(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
À la suite d'une demande d'explications formulée à l'adresse du prédécesseur du vice-premier ministre relative à la politique en matière de prévention et de lutte contre la criminalité environnementale et les conséquences néfastes de l'émission de dioxines par les fours d'incinération de déchets ménagers, un avis juridique a été sollicité par le vice-premier ministre et le ministre de l'Intérieur sur la compétence des bourgmestres en matière de fermeture des fours d'incinération. Cet avis, du 16 avril 1998, m'a été transmis par le vice-premier ministre début mai 1998. Il se limitait à une discussion de la matière traitée au sein de la Région flamande. La réglementation dans la Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne n'a pas été prise en compte.
J'aurais aimé poser plusieurs questions supplémentaires en rapport avec cet avis juridique relatif à la compétence des bourgmestres en matière de fermeture des fours d'incinération des déchets.
L'honorable ministre peut-il me faire savoir s'il existe des différences concrètes au niveau de la compétence entre les bourgmestres de la Région flamande d'une part, et ceux de la Région de Bruxelles-Capitale, de l'autre, sur le plan de la compétence desdits bourgmestres en matière de fermeture des fours d'incinération de déchets ? Quelles sont les dispositions stipulées par décret, ordonnance ou règlement donnant lieu à ces différences au niveau des compétences ? Dans le cadre de l'avis transmis en matière de compétence des bourgmestres, il a été décidé que le fondement juridique de cette compétence procède du décret d'autorisation environnementale et de Vlarem I. Le bourgmestre dispose d'une compétence discrétionnaire pour procéder ou non à la fermeture. Cette compétence discrétionnaire est toutefois sérieusement restreinte. Il me semble toutefois étonnant que la compétence des bourgmestres se limite à cela. N'est-ce pas là l'une des missions légales des bourgmestres que d'assurer la sécurité de la population dans l'acception la plus large du terme ? Le bourgmestre ne peut-il pas, plus encore, ne doit-il pas intervenir lorsque la santé publique
de la population est en danger ? L'article 135, § 2, 1º, de la nouvelle loi communale ne doit-il pas être interprété de telle sorte que la compétence du bourgmestre porte plus précisément sur l'adoption de mesures appropriées pour éviter entre autres les émanations toxiques ? Ne relève-t-il pas de la compétence des bourgmestres de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour prévenir un danger ou des dommages pour les habitants ?
La fermeture nécessaire des fours d'incinération ne s'imposet-elle pas lorsqu'ils entraînent un empoisonnement flagrant et systématique de la population ? Que se passe-t-il au niveau du ministère de l'Intérieur pour rappeler dans ces cas cette obligation aux bourgmestres ?
Réponse : La question de l'honorable membre concerne en fait le problème classique du concours de la police administrative communale générale et de la police administrative communale spéciale.
La question est au fond la suivante :
L'apparition d'une police administrative communale spéciale a-t-elle pour effet d'empêcher désormais l'exercice de la police administrative communale générale dans le domaine d'activités que la loi ou le décret vien de régler d'une manière particulière ou faut-il admettre la juxtaposition des deux espèces de police administrative ?
Le législateur, y compris le législateur décrétal, qui crée et organise une police administrative spéciale peut attribuer dans une matière déterminée ou dans une partie de celle-ci, un monopole d'action aux organes de la police administrative spéciale.
Dans ce cas, il est fort probable que les pouvoirs de police administrative générale ne sont en principe pas susceptibles d'être exercés.
En pratique, on peut conclure à l'existence d'un tel monopole lorsque la police administrative spéciale constitue, eu égard à la matière traitée, un corps de règles suffisamment complètes et détaillées.
C'est ainsi, par exemple, que le bourgmestre ne peut pas invoquer son pouvoir de police administrative générale pour fixer les conditions relatives à l'ouverture d'établissements dangereux, insalubres ou incommodes, car le règlement général en la matière (RGPT ou Vlarem I) constitue, à cet égard un ensemble de règles détaillées et systématiques qui indiquent « spécialement » les attributions des autorités locales (cf. Cassation, 25 janvier 1954-RA 1955, 46).
Les dispositions légales ou décrétales particulières ne peuvent attribuer un monopole d'action aux organes communaux de la police administrative spéciale que dans la mesure où ces dispositions dérogent à celles qui attribuent des pouvoirs de police administrative communale générale.
En d'autres termes, il arrive que la police administrative communale générale puisse, dans une matière donnée, se juxtaposer à une police administrative communale spéciale.
Il en est ainsi, par exemple, quand les motifs qui sont susceptibles de provoquer une mesure de police administrative communale spéciale diffèrent de ceux qui peuvent provoquer une mesure de police administrative communale générale qui sont des motifs tirés de la nécessité du maintien de la tranquillité, de la sécurité ou de la salubrité publiques ou sont plus limités que ceux-ci.
De même, la police administrative communale spéciale peut, dans une matière donnée, se juxtaposer à la police administrative communale générale lorsque la loi, ou le décret, limite, dans cette matière, l'objet sur lequel s'exerce la surveillance de l'autorité de police administrative spéciale.
Ainsi, dans l'exemple cité, le bourgmestre qui veut mettre fin à des infractions constatées aux conditions d'autorisation d'exploiter un établissement classé comme dangereux, insalubre ou incommode, agit-il pour rétablir la légalité, dans le domaine de la police administrative communale spéciale tracée par la loi ou le décret (par exemple le Vlarem I) en la matière.
Il me paraît que l'existence de la loi ou du décret dans ce domaine n'empêche pas le bourgmestre d'intervenir, en matière d'établissements classés, en vue d'assurer le maintien de la sécurité publique.
Il y a ici retour au principe générale de la juxtaposition des deux espèces de police dès lors que la disposition de la loi ou du décret qui attribue une compétence de police administrative spéciale à l'organe de police administrative générale prévoit, comme en l'espèce, l'obligation, pour l'autorité de police, d'observer certaines formes ou de suivre une procédure particulière (avis du fonctionnaire technique compétent) car, dans ce cas, l'intervention spéciale du législateur décrétal peut précisément s'expliquer par l'imposition de ces formes ou de cette procédure.
Qu'en est-il des pouvoirs d'exécution du bourgmestre ?
a) L'article 133 de la nouvelle loi communale, en son alinéa 2, est conçu en termes généraux. Il consacre, en ce qui concerne le pouvoir d'exécution, la compétence de principe du bourgmestre pour toutes les dispositions de police : lois, décrets, ordonnances, règlements et arrêtés (la loi et les décrets en matière d'établissements dangereux, insalubres ou incommodes sont des normes de police administrative).
b) Le bourgmestre étant chargé de l'exécution des lois de police, il peut en outre agir d'office et prendre, sur la seule base de l'article 133 de la nouvelle loi communale, combiné avec l'article 135, § 2, de la même loi qui constitue une disposition de police administrative en elle-même toutes les mesures, de portée individuelle ou particulière, destinées à assurer, dans la commune, le maintien de la sécurité, de la tranquillité ou de la salubrité publiques. L'exercice de ce pouvoir de police administrative n'est même pas subordonné à l'existence d'un règlement général préalable. L'absence d'un tel règlement préalable ne peut en effet avoir pour effet d'empêcher l'exécution des dispositions de police que constitue l'article 135, § 2, de la nouvelle loi communale.
Il s'agit ici exclusivement du pouvoir d'exécution du bourgmestre. L'exécution est l'application d'une règle générale à un cas particulier prévu par cette règle. L'exécution ne comprend donc que des mesures à portée individuelle ou spéciale. La mesure d'exécution que prend le bourgmestre ne peut dès lors s'appliquer qu'à une personne déterminée ou à un cas donné.
Il ne s'agit donc pas ici du pouvoir réglementaire du bourgmestre basé sur l'article 134, § 1er , de la nouvelle loi communale, qui lui permet de prendre, loco le conseil et sous le signe de l'urgence en cas d'événements imprévus, une ordonnance de police générale.
Les compétences en matière de police administrative spéciale du bourgmestre peuvent en outre varier quelque peu de région à région; pour des informations plus précises à ce sujet, l'honorable membre peut s'adresser aux ministres respectifs des exécutifs régionaux, compétents pour l'environnement.
Aucune directive spécifique relative à la fermeture d'incinérateurs de déchets n'est donnée par le ministère de l'Intérieur aux bourgmestres :
la politique en matière de déchets est, en application de l'article 6, § 1er , II, 2º, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, une compétence relevant des régions;
comme il a été précisé ci-dessus, la compétence dont le bourgmestre dispose en application de l'article 135, § 2, de la nouvelle loi communale n'est pas une compétence précisément décrite, mais une compétence générale permettant au bourgmestre tout ce qui est nécessaire afin d'assurer la sécurité et la santé des habitants.