de la Justice enverra aux parquets une circulaire afin de combattre les demandes de naturalisation qui visent un but criminel.

La déclaration de nationalité elle-même sera simplifiée en réduisant le délai d'avis du parquet à un mois et en assouplissant les conditions d'âge.

Le gouvernement introduira au Parlement les projets concernés immédiatement après les vacances d'été. Le gouvernement évaluera la nouvelle réglementation un an après son entrée en vigueur. »

Les objectifs principaux du projet de loi sont les suivants :

1. Le projet de loi vise essentiellement à modifier le Code de la nationalité belge en ce qui concerne la procédure de déclaration de nationalité (article 12bis ) et la procédure de naturalisation (article 19) tout en respectant les articles 8 et 9 de la Constitution d'où il ressort que la déclaration de nationalité confère un droit subjectif à acquérir la nationalité belge, alors que la naturalisation constitue une faveur que la Chambre accorde ou refuse en dernier recours.

Dans son arrêt nº 75/98 du 24 juin 1998, la Cour d'arbitrage le posait comme suit :

« Le constituant, en ne laissant pas à une autorité administrative la faculté d'accorder la naturalisation, mais en réservant cette faculté à un pouvoir législatif compétent des assemblés élues, alors qu'il est exceptionnel qu'une autre décision purement individuelle relève d'une telle autorité, a entendu marquer qu'il maintenait la conception traditionnelle selon laquelle l'obtention de la nationalité belge par la voie de la naturalisation n'est pas un droit mais résulte de l'exercice d'un pouvoir souverain d'appréciation. »

Il a également été tenu compte des avis du Conseil d'État du 8 octobre et du 10 novembre 1999, avis selon lesquels il faut prévoir des conditions d'accès différents pour la déclaration de nationalité et la naturalisation; cela a été fait en tenant compte de la cohérence du Code de nationalité belge, qui veut que la procédure se simplifie à mesure que les attaches avec la Belgique sont plus fortes.

Les deux procédures sont sensiblement modifiées afin de faciliter l'accès à ces procédures.

La procédure de déclaration de nationalité sera désormais ouverte aux étrangers ayant atteint l'âge de 18 ans (actuellement entre 18 et 30 ans) et remplissant une des conditions suivantes :

­ soit être né en Belgique et y avoir fixé sa résidence principale depuis la naissance : on reprend les conditions de l'article 12bis actuel, mais en barrant la condition de 30 ans beaucoup plus d'étrangers pourront suivre cette procédure;

­ soit être né à l'étranger d'un auteur au moins qui est Belge au moment de sa déclaration : l'enfant mineur d'un étranger qui devient belge, devient automatiquement belge, donc ici est simplement visé l'enfant majeur d'une personne devenue belge; ce nombre sera très limité sachant que 60 % des naturalisations accordées concernent des personnes qui sont nées après 1960; en plus, la déclaration doit être faite devant le fonctionnaire de l'état civil et ne peut être faite à l'étranger;

­ soit avoir fixé sa résidence principale en Belgique depuis 7 ans au moins et être en possession, au moment de la déclaration, d'un titre de séjour à durée illimitée ou d'une autorisation d'établissement selon les dispositions de la loi du 15 décembre 1980; une résidence principale en Belgique qui ne serait pas couverte par un titre légal de séjour ne pourra donc en aucun cas permettre à l'étranger de faire une déclaration de nationalité; il est évident qu'un séjour illégal ne peut être pris en considération.

La procédure de la naturalisation sera accessible aux étrangers répondant aux conditions suivantes :

­ avoir 18 ans (comme actuellement); et

­ avoir fixé sa résidence principale en Belgique depuis 3 ans (actuellement 5 ans) ou depuis 2 ans pour les réfugiés et les apatrides (actuellement 3 ans); peut être assimilée à la résidence en Belgique, la résidence à l'étranger lorsque le demandeur prouve qu'il a eu, pendant la durée requise, des attaches véritables avec la Belgique (comme actuellement).

2. Outre les mesures visant à faciliter l'accès aux procédures de déclaration de nationalité et de naturalisation, le projet contient également des mesures destinées à accélérer le déroulement de l'ensemble des procédures d'acquisition de la nationalité et à revoir un certain nombre des compétences du parquet.

Le délai imparti au parquet pour rendre son avis est réduit uniformément à un mois (alors qu'il est actuellement de deux mois pour la déclaration de nationalité et de quatre mois pour les procédures de naturalisation et d'option). Le délai dans lequel l'Office des étrangers et le service de Sûreté de l'État doivent rendre leur avis à la Chambre dans le cadre d'une demande de naturalisation est également fixé à un mois (au lieu de quatre mois). Ces deux services devront également être consultés dans le cadre de la déclaration de nationalité; les modalités de consultation des deux instances, notamment en ce qui concerne les délais, seront précisées dans une circulaire ministérielle à publier en application de l'article 24bis du Code de nationalité belge.

Dans le cadre de la procédure d'acquisition de nationalité, le procureur du Roi pourra non seulement émettre un avis négatif en cas d'empêchement résultant de faits personnels graves, propres à la personne, mais aussi lorsque les conditions de base de la procédure ne sont pas remplies.

Dans le cadre de la procédure d'option et dans le cadre de la procédure de naturalisation, le procureur du Roi n'aura plus la possibilité d'émettre un avis négatif s'il estime que la volonté d'intégration du déclarant est insuffisante. Cette volonté est, en quelque sorte, présumée par la déclaration ou par la demande de naturalisation elles-mêmes.

3. La possibilité de remplacer l'acte de naissance par un acte de notoriété est prévue.

En cas d'impossibilité de se procurer un acte de naissance, cet acte peut être remplacé par un document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires du pays de naissance; en cas d'impossibilité de se procurer ce dernier document, l'acte de naissance peut être remplacé par un acte de notoriété (une déclaration de deux témoins devant le juge de paix et homologué par le tribunal de première instance). Si l'intéressé est dans l'impossibilité de se procurer cet acte de notoriété, l'acte peut être remplacé, avec l'autorisation du tribunal, par une déclaration sous serment de l'intéressé lui-même.

La procédure permettant de suppléer à l'acte de naissance en rapportant un acte de notoriété en vue de l'acquisition de la nationalité belge coïncide parfaitement avec la procédure prévue par le Code civil dans le cadre du mariage.

4. La mention manuscrite qui doit précéder, depuis le 1er septembre 1999, la signature du demandeur sur le formulaire de demande de naturalisation est modifiée et inclura désormais une déclaration d'adhésion du demandeur à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Tout comme l'actuelle procédure de déclaration de nationalité, la procédure de naturalisation sera gratuite. Le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, est déjà adapté en ce sens par la loi du 24 décembre 1999 entrée en vigueur le 1er février 2000.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. PREMIER TOUR DE TABLE

A. Questions et observations

Un membre soutient au nom de son groupe le présent projet de loi parce qu'il s'inscrit dans la politique équilibrée que le gouvernement entend mener en vue de promouvoir la Belgique comme une société ouverte et tolérante. Comme le ministre l'a précisé, cette politique s'appuie sur trois piliers :

1. intégration des étrangers, ce qui est l'objet du projet à l'examen;

2. politique d'asile réaliste et humaine;

3. lutte contre le racisme et l'intolérance.

L'insertion des étrangers doit être le point de départ de l'intégration. L'intervenant défend l'idée d'une société multiculturelle, faite de l'enrichissement mutuel des différences culturelles.

L'acquisition de la nationalité belge est un élément fondamental en vue de l'intégration des personnes étrangères qui vivent en Belgique depuis longtemps, parfois très longtemps. L'intervenant soutient dès lors les modifications contenues dans le projet de loi dans ses deux aspects : déclaration de nationalité ou demande de naturalisation.

a) Il est équitable de répondre à la preuve d'intérêt marquée en vue d'une intégration en Belgique. La législation peut être un outil d'intégration, ce qui est sans conteste le cas ici.

b) La plupart des personnes concernées ne retourneront jamais dans leur pays d'origine et y sont probablement considérées comme « étrangers ». Cela est particulièrement vrai pour celles qui résident depuis plus de sept ans en Belgique, ce qui justifie amplement la nouvelle procédure de déclaration de nationalité. Sans faire ce geste, la Belgique risque de créer de nombreux « apatrides » de fait, sinon de droit.

c) Sur un plan plus juridique il a été tenu compte des intéressantes observations du Conseil d'État, notamment sur les distinctions à opérer entre la déclaration de nationalité et la demande de naturalisation (doc. Chambre, nº 50-292/1 et 50-293/1, pp. 27-29 et 39-43).

d) L'intervenant se réjouit particulièrement de la disparition des fameux « questionnaires » qui constituaient des violations de la vie privée (voir la modification de l'article 15 du Code de la nationalité belge).

e) Le délai d'un mois que le projet accorde au parquet pour s'opposer ou émettre un avis négatif, est effectivement court. Toutefois, l'intervenant estime que la difficulté ne serait pas différente si l'on accorde deux ou trois mois. Tout est question de volonté et de moyens, principalement à Bruxelles. Pour le reste, à l'heure de l'informatique, le délai raccourci ne devrait pas poser une difficulté insurmontable. En tout cas, l'évaluation de la nouvelle réglementation un an après son entrée en vigueur montrera s'il y a lieu de proroger éventuellement le délai d'un mois.

f) Il est à noter que le parquet doit se prononcer uniquement sur la non-application de la procédure et, d'autre part, sur des faits personnels graves qu'il n'appartient pas au législateur de préciser. Si le parquet ne peut pas vérifier en un mois si les faits sont suffisamment graves, il ne le pourra pas non plus en deux mois.

g) Il convient de rappeler la déclaration faite en commission de la Justice à la Chambre par M. Eerdekens qui y a souligné l'intérêt de pouvoir recueillir l'avis du service de Sûreté de l'État en cas de problème (doc. Chambre, nº 50-292/7, p. 15).

h) En ce qui concerne les demandes de naturalisation, l'intervenant partage l'assouplissement des conditions d'accès, notamment la réduction de la durée de la résidence principale requise en Belgique de cinq ans à trois ans (article 9 du projet).

i) L'orateur reste certes favorable au droit de vote des étrangers sur le plan communal, mais il admet que le projet déposé par le gouvernement et adopté par la Chambre, est tout à fait acceptable.

En guise de conclusion, le membre marque sa satisfaction à l'égard du projet à l'examen qui lui semble d'une simplicité limpide. Les deux voies d'accès à la nationalité belge seront désormais essentiellement :

­ la déclaration de nationalité pour les personnes qui ont leur résidence principale en Belgique depuis au moins sept ans;

­ la demande de naturalisation pour ceux qui résident en Belgique depuis trois ans.

Ce projet constitue dès lors une avancée incontestable pour la Belgique et pour tous ceux qui veulent promouvoir les principes d'humanisme.


Un autre intervenant déclare qu'il plaide depuis des années pour que l'on assouplisse la procédure d'acquisition de la nationalité belge. À ce sujet, il dénonce la confusion créée par certains en commission de la Justice de la Chambre au sujet de la distinction entre les citoyens belges et les étrangers, notamment en ce qui concerne la jouissance des droits sociaux (par exemple, le droit à l'aide du CPAS). Ces droits sont conférés à tous les citoyens, les Belges comme les étrangers, qui détiennent un permis de séjour valable.

L'intervenant se réjouit qu'en ces temps difficiles pour la démocratie, notre pays ait le courage d'adopter une législation progressiste sur l'acquisition de la nationalité. Ce faisant, la Belgique se démarque de l'idéologie d'extrême droite que propagent certains partis démocratiquement élus susceptibles d'assumer des responsabilités gouvernementales, par exemple en Autriche. Si ce scénario devait se réaliser, cela constituerait non seulement une menace pour la démocratie, mais aussi une tache sur l'honneur de l'Europe.

L'intervenant en vient à certains aspects de la réforme proposée.

1. À l'article 2, la loi en projet satisfait à une vieille exigence des allogènes qui éprouvent souvent de grandes difficultés à obtenir un acte de naissance. Un grand nombre des étrangers qui désirent acquérir la nationalité belge sont issus de pays très lointains, où ils résidaient souvent à la campagne. Ils devraient donc entreprendre un voyage long et difficile pour faire légaliser l'extrait de leur acte de naissance. Les dispositions de l'article 2 de la loi en projet instaurent la souplesse nécessaire.

2. L'enquête, effectuée par la police, sur la volonté d'intégration du candidat belge a été critiquée ­ à raison ­ à plusieurs reprises pour son manque d'objectivité. Comment expliquer autrement que la police émette un avis négatif sur un étranger parce qu'il ne parlerait pas la langue et ne ferait pas montre d'un désir d'être intégré, alors que l'intéressé travaille depuis trente ans comme chauffeur de bus pour la société bruxelloise des transports en commun ? Idem pour ce jeune qui a accompli toute sa scolarité en Belgique et dont tous les membres de la famille ont déjà obtenu la naturalisation. Ces exemples sont légion.

Comme de nombreuses associations qui se sont mobilisées pour convaincre la commission des naturalisations que telle ou telle personne était bel et bien intégrée, l'intervenant se réjouit dès lors de la suppression de cette partie de la procédure.

3. Un autre point sur lequel la commission des Naturalisations prête le flanc à la critique est le fait qu'elle motive sa décision rejetant ou ajournant la demande de naturalisation pour absence d'intégration par une formule incompréhensible (par exemple, l'absence de contact avec les pouvoirs publics). En l'absence d'une motivation claire et nette, les intéressés ou les associations qui les assistent en sont actuellement réduits à rechercher la véritable raison du refus par des voies détournées, refus qui s'avère alors fondé essentiellement sur les enquêtes peu objectives de la police et, dans certains cas, sur un avis du service de Sûreté de l'État (par exemple : faits graves, appartenance à une organisation terroriste, etc.). Le projet remédie quelque peu à cette situation en obligeant le procureur du Roi, qui émet un avis négatif sur l'acquisition de la nationalité belge lorsqu'il y a un empêchement résultant de faits personnels graves, de préciser ces faits dans les motifs de son avis (articles 4 et 6 du projet). Une formule passe-partout, comme par exemple l'absence d'intégration, ne suffira dès lors plus.

4. L'intervenant aimerait savoir si les conditions mises par l'article 16 du Code de la nationalité belge à l'obtention de la nationalité belge par le conjoint étranger d'un Belge sont maintenues. Il pose la même question en ce qui concerne la procédure prévue à l'article 11bis du Code pour les enfants de moins de 12 ans.

5. Une autre question est celle de savoir si les diplomates et les agents consulaires, les hommes d'affaires et les étudiants qui sont établis légalement en Belgique peuvent également demander la naturalisation. À propos des étudiants, la commission des Naturalisations a modifié sa jurisprudence en 1996, mais a placé la barre très haut en exigeant un séjour de dix ans. Il est inutile de dire que cela a conduit à des grandes inégalités. Alors qu'avant 1996, les étudiants pouvaient acquérir la naturalisation après avoir résidé pendant cinq ans en Belgique, ils doivent désormais y résider depuis au moins dix ans. Compte tenu du grand nombre de chercheurs étrangers qui travaillent dans les universités belges et dont certains souhaitent obtenir la nationalité belge, la question est de savoir s'ils pourront demander la naturalisation après au moins trois ans de résidence principale en Belgique, sur la base de l'article 19, premier alinéa, proposé, du Code de la nationalité belge.

6. Au point précédent, référence a déjà été faite à la jurisprudence de la commission des Naturalisations de la Chambre des représentants. L'intervenant désire savoir si cette commission maintiendra le cap après la réforme en projet ou si la Chambre définira une nouvelle ligne de conduite.

7. L'intervenant dit comprendre que l'on associe la Sûreté de l'État à la procédure d'avis. Pour ce qui est de l'association de l'Office des étrangers, il est plus sceptique. En effet, l'avis de celui-ci ne concernera que le séjour ou l'établissement de l'étranger concerné en Belgique. Il ne portera donc pas sur des faits personnels graves ni sur des délits pour lesquels le service de Sûreté de l'État et le parquet sont compétents. Comme les communes ont accès aux informations de l'Office des étrangers sur le séjour et l'établissement des étrangers, il est aberrant d'associer cette instance à la procédure d'avis, d'autant plus qu'elle accuse un retard considérable dans le traitement des dossiers.


Une autre intervenante se félicite du dépôt du projet de loi qui améliorera le déroulement des procédures d'acquisition de la nationalité belge. Il permet de franchir un pas qui s'inscrit dans le droit fil d'une évolution qui s'est clairement dessinée ces dernières années et qui a été favorisée notamment par les analyses de la commission des Naturalisations de la Chambre des représentants. Celle-ci a proposé, notamment, de supprimer certains empêchements pour que les étrangers qui le souhaitent puissent obtenir plus facilement la nationalité belge. Le projet est caractéristique de la conception qui règne dans notre société mondialisée, selon laquelle les personnes qui s'établissent durablement dans un pays doivent pouvoir acquérir le plus facilement possible la nationalité de ce pays.

Tout cela revient à donner ainsi un double signal en ce sens, d'une part, que l'autorité du pays d'accueil fait montre d'ouverture et de sa volonté d'évoluer vers une société multiculturelle ­ d'aucuns, ignorant la réalité des faits, continuent cependant à s'y opposer et exigent un renforcement des lois sur la nationalité ­ et, d'autre part, que l'on donne la possibilité aux étrangers qui s'établissent dans un autre pays que le leur de manifester leur volonté d'intégration en adoptant la nationalité de ce pays d'accueil.

L'intervenante cite ensuite plusieurs points du projet de loi pour illustrer l'assouplissement prôné ci-dessus pour ce qui est de l'acquisition de la nationalité.

Tout d'abord, il y a le régime, déjà évoqué par le préopinant, qui est prévu pour les personnes se trouvant dans l'impossibilité de se procurer un acte de naissance. Compte tenu des carences administratives de certains pays, le projet de loi permet ainsi de lever un obstacle insurmontable pour bon nombre de candidats à la naturalisation (article 2 du projet).

En deuxième lieu, il y a l'obligation qui est faite aux demandeurs de la naturalisation, de respecter la CEDH. Cet engagement fait du respect des droits de l'homme dans notre société un critère qui doit être respecté dans la vie quotidienne. C'est pourquoi tous les Belges devraient en fait souscrire à cet engagement.

Enfin, le membre demande au ministre des éclaircissements sur les points suivants.

1. En ce qui concerne l'acquisition de la nationalité belge par la déclaration de nationalité, l'article 12bis , § 1er , proposé, du Code de la nationalité belge supprime la limite d'âge de trente ans (article 4 du projet). Pour quel motif ? Le ministre sait-il combien de personnes pourront ainsi bénéficier de cette forme d'acquisition de la nationalité ?

2. Le délai dans lequel le procureur du Roi peut émettre un avis négatif sur l'acquisition de la nationalité belge est ramené de deux mois à un mois. L'Office des étrangers et le service de Sûreté de l'État doivent être consultés dans le même délai. Durant la discussion du projet de loi en commission de la Justice de la Chambre, on a émis des doutes à plusieurs reprises quant à la faisabilité de ce délai, surtout pour le parquet de Bruxelles qui est proportionnellement confronté au nombre le plus élevé de dossiers en matière de déclaration de nationalité et de naturalisation (doc. Chambre, nº 50-292/7, p. 46). L'intervenant applaudit au raccourcissement du délai d'avis, mais souhaite que le ministre précise quelles mesures concrètes il compte prendre pour veiller à ce que les services concernés respectent le délai d'un mois.

3. En ce qui concerne cet avis, l'intervenante aimerait obtenir du ministre des précisions concernant la déclaration qu'il a faite dans son exposé introductif, comme quoi il enverra une circulaire aux parquets afin qu'ils soient attentifs aux demandes de naturalisation ayant des visées criminelles. L'assouplissement des lois sur la nationalité ne peut en effet aboutir à ce que ces lois puissent être détournées par la criminalité organisée pour sortir de la clandestinité.

4. Enfin, le ministre devrait fournir quelques précisions sur la manière dont le gouvernement compte évaluer la nouvelle législation un an après son entrée en vigueur. Va-t-on dresser un aperçu statistique de la mesure dans laquelle les gens utilisent les diverses manières d'obtenir la nationalité, des problèmes qui se posent au niveau administratif, par exemple en ce qui concerne le délai d'avis d'un mois, etc. ?

Pour conclure, l'intervenante déclare qu'une procédure souple pour l'obtention de la nationalité belge permettra de mieux intégrer les étrangers dans notre société. Toutefois, le simple fait de posséder une carte d'identité belge ne suffit pas. L'on constate surtout dans les grandes villes, que les services administratifs et les policiers ne traitent pas toujours de la même manière les Belges autochtones et leur compatriotes allochtones. Il faut par conséquent avant tout que les services publics continuent à combattre le racisme à tous les niveaux et s'engagent à réaliser une société multiculturelle, humaine. Cela suppose non seulement l'application d'une politique adaptée en matière d'enseignement et d'emploi visant à assurer l'intégration des jeunes allochtones, mais aussi l'attribution du droit de vote aux ressortissants des pays qui n'appartiennent pas à l'Union européenne, du moins pour ce qui est des élections communales.


Une autre intervenante souscrit aux points de vue qui ont été défendus par les préopinants et, en particulier, au point de vue selon lequel l'obtention de la nationalité belge n'est pas en soi une garantie de bonne intégration dans la société.

La loi en projet mérite un large soutien parce qu'elle constitue un pas important vers une société multiculturelle. Elle témoigne d'une attitude positive et tend au développement d'une citoyenneté mondiale.

L'intervenante relève les points suivants :

1. L'on humanise les procédures de naturalisation et de déclaration de nationalité en supprimant l'enquête de police ­ jugée arbitraire par beaucoup ­ dans le cadre de laquelle l'agent de quartier essayait de mesurer la volonté d'intégration du demandeur sur la base des réponses qu'il donnait à des questions qui n'étaient pas toujours très révélatrices.

2. L'assouplissement des procédures présente l'avantage que les immigrés pourront plus facilement participer à la vie publique et exercer des fonctions qui sont actuellement réservées aux ressortissants belges. Cela augementera leur « visibilité » et, partant, leur intégration. À l'heure actuelle, les immigrés sont encore sous-représentés dans les services publics et dans les instances socio-économiques, de sorte que leur voix n'est pas suffisamment entendue.

3. À cet égard, l'intervenante demande que l'on octroie le droit de vote aux élections communales aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne, de sorte qu'il n'y ait pas de discrimination entre les citoyens de l'UE et les non-citoyens de l'UE qui résident chez nous depuis trente ans déjà et sont concernés par les décisions prises au niveau communal.

4. Pour terminer, l'intervenante aimerait que le ministre lui dise :

­ si les étrangers détachés en Belgique et qui y résident pendant cinq ans peuvent également demander la naturalisation en invoquant une résidence principale de trois ans dans notre pays;

­ quelles mesures il prendra pour que les parquets, l'Office des étrangers et le service de Sûreté de l'État respectent le délai d'un mois pour rendre leur avis.

B. Réponses du ministre de la Justice

1. Philosophie du projet de loi

Le ministre constate que, dans son débat, la commission est allée au coeur du problème sans perdre pour autant le sens de la sérénité. À cet égard, le sang-froid et la réserve nécessaires ont parfois fait défaut en commission de la Justice de la Chambre.

Le ministre se rallie aux considérations d'ordre social et philosophique développées par les préopinants, qui se sont associés aux objectifs sur lesquels repose le projet (cf. le chapitre II. ­ Exposé introductif du ministre de la Justice).

À l'instar des rapports interpersonnels qui sont fondés sur la bonne foi des intervenants, le projet de loi se base sur la volonté d'intégration qui est supposée être présente chez les candidats à la nationalité belge. Si l'on se base sur un autre postulat de départ, la vie sociale devient insupportable.

Le ministre se rallie aussi pleinement à l'observation selon laquelle le fait d'assumer des fonctions dans le secteur public ou le secteur privé est un facteur d'intégration pour les allochtones.

2. Octroi du droit de vote aux ressortissants hors Union européenne pour les élections communales

Le présent projet de loi concerne les étrangers qui s'intègrent par l'acquisition de la nationalité belge, avec tous les droits et les devoirs que cela implique, notamment l'obligation de voter.

3. Maintien des procédures existantes d'acquisition de la nationalité

Le projet de loi ne porte pas atteinte aux procédures existantes d'acquisition de la nationalité. Les procédures définies aux articles 11bis et 16 du Code de la nationalité belge restent donc d'application.

4. Diplomates, hommes d'affaires, étudiants et personnel détaché

Il convient de faire une distinction entre la procédure d'acquisition de la nationalité belge par naturalisation et la procédure de déclaration de nationalité.

La naturalisation est une faveur qui est accordée par la Chambre des représentants. Cette assemblée statue librement sur les demandes de naturalisation conformément au règlement et à la jurisprudence qu'elle a développée. Le ministre ne peut pas prédire de quelle manière la Chambre des représentants adaptera son règlement et sa jurisprudence au nouveau régime. Il suppose cependant que la Chambre continuera à suivre la jurisprudence établie.

La procédure de déclaration de nationalité est ouverte aux diplomates, aux hommes d'affaires et aux étudiants d'origine étrangère qui remplissent les conditions légales (cf. l'article 12bis proposé du Code de la nationalité belge). Ils doivent notamment avoir établi en Belgique, durant sept années au moins, leur résidence principale et, au moment de la déclaration, être autorisés à séjourner dans le pays pour une durée indéterminée ou être autorisés à s'y établir.

5. L'Office des étrangers

L'avis de l'Office des étrangers continue à être indispensable. Il est inutile de confier cette mission aux communes, puisque celles-ci ne disposent pas de tous les éléments du dossier. Elles ne sont par exemple pas informées de l'ordre qui a été donné à l'étranger de quitter le Royaume, ou des condamnations pénales qu'il a encourues à l'étranger. Seul l'Office des étrangers peut fournir ces informations.

L'Office des étrangers peut toutefois avoir des difficultés à rendre son avis dans le délai raccourci d'un mois. Actuellement, ce délai ne suffit pas. Il appartient toutefois au gouvernement et, en particulier, au ministre de l'Intérieur ­ dont l'Office dépend ­, de prendre les mesures nécessaires afin que le délai d'un mois soit respecté.

C'est pourquoi l'Office des étrangers sera restructuré. L'ensemble des tâches seront réparties entre trois sections, parmi lesquelles une section sera chargée de rendre les avis concernant les déclarations de nationalité en temps voulu.

6. Motivation des décisions prises par la commission des Naturalisations

Le fait que la commission ne motive pas ses décisions refusant la naturalisation soulève de nombreuses critiques. Puisque la naturalisation constitue une faveur accordée par la Chambre des représentants, le ministre souligne qu'il appartient à cette assemblée d'insérer à l'article 94 de son règlement une disposition lui permettant de motiver le refus. Eu égard au principe de la séparation des pouvoirs, le ministre de la Justice ne peut rien imposer à la Chambre dans ce domaine.

En revanche, il est prévu, dans la procédure de déclaration de nationalité, que le procureur du Roi doit motiver son avis si celui-ci est négatif. L'intéressé qui n'est pas d'accord sur cet avis peut faire transmettre son dossier au tribunal de première instance, qui doit statuer sur le bien-fondé de l'avis négatif (article 12bis , §§ 3 et 4, du Code de la nationalité belge).

7. Suppression de la limite de trente ans pour ce qui est de la déclaration de nationalité

Conformément à l'article 12bis en vigueur du Code de la nationalité belge, seuls les étrangers entre dix-huit ans et trente ans peuvent acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration de nationalité. Ces limites d'âge correspondent à celles qui étaient en vigueur en ce qui concerne les obligations de milice. Tout Belge de sexe masculin devait en effet effectuer son service militaire entre l'âge de dix-huit ans et celui de trente ans.

Comme le service militaire a entre-temps été aboli, la suppression de l'âge maximum de 30 ans s'impose.

On ne dispose pas de chiffres concernant le nombre d'étrangers âgés de plus de trente ans qui pourront recourir à la procédure en matière de déclaration de nationalité visée par le projet de loi.

8. Le délai d'un mois dans lequel le parquet doit donner son avis

Puisqu'un tiers des dossiers de naturalisation sont déposés à Bruxelles, le parquet de Bruxelles en particulier aura des difficultés à rendre ses avis en temps voulu.

Lorsque cette question a été discutée au sein du collège des procureurs généraux, la réduction à un mois du délai dans lequel il est convenu de donner un avis n'a toutefois jamais fait l'objet de contestations. Si, pour n'importe quel parquet, ce délai n'avait pas été réaliste, le ministre est convaincu que le collège des procureurs généraux aurait dénoncé cette situation et que lui-même en aurait tenu compte.

Le collège a toutefois signalé qu'il fallait libérer des moyens supplémentaires, particulièrement des effectifs, pour permettre au parquet de rendre son avis en temps voulu. Il ne faut pas perdre de vue que la mission consultative du parquet a été simplifiée puisqu'il ne doit plus vérifier si le candidat à la nationalité belge est ou non intégré dans notre société. L'enquête du parquet se concentrera dorénavant sur deux points :

­ Y a-t-il un empêchement résultant de faits personnels graves ? Par exemple, l'intéressé fait-il l'objet d'une information ou d'une instruction ? L'Office des étrangers et le service de Sûreté de l'État ont-ils rendu un avis négatif en raison de l'existence d'un casier judiciaire à l'étranger ?

­ L'intéressé remplit-il les conditions légales ? Sur ce dernier point, le contrôle est plutôt technique et demande peu de temps.

Le ministre déclare qu'il s'est engagé publiquement, à la Chambre des représentants, à étendre le cadre des parquets pour faire face aux conséquences de la réforme du système. C'est pourquoi il a chargé le collège des procureurs généraux de lui faire savoir si chaque arrondissement a pris les mesures nécessaires pour que les avis puissent être rendus dans les délais.

Le ministre ne cache pas que le raccourcissement du délai a suscité une vive émotion dans la presse. Que s'est-il réellement passé ? Le collège des procureurs généraux, présidé par le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles, a examiné la question le 23 septembre 1999. Il n'a émis aucune objection. Par la suite, le ministre a reçu une lettre signée par M. J. De Lentdecker, avocat général près la cour d'appel de Bruxelles, dans laquelle celui-ci déclarait qu'un délai d'un mois était très court. Il n'a cependant pas dit que ce délai était tout à fait irréaliste. Les divergences dans la formulation du point de vue du collège des procureurs généraux, d'une part, et de la position de M. De Lentdecker, qui n'était pas présent à la réunion du collège, d'autre part, ont nourri une polémique politicienne sur le raccourcissement du délai. Le ministre souligne qu'il appartient au gouvernement de faire en sorte que le parquet reçoive les moyens nécessaires pour remplir correctement sa mission.

9. Évaluation

L'évaluation portera principalement sur l'application du nouveau régime. Au cas où des difficultés devraient se faire jour à ce niveau, la législation pourrait être adaptée à temps.

2. DEUXIÈME TOUR DE TABLE

A. Questions et observations

Une membre déclare que son parti a toujours appuyé les propositions visant à assouplir et à réduire les procédures de naturalisation et de déclaration de nationalité lorsqu'elles visaient à supprimer les problèmes insurmontables que recontrait le candidat à la nationalité belge. Le projet de loi à l'examen suscite toutefois de nombreuses interrogations parce qu'on ne voit pas clairement sur quelle vision philosophique il se fonde. La cohérence du projet s'en trouve ainsi compromise.

1. Opportunité

Au cours de la législature précédente, le Code de la nationalité belge a été modifié, à la suite d'un large consensus parlementaire, par la loi du 22 décembre 1998, laquelle est entrée en vigueur le 1er septembre 1999.

Aussi est-il très étonnant que ce même code soit une fois de plus modifié fondamentalement dans un délai si bref avant que la loi précitée n'ait eu le temps de faire ses preuves.

Sans vouloir sombrer dans le schéma traditionnel de majorité contre opposition, l'intervenante s'interroge quant à l'habitude qui existe en Belgique de modifier en permanence des législations fondamentales sans avoir contrôlé l'efficacité des précédentes modifications apportées à la loi. Il faut laisser suffisamment de temps aux lois pour qu'elles puissent « prendre racine » et être évaluées.

2. Distinction entre la naturalisation et la déclaration de nationalité

Comme le ministre l'a souligné dans son exposé introductif, le Conseil d'État, dans ses avis relatifs à la loi en projet, a insisté clairement sur la différence constitutionnelle qui existe entre la procédure d'obtention de la nationalité belge par une déclaration de nationalité, d'une part, et la procédure de naturalisation, d'autre part. Il faut donc prévoir deux séries de conditions d'accès à la nationalité (doc. Chambre, nºs 50-292/1 et 50-293/1, pp. 27-29 et 39-43). Alors que la naturalisation est une faveur, que la Chambre des représentants accorde de manière discrétionnaire sans être tenue de motiver sa décision, la déclaration de nationalité, elle, est un droit subjectif. Les contestations relatives à ce droit sont portées devant les cours et les tribunaux.

Compte tenu de ce qui précède, on peut se demander pourquoi il faut conserver la procédure de naturalisation dès lors que l'on supprime la condition de la volonté d'intégration. Conformément à l'article 19, premier alinéa, proposé, du Code de la nationalité belge, l'unique condition à laquelle l'intéressé devra satisfaire est d'avoir fixé sa résidence principale en Belgique depuis au moins trois ans. C'est sur cette base que repose la présomption de sa volonté d'intégration.

L'intervenante ne nie pas qu'il est difficile d'apprécier la volonté d'intégration. C'est à raison que l'on a beaucoup critiqué dans le passé la pratique de certaines communes consistant à utiliser des questionnaires peu adaptés.

Mais avec le régime de la loi en projet, on tombe dans l'excès contraire. La Chambre des représentants accorde la naturalisation comme une faveur en se fondant exclusivement sur le respect de la condition de durée de résidence et sans aucun contrôle du contenu du dossier. La commission des Naturalisations de la Chambre joue un rôle déterminant dans cette procédure. Une première constatation est que tous les partis représentés à la Chambre ne siègent pas dans cette commission. Deuxième constatation : cette commission a certes une jurisprudence, mais on ne voit pas clairement quel contrôle la Chambre exerce réellement sur les décisions prises par cette commission. À l'heure actuelle, on ne connaît ni les tendances qui existent au sein de la commission, ni les critères subjectifs que les commissaires appliquent pour examiner les demandes de naturalisation. Il est donc très difficile de savoir sur quelle base les demandes sont rejetées. En effet, l'approbation des demandes en séance plénière est une pure formalité.

Il s'ensuit que l'octroi de la naturalisation est devenu une décision purement politique.

L'intervenante ne s'y oppose pas mais se demande pourquoi on n'a maintenu que la condition de séjour de trois ans. Il lui paraît logique, pour cette raison, que la naturalisation soit maintenue en tant que procédure exceptionnelle, discrétionnaire et politique et que l'on fasse confiance à la Chambre des représentants pour n'octroyer la naturalisation qu'aux seuls étrangers qui ont des liens particuliers avec la Belgique ou qui ont rendu des services particuliers au pays.

L'intervenante constate que, dans les pays voisins, la décision d'octroyer la naturalisation ne dépend pas uniquement d'une durée de séjour minimale, qui est d'ailleurs toujours plus longue que les trois ans proposés dans le projet de loi, mais qu'elle est également subordonnée à une intégration suffisante dans le pays. En France, par exemple, la naturalisation est octroyée par voie de décret ­ il s'agit plutôt d'une procédure administrative ­ à la condition que le demandeur séjourne en France depuis cinq ans et qu'il se soit intégré à la société française.

La question est de savoir si, par suite du projet de loi à l'examen, la procédure de naturalisation ne prendra pas un caractère automatique. L'intervenante s'inquiète, d'une part, de la façon dont la commission des Naturalisations remplira sa mission et, d'autre part, de la manière dont l'assemblée plénière de la Chambre et l'intéressé lui-même pourront exercer leur contrôle démocratique.

Si la naturalisation est subordonnée à la seule durée de séjour du demandeur, elle se rapproche très fort de la procédure d'acquisition de la nationalité belge par déclaration de nationalité. L'intervenante souscrit à l'objectif du volet du projet tendant à faciliter cette dernière procédure, mais considère qu'une plus grande clarté s'impose.

À l'heure actuelle, nous avons un système hybride. Il y a, d'une part, la procédure de naturalisation et, d'autre part, la procédure de déclaration de nationalité, les garanties rattachées à ce droit subjectif n'étant toutefois pas respectées. En cas d'avis négatif du parquet, le dossier est en effet transmis à la Chambre des représentants, sauf si l'intéressé souhaite saisir le tribunal de première instance (article 12bis , § 3, du Code de la nationalité belge).

Elle propose dès lors d'entourer la procédure de déclaration de nationalité de toutes les garanties propres à un droit subjectif, notamment l'obligation de motivation et la possibilité de former un recours devant les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire. Elle signale au passage ne voir aucune objection à ce que le délai de sept années de résidence principale en Belgique prévu à l'article 12bis , § 1er , proposé, soit ramené à cinq ans.

L'intervenante déclare qu'elle déposera les amendements nécessaires à cet effet (cf. infra ).

Si l'on veut toucher au concept de la naturalisation en tant que faveur, une révision de la Constitution s'impose. Comme l'article 9 de la Constitution ne peut être révisé au cours de la présente législature, la discussion de fond ne peut pas encore être entamée.

La membre estime que si l'on assortit la déclaration de nationalité de conditions moins sévères, le législateur doit avoir le courage d'imposer des conditions plus strictes en matière de naturalisation (cf. l'amendement nº 8, doc. Séant, nº 2-308/2). En fin de compte, on en vient à se demander si la procédure de naturalisation a encore un sens dans notre société. Le système en vertu duquel c'est le Parlement qui octroie cette faveur, repose sur une conception surannée de la notion d'État. À terme, il faudrait donc passer à une procédure administrative fondée sur la durée du séjour, dont les cours et tribunaux seraient appelés à contrôler le respect des conditions légales.

3. Droit de vote ou acquisition de la nationalité

L'accord gouvernemental de l'actuelle coalition se caractérise par les divergences de vues des différents partenaires sur bon nombre de points. Les uns sont partisans de l'octroi du droit de vote aux ressortissants hors Union européenne, tandis que d'autres préfèrent un assouplissement des lois sur la nationalité.

Le présent projet, qui est le résultat d'un compromis politique entre ces deux tendances, ne satisfait aucunement l'intervenante. Sa principale objection est que, comme le montre le rapport de la commission de la Justice de la Chambre, le débat philosophique de fond sur le droit de vote et le droit à la nationalité n'a pa encore eu lieu.

Pour l'intervenante, il y a lieu de faire une distinction entre les notions de nation et de nationalité, d'une part, et celles de citoyen et de citoyenneté en rapport, notamment, avec l'exercice du droit de vote, d'autre part.

La loi en projet donne à penser que l'on a abandonné l'option de la citoyenneté active couplée au droit de vote actif et au droit de vote passif. De la sorte, on refuse le droit de vote aux étrangers qui résident en Belgique et qui sont intégrés mais qui ne désirent pas obtenir la nationalité belge.

L'intervenante regrette que l'on ait pas examiné plus en détail ce problème.

4. Les élections communales du 8 octobre 2000

Dans la perspective des prochaines élections communales, l'intervenante s'interroge sur l'agenda que le gouvernement a suivi pour arriver à faire approuver maintenant la loi en projet par le Parlement. Il est évident qu'après son entrée en vigueur, le nouveau régime aura une incidence sur les résultats de ces élections.

C'est une mauvaise méthode, car, comme on l'a déjà dit, le débat sur les notions de nationalité et de citoyenneté n'est pas encore clos.

5. Acte de naissance

L'intervenante se réjouit que l'on ait assoupli la procédure relative à la présentation de l'acte de naissance (article 2 de la loi en projet). Elle s'interroge toutefois, sur l'applicabilité du texte proposé. Le système en cascade qui est proposé et dans le cadre duquel il est d'abord question du document équivalent à l'acte de naissance, puis de l'acte de notoriété et, enfin, de la déclaration sous serment de l'intéressé sera-t-il applicable ? Qui jugera de la mesure dans laquelle il y a impossibilité ou difficulté à se procurer le document équivalent ?

6. Délai d'avis d'un mois

L'intervenante partage l'inquiétude des commissaires qui se sont exprimés avant elle. La réponse du ministre n'a pas écarté son inquiétude, surtout pas en ce qui concerne le parquet de Bruxelles. Elles insiste dès lors auprès du ministre pour qu'il mette en oeuvre les propositions de réforme que les magistrats néerlandophones et francophones de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde lui ont fait à l'unanimité.

7. Adoption

L'intervenante déclare que le projet de loi n'est pas clair en ce qui concerne l'influence qu'auront les nouvelles dispositions sur les enfants adoptés, les différentes formes d'adoption et les enfants naturels. Elle aimerait savoir s'il ne faut pas modifier le projet afin que les différentes formes d'adoption soient mises sur un pied d'égalité et qu'il n'y ait pas de discrimination entre les diverses catégories d'enfants reconnues par le Code civil (cf. infra ).


Un autre intervenant déclare qu'il ne peut pas répondre à l'attente du ministre qui souhaitait qu'on puisse débattre du projet de loi à l'examen dans un climat de sérénité. Sans se faire la moindre illusion quant à la force de persuasion de ses arguments, il estime qu'il est de son devoir de manifester son opposition au projet de loi.

1.Évolution du droit de la nationalité

On peut distinguer trois phases dans l'évolution du droit de la nationalité belge. Il y avait tout d'abord le ius sanguinis , qui se fondait sur le sentiment populaire que des souverains étrangers ne pouvaient pas, en faisant venir leurs compatriotes dans nos régions, minoriser la population locale. Le renversement de la situation est arrivé dans les années 80, avec l'adoption du principe du ius soli , par lequel les personnes nées de parents étrangers dans notre pays pouvaient acquérir la nationalité belge. Le projet de loi à l'examen nous amène dans la troisième phase, où la condition de base est constituée du ius domicilii . Dorénavant, la nationalité sera liée au droit au séjour permanent. Les réfugiés de guerre qui ne résident que temporairement dans notre pays ne peuvent dès lors invoquer la nouvelle réglementation.

Le candidat à la nationalité belge ne doit toutefois remplir la condition du droit au séjour permanent qu'au moment de la demande. Un étudiant étranger qui obtient un permis de séjour permanent après ses études en Belgique peut, grâce à la nouvelle réglementation, obtenir presque immédiatement la nationalité belge, puisque ses années d'études sont prises en compte.

2. Suppression de l'enquête sur la volonté d'intégration

On supprime l'enquête sur la volonté d'intégration de l'étranger. La seule chose que l'on vérifiera encore, c'est si l'intéressé a ou non un casier judiciaire en Belgique ou à l'étranger.

Le projet de loi aura donc pour résultat qu'en Europe, la Belgique sera dotée de la législation la plus souple en matière d'accès à la nationalité. Cela engendrera des problèmes néfastes pour notre pays qui, en tant que siège de nombreuses institutions internationales et pays de transit, exercera un grand pouvoir d'« aspiration » sur les étrangers, qui ne se sentiront plus obligés de s'intégrer dans notre pays. En d'autres termes, ils n'auront pas la volonté de créer un lien durable avec notre pays et sa population.

3. Effet de l'assouplissement des procédures

Un autre inconvénient du projet de loi est que l'obtention de la nationalité belge crée de nombreux droits mais ne crée que peu d'obligations. Ainsi le projet n'impose-t-il pas aux candidats-Belges l'obligation logique de renoncer à leur nationalité d'origine.

Tout cela fait que notre pays sera confronté, dans les mois à venir, à une profusion de demandes de naturalisation et de déclarations de nationalité. Eu égard au principe de la libre circulation des personnes dans l'Union européenne, les 400 millions de resortissants de l'UE détiendront, au travers de leur droit de séjour permanent en Belgique, un droit subjectif à l'acquisition de la nationalité belge. Tous n'envisageront évidemment pas d'adopter la nationalité belge, mais pour éviter que la carte d'identité belge ne se déprécie encore davantage, l'intervenant est partisan d'un test d'intégration préalable. L'assouplissement des conditions permettant d'obtenir la nationalité aura en effet pour conséquence qu'un étranger ne tardera plus à pouvoir retirer sa carte d'identité à un distributeur automatique.

Il existe encore, à l'heure actuelle, une différence considérable entre la procédure de naturalisation et la procédure d'acquisition de la nationalité belge par déclaration de nationalité. Cette dernière procédure s'appliquait aux étrangers de la deuxième génération nés en Belgique. Comme ils étaient réputés suffisamment intégrés, aucune enquête n'était plus effectuée à ce niveau, ce que l'intervenant déplore. Dans la procédure de naturalisation, la Chambre des représentants et le parquet vérifiaient encore la volonté d'intégration des intéressés.

La suppression de toute enquête sur la volonté d'intégration dans la procédure de naturalisation fait disparaître en pratique la distinction entre cette procédure et la procédure de déclaration de nationalité. Comme le projet de loi supprime tous les seuils, l'acquisition de la nationalité belge par naturalisation devient gratuite et quasi automatique.

Aucun étranger n'optera plus pour la procédure de déclaration de nationalité parce que le seuil est trop élevé par rapport à celui de la procédure de naturalisation. Tout d'abord, il y a la condition des sept années de résidence principale en Belgique. De plus, l'intéressé doit encore se rendre lui-même auprès de l'officier de l'état civil pour y faire sa déclaration. En cas d'avis négatif du parquet, l'intéressé doit choisir entre le tribunal de première instance et la Chambre des représentants comme instance d'appel. Dans ces conditions, les étrangers opteront pour la naturalisation.

L'avant-projet du gouvernement exigeait, pour les deux procédures, cinq ans de résidence principale en Belgique. Le Conseil d'État a fait remarquer au ministre que dans ces conditions, plus personne n'opterait pour la naturalisation, ce qui reviendrait à vider de sa substance la compétence constitutionnelle de la Chambre des représentants en matière de naturalisations. Avec le présent projet de loi, on se retrouve dans le scénario inverse. En ramenant de cinq à trois ans la durée de la résidence principale pour la naturalisation et en la portant à sept ans pour la déclaration de nationalité, le projet de loi renforce l'attrait de la procédure de naturalisation.

4. Réduction du délai d'avis à un mois

L'intervenant a l'impression qu'en ramenant le délai d'avis à un mois, le projet de loi mine considérablement les compétences du parquet et du service de Sûreté de l'État. De plus, le projet prévoit que si ce délai arrive à expiration sans qu'un avis ait été émis, l'avis est réputé positif.

Eu égard à la charge de travail énorme à laquelle les deux instances précitées sont confrontées, la réduction du délai s'apparente, selon l'intervenant, à une forme de sabotage délibéré. Il faut donc rallonger le délai afin que tant le parquet que le service de Sûreté de l'État puissent remplir correctement leur mission.

5. Droit de la nationalité et droit de vote

Le présent projet de loi n'est pas un dispositif autonome. Après le train de régularisations, le présent projet donne au monde entier le signal que la Belgique est la terre d'accueil par excellence. De cette manière, notre pays deviendra, pour bon nombre de ressortissants hors Union européenne, la porte d'accès à l'Europe. Une fois qu'ils auront acquis la nationalité belge, ils pourront s'établir partout en Europe. L'abaissement du seuil pour l'acquisition de la nationalité fait de la carte d'identité un véritable sauf-conduit. L'intervenant s'attend donc à ce que le projet de loi s'attire les critiques du reste de l'Union européenne.

Par ailleurs, le membre voit d'un mauvais oeil la hâte avec laquelle ce projet passe au Parlement. Il y a d'abord eu le train de régularisations. Maintenant, le projet de loi lie en catimini au train de naturalisations un troisième train de mesures qui accordent le droit de vote aux étrangers. L'assouplissement de la procédure de naturalisation rend superflue la discussion sur l'octroi du droit de vote aux étrangers séjournant régulièrement en Belgique, lequel octroi est défendu par certains partis. D'après l'intervenant, les prochaines élections communales du 8 octobre 2000 expliquent sans doute la diligence dont fait preuve la coalition actuelle pour faire voter à la hâte par le Parlement ce projet de loi et l'instauration du droit de vote inconditionnel pour les ressortissants hors Union européenne.


Un membre souligne que, dans la discussion relative aux lois sur la nationalité, son groupe politique se fonde expressément sur un modèle d'intégration. Les tentions avec les étrangers doivent être résolues de manière constructive par une politique de soutien et d'encouragement de l'intégration. C'est la seule politique qui puisse conduire à une cohabitation durable et pacifique. Cette législation sur la nationalité constitue un élément fondamental de ce modèle d'intégration. On ne peut pas la tourner pour résoudre des tensions politiques au sein du gouvernement.

Les adaptations successives aux lois sur la nationalité donnent à penser qu'il existe un agenda politique. Le projet de loi à l'examen prévoit lui aussi des modifications fondamentales quand bien même la dernière modification importante aux dispositions relatives à la nationalité n'a pas encore eu le temps de sortir ses effets et qu'il est impossible dès lors à ce stade, de vérifier dans quelle mesure elle favorise l'intégration au sein de notre nation et sa cohésion. Il est permis de penser, dès lors, qu'en proposant les modifications en question, l'on veuille, d'une part, éluder la discussion relative à l'octroi du droit de vote, aux élections communales, aux étrangers qui ne sont pas des ressortissants d'un État membre de l'UE, et, d'autre part, rompre ou altérer les équilibres qui sont nécessaires au sein de notre construction fédérale, à Bruxelles. Les simplifications successives de la procédure de naturalisation ont en effet des conséquences pour ce qui est de la situation des Flamands à Bruxelles, et ce, d'autant plus que l'on n'a prévu aucune garantie concernant leur représentation démocratique à Bruxelles.

La législation sur la nationalité qui est applicable actuellement en Belgique a une structure très logique. Plus les indices d'intégration ou en tout cas de volonté d'intégration du demandeur de la nationalité belge sont nombreux, plus il peut faire valoir de droits à l'acquisition de la nationalité belge et plus l'enquête sur sa volonté d'intégration est limitée. Plus ces indices sont rares, plus l'octroi de la nationalité est considéré comme une faveur et plus l'intéressé doit prouver sa volonté d'intégration.

Le projet à l'examen met fin à cette politique d'intégration cohérente. L'enquête sur la volonté d'intégration du demandeur est supprimée. L'on peut encore tout au plus présumer que l'intéressé est effectivement prêt à s'intégrer ou est intégré au moment où il formule sa demande. Il faut maintenir l'enquête sur la volonté d'intégration et l'intéressé doit prouver son intégration, par exemple, par la connaissance d'une des langues nationales.

La condition d'intégration est importante non seulement pour la population locale, mais également pour les immigrés eux-mêmes. Plus ils seront intégrés, plus ils auront de chances dans notre société, dans l'enseignement, sur le marché du travail, etc. La possession de la carte d'identité belge ne remédie pas aux handicaps auxquels sont confrontés les immigrés.

Le projet de loi qui nous est soumis donne un signal erroné. Il n'incite pas à l'intégration. Pourquoi les immigrés devraient-ils encore faire le moindre effort pour s'intégrer s'il suffit d'avoir résidé pendant un certain temps (trois ans ou sept ans) dans notre pays pour avoir un quasi-droit à la nationalité belge ? Le projet ne constitue pas une invitation à l'intégration mais fait exactement le contraire.

Le projet à l'examen a également pour conséquence que la politique en matière de sécurité perd de sa crédibilité. L'acquisition de la nationalité belge devient, pour ainsi dire, automatique. Une fois celle-ci acquise, la criminalité organisée peut utiliser la Belgique comme porte d'entrée pour l'Europe.

Il devient presque impossible de contrôler et d'évaluer la demande de la nationalité belge. Les conditions sont minimales et la période de séjour est limitée. On peut se demander comment le parquet pourra effectuer un contrôle efficace dans un délai d'un mois. Il suffit qu'à la suite d'un déménagement, un intéressé dépende d'un autre arrondissement judiciaire pour qu'il soit impossible de rendre l'avis dans le délai visé. De plus, à l'expiration du délai d'un mois et à défaut d'avis négatif, on présume que la demande ne soulève aucune objection. Il en va de même pour ce qui est du contrôle effectué par la Sûreté de l'État et par l'Office des étrangers.

Bien qu'il soit ainsi clair que la procédure de contrôle est gravement déficiente, le projet ne prévoit pas la possibilité de déchoir quelqu'un de la nationalité belge s'il devait s'avérer par la suite que celle-ci a été obtenue sur la base d'informations erronées. Il n'est pas possible de procéder à une révocation.

L'intervenante se demande pourquoi la période dans laquelle un avis doit être rendu est si courte. À cette disposition s'ajoute la présomption selon laquelle, à défaut d'avis, celui-ci est censé être favorable. Quel est le véritable objectif de cette disposition ? Faut-il tout régler si rapidement en prévision des élections communales, pour qu'il y ait à ce moment autant de Belges que possible ?

La principale objection que le projet à l'examen soulève est qu'il banalise et supprime toutes les incitations à l'intégration. Il faut qu'il y ait une espèce de réciprocité. La population belge doit bien entendu être ouverte et tolérante, mais les immigrés qui souhaitent acquérir la nationalité belge doivent également faire les efforts nécessaires.


Une autre membre déclare qu'elle se rallie entièrement au projet de loi à l'examen. Celui-ci va en effet dans le sens d'une plus grande égalité des chances de nos concitoyens.

D'une manière générale, il est à noter que les discussions portant sur des thèmes de ce genre se déroulent trop souvent en termes de « eux » et « nous ». Sociologiquement parlant, ce type de discussion est de plus en plus dépassé. Cela vaut aussi sur le plan culturel. La notion d'identité culturelle doit être nuancée. On ne peut plus parler de l'existence d'une culture par rapport à d'autres. Les gens évoluent dans plusieurs directions et s'approprient différents éléments de cette société mondiale. Il semble dès lors parfaitement logique que quelqu'un qui se sent bien dans un pays où il est né ou dans lequel il réside depuis longtemps et par choix personnel, veuille à un certain moment porter la nationalité de ce pays et « en faire partie ». On ne s'arrête pas suffisamment à la signification d'un sentiment d'exclusion.

L'interventante peut se rallier à l'idée que la possession d'une carte d'identité belge ne suffit pas. Des efforts de longue haleine devront être faits sur de nombreux plans pour éliminer ce sentiment de clivage, gens « bien » et gens « moins bien ».

En ce qui concerne l'intégration, l'intervenante estime que cela signifie que l'intéressé veut entrer dans le tissu social. Mais cette donnée n'a rien à voir avec l'origine. Il y a dans tous les milieux des gens engagés socialement et d'autres qui ne le sont absolument pas. Par ailleurs, l'intégration doit venir des deux côtés. Il est clair que la volonté d'intégration de la communauté immigrée est parfois plus grande que les possibilités qui lui sont offertes par notre société. Ce manque de possibilités peut donc avoir un effet démotivant (voir les longues listes d'attente pour les cours de langue). Une véritable intégration suppose également une certaine responsabilité de la part des Belges, qui doivent être disposés à prendre une série de mesures plus audacieuses pour lutter contre la discrimination. Il importe de prendre ses responsabilités et de veiller à ce que l'offre réponde à la demande.

La première génération d'immigrés est surtout confrontée au problème de la langue. Pour la deuxième génération, le problème se situe plutôt au niveau du marché du travail (pas d'égalité des chances), de l'école, etc.

L'intervenante s'inquiète de la transparence de l'actuelle procédure de naturalisation. Il n'y a aucun recours. Si certains renseignements ne sont pas suffisamment vérifiés, l'intéressé n'a aucune possibilité de recours. Cela cadre mal avec la mentalité actuelle.

La membre conclut en disant qu'elle est entièrement favorable au projet de loi. Elle continuera aussi à militer en faveur du droit de vote des immigrés aux élections communales. On a toujours défendu la piste de l'acquisition assouplie de la nationalité comme un des leviers de l'intégration. La notion de nationalité semble s'éloigner de plus en plus du lien du sang avec la patrie, qui n'est qu'une donnée fortuite. Demander la nationalité d'un pays, c'est poser un acte positif, qui traduit une certaine affection pour le pays en question.


Un membre souligne qu'intégration ne signifie pas assimilation. L'intégration signifie que l'on s'insère dans la communauté, mais en conservant dans une certaine mesure sa culture d'origine. Ce lien avec la culture d'origine s'affaiblit évidemment au fil des générations.

On n'a pas toujours non plus le choix de renoncer à sa nationalité d'origine. Cela dépend aussi des réglementations de ce pays d'origine. Le travail est le facteur d'intégration le plus important. La discrimination et le racisme sont encore des facteurs qui jouent un rôle à l'embauche. Un deuxième élément d'intégration est le logement. On constate dans de nombreuses villes que la politique en matière de logements sociaux est discriminatoire. Aussi ne doit-on pas s'étonner de trouver des concentrations de personnes de même origine dans certains quartiers. Pour ce qui est de la connaissance de la langue, l'intervenant souligne que de nombreux immigrés ne connaissent même plus la langue de leur pays d'origine (par exemple, les Turcs et les Maghrébins qui sont déjà ici depuis 3 ou 4 générations). La plupart des immigrés connaissent une des deux langues nationales; ils travaillent ici, font leurs achats et dialoguent avec la population locale. Cela ne signifie cependant pas qu'ils disposent d'un certificat de connaissances linguistiques. Il n'est pas pensable que des enfants qui sont nés et ont grandi ici ne puissent prétendre à être naturalisés. Qu'entend-on alors par intégration ?


Une autre membre partage l'idée qu'intégration ne signifie pas que les gens doivent renoncer à leur propre culture et qu'il y aurait une assimilation complète. Intégration signifie également respect de l'autre culture.

L'intervenante est en outre convaincue que tous les aspects du problème ne peuvent pas être abordés dans le cadre d'un débat sur la nationalité, mais plutôt dans le cadre d'un débat sur la citoyenneté, qui doit permettre de distinguer à quels obstacles les immigrés se heurtent pour mener une vie comparable en dignité à la nôtre. De plus en plus d'immigrés demandent à pouvoir mener ici une vie digne, bénéficiant de toutes les possibilités d'accès au marché du travail, au logement et à la vie associative. Cela ne signifie pas nécessairement que l'on doive adopter une autre nationalité. Les motifs qui poussent quelqu'un à demander la nationalité belge peuvent être divers; soit on n'a plus aucun lien avec son pays d'origine (c'est rarement le cas) et on souhaite renoncer à son appartenance d'origine , soit on souhaite éliminer certains obstacles empêchant d'obtenir quelque chose (un emploi dans le secteur public), soit on se sent tout à fait chez soi dans notre pays et on a une culture qui se rattache à la culture du territoire ou l'on habite. L'obtention de la nationalité belge n'élimine pas tous les obstacles : dans le secteur privé, l'employeur qui engage se fonde sur une appréciation subjective et peut se laisser influencer dans son choix, par exemple, par la couleur de peau des candidats. Un débat plus moderne, sur le droit à la citoyenneté, s'impose.


Un membre se demande qui est au juste visé par le projet. Les exemples qui ont été cités concernent les immigrés de la deuxième ou de la troisième génération, qui n'ont pourtant plus aucune difficulté à obtenir la nationalité belge, étant donné l'adaptation constante de la législation en la matière. À qui veut-on dès lors octroyer la nationalité belge avec une telle facilité et sans contrôle ? À qui s'adresse cet assouplissement ? Une première condition paraît être que l'on puisse communiquer avec la société dont on souhaite devenir officiellement membre. La connaissance de la langue est un minimum absolu.


Un autre membre souligne que l'on ne saurait faire l'économie d'une politique à l'égard des minorités en prétextant de la législation sur la nationalité.

L'octroi de la nationalité belge est un moyen d'associer les minorités à la société et de leur donner certaines chances. Cependant, il faut aussi mener une politique valable en faveur des minorités ethniques et culturelles.

Par ailleurs, l'intervenante estime que la connaissance de la langue n'est pas la seule manière d'établir la communication. La communauté allogène demande elle-même davantage de cours de langues. Il faut donc que la politique prévoie une offre suffisante en la matière. Les listes d'attente pour ces cours sont très longues. On a mené une tout autre politique avec la première génération d'immigrants. Ces personnes-là sont venues en Belgique il y a trente ou quarante ans pour y travailler et retourner éventuellement dans leur pays d'origine par la suite. Il n'y a eu aucune politique d'accueil à l'égard de ces premiers migrants, qui ont appris la langue sur les lieux du travail uniquement. Dans ces conditions, pourquoi obliger soudainement ces gens à suivre des cours de langue ? De plus, il appert que c'est principalement la troisième génération qui souffre d'une connaissance insuffisante de la langue. Cette situation est due au fait que les jeunes concernés fréquentent des écoles de concentration, où ils n'ont pas la possibilité d'apprendre la langue de manière satisfaisante. Il faut une autre politique. L'acquisition de la nationalité belge n'est qu'une clé ouvrant l'accès à la communauté belge.

B. Réponses du ministre de la Justice

Le ministre se réjouit de voir que certains membres de l'opposition adoptent une position extrême qui, dans de nombreux domaines, va même plus loin que la loi en projet. En vertu de l'adage « qui peut le plus peut le moins », il devrait être possible de parvenir à un point de vue univoque avec la majorité.

Le ministre ne peut absolument pas souscrire à la remarque selon laquelle les modifications apportées au Code de la nationalité se succéderaient très rapidement et sans cohérence; il renvoie à l'accord de gouvernement. De plus, la loi du 22 décembre 1998 n'a modifié que la procédure et non les conditions d'accès à la nationalité belge. La loi en projet, par contre, vise précisément à modifier les conditions d'accès à la nationalité pour mieux intégrer les immigrants dans la société.

En ce qui concerne l'utilité de la procédure de naturalisation, le ministre renvoie à l'article 9 de la Constitution. De plus, les conditions posées à la naturalisation sont différentes. En la matière, on a suivi l'avis du Conseil d'État. Le mode de fonctionnement de la commission des Naturalisations relève de la responsabilité exclusive de la Chambre. En outre, cette commission a été entendue en commission de la Justice de la Chambre, laquelle est parvenue à la conclusion que la commission des Naturalisations travaillait sérieusement et consciencieusement.

Le ministre ne peut se rallier à la suggestion de supprimer la condition de séjour que doivent remplir les personnes qui demandent à obtenir la naturalisation. Il semble opportun que la loi fixe les conditions de base (voir l'article 8 de la Constitution).

Le ministre relève qu'en matière d'adoption, le code ne fait aucune distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels. De plus, la situation des enfants adoptés est très similaire à celle des enfants biologiques (voir article 9, 11bis et 12 du code). Le projet de loi relatif à l'adoption sera d'ailleurs déposé sous peu.

Le ministre trouve curieuse la référence aux prochaines élections communales. Il renvoie en l'espèce à la discussion approfondie de ce projet en commission de la Justice de la Chambre. Il faut savoir que les listes électorales seront arrêtées le 1er août 2000. La personne qui acquiert la nationalité belge en application de la réforme projetée n'entrera en tout cas plus en ligne de compte pour les prochaines élections communales.

Le ministre note que certains membres de l'opposition abordent le problème de l'acquisition de la nationalité belge sous un angle radicalement différent. Ils partent en effet d'un point de vue diamétralement opposé selon lequel tout le monde optera pour la procédure de naturalisation. Le ministre estime que c'est un point de vue erroné. La procédure de déclaration de nationalité est en effet beaucoup plus simple et plus rapide. En outre, le droit en question dans le cadre de cette dernière procédure est un droit sanctionné en droit et non pas un droit qui peut être accordé par mesure de faveur ou non.

Il ne faut pas non plus craindre que tous les étrangers du monde affluent vers la Belgique en raison de l'assouplissement de la loi sur la nationalité belge. L'entrée en Belgique restera tout aussi difficile qu'auparavant, puisque la loi du 15 décembre 1980 réglant l'accès au territoire reste inchangée.

Un membre a souligné l'importance de la volonté d'intégration, qu'il faut maintenir en tant que condition à remplir. Cette condition est bel et bien maintenue dans le projet à l'examen. Cependant, le projet est fondé sur le principe positif selon lequel il faut considérer que le demandeur a la volonté de s'intégrer jusqu'au moment même où il introduit sa demande. Il s'agit d'une illustration du principe selon lequel la mauvaise foi ne peut pas être présumée et doit être prouvée.

En ce qui concerne la connaissance requise de la langue nationale, le ministre renvoie à la doctrine constante (Closset Charles-Louis, Traité de la nationalité en droit belge ) selon laquelle : « Le manquement grave aux devoirs du citoyen belge doit relever que l'intéressé ne manifeste pas l'attachement requis au pays et à ses institutions. Il ne peut être question de censurer les libertés constitutionnelles, notamment la liberté de pensée et d'opinion. De plus, la déchéance ne peut procéder de considérations relatives à la race, à la religion ou à la langue. » Ce dernier point paraît relever de l'évidence. L'on ferait preuve de myopie en affirmant, dans notre société internationale, que la revendication de la nationalité belge doit être appréciée exclusivement en fonction d'une donnée linguistique. Il y a lieu de nuancer quelque peu les choses en l'expèce.

Un membre a évoqué le problème de l'obtention éventuelle de la nationalité sur la base de fausses informations. Le principe général de droit « fraus omnia corrumpit » s'applique en l'occurrence. La fraude entraîne la nullité de l'acte. Le Conseil de l'Europe a adopté une position similaire. Il existe une convention européenne du 6 novembre 1997 qui autorise les États à prévoir, dans leur droit interne, la déchéance de la nationalité lorsque celle-ci a été obtenue au moyen d'un acte frauduleux, sur la base de fausses informations ou par la dissimulation d'un fait pertinent. La superficialité que l'on croit parfois détecter dans la procédure devrait attirer les personnes qui souhaitent utiliser la fraude afin d'acquérir la nationalité belge.

À la question de savoir qui est au juste visé par le projet, le ministre répond qu'il n'y a pas de groupe spécifique. On veut seulement assouplir les conditions d'accès permettant de bénéficier de la faveur de la naturalisation.

Le ministre souligne par ailleurs qu'il y a effectivement des facteurs qui font qu'on se sent mieux et qu'on fonctionne mieux dans la société; ces facteurs sont, par exemple, la possibilité de travailleur, de trouver un logement et d'apprendre la langue. Il ne faut toutefois pas assimiler cela au premier pas, qui est la volonté d'acquérir la nationalité belge et de résider dans notre pays. Il faut donc commencer par concrétiser cette première exigence.

En ce qui concerne l'absence de motivation et de recours en cas de refus de la nationalité, le ministre souligne qu'on doit rester dans la logique du système. La naturalisation est une faveur et non un droit. En outre, les personnes à qui cette faveur n'est pas accordée ont la possibilité d'attendre l'expiration du délai pour bénéficer de la procédure plus souple de la déclaration de nationalité.


IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Mme Staveaux-Van Steenberge et M. Verreycken déposent un amendement (doc. Sénat, 308/2, amendement nº 1), visant à remplacer l'ensemble du projet de loi par un nouveau texte.

Un des auteurs de l'amendement précise qu'une des raisons à l'origine de celui-ci est une déclaration faite par M. Verwilghen au journal « De Morgen » du 25 mai 1999 : « J'estime qu'on a naturalisé beaucoup trop. À un certain moment, on a naturalisé à tour de bras... ». (Traduction).

L'amendement vise à instaurer un Code de la citoyenneté. Les auteurs de l'amendement souhaitent ainsi mettre fin au laxisme qui préside à l'octroi de la nationalité et imposer des conditions plus strictes.

L'amendement s'inspire des réglementations qui existent dans les pays voisins. Les auteurs de l'amendement n'ont pas l'intention de rendre l'acquisition de la nationalité belge quasi impossible pour les étrangers. Mais ils entendent inciter « ceux qui souhaitent lier durablement leur destinée à la nôtre » à s'adapter et à faire un choix sans équivoque.

On a opté pour le terme « citoyenneté ». L'intervenant souligne que les notions de citoyenneté et de nationalité ne sont pas du tout identiques. La Belgique ne peut être considérée comme une nation, au sens originel de « peuple » : il n'existe pas de peuple belge ­ seulement une population belge ­, pas de langue belge et pas de culture belge. Le terme neutre de « citoyenneté » semble donc plus adéquat.

L'amendement respecte les compétences des institutions fédérales, mais confie une mission très importante aux communautés. Étant donné que diverses cultures cohabitent, par la force des choses, dans une seule structure étatique, il faut donner aux communautés un rôle très important. L'apprentissage de la langue d'une communauté et l'acceptation d'une série de coutumes et d'éléments culturels se situent sur le plan de la communauté dont on devient membre, et non au niveau de l'État comme tel, au sein duquel diverses cultures cohabitent.

Cet amendement comprend plusieurs parties.

Une des lignes de force concerne le rétablissement du principe de filiation. Un séjour prolongé sur le territoire ne suffit pas pour obtenir la nationalité plus rapidement ou automatiquement. C'est ainsi que les enfants mineurs dont un des parents est né en Belgique, se voient imposer automatiquement la nationalité belge, alors que l'on ne sait absolument pas s'ils souhaitent rester dans notre pays et s'y intégrer.

L'acceptation de la nationalité ou de la citoyenneté doit procéder d'un choix autonome et indépendant de chaque individu séparément, et se faire en pleine connaissance de sa portée.

L'amendement propose également de supprimer la procédure de la déclaration de nationalité et de l'option de la nationalité pour les jeunes qui sont nés dans notre pays et y ont séjourné respectivement pendant 18 ou 9 ans. Le fait d'être né ici prouve moins que jamais, aujourd'hui, que l'on peut se considérer automatiquement comme intégré. Mais si quelqu'un est véritablement intégré, il pourra sans problème passer l'épreuve de la citoyenneté.

Le deuxième pilier de l'amendement concerne l'épreuve de citoyenneté. Outre la filiation et l'adoption, la naturalisation constitue le principal moyen d'acquérir la citoyenneté. Les déclarations de nationalité et l'option de nationalité disparaissent. La volonté de s'intégrer ne doit pas seulement être affirmée en paroles; mais elle doit aussi être prouvée dans les faits. Une épreuve de citoyenneté objective est instaurée, à l'exemple de ce qui existe aux États-Unis, en Australie et au Canada. Les conditions de base de la participation à l'épreuve de citoyenneté sont, par exemple, une durée de séjour de 10 ans, l'âge de 25 ans, la solvabilité de l'intéressé et l'absence de condamnation.

L'épreuve de citoyenneté serait organisée par les communautés et comporterait une partie orale et une partie écrite.

L'intervenant estime que l'épreuve de citoyenneté est le levier qui permettra d'assurer l'intégration.

Le troisième pilier de l'amendement est le rejet de la double nationalité. Dans les six mois de la publication de l'acte de naturalisation, le demandeur doit renoncer à la nationalité initiale. Les problèmes de double nationalité seront ainsi résolus pour de bon.

Il conviendrait également de revoir les acquisitions de nationalité depuis 1991. Les « nouveaux » Belges devront choisir entre leur nationalité d'origine et la nationalité belge. Bien entendu, une citoyenneté plurielle n'est jamais à exclure (voir les enfants issus de mariages mixtes). L'amendement comporte donc une disposition indiquant quelle est la législation prioritaire.

La quatrième ligne de force de l'amendement est l'accélération de la perte de la citoyenneté. Il est indéniable que les étrangers jouent un rôle important dans la criminalité (voir le rapport de la commission d'enquête sur la criminalité organisée). Ce comportement criminel n'a rien à voir avec l'origine; par contre, le déracinement et l'absence de cadre de référence culturel cohérent constituent, quant à eux, des facteurs criminogènes. Il est évident que l'on doit pouvoir retirer la citoyenneté aux « nouveaux » Belges dont les agissements sont criminels. La citoyenneté sera perdue de plein droit en cas de condamnation à une peine de prison effective de trois mois dans les cinq ans et à une peine de prison d'un an dans les dix ans de l'acquisition de la citoyenneté.

Il s'agit d'une mesure conservatoire qui est d'ailleurs applicable aussi en Grande-Bretagne. C'est seulement ainsi que l'on pourra expulser lesdites personnes vers leur pays d'origine.

L'intervenant dit avoir conscience du fait que dans l'état actuel de la réglementation, le juge a déjà la faculté de prononcer la déchéance de la nationalité. Il n'a toutefois plus fait usage de cette faculté depuis 1945.

Le Code de la nationalité en question constitue dans une certaine mesure une rupture avec le passé, en ce sens que l'on rend beaucoup plus sévère la réglementation en question, et ce, en s'inspirant dans une large mesure de la législation des pays voisins.

L'auteur estime que ce renforcement est légitime, eu égard à la situation particulièrement précaire de la Flandre au sein de l'Europe. De par le rôle international de Bruxelles et la situation centrale de la Belgique, un nombre croissant d'étrangers s'installent sur le territoire belge pour une durée plus ou moins longue. Par le jeu de la libre circulation des personnes, la Belgique peut faire office de porte d'entrée en Europe. Il faut pouvoir inscrire un système de protection dans la réglementation en question. En Suisse, par exemple, la législation et la pratique en matière de citoyenneté vont encore beaucoup plus loin, puisque les étrangers ne peuvent jamais y acquérir la nationalité à titre définitif.

Cet amendement est rejeté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 2

M. Verreycken dépose un amendement (Doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 13) tendant à corriger le texte néerlandais de l'article 5, § 2, en projet. Les mots « de akte ervan » sont remplacés par les mots « de akte van geboorte » et les mots « indien er zijn » par les mots « indien er getuigen zijn ».

Le ministre souligne que le texte de l'article 5, § 2, en projet est parfaitement conforme au texte des articles 70 et suivants du Code civil. Il dit n'avoir toutefois aucune objection contre le texte proposé dans l'amendement si l'on considère qu'il résulte d'une simple correction de texte.

À la suite de ces considérations, M. Verreycken retire son amendement.

M. Verreycken dépose ensuite un amendement (Doc. Sénat, nº 12) tendant à compléter l'article 5, § 1er , proposé par les mots « celui-ci pouvant refuser de délivrer cet acte en cas de manque de notoriété du demandeur. » L'article 5 dispose en effet qu'un acte de notoriété est délivré par le juge de paix du lieu de la résidence principale du demandeur. Rien ne dit, ailleurs dans le texte, que le juge de paix a également la faculté de refuser de délivrer cet acte. On le contraint donc à délivrer cet acte et l'on s'immisce ainsi dans une large mesure dans un domaine qui lui appartient.

Le ministre ne peut pas marquer son accord sur cet amendement, parce qu'il déroge à la procédure suivie. L'acte de notoriété est transmis au tribunal de première instance pour homologation après que le ministère public a été entendu. Le tribunal a donc la possibilité d'accorder ou de refuser l'homologation. Le document ne devient effectif qu'après l'homologation. Le juge de paix ne doit pas avoir plus de marge de manoeuvre en cette matière que pour un acte de mariage, par exemple.

Un membre demande qui évalue l'impossibilité ou difficultés sérieuses de se procurer un acte de naissance. Les instances officielles ont-elles en l'espèce quelque possibilité d'appréciation ? La première phrase du même article ne fait en outre aucune mention de ces « difficultés sérieuses ». A-t-on prévu une gradation ?

Le ministre répond que cette gradation découle de l'accord de gouvernement. Le tribunal juge si les documents en question sont suffisants ou non. Au moment de la demande, il y a un contrôle de l'état civil. Toutefois, en cas de contestation, l'officier de l'état civil ne peut pas trancher. La décision finale incombe au tribunal qui acceptera ou refusera d'homologuer l'acte de notoriété.

L'amendement est rejeté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 2bis

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 16) visant à insérer un article 2bis . Cet amendement vise à remplacer les mots « y ayant eu sa résidence principale » par les mots « y ayant eu, de manière ininterrompue, sa résidence légale et principale ».

L'auteur de l'amendement précise que la résidence principale est l'endroit où les membres d'une famille qui est composée de plusieurs personnes vivent habituellement. Il est donc question d'une situation de fait. Cela ne permet pas en soi de tirer beaucoup d'enseignements sur la légitimité du séjour dans notre

pays. Il y a lieu de préciser cette notion : il est question d'un séjour légitimé par une autorisation de séjour.

Le ministre renvoie à la discussion qui s'est déroulée à la Chambre. L'expression « résidence principale » s'est imposée dans le Code civil. Il importe donc, pour des raisons de concordance, que l'on utilise la même expression dans le projet de loi à l'examen.

Par ailleurs, la jurisprudence et la doctrine ont donné de l'expression « résidence principale » une définition très précise qui découle d'ailleurs des lois relatives à l'autorisation légale de séjour. L'on dispose d'une jurisprudence cohérente suffisamment étoffée qui indique ce qu'il faut entendre par « résidence principale ».

L'amendement est rejeté par 6 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 2ter

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 17), dont la finalité est identique à celle de l'amendement nº 16 (cf. ci-dessus, article 2bis ).

L'amendement est rejeté par 6 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 3

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 2), qui vise à supprimer cet article.

L'auteur estime que le délai d'un mois est trop court. Le parquet, l'Office des étrangers ou le service de Sûreté de l'État doivent tous trois avoir suffisamment de temps pour pouvoir émettre correctement un avis. On doit, par conséquent, s'en tenir au délai actuel de deux mois.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement dont la finalité est identique (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 18). Le délai d'un mois ne lui paraît pas réaliste pour pouvoir mener l'enquête dans l'intérêt de l'enfant.

Le ministre renvoie à la discussion que l'on a déjà menée (cf. ci-dessus). Le délai d'un mois, qui figure dans l'accord de gouvernement, n'est pas sujet à discussion et est suffisant. Il y a toutefois lieu de prendre des mesures pour prévoir les moyens nécessaires. L'avis que doit rendre le ministre public aux termes du projet de loi sera d'ailleurs beaucoup moins circonstancié qu'il ne l'est aujourd'hui.

Les amendements sont rejetés par 6 voix contre 2.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 19), dont la portée est identique à celle de l'amendement nº 16 (voir l'article 2).

L'amendement est rejeté par 6 voix contre 2.

Article 4

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 3) tendant à remplacer le délai d'un mois par un délai de deux mois et ce, afin de permettre aux services concernés (parquets, Office des étrangers et Sûreté) de faire leur travail correctement.

Le ministre répond que le service de Sûreté de l'État a formellement confirmé qu'elle était parfaitement capable d'émettre un avis dans le mois. En ce qui concerne l'Office des étrangers, on procédera à une restructuration.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 2.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 20) qui tend à supprimer l'article 4, 1º.

L'auteur de l'amendement souligne que la naturalisation a un effet en cascade. Elle permet à une personne d'acquérir la nationalité belge, mais à partir de là ses enfants auront le droit de demander la nationalité belge, même s'ils n'ont pas séjourné en Belgique. Cet assouplissement va trop loin.

Le ministre renvoie à la discussion générale. L'amendement est inspiré par la crainte que trop de personnes n'utilisent la mesure. Ce ne sera pas le cas. En outre, cet assouplissement fait partie de l'accord de gouvernement.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 1 et 1 abstention.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement subsidiaire (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 39), tendant à supprimer, au § 1er , 2º, proposé, les mots « né à l'étranger ».

L'auteur estime que la disposition concernée instaure une discrimination importante. Elle cite le cas d'une femme de nationalité étrangère qui vient étudier en Belgique et qui met au monde un enfant au cours de cette période. Par la suite, elle a deux autres enfants à l'étranger. Si cette femme revient habiter en Belgique ultérieurement et y acquiert la nationalité belge, les enfants B et C, nés à l'étranger et devenus majeurs entre-temps, pourront acquérir la nationalité belge par déclaration, conformément à l'article 12bis , § 1er , 2º, tandis que l'enfant A, qui est né en Belgique, ne le pourra pas. L'article instaure donc une discrimination entre enfants de même ascendance.

Le ministre répond que l'enfant A né en Belgique pourra introduire une déclaration d'option de nationalité. Il pourra donc acquérir aussi la nationalité belge, mais par une autre procédure.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 1 et 1 abstention.

Un membre demande des précisions au sujet des mots « ou a été autorisé à s'établir » qui figurent au premier alinéa du § 2 proposé.

Le ministre souligne que la loi du 15 décembre 1980 n'est pas modifiée. Les conditions prévues par cette loi doivent être respectées. L'autorisation ou l'habilitation est nécessaire.

Mme De Schamphelaere dépose deux amendements (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendements nºs 21 et 22) visant à remplacer les mots « résidence principale ». Référence peut être faite à l'amendement nº 16 (cf. supra article 2bis ).

Ces amendements sont rejetés par 8 voix contre 2.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 4), qui ramène à 5 ans le délai de 7 ans prévu pour l'acquisition de la nationalité par déclaration.

Le ministre estime que le délai de 7 ans est logique et renvoie en l'espèce à l'avis du Conseil d'État. Ce point de vue a d'ailleurs été amplement discuté au sein du gouvernement et à la Chambre.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 23), qui vise à supprimer le 2º. La procédure actuelle de déclaration de nationalité et le délai de deux mois actuellement imparti au procureur du Roi pour rendre son avis doivent être maintenus.

Le ministre renvoie à la réponse qu'il a donnée concernant l'amendement nº 16 (voir l'article 2bis ). Le délai d'un mois doit suffire, compte tenu des limites auxquelles est soumis l'avis.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 24), qui tend à remplacer les mots « une copie de la déclaration est immédiatement communiquée » par les mots « dès que la déclaration est complète et accompagnée de toutes les pièces requises, une copie en est communiquée ». Le but semble être à tout le moins de faire en sorte que l'officier de l'état civil vérifie si tous les documents nécessaires sont réunis. Le mot « immédiatement » évoqué une image erronée et donne à penser qu'il y a un renvoi automatique.

Le ministre confirme qu'il n'est absolument pas question d'un renvoi automatique. Le dossier est présenté à l'officier de l'état civil qui assume des responsabilités en la matière. Il va donc de soi que cet officier procède à un premier contrôle, puisqu'il a à cet égard des responsabilités spécifiques. C'est déjà le cas actuellement.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 25) qui interprète les mots « faits graves ». Les « faits graves » doivent également englober le manque de volonté d'intégration. Dans la loi actuelle, la notion de faits graves concerne uniquement le passé criminel de l'intéressé. Une interprétation plus large s'impose.

Le ministre considère que la loi ne doit pas interpréter les termes « faits graves ». Il renvoie à la circulaire 81/8184 qui règle clairement cette matière et qui est généralement applicable dans les cas de naturalisation et de choix de nationalité.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 5), qui vise à insérer un point 2º, prévoyant que l'officier de l'état civil communique le dossier de l'intéressé ainsi que l'avis négatif du procureur du Roi au tribunal de première instance. Elle propose également de supprimer le premier alinéa.

L'auteur estime que le tribunal de première instance est l'instance naturellement compétente pour un éventuel recours, étant donné que l'acquisition de la nationalité est un droit subjectif. Il faut prévenir tout risque de politisation. Ce sont les tribunaux qui doivent se prononcer sur les droits subjectifs et non pas la Chambre.

Le ministre répond que la Chambre prend à sa charge la totalité du travail en ce qui concerne la procédure visée. Ce renvoi au Parlement est prévu par la loi de 1998.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2.

Articles 5, 5bis et 5ter

Mme De Schamphelaere retire son amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 2-308/2), à la suite du rejet de l'amendement connexe nº 20 (voir supra ).

Mme De Schamphelaere dépose des amendements (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendements nºs 27, 28 et 29) visant à remplacer les mots « résidence principale ». Référence peut être faite à la discussion de l'amendement nº 16 (voir l'article 2bis ).

Ces amendements sont rejetés par 9 voix contre 2.

Article 6

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 30), visant à charger expressément l'officier de l'état civil de vérifier si toutes les pièces requises sont jointes.

Le ministre renvoie à la réponse qu'il a donnée à propos de l'amendement nº 24 (voir supra, article 4).

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 31) visant à supprimer le 2º.

L'auteur de l'amendement souhaite supprimer l'adverbe « immédiatement ». L'utilisation de cet adverbe peut en effet donner à penser que les dossiers incomplets doivent également être transmis immédiatement.

Le ministre renvoie au rapport qui a été fait à la Chambre. L'instance qui reçoit le dossier doit en tout cas vérifier s'il est complet. L'utilisation du mot « immédiatement » ne signifie pas que le pouvoir public concerné peut transmettre un dossier incomplet. D'ailleurs, s'il le faisait, sa responsabilité pourrait être mise en cause.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 7) visant à remplacer le délai d'un mois par un délai de deux mois.

Le ministre renvoie à l'amendement nº 3 à l'article 4 et maintient son point de vue.

L'amendement (A et B) est rejeté par 9 voix contre 2.

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 32) visant à maintenir l'actuel article 15, § 2, premier alinéa, et à le compléter par une disposition selon laquelle l'intéressé doit prouver sa volonté d'intégration en témoignant d'une connaissance raisonnable d'une des langues nationales et de son intégration dans la société belge. Bien que les citoyens jouissent d'une liberté constitutionnelle pour ce qui est de l'emploi des langues, d'autres pays, comme l'Allemagne, la France et les Pays-Bas, ont également imposé certaines connaissances linguistiques.

Le ministre opte pour la présomption de la volonté d'intégration. Faire dépendre la volonté d'intégration de certaines conditions, comme la connaissance d'une des langues nationales, pourrait être contraire à la Constitution. De plus, la condition de la connaissance linguistique n'est pas une condition absolue à remplir pour pouvoir parler de volonté d'intégration.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1.

Mme De Schamphelaere retire son amendement nº 33 (doc. Sénat, nº 2-308/2) à la suite du rejet de l'amendement nº 32, en raison de leur connexité.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 6), qui va dans le même sens que l'amendement nº 5 à l'article 4 (voir supra ).

Le ministre déclare qu'il maintient son point de vue.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2.

Article 9

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 34) visant à supprimer cet article. Les conditions de base applicables actuellement en matière de naturalisation doivent être maintenues, d'autant plus que les pays voisins exigent une durée de séjour de cinq à huit ans. Réduire la durée du séjour à trois ans pourrait avoir un effet d'aspiration.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 8), lequel va plus loin que les amendements déposés à la Chambre.

Eu égard au caractère exceptionnel de la procédure de naturalisation et à l'importance qui est accordée à la motivation, il ne semble plus nécessaire de préciser une durée de séjour. Le but est d'ouvrir la réflexion, dans l'optique d'une révision éventuelle de la Constitution, au sujet d'une manière plus moderne d'accéder à la nationalité au sens de la citoyenneté.

Le ministre répond que l'amendement s'inscrit dans une optique de lege ferenda . Il n'est pas question d'une révision de la Constitution et la disposition est nulle.

L'auteur de l'amendement précise que son amendement n'implique pas une demande de révision de la Constitution. Elle souhaite uniquement souligner que la loi en projet accroît la marge d'appréciation discrétionnaire de la Chambre en supprimant un certain nombre de critères d'appréciation. Il faut éviter tout risque de politisation.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1 et 1 abstention.

M. Verreycken dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 14), relatif à la référence à l'« ancien » article 7. Dès lors que l'on fait référence à un ancien article, il faut également mentionner la loi qui a abrogé cet article.

Le ministre répond que l'ancien article 57 a un caractère extinctif et que cet article s'applique encore aux étrangers que le ministre de la Justice peut assimiler aux réfugiés. Il s'agit là d'une catégorie restreinte, mais elle existe encore. Tout le monde sait ce que l'on entend par l'ancien article 57.

L'amendement est rejeté par 11 voix et 1 abstention.

Article 10

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 35), qui tend à supprimer le 1º.

Compte tenu du fait que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été approuvée par la loi du 13 mai 1955, la disposition en question fait en fait double emploi avec la simple mention que l'on respectera les lois du peuple belge. Il n'est pas nécessaire de mentionner spécifiquement la convention.

Le ministre répond que cette disposition est principalement le résultat des négociations au sein du gouvernement. Il y a une gradation des normes, en vertu de laquelle les conventions internationales priment la Constitution et les lois. On a pourtant choisi de mentionner explicitement la CEDH parce que celle-ci renvoie à des dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux liés à la race et au sexe.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

M. Verreycken dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 15), tendant à insérer le mot « européenne ».

L'auteur estime que la dénomination correcte de la convention est : « Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » D'ailleurs, toutes les publications parlent de la CEDH.

Le ministre répond que la dénomination est conforme à ce qui a été publié au Moniteur belge .

L'amendement est rejeté par 9 voix et 2 abstentions.

Mme De Schamphelaere avait déposé un amendement similaire (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 36, subsidiaire à l'amendement nº 35). En raison du vote intervenu sur l'amendement nº 15, l'amendement nº 36 devient sans objet.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 11) qui tend à remplacer le délai d'un mois par un délai de deux mois.

Le ministre renvoie à la réponse qu'il a donnée pour l'amendement nº 3 à l'article 4.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 2.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 9), visant à insérer une garantie, à savoir que la Chambre statue sur l'octroi de la naturalisation en séance plénière, à la majorité des deux tiers, par un vote motivé, selon les modalités déterminées par son règlement.

Le ministre souligne que cet amendement est inconstitutionnel. L'article 53 de la Constitution dispose que les résolutions des Chambres fédérales sont prises à la majorité absolue des suffrages. L'article 9 de la Constitution n'a pas été soumis à révision et ne prévoit pas de règle spécifique pour l'octroi de la naturalisation.

En outre, le Sénat est mal placé pour proposer une dérogation à cette règle, étant donné que la naturalisation relève de la compétence exclusive de la Chambre (article 54 de la Constitution).

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 10) tendant à retirer à la Chambre sa compétence en matière d'octroi de la nationalité. Les recours devraient alors être introduits eux aussi après des tribunaux.

Le ministre renvoie à la réponse qu'il a faite à l'amendement précédent et demande le rejet.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 10bis

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 37), prévoyant la possibilité de retirer la nationalité belge à ceux qui l'ont acquise sur la base de documents qui, par la suite, se sont révélés être faux ou à ceux qui n'ont pas ou pas suffisamment la volonté de s'intégrer. Actuellement, la nationalité belge ne peut être retirée que dans des cas très exceptionnels.

Le ministre répond que l'on ne dispose que d'une jurisprudence fort restreinte pour ce qui est de l'application de l'article 23 en question. Toutefois, la doctrine considère, dans son ensemble, que le fait de commettre des faux en vue d'obtenir la nationalité tombe bel et bien sous l'application de l'article 23.

L'adage « fraus omnia corrumpit » est également applicable en l'espèce.

Il existe aussi une convention européenne du Conseil de l'Europe du 6 novembre 1997 qui prévoit formellement qu'une conduite frauduleuse, une fausse information ou la dissimulation d'un fait pertinent suffisent pour qu'un État puisse prévoir, dans son droit interne, la perte de la nationalité.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 14

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-308/2, amendement nº 38) qui prévoit que la loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois de sa publication au Moniteur belge et qui allonge dès lors la période transitoire.

Un membre aimerait avoir l'assurance que l'entrée en vigueur de la loi en projet soit compatible avec la date d'entrée en vigueur de la loi portant des dispositions fiscales et sociales du 31 décembre 1999.

Le ministre répond que la loi portant des dispositions fiscales et sociales est entrée en vigueur le 1er février 2000. Il n'est toutefois pas nécessaire que les deux lois entrent en vigueur au même moment. La loi à l'examen ne sera pas publiée avant que le ministre n'ait la garantie que tout a été fait pour que les parquets puissent rendre leur avis dans le délai d'un mois.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2.

CORRECTIONS DE TEXTE

La commission décide d'apporter une série de corrections au texte en projet.

Dans le texte français

Article 2

Au § 1er de l'article 5 proposé, les mots « en rapportant » sont remplacés par les mots « en produisant ».

Au § 2 de l'article 5 proposé, les mots « d'en rapporter l'acte » sont remplacés par les mots « de produire l'acte de naissance », et les mots « s'il en est qui » sont remplacés par les mots « s'il est des témoins qui ».

Au § 3 de l'article 5 proposé, le mot « rapporter » est remplacé par le mot « produire ».

Article 4

Dans le 1º, § 2, les mots « le déclarant » sont remplacés par les mots « l'intéressé ».

Au 2º, § 2, troisième alinéa, les mots « lorsqu'il y a » sont remplacés par les mots « lorsqu'il existe ». La même correction s'applique à l'article 6, 3º.

Article 12

Les mots « non-fondé » sont remplacés par les mots « non fondé ».

Article 13

Dans le § 10 en projet, le mot « applicable » est remplacé par le mot « applicables ».

Dans le texte néerlandais

Article 2

À l'article 5, § 1er , proposé, le mot « afgeleverd » est remplacé par le mot « afgegeven ».

À l'article 5, § 2, les mots « de akte ervan » sont remplacés par les mots « de akte van geboorte » et les mots « indien er zijn » par les mots « indien er getuigen zijn ».

Article 4

Au § 1er , les mots « kunnen de staat van Belg bekomen » sont remplacés par les mots « de Belgische nationaliteit kunnen verkrijgen ».

Article 6

Au 3º, les mots « vanaf de ontvangstmelding » sont remplacés par les mots « van de ontvangstmelding ».

Dans les deux textes

Article 4

La subdivision de l'article (1º, § 1er , 1º, 2º, 3º, 2º etc.) prête à confusion. Les 1º, 2º et 3º, avant l'indication du paragraphe, sont remplacés par les lettres A, B, C.

VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Les rapporteurs,
Meryem KAÇAR.
Jean-François ISTASSE.
Le président,
Josy DUBIÉ.

(1) Projet de loi modifiant les articles 569 et 628 du Code judiciaire ­ Doc. Sénat, nºs 2-309/1-3.