2-245/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

20 DÉCEMBRE 1999


Proposition de loi visant à créer une commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi du ... relative à l'euthanasie

(Déposée par Mme Jacinta De Roeck, M. Philippe Monfils, Mme Myriam Vanlerberghe, Mme Marie Nagy, M. Philippe Mahoux et Mme Jeannine Leduc)


DÉVELOPPEMENTS


La proposition de loi relative à l'euthanasie vise à réglementer, en le soumettant à des conditions strictes, l'acte accompli par une tierce personne qui met fin intentionnellement à la vie d'un patient.

Les auteurs de la présente proposition de loi considèrent qu'il est essentiel ­ vu le caractère délicat de la matière ­ que les conséquences de l'application de cette loi fassent l'objet d'une évaluation adéquate et permanente. Il y a donc lieu de créer une commission fédérale d'évaluation chargée de rassembler le plus d'informations possible. D'une part, la commission fédérale d'évaluation recevra des données du médecin, qui, dans chaque cas d'euthanasie, complétera et lui transmettra un document d'enregistrement conçu à cet effet. D'autre part, la Commission fédérale d'évaluation pourra demander tous renseignements utiles à diverses institutions publiques et privées.

Sur la base de ces données, la commission fédérale d'évaluation rédigera tous les deux ans un rapport statistique, ainsi qu'un rapport sur l'application de la loi relative à l'euthanasie. En outre, la commission fédérale d'évaluation pourra formuler des recommandations concernant les mesures qui visent à adapter la loi.

Commentaire des articles

Article 2

Le paragraphe 1er institue une commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi sur l'euthanasie.

Le paragraphe 2 dispose que la composition de cette commission respecte la parité linguistique et tient compte du pluralisme idéologique propre à notre pays. Il conviendra également de tendre à une égale représentation des hommes et des femmes.

Pour les auteurs de la proposition, il va de soi que les membres, qui seront nommés par arrêté délibéré en Conseil des ministres et sur proposition du Sénat, devront être choisis sur la base de leurs connaissances et de leur expérience dans les matières relevant de la stricte compétence de la commission.

En vue d'assurer son bon fonctionnement, la commission établira elle-même son règlement d'ordre intérieur.

Le paragraphe 3 dispose que ladite commission établira, pour la date fixée , soit le 31 août 2001, un premier rapport qui devra être considéré comme un rapport provisoire. Elle devra présenter ensuite, tous les deux ans, un rapport actualisé. Bien qu'il soit difficile d'exiger que la décision soit prise à l'unanimité des membres de la commission, il est clair que la commission devra s'efforcer de parvenir à un consensus.

Article 3

Cet article concerne le document d'enregistrement qui doit être transmis par le médecin. Les renseignements consignés dans ce rapport médical confidentiel doivent fournir une image plus précise de l'application de l'acte euthanasique. Il est clair que les renseignements communiqués à la commission ne peuvent dévoiler ni l'identité du médecin ni celle du patient. Ces mêmes renseignements doivent être communiqués à la commission sous le sceau de la confidentialité. Les membres de la commission sont tenus par le secret professionnel.

Article 4

La commission doit disposer du personnel nécessaire pour pouvoir remplir ses missions correctement. Le Roi dote la commission d'un cadre administratif qui restera limité au minimum nécessaire, étant entendu que le bon fonctionnement de la commission doit être assuré.

Article 5

La commission étant composée à part égale de juristes et de médecins, ses frais de fonctionnement et de personnel seront imputés par moitié aux budgets des ministres qui ont la Santé publique et la Justice dans leurs attributions.

Article 6

Cet article fixe la sanction dont est assortie toute infraction à cette loi. Les renseignements recueillis par la commission d'évaluation sont strictement confidentiels et ne peuvent être communiqués à aucune autre autorité. Ces renseignements ne peuvent être utilisés par la commission que pour rédiger son rapport à l'attention des Chambres législatives.

Article 7

Les Chambres décident l'organisation d'un débat en séance plénière dans les six mois du dépôt du rapport de la commission. Il appartient, en effet, au législateur de décider quelles sont les modifications ou autres adaptations envisageables dans le cadre de sa compétence.

Jacinta DE ROECK.
Philippe MONFILS.
Myriam VANLERBERGHE.
Marie NAGY.
Philippe MAHOUX.
Jeannine LEDUC.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

§ 1er . Il est institué une Commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi du ... relative à l'euthanasie, ci-après dénommée « la commission ».

§ 2. La commission se compose de seize membres, désignés sur la base de leurs connaissances et de leur expérience dans les matières qui relèvent de la compétence de la commission. Huit membres sont docteurs en médecine, dont quatre au moins sont professeurs dans une université belge. Quatre membres sont professeurs de droit dans une université belge, ou avocats. Quatre membres sont issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable.

La qualité de membre de la commission est incompatible avec le mandat de membre d'une des Chambres législatives et avec celui de membre du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement de communauté ou de région.

Les membres de la commission sont nommés, dans le respect de la parité linguistique ­ chaque groupe linguistique comptant au moins trois candidats de chaque sexe ­ et en veillant à assurer une représentation pluraliste, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, sur une liste double présentée par le Sénat, pour un terme renouvelable de 4 ans. Les candidats qui n'ont pas été désignés comme membres effectifs sont nommés en qualité de membres suppléants. La commission est présidée par un président d'expression française et un président d'expression néerlandaise. Les présidents sont élus par les membres de la commission appartenant à leur groupe linguistique respectif.

La commission établit son règlement d'ordre intérieur.

§ 3. La commission établit à l'attention des Chambres législatives, pour le 31 août 2001 et, par la suite, tous les deux ans :

1º un rapport statistique basé sur les informations recueillies en vertu de l'article 3;

2º un rapport contenant une description et une évaluation de l'application de la loi;

3º le cas échéant, des recommandations susceptibles de déboucher sur une initiative législative et/ou d'autres mesures concernant l'exécution de loi relative à l'euthanasie.

Pour l'accomplissement de ces missions, la commission peut recueillir toutes les informations utiles auprès des diverses autorités et institutions. Les renseignements recueillis par la commission sont confidentiels et ne peuvent être communiqués à aucune instance, pas même au pouvoir judiciaire.

Art. 3

La commission fédérale d'évaluation établit un document d'enregistrement qui doit être complété par le médecin pour chaque cas d'euthanasie, dans les quatre mois de l'accomplissement de l'acte.

Ce document contient les données suivantes relatives au patient défunt :

1º l'année et le mois du décès,

2º le lieu du décès, à savoir en milieu hospitalier ou à domicile,

3º la province du décès (le cas échéant la Région de Bruxelles-Capitale),

4º la nature de l'affection dont le patient souffrait,

5º l'existence ou non d'une déclaration de volonté,

6º le sexe et l'âge du patient.

Conformément à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, le document d'enregistrement doit être rempli de manière à garantir l'anonymat des personnes ayant participé à l'accomplissement de l'acte euthanasique.

Art. 4

Le Roi met un cadre administratif restreint à la disposition de la commission en vue de l'accomplissement de ses missions légales. Les effectifs et le cadre linguistique du personnel administratif sont fixés par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, sur proposition des ministres qui ont la Santé publique et la Justice dans leurs attributions.

Art. 5

Les frais de fonctionnement et les frais de personnel de la commission, ainsi que la rétribution de ses membres sont imputés par moitié aux budgets des ministres qui ont la Justice et la Santé publique dans leurs attributions.

Art. 6

Quiconque prête son concours, en quelque qualité que ce soit, à l'application de la présente loi, est tenu de respecter la confidentialité des données qui lui sont confiées dans l'exercice de sa mission et qui ont trait à l'exercice de celle-ci. L'article 458 du Code pénal lui est applicable.

Art. 7

Dans les six mois du dépôt du premier rapport et, le cas échéant, des recommandations de la commission, visés à l'article 2, § 3, les Chambres législatives organisent un débat à ce sujet. Ce délai de six mois est suspendu pendant la période de dissolution des Chambres législatives et/ou d'absence de gouvernement ayant la confiance des Chambres législatives.

Jacinta DE ROECK.
Philippe MONFILS.
Myriam VANLERBERGHE.
Marie NAGY.
Philippe MAHOUX.
Jeannine LEDUC.