2-160/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

17 NOVEMBRE 1999


Proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort

(Déposée par M. Hugo Vandenberghe et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


I. CONSTATATIONS

1.1. Dans la discussion sur une éventuelle réglementation légale en matière d'euthanasie, la protection de la vie humaine en tant que valeur autonome est une priorité.

Tout doit être mis en oeuvre pour assurer le respect de la dignité humaine devant la mort, en partant du principe que la reconnaissance de la personnalité de l'individu implique le respect absolu de la vie humaine, y compris le respect de l'intégrité physique et morale de cet individu. Cette vision s'appuie sur une tradition judéo-chrétienne séculaire, qui a érigé le respect de la vie en norme dans notre civilisation occidentale, y compris pour les athées.

Chaque existence est unique et digne de considération, d'attention, de respect et de protection. La nécessité de protéger la vie se fait particulièrement sentir à l'approche de la mort.

La valeur de la vie ne relève pas du jugement qu'en fait l'individu. C'est d'ailleurs ce que dit l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui dispose : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »

Là-dessus vient se greffer le souci de permettre à chacun, y compris à l'enfant à naître et à la personne dont la vie s'achève, de vivre toute sa vie dans la dignité. Face à un mourant, il y a lieu de résoudre des problèmes particuliers pour pouvoir réaliser cet objectif. En effet, le mourant se trouve dans une situation de très grande vulnérabilité et il est dès lors justifié que l'on veille à garantir la protection effective de ses droits. Or, on constate aujourd'hui un manque de transparence du processus de décision médicale à la fin de la vie ainsi qu'un manque de sécurité juridique. Il convient de remédier à cette situation.

Ce débat, que l'on a voulu situer dans une large perspective, est en fait une discussion sur la possibilité de garantir à chacun une fin de vie dans la dignité. L'on ne pourrait en effet pas tenir compte, dans le cadre de ce débat, de la diversité des faits qui peuvent se présenter et des questions qui se posent, si l'on condensait toute la discussion sous un titre peu ambitieux. Il ne faut pas que le débat ne porte que sur une série de discussions relatives à la question de savoir s'il faut être pour ou contre la légalisation de l'euthanasie, pour ou contre la modification de la loi pénale. Il ne faut pas le ramener à un simple discours relatif à des mesures répressives. Le ramener à de telles dimensions reviendrait à privilégier une vision trop mécanique de la politique et du droit. Il est possible de concevoir les choses différemment et d'envisager un discours axé sur la défense des droits de l'homme et, plus particulièrement, du droit de mourir dans la dignité, qui est un droit social fondamental qui trouve son fondement dans l'article 23 de la Constitution.

En effet, si la loi pénale est indispensable pour protéger la vie, elle ne garantit pas suffisamment le droit de vivre une fin de vie dans la dignité.

La loi pénale n'appréhende pas la grande complexité que peut présenter le comportement médical vis-à-vis du mourant et elle n'exclut pas le risque de voir négliger, dans la relation médecin-patient, à l'approche de la fin de la vie, le respect des droits fondamentaux et des libertés fondamentales, comme le droit à la vie ou le droit à l'autonomie de la personne.

1.2 Il y a en outre la constatation que, du point de vue politique, les problèmes éthiques s'inscrivent aujourd'hui dans une perspective tout à fait nouvelle. Les développements scientifiques qui ont eu lieu dans le monde médical ont soulevé toute une série de questions nouvelles, y compris en ce qui concerne le droit de finir sa vie dans la dignité.

Les progrès engrangés dans le domaine des soins de santé sont un grand bien. L'application de techniques médicales nouvelles et de médications nouvelles a permis et permet encore de trouver une solution à bon nombre de maladies. La science médicale doit dès lors disposer de possibilités de développement suffisantes.

Mais la liberté de la recherche n'empêche pas que l'on fixe des limites.

La responsabilité humaine signifie que l'individu n'est pas subordonné à la science et à la technique. Ces dernières doivent servir l'homme et la nature comme un tout.

La protection liée aux droits et valeurs de l'ordre politique justifie d'imposer, dans certaines conditions, des limites à la science ou à la liberté médicale. La dignité humaine et le respect de la vie humaine sont des valeurs de ce type, bien que la justification sous-jacente puisse être variable.

Pour nous, chaque individu est unique et s'épanouit devant le visage d'autrui.

Cette vérité vaut pour l'individu en pleine possession de ses moyens et capable de se défendre, mais aussi et surtout pour les personnes vulnérables et celles dont la vie est brisée.

Si les valeurs propres à la science sont dissociées de ces conditions essentielles, le sens des valeurs s'en trouve isolé.

La collectivité souffrira toutefois moins d'une limitation du progrès scientifique que d'une atteinte aux droits de l'homme et à la dignité humaine.

L'appréciation des questions relatives à l'éthique médicale ne peut pas faire abstraction des valeurs, mais elle est aussi influencée par l'image de l'être humain et sa place dans la société.

À ce propos, les notions de solidarité attentionnée et de responsabilité personnelle, si contradictoires qu'elles puissent sembler, sont en fait complémentaires.

1.3 En outre, le pluralisme de notre société entraîne parfois des divergences de vues jusque sur des notions essentielles comme la vie, l'agonie et la mort.

Quelle est à cet égard la tâche des pouvoirs publics ?

Le mode d'organisation de l'autorité publique est variable, comme l'histoire et l'avenir nous l'apprennent. Mais une chose est sûre : les pouvoirs publics sont considérés comme l'instrument culturel porteur de la civilisation.

Le détenteur du monopole de la force, le dispensateur du droit et de l'ordre public, l'organisateur de la solidarité entre les citoyens, la forme d'organisation politique d'une nation, la garantie d'un développement ordonné et généralement pacifique de la société et le gardien de la liberté individuelle.

Si cette mission publique est relativisée ou qu'elle est noyée dans un océan d'indifférence et de pensée utilitaire, les choses risquent de prendre un tour désagréable.

Ce dont il s'agit ici, ce n'est pas de savoir si l'on veut plus ou moins d'État.

Ce dont il s'agit ici, c'est qu'à plusieurs égards, l'État et donc l'ordre juridique sont le toit de la maison qu'est la collectivité. Ce toit ne peut être négligé. Une des missions par excellence de la politique reste donc de dessiner un cadre de civilisation collectif dans lequel un grand nombre se reconnaît et qui puisse servir de ligne directrice sociale. La protection effective de la vie humaine en constitue, à nos yeux, un élément essentiel.

II. ANTÉCÉDENTS POLITIQUES DE LA PROBLÉMATIQUE

2.1. Les présidents de la Chambre et du Sénat ont introduit en 1996 une demande d'avis auprès du Comité consultatif de bioéthique concernant la question de l'opportunité d'un règlement légal de l'interruption de la vie à la demande des malades incurables (euthanasie); les soins palliatifs; la déclaration relative au traitement et le testament de vie, y compris les aspects éthiques, sociaux et juridiques; et en particulier les propositions de loi pendantes au cours de la législature précédente.

2.2. Jusqu'à ce jour, le Comité consultatif a rendu deux avis :

2.2.1. Premier avis (quatre propositions) :

Dans son premier avis du 15 mai 1997, le Comité a résumé l'ensemble des questions à celle-ci : est-il opportun de légiférer en matière d'euthanasie ? Cet avis, qui a été transmis aux présidents de la Chambre et du Sénat, a contribué de manière appréciable à la dépersonnalisation et à l'objectivation du débat sur la dignité de la fin de vie, lequel fut lancé au Sénat les 9 et 10 décembre 1997. Il convient de relever qu'il existe au sein du Comité un certain consensus sur les points suivants : rejet de l'acharnement thérapeutique, souhait de développer les soins palliatifs, inadaptation de la réglementation actuelle relative au certificat de décès et à la déclaration de décès, et manque de transparence du processus de décision médicale à la fin de la vie. Quatre propositions relatives à la problématique de l'euthanasie ont été formulées.

2.2.2. Deuxième avis (trois propositions)

Le 22 février 1999, le Comité consultatif de bioéthique a rendu l'avis concernant l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté. Le Comité définit l'euthanasie dans les termes suivants : « l'acte pratiqué par un médecin qui met fin intentionnellement à la vie d'un patient dont la situation est sans issue, et qui est incapable d'exprimer sa volonté ». Par personnes incapables, on entend les personnes qui, dans les faits, ne sont plus capables de faire connaître leur volonté en ce qui concerne les décisions qui ont trait à leur personne. Par personnes incapables sont visées dans cet avis non seulement les personnes incapables de jure (par exemple les mineurs d'âge, les personnes sous statut de minorité prolongée), mais aussi les personnes juridiquement capables qui, de facto (en raison de la maladie, d'un accident, de la veillesse, de la démence), ne sont pas (ou plus) capables de faire connaître leur volonté en ce qui concerne les décisions qui ont trait à leur personne (santé, traitement médical, intégrité physique, qualité de la vie, mourir dans la dignité). Trois propositions ont été formulées à ce sujet.

III. PROPOSITION PERSONNELLE. CONTEXTE GÉNÉRAL

3.1. Eu égard aux constations qui ont été faites, il faut axer toute initiative légale sur la protection des droits de l'homme et de la dignité humaine à l'approche de la fin de la vie.

Comme nous l'avons montré plus haut, aucun discours exclusivement pénal n'est encore compatible avec la réalité complexe de l'agonie, même si l'application de la loi pénale est un principe général incontournable.

Il y a, toutefois, lieu de compléter la loi pénale par une réglementation qui assure la transparence du processus de décision médical et qui garantisse le contrôle des décisions médicales fondamentales.

Dans l'immédiat, cette réglementation permettra de réduire sensiblement le risque de pratiques médicales injustifiées.

3.2. La résolution 613 (1976) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe indique d'ailleurs aussi qu'il est nécessaire de résoudre le problème globalement dans la mesure où « les malades mourants tiennent avant tout à mourir dans la paix et la dignité, si possible avec le réconfort et le soutien de leur famille et de leurs amis ». En 1976 toujours, l'assemblée ajouta, par la voie de sa recommandation 779, que « la prolongation de la vie ne doit pas être en soi le but exclusif de la pratique médicale, qui doit viser tout autant à soulager les souffrances ».

Par ailleurs, une recommandation approuvée récemment par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (1418 ­ 25 juin 1999) sur la « protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants », invite les États membres à prévoir dans leur droit interne des dispositions assurant aux malades incurables et aux mourants la protection juridique et sociale nécessaire et protégeant leur dignité. La personne qui est en train de mourir est, en effet, la personne faible par excellence. L'obligation de respecter et de protéger la dignité des malades incurables et des mourants est la conséquence naturelle du principe de l'inviolabilité de la dignité humaine à tous les stades de la vie.

Ce respect se traduit par la création d'un environnement approprié qui permet à l'être humain de mourir dans la dignité.

3.3. Le développement de l'offre d'un vaste éventail de soins de santé de haute qualité dans le secteur des soins de santé, dans celui des soins aux personnes âgées et, en particulier, dans celui des soins palliatifs, est nécessaire si l'on veut prévenir la demande d'euthanasie plutôt que de l'écarter par des moyens détournés et si l'on veut que les situations extrêmes entraînant le renoncement à la vie soient véritablement ramenées au rang d'exception à défaut de pouvoir être totalement exclues. Jusqu'à la fin de leur vie, les gens doivent avoir l'assurance que leur sécurité est garantie et qu'ils peuvent compter sur la solidarité d'autrui. Voilà pourquoi nous considérons que les efforts à accomplir pour permettre aux gens d'achever leur vie dans la dignité doivent être un élément constitutif de soins de santé dignes de ce nom. C'est le devoir de toute société agissant en bon père de famille. Comme la naissance, la mort est un événement social. Dans le cas d'une personne qui va mourir et qui ne bénéficie du soutien de personne, il n'y a aucune reconnaissance du caractère social du passage de la vie à la mort. Il faut veiller en outre à créer l'espace social nécessaire pour pouvoir donner un sens valable à cet événement.

Comme il n'est pas exclu que l'on voie l'offre de soins mise sous pression en raison du coût démographique du vieillissement de la population, il y a lieu d'expliciter du point de vue social le droit de mourir dans la dignité et de garantir ce droit dans les faits. Seule une culture de soins impliquant un revirement culturel en pensées et en actes peut répondre comme il se doit à cette demande.

Il faut par conséquent reconnaître pleinement le droit aux soins palliatifs, continuer à développer au mieux toutes les formes possibles d'organisation de soins palliatifs et faire rapport annuellement à leur sujet.

3.4. Les auteurs de la proposition de loi ont opté pour la définition de l'euthanasie que le Comité consultatif de bioéthique a empruntée à la Nederlandse Staatscommissie et selon laquelle l'euthanasie est « un acte volontaire d'interruption de la vie qu'une personne accomplit à la demande de l'intéressé ».

Partant de cette définition, la proposition envisage les cas de situations désespérées dans lesquelles le médecin accomplit un acte visant à abréger la vie à la demande d'un patient qui est encore capable d'exprimer sa volonté.

Le terme d'euthanasie n'est donc pas utilisé pour désigner l'interruption ou l'omission justifiée d'un acte médical ni l'administration justifiée d'analgésiques qui abrègent la vie (c'est-à-dire les décisions médicale relatives à la fin de la vie).

Il n'est pas davantage envisagé d'autoriser l'euthanasie dans le cas de personnes qui ne peuvent plus exprimer leur volonté. Selon la proposition de loi, il y a lieu, en cas d'incapacité du patient, de faire primer inconditionnellement le devoir qu'a l'État de protéger la vie. La présente proposition de loi prône le maintien pur et simple de l'interdiction légale de provoquer la mort par euthanasie d'un patient incapable ­ qu'il y ait eu ou non demande préalable.

La présente proposition de loi s'inscrit donc dans la philosophie de la troisième proposition de l'avis que le Comité a formulée dans le cadre de son avis : « L'interdiction de l'homicide est une caractéristique essentielle de l'État de droit. Même en présence d'une directive anticipée demandant un arrêt actif de la vie, il n'est jamais permis d'accéder à cette requête lorsqu'elle est formulée par les personnes incapables, considérant en outre qu'une directive anticipée ne peut jamais prévoir une situation de détresse concrète. La valeur éminente de la vie constitue le fondement naturel de tous les autres droits de la personne humaine. La pratique médicale dispose d'un vaste arsenal de possibilités permettant de trouver une solution adéquate aux situations problématiques des patients incapables. Tout ceci peut se produire dans un climat ouvert de communication avec l'(éventuelle) personne de confiance et les proches, de même qu'avec le personnel soignant, pour lesquels d'éventuels souhaits du patient antérieurement exprimés sont sérieusement pris en considération. La décision finale appartient au médecin, mais elle doit toujours rester une expression de responsabilité, de soins et d'assistance du patient incapable au stade terminal. Des directives données anticipativement ne peuvent cependant jamais saisir la complexité de l'« ici et maintenant », ni constituer un code de comportement contraignant concernant des situations imprévues. La créativité dans la pratique médicale quotidienne s'affine constamment à l'épreuve des vicissitudes de l'existence. Une vraie démocratie implique que personne ne peut s'arroger le droit de juger de la valeur de la vie d'autrui. L'interdit général portant sur l'arrêt actif de la vie des personnes incapables est en effet un condition sine qua non de garantie du respect des droits des plus faibles, et donc aussi, en fin de compte, de garantie de protection des valeurs démocratiques fondamentales. »

3.5. La décision d'accomplir un acte abrégeant la vie a une portée totalement différente de celle des autres décisions médicales. Il est question non pas d'une alternative médicale, mais d'une hypothèse subsidiaire réservée à dans des situations extraordinaires. La présente proposition de loi maintient par conséquent dans son intégralité l'interdiction pénale de l'euthanasie.

La protection de la vie humaine en tant que valeur autonome constitue en effet une de clés de voûte de notre civilisation. L'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est très claire à cet égard (voir 1.1).

Selon la loi proposée, un acte destiné à abréger la vie n'est justifiable que par un état de détresse (il s'agit d'une notion juridique existante) et dans des situations très exceptionnelles. L'état de détresse est une situation dans laquelle la transgression de dispositions pénales et l'atteinte à des biens et à des intérêts protégés par le droit pénal constituent le seul moyen de préserver un autre bien ou intérêt juridique important. Lorsqu'il y a état de détresse, on doit choisir, soit de respecter la loi pénale et tolérer que l'on porte atteinte aux biens et intérêts juridiques de la personne en question, soit d'enfreindre la loi pénale et sacrifier un bien juridique d'ordre inférieur à un bien ou intérêt juridique d'ordre supérieur.

Du point de vue juridique, l'état de détresse, notion reconnue dans le cadre de tous les systèmes juridiques d'Europe occidentale, suppose un grave problème de conscience chez le médecin : des situations particulières le placent dans une situation où il y a conflit de valeurs, de droits et de devoirs : l'obligation de respecter la vie s'oppose à l'obligation de fournir aide et assistance jusqu'au bout. Dans des situations particulières, par exemple lorsque les souffrances sont devenues insupportables et que tout contrôle des symptômes échoue en phase terminale, le médecin peut estimer que la seule manière d'encore aider et assister le patient est de poser un acte qui abrégera sa vie, c'est-à-dire un acte contraire à son premier devoir.

À la fin de la vie d'un patient, deux devoirs entrent donc en conflit, ce qui suscite un état de détresse. La dignité de la vie humaine ne peut être assurée que par un acte abrégeant la vie. La mort n'est pas souhaitée mais on accomplit un acte entraînant la mort pour protéger la dignité.

3.6. Le droit à l'autodétermination qui est invoqué conduit-il à une autre solution ? On peut se demander si le « droit à l'autodétermination » est un droit fondamental ou un principe de droit. Il y aurait plutôt lieu de considérer que le droit à l'autodétermination et le principe de liberté constituent ensemble la source de plusieurs droits fondamentaux. Par ailleurs, le principe de l'autodétermination met en exergue la capacité de l'individu de se diriger lui-même et le fait qu'il a voix au chapitre à propos de la manière dont les libertés individuelles sont exercées. Il établit que l'individu a la possibilité et la capacité de définir lui-même sa liberté. Il s'ensuit qu'il peut décider lui-même que, dans certaines circonstances, une valeur personnelle comme le respect de la vie privée ou l'intégrité physique, ne doit plus être protégée.

Le principe de l'autodétermination nous confronte à la question importante de savoir quelles sont les limites de l'autonomie ?

Admettre sans restriction l'expression de la volonté individuelle en vertu du principe d'autodétermination reviendrait à conférer à l'autonomie un caractère quasi souverain dans le cadre des régimes juridiques que l'on déciderait de mettre en place, si bien qu'il n'y aurait plus de limites à la liberté individuelle, qu'elle serait absolue. Ce serait contraire aux autres droits fondamentaux classiques qui impliquent toujours, du moins dans la tradition européenne, que l'exercice de la liberté individuelle est soumis à des restrictions par la règle de droit.

L'autorité a pour mission de protéger la vie humaine contre l'action d'autrui. Cette protection n'est pas fondée sur l'idée que la vie d'une personne n'a de valeur que si elle a la volonté de vivre et n'en a plus si cette volonté fait défaut. Elle est plutôt fondée sur l'idée que la vie de l'individu tire sa valeur du principe de la dignité de la personne humaine, c'est-à-dire du fait qu'elle est considérée a priori comme un bien en soi, abstraction faite de toute opinion individuelle sur ce point. Le principe du respect de la vie humaine en tant que telle mérite de rester le principe directeur, précisément parce qu'il permet d'accorder autant d'importance à la vie humaine faible, sans défense ou incapable qu'à la vie humaine forte, capable de se défendre et de s'exprimer.

Le droit de décision prend un autre aspect lorsque, pour appliquer une décison individuelle, on fait appel à une tierce personne, fût-elle un spécialiste. Le droit à l'autodétermination devient alors un droit de codécision et, même, un droit à être associé à la prise de décision médicale.

Plusieurs valeurs entrent en jeu lorsqu'il y a lieu d'émettre un jugement juridique et politique à propos d'un acte d'euthanasie. Il y a l'intérêt du mourant, il y a la responsabilité personnelle du médecin et il y a le devoir qu'a la société d'assurer pleinement la protection de la vie. En d'autres termes, toutes les règles de droit doivent assurer un équilibre entre autonomie et réglementation. Une règle de droit ne peut donc jamais se fonder sur le point de vue d'un seul individu. Il y a lieu de poursuivre un équilibre entre les principes en jeu.

Qui plus est, l'acte à juger est accompli par un médecin, si bien qu'il s'agit d'un acte relationnel. Comme l'on admet certaines restrictions pour ce qui est des rapports entre l'homme et les biens matériels, l'on ferait preuve d'un manque de cohérence en excluant a priori toute restriction pour ce qui est des rapports relationnels. L'euthanasie n'est pas un acte médical ordinaire.

3.7. Il y a lieu, dès lors, d'extraire la prise de décision médicale relative à la fin de la vie de la zone d'ombre où elle a lieu, afin de mieux réglementer les actes médicaux accomplis vis-à-vis des patients arrivés en fin de vie, comme celui qui consiste à arrêter ou à omettre d'appliquer un traitement médical ou celui qui consiste à combattre la douleur de manière intensive. L'on réduira ainsi les possibilités d'abus, le nombre de cas dans lesquels l'on interrompt la vie d'un patient à son insu et le nombre de cas d'euthanasie clandestine.

C'est pourquoi l'on doit avoir, pour pouvoir prendre position au sujet de l'euthanasie, une vision claire des actes médicaux relatifs à la fin de la vie, étant donné qu'il peut s'agir d'actes normaux en phase terminale, mais aussi d'actes conçus pour couvrir un arrêt actif de la vie. Cela permet de situer le problème de l'euthanasie dans un contexte beaucoup plus large et de développer ainsi une véritable culture d'aide et d'accompagnement des patients qui arrivent au terme de leur vie. Actuellement, les soins de santé administrés aux personnes qui arrivent en fin de vie ont en effet trop souvent des aspects peu humains : pas ou presque pas d'information, un traitement impersonnel, des traitements perçus comme des actes techniques ou des actes d'acharnement thérapeutique.

3.8. Convaincu que la protection de la vie humaine, et, en particulier de la personne vulnérable qui arrive à la fin de sa vie, est une valeur autonome essentielle, et conscient qu'il se pourrait que l'on ne puisse pas garantir des soins attentifs dans toutes les situations de fin de vie, l'auteur de la présente proposition de loi lui assigne les objectifs suivants :

a) consacrer la reconnaissance légale du droit aux soins palliatifs comme un droit fondamental de toute personne

Le développement tant qualitatif que quantitatif d'une offre de haut niveau en matière de soins de santé, de soins aux personnes âgées, et en particulier de soins palliatifs, est indispensable pour prévenir la demande d'euthanasie plutôt que de l'écarter par des moyens détournés et, à défaut de pouvoir les exclure, du moins pour faire en sorte que les situations extrêmes où l'on renonce à la vie soient véritablement exceptionnelles. Jusqu'au terme de son existence, l'être humain doit avoir la certitude que sa sécurité est garantie, qu'il peut compter sur la solidarité de tous et que les événements de la vie ne seront pas trop envisagé sous un angle purement technique et scientifique.

b) fixer des conditions pour protéger les patients incurables ou mourants vis-à-vis d'actes médicaux en principe autorisés

Ce chapitre vise à empêcher qu'en dépit de l'interdiction pénale mise à l'euthanasie, celle-ci ne soit malgré tout pratiquée clandestinement à la faveur d'une « zone d'ombre », sous le couvert d'actes médicaux en principe autorisés, tels que l'interruption ou l'omission d'un acte médical, la cessation progressive d'une thérapie ou une forme médicalement justifiée de lutte contre la douleur ayant pour effet d'abréger la vie.

La présente proposition de loi entend donc non seulement s'attaquer au problème de l'euthanasie, mais aussi, comme l'indique son intitulé, s'efforcer de résoudre une problématique beaucoup plus large. À l'heure actuelle, en effet, les soins dispensés à l'approche de la mort présentent trop souvent des côtés moins « humains » : peu ou pas de contact entre le médecin et le patient, peu ou pas de concertation, peu ou pas d'information, caractère impersonnel et technique du traitement, acharnement thérapeutique.

c) soumettre à des conditions particulières l'évocation de l'état de nécessité lorsqu'un médecin agit volontairement en vue de hâter la fin d'un patient à la demande de ce dernier

La prise d'une décision d'euthanasie a une tout autre portée que les décisions médicales visées au b) .

C'est pourquoi la présente proposition de loi maintient telle quelle l'interdiction pénale qui frappe l'euthanasie. En effet, la protection de la vie humaine en tant que valeur autonome constitue un des principes fondamentaux de notre conception de la civilisation. L'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le dit très explicitement : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une peine capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »

La présente proposition de loi se différencie des autres propositions qui ont été déposées en ce qu'elle ne fait pas disparaître l'euthanasie de la loi pénale et qu'elle confère à cette loi pénale une signification plus que purement symbolique. Seul un état de nécessité (une notion déjà consacrée en droit) peut justifier un acte d'euthanasie. L'état de nécessité est un état dans lequel le fait d'enfreindre les dispositions de la loi pénale ou de porter atteinte à des biens ou des intérêts juridiques protégés pénalement, est le seul moyen de préserver un autre bien ou intérêt juridique.

L'état de nécessité considéré dans l'appréciation juridique, et reconnu par tous les systèmes de droit d'Europe occidentale, suppose que le médecin soit confronté à un problème de conscience grave. Des circonstances particulières le placent dans une situation de conflit entre des valeurs, des droits et des devoirs : l'obligation de respecter la vie se trouve face à l'obligation de prêter aide et assistance jusqu'au bout. Cette procédure ainsi que les conditions de protection visées au b) ci-dessus, donneront davantage de transparence à la décision médicale concernant la fin de la vie et lui conféreront un aspect plus humain de même que, par voie de conséquence, une valeur éthique plus élevée.

d) apporter les adaptations nécessaires à la réglementation belge actuelle concernant la constatation, la déclaration et le contrôle de tout décès

L'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (du 4 novembre 1950) impose aux États membres de protéger le droit à la vie. La réglementation belge actuelle concernant la constatation, la déclaration et le contrôle des décès présente un certain nombre de lacunes et de carences qui font qu'à l'heure actuelle, le législateur ne peut quasiment pas garantir cette protection. La législation belge relative à la déclaration des décès et au contrôle de l'exactitude de la cause mentionnée de la mort date du siècle dernier et est tout à fait dépassée.

Dans aucun autre pays, le nombre d'exhumations dues à des contestations sur la cause de la mort n'est aussi élevé que chez nous.

En résumé, la présente proposition de loi situe la problématique de l'euthanasie dans un cadre beaucoup plus large que les autres propositions. Elle permettra ainsi le développement d'une véritable culture des soins et de l'accompagnement prodigués aux personnes en phase terminale.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Disposition préliminaire

Article 1er

Cet article contient la référence usuelle à la Constitution.

CHAPITRE I

Des soins palliatifs comme droit fondamental pour tous

Article 2

L'opportunité du développement des soins palliatifs fait l'objet d'un consensus au sein du Comité consultatif de bioéthique.

Cet article prévoit la reconnaissance légale du droit aux soins palliatifs comme droit fondamental de tout être humain.

C'est un droit social découlant de l'article 23 de la Constitution et ayant pour but de contribuer à garantir la participation de chaque individu à la société. Ce droit est fondé sur un modèle d'implication qui privilégie des qualités comme la proximité, la présence, la chaleur, la fraternité et la solidarité. Il s'agit du droit d'être un patient, c'est-à-dire du droit à l'égalité dans l'accès aux soins de santé, y compris dans la phase terminale, tel qu'il est garanti par la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Article 3

L'article 3 définit ce qu'il faut entendre par soins palliatifs.

Les soins palliatifs peuvent être définis comme un ensemble de soins actifs et continus. Les soins palliatifs prennent en compte les aspects physiques, psychiques, sociaux et spirituels de la vie et de la mort. Ils sont dispensés de concert par des professionnels, des bénévoles et des intervenants de proximité, lesquels se complètent et se soutiennent mutuellement.

Les soins palliatifs sont toutes les formes de soins qui visent, d'une part, à atténuer la souffrance mortelle et, d'autre part, à rendre la vie plus confortable pendant la période précédant le décès. Tous les êtres humains ont le droit de mourir dignement. Même ceux qui voient venir la mort de très loin, comme les personnes atteintes de démence, ont le droit de bénéficier des soins palliatifs. Par conséquent, les soins palliatifs sont beaucoup plus étendus que les soins apportés en phase terminale aux malades incurables, aux cancéreux ou aux personnes atteintes du sida.

Les soins palliatifs visent à aider le patient à mourir dignement : la mort « peut » être et est considérée comme un processus naturel et normal et comme faisant partie de la vie; la mort n'est ni différée ni accélérée; le bien-être du patient dans toutes ces dimensions, et du point de vue de son vécu à lui est au centre des préoccupations; le traitement n'est pas axé sur l'acharnement thérapeutique ou sur la prolongation inutile de la vie; la douleur et d'autres symptômes sont atténués; le patient et sa famille sont associés activement autant que possible aux soins apportés et ils sont accompagnés dans leurs choix, moyennant le respect de leur autonomie et de leur spécificité, sur le chemin qui mène de la vie à la mort; tout au long de la période de la maladie, du décès et du deuil, la famille et les proches sont accueillis, soutenus, accompagnés et associés aux soins; la communication entre tous les intéressés, tant entre le demandeur et le prestataire des soins qu'entre les prestataires de soins mêmes (collaboration interdisciplinaire), est une condition essentielle.

La formation de tous les prestataires de soins doit accorder une large attention aux soins palliatifs.

Article 4

L'article 4 confère au gouvernement fédéral la mission de prendre, en fonction des besoins et dans les limites de sa compétence, les initiatives nécessaires en vue du développement coordonné d'un système de soins palliatifs à part entière, et plus particulièrement en ce qui concerne la continuité dans le financement de l'ensemble de l'offre actuelle de soins palliatifs (soins à domicile; réseaux et organes de soins palliatifs, fonction palliative dans les maisons de repos et de soins et les maisons de repos pour personnes âgées; fonction palliative dans les hôpitaux; unités de soins palliatifs et centres de jour). Ces initiatives doivent faire l'objet d'un rapport annuel.

CHAPITRE II

Des conditions de protection en cas de lutte contre la douleur et d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical

Article 5

Il existe au sein du Comité consultatif de bioéthique un consensus sur l'absence de transparence de la prise de décision médicale à la fin de la vie.

Cet article vise à inscrire les décisions relatives à la fin de la vie dans une perspective beaucoup plus large. Actuellement, les soins de santé donnés aux personnes qui se trouvent à la fin de leur vie présentent trop souvent des aspects peu humains : pas ou presque pas de contacts entre le médecin et le patient, pas ou presque pas de concertation, pas ou presque pas d'informations, un traitement impersonnel et purement technique, l'acharnement thérapeutique.

L'article tend à faire reconnaître par la loi comme faisant partie du droit général, une série de droits fondamentaux pour les patients incurables ou mourants, (concrétisation des droits des patients qui se trouvent à la fin de leur vie); en quelque sorte, l'article crée des conditions de protection en cas d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical, en cas d'arrêt progressif d'une thérapie ou encore dans le cas d'un traitement analgésique qui a pour effet d'abréger la vie. Le but est de conférer un caractère plus humain à la relation patient-médecin (c'est-à-dire l'équipe médicale) dans le contexte de l'approche de la fin de la vie, ainsi que d'accroître la transparence des décisions médicales relatives à la fin de la vie.

Plus concrètement, il s'agit des décisions visées à l'article 96 du chapitre IX, « Vie finissante », du Code de déontologie médicale rédigé par le Conseil national de l'ordre des médecins.

En cas de décision d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical ou lorsqu'on arrête progressivement une thérapie ou lorsqu'on applique un traitement analgésique justifié du point de vue de l'état actuel des connaissances médicales et ayant pour effet d'abréger la vie, ces décisions ne peuvent être prises qu'à la condition d'être conformes à l'état actuel des connaissances médicales et à la déontologie médicale et de respecter les droits du patient.

Cela est garanti par le fait que le dossier médical de la personne décédée doit faire ressortir sans équivoque que :

­ le patient a été informé de la décision envisagée et qu'il y a donné son assentiment;

­ un collègue-médecin au moins a été consulté dans le cas où le patient n'avait pas donné son assentiment ou n'était pas (plus) en état d'exprimer sa volonté;

­ la personne de confiance, désignée par le patient même, ou sa famille proche ont, dans la mesure du possible, été informées de la décision envisagée et ont eu l'occasion d'exprimer leur avis.

À cet égard, il serait judicieux que la déontologie médicale élabore le principe suivant lequel un deuxième médecin doit être associé à cette prise de décision.

L'article vise à objectiver davantage le processus décisionnel relatif aux actes médicaux en principe autorisés et à en faciliter l'éventuel contrôle judiciaire a posteriori.

CHAPITRE III

Des conditions particulières relatives à l'évocation de l'état de nécessité par le médecin qui met volontairement fin à la vie d'un patient à la demande de ce dernier

Article 6

Invoquer l'état de nécessité pour poser un acte dont l'effet est d'abréger la vie, a une toute autre portée que les décisions visées au chapitre II. Seul un état de nécessité, qui aura nécessairement un caractère subsidiaire, peut justifier un acte qui abrège la vie en phase terminale.

Le développement des soins palliatifs comme droit fondamental pour tous et la transparence du processus décisionnel médical à l'approche de la mort (pour les actes médicaux en principe autorisés en fin de vie) sont des conditions absolues pour prévenir la demande d'euthanasie plutôt que de l'écarter par des moyens détournés et, à défaut de pouvoir les exclure, pour faire en sorte que les situations extrêmes aboutissant au geste de mort soient véritablement exceptionnelles.

Les lacunes de la réglementation actuelle en matière de constatation, de déclaration et de contrôle des décès réduisent toute évaluation statistique de l'euthanasie dans notre pays à un exercice purement spéculatif qui, en l'absence de contrôle objectif, demeure très approximatif. Ce qui est certain, c'est qu'à l'heure actuelle, notre pays n'offre pas suffisamment de garanties contre des formes indésirables d'euthanasie mises en oeuvre sans demande aucune du patient. Le but de la présente proposition de loi est de rendre plus difficile le geste de mort non demandé par le patient et de faciliter la lutte contre cette pratique.

S'agissant de la procédure d'euthanasie, l'article 6, en plus des conditions générales susvisées, met l'accent sur deux caractéristiques particulières.

D'une part, le processus décisionnel s'accompagnera d'un contrôle social et, d'autre part, ce processus intégrera, à un moment donné, une phase de contrôle éthique (l'avis d'un confrère médecin, une concertation avec l'équipe soignante et une appréciation éthique donnée par un tiers non médecin). Au stade de l'avis et de l'appréciation éthique, il s'agira surtout de vérifier s'il y a des raisons médicales graves de procéder à l'euthanasie. Ces raisons médicales graves devront pouvoir satisfaire au contrôle juridique de la cause de justification.

L'article maintient l'interdiction pénale, de sorte que le médecin reste pleinement responsable de ses décisions et de ses actes. On lui assure néanmoins un certain degré de sécurité juridique, puisque la procédure prescrite lui permet d'invoquer une cause de justification (à savoir l'état de nécessité) pour un acte normalement assimilé à un homicide. L'état de nécessité est une situation dans laquelle le fait d'enfreindre des dispositions pénales ou de porter atteinte à des biens et des intérêts juridiques protégés par la loi pénale, constitue l'unique moyen de préserver d'autres biens ou intérêts juridiques plus importants.

L'alternative de l'état de nécessité est la suivante : soit respecter la loi pénale et tolérer qu'il soit porté atteinte aux biens ou aux intérêts juridiques de quelqu'un; soit enfreindre la loi pénale et sacrifier un bien juridique inférieur à un bien ou un intérêt juridique supérieur. Dans cette appréciation juridique, l'état de nécessité suppose que le médecin soit confronté à un problème de conscience : des circonstances particulières le placent dans une situation de conflit entre des valeurs, des droits et des devoirs.

La décision incombe en définitive au médecin, qui est confronté, d'une part à une interdiction de tuer sanctionnée pénalement et, d'autre part, à « l'obligation médicale » de soulager autant que faire se peut la souffrance du patient, de l'assister jusqu'au bout et de lui permettre de mourir dignement.

En raison des circonstances particulières ­ une souffrance intolérable et l'échec de tout contrôle des symptômes, par exemple ­ le médecin peut estimer que le seul moyen qui lui reste d'aider et d'assister le patient soit de procéder à l'acte d'euthanasie, c'est-à-dire de faire une chose qui est en contradiction avec son premier devoir. Dans ce cas, il pèsera le pour et le contre et, dans cette appréciation, il pourra estimer en son âme et conscience que les circonstances susvisées constituent des raisons graves suffisantes, voire décisives, justifiant d'opter exceptionnellement, en l'occurrence, pour le second devoir.

Aucun autre état de nécessité n'est possible que celui conjuguant la demande expresse et consciente d'un patient et les conditions prévues par cet article. Tout le reste relève du droit pénal général.

À cet article, on entend par situation terminale celle qui aboutit à la mort.

En ce qui concerne la troisième condition, il s'agit avant tout d'examiner si les raisons médicales graves que l'on a de procéder à l'euthanasie sont de nature à permettre d'invoquer l'état de nécessité. Il ne s'agit pas d'un tribunal, mais d'un « groupe de résonance »; il ne s'agit pas non plus d'un avis contraignant. Le but est de structurer le jugement du médecin. En d'autres termes, il s'agit d'une « décision médicale assistée ».

Le « tiers » doit figurer sur la liste pluraliste et multidisciplinaire à dresser par le conseil provincial de l'Ordre des médecins.

Comme il n'existe pas encore actuellement de spécialistes agréés en médecine légale, on devra prévoir un régime transitoire. Un arrêté royal définira la qualification de spécialiste en médecine légale et, en attendant la mise en oeuvre de ces dispositions, le procureur du Roi désignera dans chaque ressort un médecin légiste réputé pour ses connaissances et son expérience en matière de médecine légale. Il est urgent de mettre en place en Belgique un système structuré d'exercice de la médecine légale afin que les universités puissent organiser une formation pratique et agréée permettant d'évaluer adéquatement la compétence de l'expert.

Article 7

Cet article énonce la clause de l'objection de conscience : étant donné l'existence d'un droit fondamental à la liberté de pensée, de conscience et de religion, nul ne peut être contraint et forcé de prêter son concours à un acte volontaire d'euthanasie répondant à une demande expresse et consciente formulée par le patient.

La clause de l'objection de conscience visée à cet article peut être définie en concertation avec un organisme.

CHAPITRE IV

Dispositions modifiant le Code civil

Article 8

Il y a consensus au sein du Comité consultatif de bioéthique sur l'inadaptation de la réglementation actuelle relative au certificat de décès et à la déclaration de décès.

Des modifications sont apportées à la partie du Code civil qui traite des actes de décès. Ces modifications tendent à mettre en place un régime adéquat pour ce qui est de la constatation, de la déclaration et du contrôle du décès.

Cet article, qui insère un article 76bis nouveau dans le Code civil, organise avec les autres articles de ce chapitre V, un régime plus adéquat régissant la constatation, la déclaration et le contrôle de tout décès.

Les règles légales relatives à la déclaration du décès datent du siècle passé : la déclaration ne doit pas être faite par un médecin, mais par des témoins, qui ne sont pas des professionnels.

En application des articles 77 et 78 du Code civil, l'officier de l'état civil accorde l'autorisation d'inhumer après que le décès a été déclaré. La pratique, qui repose sur l'application impropre de la législation relative aux statistiques de décès, est cependant tout autre : cette déclaration se fait au moyen d'une attestation de décès, modèle IIIC pour les déclarations de décès d'une personne d'un an et plus ou modèle IIID pour la déclaration d'un enfant mort-né ou du décès d'un enfant de moins d'un an.

Le fait de ne pas déclarer un décès n'est pas sanctionné pénalement. Par contre, dans le cadre des statistiques annuelles sur les causes de décès, le médecin qui constate le décès est tenu de remplir ces formulaires sous peine d'une amende de 26 francs à 10 000 francs ou, en cas de récidive, d'un emprisonnement de 8 jours à un mois.

L'article 4 de la loi du 4 juillet 1962 relative à la statistique publique, modifiée par les lois des 1er août 1985 et 21 décembre 1994, se lit comme suit : « Les médecins ne peuvent invoquer le secret professionnel pour refuser les renseignements dont ils sont dépositaires par état ou par profession, lorsque ceux-ci leur sont demandés en exécution des articles 1er et 3 de la présente loi en vue de l'établissement de statistiques sanitaires. Le Roi prend les mesures nécessaires pour assurer l'anonymat de ces renseignements. » L'article 22 de la loi de 1962 contient une disposition pénale.

Selon la lettre de la loi, l'officier de l'état civil doit s'assurer lui-même du décès. En réalité, il se contente de la remise de l'attestation de décès. Cet article prévoit, en ses alinéas 1er et 2, qu'après chaque décès, un certificat de décès sera désormais établi par le médecin qui a constaté le décès s'il est convaincu que la mort résulte d'une cause naturelle. La forme et le contenu de ce constat de décès seront précisés par arrêté royal.

La déclaration de décès se fera désormais par la remise de ce certificat de décès à l'officier de l'état civil par des témoins qui sont, si possible, les deux plus proches parents ou voisins, ou, lorsqu'une personne est décédée hors de son domicile, la personne chez laquelle elle est décédée, et un parent ou autre, ou à défaut des personnes précitées, par le médecin qui a rédigé le certificat.

L'alinéa 3 de cet article instaure des incompatibilités légales excluant qu'un médecin constate le décès d'un parent proche et établisse le certificat y afférent.

L'alinéa 4 de cet article prévoit des garanties légales (qui n'existaient pas encore jusqu'à ce jour) revêtant la forme de sondages effectués par des spécialistes agréés en médecine légale en vue de déceler les cas dans lesquels un médecin attesterait sciemment qu'un décès résulte d'une cause naturelle alors que tel n'est pas le cas. L'officier de l'état civil ne peut délivrer le permis d'inhumer que lorsque le décès résulte d'une cause naturelle.

Articles 9, 10 et 12

L'adaptation des articles 77, 78 et 80 du Code civil découle de l'obligation imposée au médecin de rédiger un certificat de décès lorsqu'il est convaincu que la personne décédée est morte de cause naturelle. Pour faire désormais une déclaration de décès, le certificat de décès doit être remis à l'officier de l'état civil par les personnes visées à l'article 78 du Code civil ou, à défaut, par le médecin qui a rédigé le certificat, si bien que l'officier de l'état civil ne doit plus se transporter auprès de la personne décédée pour s'assurer du décès, ce qui ne se faisait d'ailleurs déjà plus dans la pratique.

Article 11

Il n'est toujours pas obligatoire, dans le cadre de la déclaration de décès, d'indiquer dans l'acte de décès les lieux, date et heure du décès (article 79 du Code civil). En pratique, l'officier de l'état civil mentionne néanmoins ces données dans l'acte de décès, sans que la loi l'y oblige, sur la foi de la déclaration des témoins (pratiquement, sur présentation d'une attestation du médecin). Cette pratique, qui relève d'une nécessité, mérite dès lors d'être dotée d'une base légale adaptant la situation aux réalités sociales qui ont changé depuis 1804.

Article 13

La situation actuelle

La loi n'oblige pas le médecin qui constate le décès à signaler directement les morts suspectes et violentes à l'officier de l'état civil, qui, à son tour, informe sans délai les autorités judiciaires.

L'article 81 du Code civil est rédigé comme suit : « Lorsqu'il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d'autres circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l'inhumation qu'après qu'un officier de police, assisté d'un docteur en médecine ou en chirurgie, aura dressé procès-verbal de l'état du cadavre et des circonstances y relatives, ainsi que des renseignements qu'il aura pu recueillir sur les prénoms, nom, âge, profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée. »

Cela signifie qu'il faut effectuer une expertise policière et médicolégale. Dans la pratique, celle-ci a lieu lorsque l'officier de l'état civil et/ou les autorités judiciaires sont informés d'une mort violente ou suspecte.

Jusqu'il y a peu, l'attestation IIIC obligeait le médecin qui constatait le décès à signaler si la mort était une mort naturelle, violente ou suspecte. Depuis le 1er janvier 1998, date à laquelle est entré en vigueur un nouveau modèle IIIC, le médecin n'a plus à se prononcer sur ces possibilités. Il lui suffit de répondre par oui ou par non à la question de savoir s'il a « une objection médicolégale à l'inhumation ou à la crémation ».

Le médecin n'a d'autre obligation que de remplir le modèle IIIC. Autrement dit, il n'existe aucune obligation de signaler quoi que ce soit. Le médecin n'est pas obligé de signaler une mort suspecte ou violente.

Pour le cas où la crémation serait la forme d'inhumation choisie, la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures (chapitre II, section III, « Des incinérations ») prévoit un deuxième examen, en ce sens que l'officier de l'état civil doit commettre, indépendamment du médecin qui a constaté le décès, un deuxième médecin, qui doit vérifier et certifier qu'il n'y a pas de signe ou indice de mort violente et suspecte (article 22, § 1er ).

À cet effet, le procureur du Roi, peut, en application des articles 43 et 44 du Code d'instruction criminelle, se faire assister par un ou deux médecins tenus de faire rapport sur la cause de la mort et l'état du cadavre. Lorsqu'une instruction est ouverte, le juge d'instruction peut désigner un médecin-expert. Les tribunaux peuvent également désigner des experts.

Dans tous les cas de mort violente et suspecte au sens de l'article 81 du Code civil et en cas de crémation, une expertise supplémentaire doit avoir lieu. Dans les cas où la loi prévoit un contrôle supplémentaire, la qualité de ce contrôle n'est pas suffisamment garantie.

Seul un médecin peut constater le décès. Au cours de sa formation universitaire, l'aspirant médecin reçoit une formation théorique (plutôt limitée) en médecine légale. Les universités belges ne prévoient pas de formation pratique. En outre, il n'existe aucune formation de spécialiste en médecine légale.

Dans la pratique, c'est surtout en cas de présomption de délit que les autorités compétentes désignent des médecins légistes qui ont accumulé une expérience pratique en la matière. Ce n'est que dans les plus grandes universités que l'on trouve des institutions médicolégales, de petite dimension et plus au moins organisées, attachées la plupart du temps à la chaire de médecine légale.

Généralement, l'on ouvre une instruction (avec autopsie ou non) qu'en cas de décès inexpliqué ou non naturel, c'est-à-dire dans les cas où, du point de vue policier, l'on ne peut pas exclure avec certitude qu'il y a eu un délit. Lorsque l'on méconnaît la véritable nature d'un décès qui fait suite à un accident, à un suicide ou, même, à un délit, et qu'on déclare la mort comme étant « naturelle », il n'y a pas d'instruction. Il est inutile de souligner que cela a des conséquences énormes du point de vue pénal (par exemple, en cas de délits tels que l'homicide involontaire ou la négligence), du point de vue social (par exemple, en matière financière et en matière d'assurances) et du point de vue médicosocial (par exemple, en ce qui concerne les statistiques et la prévention).

Comme le nombre de crémations va croissant, le problème se pose avec encore plus d'acuité, étant donné qu'une expertise postérieure (par exemple, après exhumation) n'est évidemment plus possible. Le poids de cette réalité n'a fait que grandir dans le cadre de la discussion relative à l'euthanasie. Pour pouvoir s'assurer que la demande d'euthanasie a été formulée volontairement et qu'un abrègement de la vie non souhaité ne puisse pas passer inaperçu, le législateur doit prévoir de solides garanties.

La constatation d'un décès soulève bien des difficultés dans la pratique courante. Les médecins, les instances judiciaires et les services de police belges ne parviennent pas à interpréter de manière uniforme les notions de mort « naturelle », de mort « suspecte » et de mort « violente » et éprouvent des difficultés à en définir le contenu. Du point de vue médical, l'on ne peut pas conclure à une mort naturelle lorsqu'un doute subsiste sur la cause du décès. Le médecin doit recourir, dans ce cas, aux notions de « mort suspecte » ou de « mort violente », simplement parce qu'il est impossible de déterminer la cause du décès. Depuis le 1er janvier 1998, il ne peut même plus recourir à ces notions, puisque l'on attend encore simplement de lui qu'il oppose éventuellement « son veto médicolégal à l'inhumation ou à la crémation ».

Proposition de modification

Cet article vise à attirer l'attention sur la responsabilité du médecin (généraliste) qui est confronté à un décès survenu dans des circonstances inhabituelles ou inconnues. Il doit se prononcer en âme et conscience sur le caractère naturel ou non du décès.

Il faut entendre par « décès anormal » un décès non naturel (c'est-à-dire un décès causé par un facteur extérieur) et tout décès dont on suspecte que la cause n'est pas naturelle, ainsi que les décès soudains et/ou inattendus, qui semblent, à première vue, ne pas résulter d'un délit, mais pour lesquels l'hypothèse d'un délit ne doit pas être exclue.

Le médecin qui constate le décès ne peut pas établir de certificat s'il n'est pas convaincu que le décès résulte d'une cause naturelle. En cas d'euthanasie, il doit suivre la procédure décrite au chapitre III. Dans tous les autres cas de décès non naturel, le médecin est tenu de signaler sans délai le décès à l'officier de l'état civil. Ayant été informé d'un décès anormal, l'officier de l'état civil est tenu de le signaler à son tour au procureur du Roi, qui procède en tout cas à la désignation d'un médecin attaché à un institut reconnu de médecine légale et soumis à la surveillance de ce dernier. L'inhumation n'aura lieu qu'avec l'autorisation du procureur du Roi.

Article 14

L'article 82 du Code civil est abrogé du fait de l'adaptation de l'article 81 du même code (voir supra).

Article 15

Même commentaire que pour les articles 9, 10 et 12 (voir supra).

CHAPITRE V

Dispositions pénales

Article 16

L'article 16 punit les infractions à l'article 76bis , alinéa 3, du Code civil, lequel dispose que lorsque le défunt est un parent ou un allié du médecin qui a constaté le décès, celui-ci ne peut en aucun cas établir la certificat de décès.

Article 17

L'article 17 punit l'établissement d'un certificat de décès lorsque le médecin savait ou devait savoir que la mort ne résultait pas d'une cause naturelle.

Article 18

L'article 18 punit le fait de gêner de quelque façon que ce soit l'expertise visée à l'article 76bis , alinéa 4, du Code civil, ou d'y faire obstacle.

Article 19

L'article 19 punit les infractions à l'article 78 du Code civil. Il prévoit une sanction pénale pour le non-respect de l'obligation de déclarer le décès.

CHAPITRE VI

Disposition finale

Article 20

Cet article fixe la date d'entrée en vigueur de la loi.

Hugo VANDENBERGHE.

PROPOSITION DE LOI


Disposition préliminaire

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

CHAPITRE PREMIER

Des soins palliatifs comme droit fondamental pour tous

Art. 2

Tout un chacun a droit à des soins palliatifs.

Art. 3

Pour l'application de la présente loi, on entend par « soins palliatifs » l'ensemble des soins actifs apportés aux patients dont la maladie ne réagit plus à des thérapies curatives et pour qui la maîtrise de la douleur et d'autres symptômes, ainsi que l'assistance psychologique, morale, spirituelle et familiale, revêtent une importance capitale.

Art. 4

La Roi prend, dans un délai d'un an prenant cours le jour de la publication de la présente loi au Moniteur belge , et au plus tard le 31 décembre 2001, les mesures nécessaires en vue de coordonner le développement d'un système de soins palliatifs à part entière, quel que soit le lieu où celui-ci est organisé.

CHAPITRE II

Des conditions de protection en cas de traitement analgésique et d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical

Art. 5

La décision d'arrêter ou de s'abstenir d'appliquer un traitement médical, d'arrêter progressivement une thérapie ou encore d'appliquer un traitement analgésique justifié du point de vue de l'état actuel du savoir médical et ayant pour effet d'abréger la vie, ne peut être prise qu'à la condition d'être conforme à l'état actuel des connaissances médicales et à la déontologie médicale et de respecter les droits du patient.

Le dossier médical de la persone décédée doit faire ressortir que :

1º le patient a été informé de la décision envisagée et y a donné son assentiment;

2º un confrère médecin au moins a été consulté dans le cas où le patient n'avait pas donné son assentiment ou n'était pas ou plus en état d'exprimer sa volonté;

3º la personne de confiance, désignée par le patient même, ou sa famille proche ont, dans la mesure du possible, été informées de la décision envisagée et ont eu l'occasion d'exprimer leur avis.

L'article 76bis , quatrième alinéa, du Code civil est applicable.

CHAPITRE III

Des conditions particulières relatives à l'invocation de l'état de nécessité par le médecin qui met volontairement fin à la vie d'un patient à la demande de ce dernier

Art. 6

Pour pouvoir invoquer l'état de nécessité justifiant un acte volontaire d'euthanasie pratiqué à la demande expresse et consciente du patient, le médecin traitant doit se conformer à l'ensemble des conditions particulières suivantes :

1º s'assurer qu'il y a une demande expresse et consciente d'euthanasie émanant du patient lui-même;

2º s'assurer qu'il existe des raisons médicales suffisamment graves pour prendre en considération la demande d'euthanasie, compte tenu de la douleur intolérable et impossible à traiter dont souffre le patient et du caractère terminal de la situation médicalement sans issue dans laquelle il se trouve;

3º recueillir l'avis d'un confrère médecin, spécialisé en pathologie et n'appartenant pas à l'équipe soignante; se concerter avec l'équipe soignante, qui comportera un spécialiste en soins pallatifs; et procéder à une évaluation éthique de l'état du patient avec un tiers non médecin, désigné d'un commun accord avec le patient et figurant sur une liste pluraliste et multidisciplinaire établie par le conseil provincial de l'Ordre des médecins;

4º informer le patient de ses constatations personnelles ainsi que de l'avis, de la concertation et de l'appréciation éthique visés au 3º;

5º s'assurer que le patient, après avoir reçu ces informations, réitère sa demande.

Le médecin traitant rédige sans tarder un rapport écrit qu'il transmet dans les 24 heures du décès à un spécialiste agréé en médecine légale. Ce dernier vérifie sans tarder, sur la base du rapport écrit, si toutes les conditions susvisées ont effectivement été respectées par le médecin traitant.

Que les conditions susvisées n'aient pas été respectées ou pas suffisamment, ou qu'elles l'aient été, le spécialiste agréé en médecine légale avise sans tarder le procureur du Roi de ses constatations.

En cas d'euthanasie pratiquée à la demande du patient, aucune inhumation ne peut avoir lieu sans l'autorisation du procureur du Roi.

Art. 7

Nul ne peut être contraint de prêter son concours à un acte volontaire d'euthanasie à la demande expresse et consciente du patient.

CHAPITRE IV

Modifications du Code civil

Art. 8

Un article 76bis , rédigé comme suit, est inséré dans le Code civil :

« Art. 76bis . ­ Après chaque décès, un certificat de décès sera établi par un médecin. Le Roi détermine la forme et le contenu du certificat de décès.

Le certificat de décès est établi par le médecin qui a constaté le décès.

Lorsque le défunt est parent ou allié du médecin qui a constaté le décès, celui-ci ne peut en aucun cas établir le certificat de décès.

Des médecins, spécialistes agréés en médecine légale et attachés à un institut reconnu de médecine légale, contrôlent par sondage, conformément aux modalités à préciser par le Roi, la véracité du certificat de décès résultant d'une cause naturelle. À cet effet, ils peuvent procéder à une expertise externe et interne du corps. »

Art. 9

Dans l'article 77 du même code, modifié par l'arrêté du Régent du 26 juin 1947, les mots « qu'après s'être transporté auprès de la personne décédée, pour s'assurer du décès » sont remplacés par les mots « que si un certificat de décès lui a été remis ».

Art. 10

À l'article 78 du même code sont apportées les modifications suivantes :

A) la première phrase est complétée comme suit : « par remise du certificat de décès »;

B) l'article est complété comme suit : « À défaut des personnes précitées, la déclaration est faite par le médecin qui a constaté le décès. »

Art. 11

Dans l'article 79, alinéa 2, du même code, remplacé par la loi du 31 mars 1978, les mots « les lieu, date et heure du décès ainsi que » sont insérés entre les mots « s'ils sont connus, » et « les prénoms ».

Art. 12

Dans l'article 80, alinéa 1er , du même code, les mots « qui s'y transportera pour s'assurer du décès » sont remplacés par les mots « qui s'assurera du décès au moyen du certificat de décès ».

Art. 13

L'article 81 du même code est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 81. ­ § 1er . Le médecin qui constate le décès ne peut établir de certificat s'il n'est pas convaincu que le décès résulte d'une cause naturelle.

Si le décès résulte d'un acte visant à mettre fin volontairement à la vie, le médecin se conformera aux dispositions du chapitre III de la loi du ... visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort.

Dans tous les autres cas, le médecin est tenu de signaler sans délai le décès à l'officier de l'état civil.

§ 2. L'officier de l'état civil qui prend connaissance d'un décès anormal tel que visé au § 1er , alinéa 3, est tenu de le signaler à son tour sans délai au procureur du Roi. Celui-ci procède en tout cas à la désignation d'un médecin attaché à un institut reconnu de médecine légale et soumis à la surveillance de ce dernier. L'inhumation n'aura lieu qu'avec l'autorisation du procureur du Roi. »

Art. 14

L'article 82 du même code est abrogé.

Art. 15

À l'article 84 du même code, les mots « qui s'y transportera » sont remplacés par les mots « qui s'assurera du décès au moyen de la remise du certificat de décès ».

CHAPITRE V

Dispositions pénales

Art. 16

Toute infraction à l'article 76bis , alinéa 3, du Code civil sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une demande de vingt-six francs à cinq cents francs, ou d'une de ces peines seulement.

Art. 17

Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à cinq mille francs, ou d'une de ces peines seulement, le médecin qui, après avoir constaté le décès, aura établi un certificat de décès alors qu'il savait ou devait savoir que la mort ne résultait pas d'une cause naturelle.

Art. 18

Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à cinq mille francs, ou d'une de ces peines seulement, celui qui aura gêné de quelque façon que ce soit l'expertise visée à l'article 76bis , alinéa 4, du Code civil ou y aura fait obstacle.

Art. 19

Seront punies d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, ou d'une de ces peines seulement, les personnes auxquelles le médecin ayant constaté le décès aura remis le certificat de décès et qui auront omis de faire la déclaration visée à l'article 78 du Code civil.

CHAPITRE VI

Entrée en vigueur

Art. 20

La présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant celui de sa publication au Moniteur belge .

Hugo VANDENBERGHE.
Sabine de BETHUNE.
Theo KELCHTERMANS.
Réginald MOREELS.
Ingrid van KESSEL.