Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 1-97

SESSION DE 1998-1999

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications, chargé du Commerce extérieur

Question nº 1375 de M. Anciaux du 16 octobre 1998 (N.) :
Coopération économique avec la Turquie.

Le 9 mai 1997, j'ai adressé la question ci-dessous à votre prédécesseur, M. Maystadt, alors ministre des Finances et du Commerce extérieur. Entre-temps, j'ai reçu une réponse de M. Viseur. Celui-ci me signale que la question n'est pas de sa compétence. Puis-je escompter une prompte réponse de votre part ?

« Du 9 au 15 mars de cette année, l'honorable ministre a participé, en compagnie du Prince Philippe, à une mission économique en Turquie, qui a examiné une série de possibilités de collaboration. La Turquie a fait part de son intention de construire quinze centrales nucléaires d'ici l'an 2020. Le ministre turc de l'Énergie a tenté de gagner les entrepreneurs belges du secteur à l'idée d'une collaboration à cet ambitieux projet.

On discute beaucoup de nos jours d'une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Le rapprochement économique s'est déjà traduit par la création d'une union douanière entre la Turquie et l'Union européenne. Mais il y a aussi l'aspect politique. Beaucoup estiment qu'un rapprochement plus poussé avec l'Europe est exclu si la Turquie n'améliore pas la situation dans le domaine du respect des droits de l'homme. La réputation de la Turquie est loin d'être reluisante à cet égard. Le pays a déjà été condamné à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Notre ministre des Affaires étrangères a fait savoir que pour pouvoir obtenir l'ancrage européen qu'elle souhaite la Turquie devra intégrer le souci d'assurer le respect des droits de l'homme dans sa politique générale. Il a ajouté que la question du respect des droits de l'homme figurerait parmi les priorités d'ordre du jour de chaque contact bilatéral (ou européen) avec les autorités turques.

À cet égard, j'aimerais que l'honorable ministre réponde aux questions suivantes :

1. Comment évalue-t-il les résultats de la mission commerciale précitée ? Des accords concrets ont-ils été signés ? Si oui, lesquels ? Sinon, s'est-on préparé à en signer ?

2. Comment réagit-il à l'invitation faite par le gouvernement turc, aux entreprises belges, de s'associer à la construction de centrales nucléaires ? A-t-on déjà conclu des accords à cet égard ?

3. A-t-on évoqué, au cours des discussions avec les autorités turques, la question du respect des droits de l'homme ? Si oui, le gouvernement turc a-t-il donné des garanties en la matière et en quoi consistent ces garanties ?

4. Considère-t-il que la question du respect des droits de l'homme fait obstacle à un rapprochement économique entre la Turquie et l'Europe ? Sinon, pourquoi pas ?

5. Suffirait-il, à la Turquie, de réduire son déficit budgétaire et commercial pour qu'elle puisse négocier une association plus étroite avec l'Union européenne ? »

Réponse : 1. La mission économique en Turquie (Ankara et Istanbul) qui a eu lieu du 9 au 15 mars 1997, sous la présidence de SAR le Prince Philippe et conduite par le vice-premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur, M. Philippe Maystadt, peut être considérée comme un succès. La délégation belge était composée de représentants des instances officielles fédérales et régionales, des représentants des fédérations et des banques et une centaine d'hommes d'affaires, qui représentaient un large spectre des secteurs économiques du pays. La délégation belge consistait au total de 140 personnes, ce qui faisait de cette mission une des plus nombreuses de l'histoire de l'OBCE.

En collaboration avec les attachés commerciaux régionaux sur place, des contacts individuels avec des hommes d'affaires turcs ont été organisés : environ 300 à Ankara et 400 à Istanbul. À côté de ceux-ci s'est déroulé un grand nombre d'autres contacts, à l'initiative des chefs d'entreprise.

Le pendant turc de l'OBCE, la DEIK, a organisé un séminaire à Istanbul auquel participent des hommes d'affaires turcs (environ 400 participants).

La firme belge Magotteaux SA a organisé de sa propre initiative un séminaire sur l'industrie cimentière. Ce séminaire lui a permis de présenter une huitaine de PME belges à ses clients et partenaires turcs.

La mission a permis de concrétiser quelques contrats. Il s'agit des firmes Chapeaux, X-Ray Services (matériel médical), et Sophis Systems NV (logiciel pour le textile).

Au cours de la mission, l'Office national du Ducroire a conclu quatre accords de coopération technique avec l'Eximbank turque.

En outre, il fut décidé d'établir régulièrement des consultations bilatérales turco-belges, au niveau des hauts fonctionnaires, traitant des affaires européennes et des questions économiques et commerciales bilatérales.

2. Le projet pour la construction de la première centrale nucléaire électrique à énergie nucléaire à Akkuyu n'a pas fait l'objet de conversations officielles belgo-turques lors de la mission économique de mars 1997, mentionnée ci-dessus.

3. À chaque contact officiel avec les autorités turques, le point de vue belge a toujours été rappelé. Si la Turquie veut rester éligible à une adhésion à l'Union européenne, elle sera jugée sur la base des mêmes critères que les autres candidats membres. Le ministre Maystadt a aussi souligné que la Turquie doit satisfaire à un certain nombre de conditions. Il s'agit de conditions sur le plan interne ­ les droits de l'homme et la question kurde ­ et sur le plan externe ­ le problème cypriote et les relations avec la Grèce. Les autorités turques ont toujours pris note du point de vue belge. Les conditions susmentionnées ont une fois de plus été communiquée au gouvernement turc à l'occasion du Conseil européen à Luxembourg, le 12 et 13 décembre 1997.

4. Les droits de l'homme constituent un facteur important dans les relations entre l'Union européenne et la Turquie. La pression européenne sur la Turquie en matière des droits de l'homme reste forte. Chaque État membre se doit de jouer son rôle à cet égard. C'est ce que fait la Belgique à chaque occasion officielle.

5. Les discussions sur une intégration plus profonde de la Turquie dans l'Union européenne ne dépendent évidemment pas seulement d'une forte diminution du déficit commercial et budgétaire turc, mais aussi d'une amélioration visible de la situation en matière des droits de l'homme, d'une amélioration des relations avec la Grèce et des efforts, qui devraient mener à une solution de la question cypriote, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.