1-1293/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

1er MARS 1999


Proposition de déclaration de révision de l'article 167, §§ 2 et 3, de la Constitution

(Déposée par Mme Willame-Boonen et M. Nothomb)


DÉVELOPPEMENTS


Depuis la révision constitutionnelle de 1993, entrée en vigueur en 1995, tous les traités sans exception doivent être soumis à l'assentiment des Assemblées législatives. Il s'agit de l'assentiment du Sénat et de la Chambre pour les traités relatifs aux matières fédérales; assentiment des conseils de communauté et/ou de région pour les traités concernant les matières communautaires et/ou régionales; assentiment de toutes les assemblées concernées pour les traités mixtes, c'est-à-dire ceux qui portent à la fois sur des compétences fédérales, régionales et/ou communautaires. Antérieurement, seuls les traités de commerce, ceux qui pouvaient grever l'État ou lier individuellement les Belges devaient recevoir l'assentiment des Chambres. Les autres traités devaient uniquement être portés à la connaissance des Chambres. Dans la pratique, tous les traités que le gouvernement jugeait importants étaient soumis à l'assentiment des Chambres (1).

Le constituant a justifié la modifiation constitutionnelle par la nécessité d'un débat parlementaire pour tous les traités. Il faut toutefois constater qu'après trois années, cette procédure est très lourde et ce, d'autant plus ce que les traités mixtes qui sont très nombreux doivent, quant à eux, être soumis à l'assentiment exprès de toutes les assemblées concernées, c'est-à-dire parfois en tout de huit parlements.

Cette procédure lourde est d'ailleurs souvent purement formelle, car le plus souvent les parlementaires ne procèdent pas à un examen approfondi des traités qui leur sont soumis. Ils se bornent à entendre un bref exposé du ministre pour ensuite donner leur assentiment. Or étant donné l'internationalisation de notre société, ce sont chaque année des centaines de traités qui doivent être soumis à l'assentiment des deux Chambres et fréquemment aussi des parlements régionaux et communautaires.

Cette procédure longue est inadaptée aux exigences de rapidité qui caractérisent aujourd'hui les relations internationales. Elle provoque des travaux parlementaires inutiles et parfois des retards au niveau de la ratification des traités, retards qui nuisent inévitablement à l'image de la Belgique sur le plan international.

Il est dès lors souhaitable de mettre au point une procédure simplifiée d'assentiment aux traités internationaux.

Une procédure d'assentiment implicite devrait être prévue dans certains cas. En 1950, la commission d'études présidée par le ministre M. Carton de Wiart avait déjà préconisé l'introduction en Belgique de la procédure parlementaire d'assentiment tacite résultant de la seule expiration d'un délai légal après le dépôt des traités sur les bureaux des Chambres.

Dans d'autres Constitutions, une telle procédure est expressément prévue.

Ainsi, l'ancien article 91 de la Constitution des Pays-Bas prévoit : « la loi détermine la manière dont l'assentiment a lieu et peut prévoir un assentiment implicite ». Certaines constitutions prévoient, à l'instar de notre ancien article 68 de la Constitution, que seuls certains traités doivent être soumis à l'approbation des Chambres. C'est le cas de la Constitution allemande qui impose cette obligation pour les traités réglant des relations politiques de la fédération ou ayant trait à des matières relevant de la législation fédérale.

De même, la Constitution française prévoit que seuls les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.

La Constitution italienne et la Constitution grecque procèdent de la même manière.

Sans revenir à l'ancien article 68 de notre Constitution qui ne permettait pas au pouvoir législatif de s'exprimer sur tous les traités, il convient de distinguer deux types de conventions internationales : celles qui requièrent un assentiment exprès en raison de leur importance et celles qui peuvent faire l'objet d'une approbation implicite.

On pourrait par exemple envisager que les traités de paix, les traités de commerce, les traités relatifs à la participation à une organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui comportent échange, cession ou adjonction de territoire soient obligatoirement soumis à l'assentiment exprès des Assemblées comme c'est le cas actuellement. En revanche, pour les autres traités, une procédure d'assentiment implicite devrait être prévue par le constituant.

Ces traités seraient par exemple communiqués sous la forme d'un projet de loi, de décret ou d'ordonnance aux différentes assemblées concernées. Celles-ci disposeraient d'un délai de 30 jours pour décider de les approuver formellement. Passé ce délai, le traité serait présumé approuvé. À la différence de la situation actuelle, les traités relatifs aux matières fédérales soumis à la procédure d'assentiment implicite seraient transmis simultanément à la Chambre et au Sénat.

Si la Chambre exprimait sa volonté d'approuver formellement tel ou tel traité, elle en informerait le Sénat qui l'examinerait le premier.

Cette proposition implique une révision de l'article 167 de la Constitution qui ne figure pas dans la déclaration de révision du 12 avril 1995. Il convient dès lors d'ouvrir dès maintenant cet article à révision afin qu'il puisse être modifié sous la prochaine législature. Cette procédure implicite implique également une dérogation aux articles 53 et 55 de la Constitution en vertu desquels « Toute résolution est prise à la majorité des suffrages et le vote sur l'ensemble des lois a lieu par appel nominal ». Il conviendrait dès lors de mentionner cette dérogation dans le nouvel article 167 de la Constitution.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.
Charles-Ferdinand NOTHOMB.

PROPOSITION DE DÉCLARATION


Les Chambres déclarent qu'il y a lieu de réviser l'article 167, §§ 2 et 3, de la Constitution.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.
Charles-Ferdinand NOTHOMB.

(1) J. Masquelin, Le droit des traités dans l'ordre juridique et dans la pratique diplomatique belge, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 174-194.