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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

16 MARS 1999


Proposition de loi relative aux effets de la dissolution des Chambres fédérales à l'égard des projets et propositions de loi antérieurement déposés

(Déposée par M. Vandenberghe et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Les effets de la dissolution des Chambres législatives à l'égard des projets et propositions de loi dont elles sont saisies sont réglés actuellement par la loi du 3 mars 1977 relative aux effets de la dissolution des Chambres législatives à l'égard des projets et propositions de loi antérieurement déposés.

L'article 1er de cette loi règle les effets de la dissolution des deux Chambres à l'égard des propositions et projets de loi pendants, tandis que l'article 2 règle les effets de la dissolution d'une seule des Chambres.

Il convient d'observer que l'article 2 est devenu sans objet. En vertu de l'article 46 actuel de la Constitution, entré en vigueur après la dissolution du Parlement en 1995, la dissolution de la Chambre des représentants entraîne la dissolution du Sénat. Par conséquent, seul le cas visé à l'article 1er de la loi précitée doit encore être réglé.

La loi du 3 mars 1977 n'a pas été modifiée au cours de la législature précédente en vue de tenir compte de la nouvelle situation qui allait naître du passage de l'ancien système bicaméral égalitaire à l'actuelle procédure législative, au lendemain de la dissolution du parlement de 1995.

Cette dissolution a toutefois donné lieu à une seule et unique dérogation à l'article 1er de la loi du 3 mars 1977. L'article 18 de la loi du 6 avril 1995 organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État a, en effet, disposé que par dérogation à l'article 1er de la loi du 3 mars 1977, les projets et propositions de loi qui n'auraient pas été adoptés par les deux Chambres seraient considérés comme non avenus lors du prochain renouvellement intégral de la Chambre des représentants suivant l'entrée en vigueur dudit article.

Cette dérogation unique était motivée principalement par le constat que l'application de l'article 1er de la loi du 3 mars 1977 aux projets et propositions de loi pendants poserait des problèmes complexes en matière de procédure et de délais lors du passage de l'ancien système bicaméral égalitaire au système bicaméral que nous connaissons actuellement. À l'origine, on envisagea de charger la commission parlementaire de concertation de régler ces problèmes. On renonça néanmoins à cette idée par crainte, surtout, que l'ampleur et la complexité des problèmes ne compromettent d'entrée de jeu le bon fonctionnement de la commission parlementaire de concertation et du nouveau système bicaméral.

Par contre, en 1995, le législateur n'a pas voulu aller jusqu'à abroger sans plus la loi du 3 mars 1977, comme d'aucuns le préconisaient pour divers motifs.

Cela signifie qu'à défaut d'une initiative législative, l'article 1er de la loi du 3 mars 1977 restera applicable tel quel lors de la prochaine dissolution des Chambres législatives.

Cet article s'énonce comme suit :

« En cas de dissolution des deux Chambres, sont considérés comme non avenus, les projets et propositions de loi qui n'ont été adoptés ni par l'une ni par l'autre Chambre dissoute ou qui ont été adoptés par l'une ou par l'autre Chambre dissoute plus de huit ans avant la dissolution.

Chacune des nouvelles Chambres est saisie, sans nouveau renvoi, des projets et propositions de loi qui ont été adoptés par l'autre Chambre moins de huit ans avant la dissolution et qu'elle n'a ni adoptés ni rejetés ».

L'application de cette disposition, conçue dans l'optique d'un système bicaméral intégral, dans le cadre actuel des procédures législatives, telles qu'elles sont réglées par les articles 74 et 78 à 81 de la Constitution, soulève des problèmes.

Il est à noter, par exemple, qu'en application de l'article 1er , alinéa 2, de la loi du 3 mars 1977, le Sénat est saisi de tous les projets adoptés moins de huit ans avant la dissolution par la Chambre des représentants. Une application littérale de cette disposition signifierait que le Sénat serait saisi de plein droit des projets de loi réglant des matières visées à l'article 74 de la Constitution (matières monocamérales) et des projets de loi réglant des matières visées à l'article 78 de la Constitution (matières relevant de la procédure facultativement bicamérale), sans que quinze membres aient à demander l'évocation de ces projets. Cette saisine ne serait cependant pas compatible avec les articles 74 et 78 de la Constitution.

De plus, la disposition en question ne prévoit que deux exceptions à la règle de la saisine d'office. La « deuxième » Chambre n'est pas saisie de plein droit des projets qu'elle a adoptés ou rejetés avant la dissolution. Le Sénat peut toutefois aussi ne pas évoquer un projet, ou décider de ne pas l'amender ou de s'y rallier, ou ne pas se prononcer sur ce projet dans le délai prescrit. La loi du 3 mars 1977 ne prévoit évidemment pas ces possibilités. Selon une interprétation littérale de l'article 1er , alinéa 2, le Sénat est (à nouveau) saisi de plein droit des projets qu'il n'a pas évoqués, qu'il a décidé de ne pas amender ou auxquels il s'est rallié, ou des projets dont il a laissé expirer le délai d'examen et qui n'ont pas encore été sanctionnés et promulgués par le Roi.

Il convient par conséquent d'actualiser la loi du 3 mars 1977.

On pourrait évidemment envisager aussi de renoncer à toute forme de non-caducité et de s'en tenir à la formule pour laquelle on a opté en 1995 et qui consistait à considérer comme non avenus tous les projets et propositions de loi qui n'avaient pas été adoptés par les deux Chambres. Il convient cependant de faire remarquer que les motifs pour lesquels on a opté pour cette solution en 1995 n'existent plus. En outre, elle entraîne plus que toute autre la perte d'un travail parlementaire souvent très précieux réalisé par les Chambres avant leur dissolution.

Si l'on veut actualiser la loi du 3 mars 1997, il importe de faire la distinction entre les trois types de lois : les lois monocamérales, les lois obligatoirement bicamérales et les lois facultativement bicamérales.

Les propositions de loi qui ressortissent à l'application de l'article 74 de la Constitution ne requièrent plus de disposition particulière. L'examen parlementaire de ces projets se termine, en effet, avec leur adoption par la Chambre des représentants.

S'agissant des propositions et des projets de loi qui règlent des matières visées à l'article 77 de la Constitution, le régime actuel, prévu à l'article 1er de la loi du 3 mars 1977, peut être maintenu tel quel.

Quant aux projets de loi qui règlent des matières visées à l'article 78 de la Constitution, le nouveau régime en projet, qui est fondé sur les mêmes principes, doit non seulement tenir compte des spécificités de la procédure facultativement bicamérale (voir supra ), mais aussi préciser clairement à quel stade de cette procédure la Chambre des représentants ou le Sénat, selon le cas, se trouve saisi. À ce propos, le terme « saisi » doit s'entendre au sens le plus large : il couvre également, le cas échéant, l'hypothèse d'un texte à l'égard duquel le droit d'évocation n'a pas encore été exercé.

Enfin, il convient de rappeler que l'article 10, § 1er , 1º, de la loi du 6 avril 1995 organisant la commission parlementaire de concertation dispose que lors de la dissolution des Chambres, les délais en cours visés aux articles 78 à 81 de la Constitution et dans la loi de 1995 elle-même, sont interrompus. L'on peut considérer que les délais fixés par la commission parlementaire de concertation, en application des articles 80, 81 et 82 de la Constitution et de la loi du 6 avril 1995, tombent sous le coup de l'article 10, § 1er , 1º, précité.

Cela signifie que le nouveau Sénat pourrait être confronté à un délai d'évocation très court pour les projets pour lesquels le gouvernement aurait demandé l'urgence avant la dissolution, en application de l'article 80 de la Constitution.

En ce qui concerne la qualification, il convient d'observer que la présente proposition de loi a trait à la procédure législative, qu'elle a un effet direct sur les droits et prérogatives des deux Chambres législatives et qu'elle a des conséquences quant aux délais. En conséquence, elle règle des matières visées à l'article 77 de la Constitution.

Hugo VANDENBERGHE.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

En cas de dissolution des Chambres fédérales, sont considérés comme non avenus les projets et propositions de loi qui n'ont été adoptés ni par l'une ni par l'autre Chambre dissoute et les projets de loi qui ont été adoptés par l'une ou par l'autre Chambre dissoute plus de huit ans avant la dissolution.

Art. 3

Lorsque des projets de loi réglant des matières visées à l'article 77 de la Constitution ont été adoptés par l'une des Chambres moins de huit ans avant la dissolution, l'autre Chambre en est saisie, sans nouveau renvoi, après le renouvellement des Chambres, pour autant qu'elle ne les ait ni adoptés ni rejetés avant la dissolution.

Art. 4

Lorsque des projets de loi réglant des matières visées à l'article 78 de la Constitution ont été adoptés par l'une des Chambres moins de huit ans avant la dissolution, l'autre Chambre en est saisie, sans nouveau renvoi, après le renouvellement des Chambres, pour autant qu'elle ne se soit pas encore prononcée sur le projet conformément à l'article 78, alinéa 3 ou 5, 79, alinéa 1er ou 3, ou 81, alinéa 2 ou 3, de la Constitution et, s'il s'agit du Sénat, pour autant que les délais d'évocation et d'examen visés aux articles 78, alinéa 2 ou 3, 79, alinéa 1er , ou 80 de la Constitution, selon le cas, ne soient pas arrivés à expiration avant la dissolution.

Lorsque le Sénat est saisi de projets de loi en application de l'alinéa 1er , il est réputé l'être en application de l'article 78, alinéa 1er , de la Constitution s'il s'agit de projets qui ont été déposés initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement en application de l'article 75, alinéa 2, de la Constitution ou de propositions de loi qui ont été déposées initialement à la Chambre et pour lesquelles la demande visée à l'article 78, alinéa 2, de la Constitution n'a pas encore été formulée par quinze sénateurs au moins avant la dissolution. Dans les autres cas, le Sénat est réputé être saisi du projet en application de l'article 78, alinéa 3, ou 79, alinéa 1er , de la Constitution, selon qu'il s'est déjà prononcé ou non une première fois sur le projet avant la dissolution.

Art. 5

La loi du 3 mars 1977 relative aux effets de la dissolution des Chambres législatives à l'égard des projets et propositions de loi antérieurement déposés, est abrogée.

Art. 6

La présente loi entre en vigueur le jour de la première dissolution des Chambres législatives fédérales qui suit celle du 12 avril 1995.

Hugo VANDENBERGHE.
Roger LALLEMAND.
Hugo COVELIERS.
Frederik ERDMAN.
Michel FORET.
Magdeleine WILLAME-BOONEN.