1-1202/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

23 FÉVRIER 1999


Projet de loi modifiant certaines dispositions du Code judiciaire et transférant certains membres du personnel en service auprès des parquets ou attachés à une commission de probation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. DESMEDT


La commission de la Justice a examiné le présent projet de loi au cours de ses réunions des 10 et 23 février 1999.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

Au cours de ces dernières années, des critiques ont été émises concernant le manque d'accessibilité de la Justice aux citoyens et la menace que font peser sur l'intelligibilité et la proximité de la Justice des procédures longues et compliquées, des usages et des traditions inadaptés et un langage exagérément technique. D'autre part, de plus en plus de citoyens sont concernés par des procédures judiciaires en raison de l'accroissement constant de la réglementation dans une société toujours plus complexe et plus mobile.

Il est un fait que, d'une part, il existe une demande croissante pour de plus nombreuses formes de droit et que, d'autre part, la confiance en la Justice décroît. Ce phénomène requiert des mesures adaptées.

À côté de l'approche pénale et civile classique, des approches différentes et complémentaires sont apparues et continuent d'apparaître. Les magistrats, les services de police et les directeurs d'établissements pénitentiaires bénéficient de plus en plus de l'assistance de membres du personnel ayant une formation en sciences humaines qui procèdent à des enquêtes, rendent des avis, surveillent l'exécution des sanctions ou des mesures et se chargent de l'assistance aux victimes. On pense notamment à la suspension de probation et au sursis de probation, à la liberté sous conditions, à la prestation de services, à la médiation pénale, à l'accueil des victimes dans les tribunaux et les parquets, aux enquêtes sociales dans le cadre d'affaires concernant la jeunesse et la famille, etc.

Ces initiatives ont vu le jour à divers moments, certaines déjà dans les années soixante, voire avant. C'est le cas, par exemple, de la probation (1964), de l'assistance sociale pénitentiaire externe dans le cadre de la libération conditionnelle (1937). D'autres ont été mises en oeuvre au cours de ces dernières années, telles que l'accueil des victimes dans les tribunaux et les parquets (à titre expérimental à partir de 1993, intégré à la législation en 1997).

Depuis la réforme de l'État, les communautés et les régions ont également pris des initiatives similaires dans le cadre de leurs compétences mais dans des matières qui touchent au domaine judiciaire, notamment les organismes et les comités d'aide à la jeunesse, les centres d'aide aux victimes, les services sociaux près les tribunaux de la jeunesse, la médiation en matière de divorce, les centres d'aide sociale aux justiciables,...

Cette croissance historique et non organisée a conduit à une fragmentation de la réglementation, à un manque de visibilité, à une délimitation des compétences parfois floue, à une dissémination des services, à un manque de cohérence interne et externe, à différents statuts et dénominations du personnel et à un effectif trop limité confronté à un nombre croissant de missions.

Toutefois, il est essentiel que ce « secteur parajudiciaire » forme un tout. Il est important de supprimer la dispersion de ce secteur de la justice et d'en améliorer l'accès. Il faut pour cela que les mentalités changent. Pour y parvenir, les mesures nécessaires doivent être prises de manière à favoriser la coopération, tant sur le plan organisationnel que méthodologique. La transparence est également indispensable vis-à-vis du monde extérieur. Les magistrats et les avocats peuvent à peine suivre les évolutions du monde parajudiciaire. Le profane, l'homme de la rue, ne voit plus la forêt cachée derrière l'arbre.

C'est pourquoi, le 30 août 1996, le gouvernement a décidé de créer les maisons de justice, à raison d'une par arrondissement judiciaire. Il s'agit là d'une des mesures visant à améliorer l'efficacité de la Justice, à optimiser l'approche humaine et à accroître l'accessibilité. En plus de réunir les services parajudiciaires, la maison de justice jouera un rôle important dans la coordination et la promotion de mesures judiciaires alternatives et servira de point de contact pour les citoyens.

Les maisons de justice devront évidemment respecter les compétences des communautés et des régions compte tenu de l'article 128, § 1er , de la Constitution et de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. En particulier, l'article 92bis , § 1er , inséré par la loi du 8 août 1988 et modifié par la loi spéciale du 16 juin 1993 offre la possibilité de conclure des accords de coopération.

Les compétences concernant l'assistance aux citoyens tout comme aux victimes, aux coupables et aux plaignants sont en effet réparties entre l'État fédéral et les communautés et les régions. Comme le montrent différentes initiatives, l'État fédéral a activé la coopération en la matière. Des accords de coopération ont ainsi été conclus en 1994 relativement à l'aide aux victimes et cette année encore relativement à l'assistance des victimes et concernant l'accompagnement et le traitement des auteurs d'abus sexuel. Des projets de loi d'approbation des accords relatifs à l'accueil des victimes et relatifs à l'accompagnement et le traitement des auteurs d'abus sexuel ont été déposés auprès des différents parlements. Ce sont en effet l'État fédéral et les communautés et régions qui se sont mutuellement désignés pour régler mutuellement la politique de bien-être, la politique de sécurité et la politique pénale. Un rapport de coopération avec des accords clairs est même exigé. Cette collaboration est maintenant lancée. Au niveau de l'arrondissement les maisons de justice remplissent un rôle crucial en la matière.

Comme cela a déjà été discuté le 15 juillet 1998 dans la commission spéciale chargée du suivi des recommandations de la commission d'enquête relative aux enfants disparus, un accord de coopération sur les maisons de justice sera, à terme, nécessaire entre l'État fédéral et les communautés et régions. Les accords de coopération existants pourront y être intégrés. Dans chaque cas le ministre de la Justice et son administration doivent veiller à ce que les compétences des communautés et régions par exemple en ce qui concerne l'aide aux personnes, la prévention de la santé,...soient déjà respectées.

Sur le plan organisationnel, les maisons de justice font partie du service des maisons de justice du ministère de la Justice.

Tous les membres du personnel du service des maisons de justice auront le même statut, fixé par arrêté royal. Ainsi, le travail social sera exécuté par l'assistant de justice qui se verra chargé d'une des nombreuses missions confiées à la maison de justice.

Ce statut unique permettra également d'employer les agents concernés avec une plus grande flexibilité en fonction des besoins spécifiques qui se manifesteront dans chacun des secteurs du travail social.

L'ensemble de ces mesures, ainsi que les moyens budgétaires nécessaires à leur mise en oeuvre, ont déjà été approuvés par le gouvernement dans le plan pluriannuel pour la Justice et la Sécurité du 7 octobre 1997. Le transfert du personnel actuellement employé dans les services judiciaires, dans le cadre de la médiation pénale et de l'accueil des victimes, requiert la suppression d'un certain nombre de dispositions statutaires qui figurent encore dans le Code judiciaire. Tel est l'objet du présent projet de loi.

À la Chambre des représentants a été déposé un projet de loi qui est lié au présent projet, mais relève de la procédure bicamérale optionnelle, visée à l'article 78 de la Constitution (doc. Chambre, nº 1889-1, 98/99).

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Questions et observations

Le président déplore que ces deux projets ne puissent être débattus ensemble. L'interdiction de déposer au Sénat des projets de loi relevant de l'article 78 de la Constitution représente une entrave sérieuse à un examen approfondi de la réforme proposée.

Un membre confirme le constat du ministre selon lequel les services parajudiciaires se caractérisent par un morcellement tel que les citoyens ne savent pas toujours à quel service s'adresser ni à quelle aide ils peuvent prétendre. La création des maisons de justice regroupant tous ces services améliorera donc considérablement le service au citoyen.

Un autre élément positif de la réforme proposée est qu'elle tend vers un statut uniforme applicable à l'ensemble des collaborateurs parajudiciaires. À cet égard, l'intervenante désire savoir si les agents affectés aux maisons de justice resteront chargés exclusivement de leur mission actuelle ou si on instaurera une forme quelconque de mobilité qui les obligera à sortir de leur spécialisation. En cas de surcharge du service d'accueil des victimes, par exemple, pourra-t-on faire appel aux collaborateurs du service de probation pour garantir l'efficacité du service ? Dans l'affirmative, il conviendra d'adapter la formation de ces agents. Pour certaines matières, les maisons de justice disposeront d'une expertise suffisante, mais tel ne sera pas toujours le cas, pour les nouvelles missions surtout. La flexibilité requiert donc une formation poussée du personnel, qui ne se limite pas à une spécialisation dans une matière unique.

L'intervenante évoque ensuite la problématique de l'aide à la jeunesse. Les enquêtes sociales qui relevaient anciennement de la compétence des communautés, ressortissent à nouveau depuis le 1er janvier 1998 à l'autorité fédérale; elles ont été confiées à de nouveaux agents qui seront employés dans les maisons de justice.

Un sondage restreint a appris à l'intervenante que malgré tout l'engagement dont fait preuve le personnel, ce transfert n'a pas conduit à un suivi plus adéquat des dossiers. C'est ainsi que dans un arrondissement donné, seules 118 des 169 tâches confiées par le tribunal ont été menées à bien. Dans un autre arrondissement, il n'y en a eu que 17 sur 60.

À Bruxelles, certains juges feraient systématiquement appel à des organismes privés. Cette manière de procéder est discriminatoire, car le coût d'une enquête sociale, soit environ 30 000 francs, est trop élevé pour de nombreuses personnes. Si les parents ne peuvent pas supporter les frais d'une telle enquête, le tribunal statuera sur leur litige, par exemple en matière de droit de garde, sans avoir connaissance des données objectives que fournit une enquête sociale.

En ce qui concerne l'article 21, l'intervenante demande que l'on examine si les agents des communautés qui travaillent dans les services sociaux des tribunaux de la jeunesse et ont réalisé ces enquêtes pendant trente ans, ne pourraient pas avoir la possibilité de se faire transférer dans une maison de justice sur une base volontaire. Leur expérience pourrait ainsi y être mise à profit. Pareil transfert, qui concerne une vingtaine de personnes en Flandre, permettrait en tout cas d'éviter des situations déplorables, où les enquêtes prennent quatre mois. Cette lenteur a des conséquences psychologiques néfastes pour les enfants dont les parents sont impliqués dans une procédure de divorce.

Cela pose sans doute un problème de répartition de compétence entre l'État fédéral, les communautés et les régions, mais l'intervenante est d'avis que le justiciable occupe une place centrale et qu'il faut l'aider de manière adéquate.

Elle signale avoir interpellé l'actuel ministre de la Justice ainsi que son prédécesseur à ce sujet. Tous deux ont promis qu'ils étudieraient le problème, mais jusqu'à ce jour, l'intervenante n'a pas connaissance de leurs propositions. Elle insiste dès lors pour que les agents des services sociaux des tribunaux de la jeunesse se voient offrir, pour une unique fois, la possibilité de se faire transférer au ministère de la Justice.

Selon un autre membre, ce projet technique contribuera à améliorer le service au citoyen. Il met fin au morcellement des services parajudiciaires qui ont été créés à des moments différents, fonctionnent en parallèle et entrent parfois en conflit du fait que leurs compétences sont mal définies. La coordination de ces services est par conséquent une priorité. Les maisons de justice qui ont été créées récemment à Charleroi et à Coutrai remportent un franc succès, ce qui prouve qu'elles répondent à un besoin réel. Elles mettent les justiciables sur la bonne voie et leur offrent l'encadrement nécessaire. Les obstacles auxquels les services parajudiciaires étaient confrontés précédemment, comme les différences de statut entre les membres du personnel et l'imprécision qui caractérise la délimitation de leur compétence, vont être définitivement levés grâce au présent projet.

L'article 21 constitue le coeur du projet. Il dispose que les collaborateurs parajudiciaires sont transférés aux services externes du service des maisons de justice du ministère de la Justice.

L'intervenant désire savoir comment cette opération se déroulera et dans quelle mesure on s'efforcera de pratiquer la mobilité entre ces services. Si la flexibilité est de mise pour le personnel, les services en seront d'autant plus accessibles.

L'intervenant suivant souhaite savoir si tous les fonctionnaires visés à l'article 21 dépendent d'instances fédérales, ou si certains d'entre eux dépendent des organes communautaires.

Dans le même ordre d'idées, un autre membre demande de quelle manière la corrélation sera établie entre les maisons de justice et les initiatives similaires prises par les communautés et les régions dans le cadre de leurs compétences. Des accords de coopération ont été conclus entre l'État fédéral et les communautés et les régions, par exemple en matière d'assistance aux victimes et d'accompagnement et de traitement de délinquants sexuels. À cet égard, le Conseil d'État s'est interrogé sur le rôle exact des maisons de justice par rapport aux structures résultant des différents accords de coopération, dans la mesure où les agents du ministère de la Justice visés par ces différents accords sont, pour la plupart, ceux qui exerceront leurs fonctions au sein des maisons de justice (voir avis du Conseil d'État, doc. Sénat, nº 1-1202, p. 20).

B. Réponses du ministre

1. Flexibilité

L'un des objectifs des maisons de justice est d'assurer la flexibilité d'intervention des assistants de justice. Un changement de mentalité s'impose, mais le ministre estime qu'il n'y aura pas de problèmes à cet égard. L'expérience des maisons de justice à Charleroi et à Courtrai a montré que la réunion de divers services extérieurs est particulièrement fructueuse. L'on a compté 1 738 visiteurs sollicitant l'assistance en justice de première ligne et 854 visiteurs sollicitant l'aide judiciaire de première ligne, à la maison de justice de Courtrai, en 1998.

Jusqu'à présent, les assistants de justice ont rempli leurs missions traditionnelles sans aller au-delà de leur spécialisation. Il s'agit de l'accompagnement des personnes mises en liberté conditionnelle (Dutroux), de l'accompagnement de celles qui ont été libérées dans le cadre de la probation (Derochette), de l'accueil des victimes, etc. De par cet esprit de compartimentage, les services surchargés n'ont jamais bénéficié d'aucune aide. Ce fut d'ailleurs l'un des problèmes qui surgirent dans le dossier Dutroux. En raison de la grossesse de l'assistante de justice, M. Dutroux est resté plusieurs mois sans être suivi.

Pour pouvoir faire face à de telles situations d'urgence, l'on a d'abord désigné une série d' «éléments volants », qui peuvent être affectés aux divers secteurs des services d'aide parajudiciaire. L'on franchit maintenant une deuxième étape en regroupant tous les services parajudiciaires au sein des maisons de justice. Le but est d'assurer la flexibilité, mais uniquement sur une base volontaire. L'expérience nous apprend qu'il n'y a aucun problème lorsque l'on demande aux assistants de justice de venir en renfort dans un autre service pour une période plus ou moins longue. L'on se heurte toutefois à une certaine réticence pour ce qui de l'accomplissement de missions de courte durée. La flexibilité sera améliorée grâce au regroupement des divers services. Il ne faut pas perdre de vue que, jusqu'à présent, la plupart des assistants de justice n'avaient même pas de bureau et se voyaient contraints de travailler à domicile. Ce problème est maintenant résolu. En outre, la présence de l'infrastructure administrative requise est assurée. Il y a un membre du personnel administratif pour 8,5 assistants et fonctionnaires cadres.

2. Transfert vers les services extérieurs du service des maisons de justice du ministère de la Justice

Ce transfert ne s'impose, en fait, que pour le personnel appartenant à l'ordre judiciaire, à savoir les assistants chargés de l'accueil des victimes, les assistants de médiation et les conseillers en médiation. Les autres catégories visées à l'article 21 relèvent déjà du ministère de la Justice. Leur transfert pourrait donc être réglé par arrêté royal. En raison de l'éparpillement des services au sein de l'administration, des tribunaux et des parquets, l'on a décidé de réglementer cette opération dans la loi et d'accorder un statut identique à tous les intéressés. L'on aligne de la sorte notamment les uns sur les autres les traitements, les primes et le nombre de jours de congé.

Le fait que les fonctionnaires qui appartenaient pourtant à un même service avaient un nombre de jours de congé différent selon le ressort pour lequel ils travaillaient, indique à quel point le morcellement était grand.

Le ministre souligne que le projet de loi à l'examen tend à définir un statut légal pour le personnel qui travaillait jusqu'ici au sein des parquets et qui appartient à l'ordre judiciaire. Il existe actuellement deux voies d'accès au secteur parajudiciaire. Celle des fonctionnaires passe par un examen qui est organisé par le Secrétariat permanent de recrutement; celle du personnel de l'ordre judiciaire passe par un examen qui est organisé par le ministère de la Justice. Leurs possibilités de carrière diffèrent également. Celles du personnel de l'ordre judiciaire sont beaucoup plus limitées. En soumettant les deux catégories à un même statut, l'on élargit les possibilités de faire carrière du groupe restreint que forme le personnel de l'ordre judiciaire.

L'article 21 est très important, car il garantit les droits acquis des fonctionnaires qu'il vise. L'on va établir une «pyramide » de carrière pour le corps de fonctionnaires des maisons de justice, qui comptera 854 personnes. Le personnel de l'ordre judiciaire, qui y sera intégré, conservera les droits qu'il aura acquis précédemment, notamment par la voie d'examens.

Le ministre précise que 136 assistants d'accueil, assistants de médiation et conseillers en médiation seront transférés au ministère de la Justice. Il s'agira d'une opération unique, puisque l'on n'engagera plus de personnel en cette qualité. Ils conserveront leurs acquis sociaux pour le reste de leur carrière et obtiendront même une rémunération plus élevée.

3. Rapport avec les communautés et les régions

La répartition de compétence entre l'État fédéral, les communautés et les régions a un impact considérable sur le secteur parajudiciaire. Les communautés sont compétentes, notamment, en matière de protection de la jeunesse et d'aide aux victimes. Compte tenu des nombreux points de convergence, l'État fédéral et les entités fédérées ont conclu des accords de coopération afin que celles-ci puissent être associées au fonctionnement de maisons de justice, en l'occurrence dans le cadre de leur politique en matière d'aide sociale. Les trois accords de ce type qui ont été conclus jusqu'à ce jour concernent respectivement l'aide sociale dispensée aux détenus en vue de leur intégration sociale, l'aide aux victimes ainsi que l'accompagnement et le traitement de délinquants sexuels. Un accord de coopération devrait également voir le jour à propos de la problématique de la drogue.

À terme, il faudra négocier un accord global de coopération sur les maisons de justice, portant sur tous les services parajudiciaires. Comme l'État fédéral ainsi que les communautés et les régions étoffent leurs services parajudiciaires et sociaux, ces services se côtoieront de plus en plus souvent. C'est pourquoi il importe de conclure des accords clairs et précis.

4. Enquêtes sociales

Les enquêtes sociales en matière civile sont réalisées à la requête d'un juge ou d'un magistrat du parquet. Ils choisissent librement le service social auquel ils confient cette mission. D'aucuns font appel à des personnes privées, pour diverses raisons telles que la surcharge de travail à laquelle sont confrontés les services du ministère de la Justice ou encore la relation de confiance que les magistrats ont nouée avec ces personnes privées. Il arrive parfois que ce soient les avocats ou les parents qui insistent pour que l'on choisisse une personne privée. Les enquêtes réalisées par des personnes privées ne représentent cependant qu'une petite minorité. Le coût d'une telle enquête oscille entre 25 et 30 000 francs par parent concerné, quand ce n'est pas davantage.

Une autre solution serait de pouvoir confier cette mission aux services des maisons de justice. Si l'on entend accorder un monopole à ces services, il y a lieu de le préciser dans le texte de la loi. Reste à savoir si cette proposition fera l'unanimité.

En ce qui concerne le nombre de missions inaccomplies, le ministre n'a pas connaissance des chiffres évoqués par l'intervenante. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait aucun problème. Des problèmes se posent surtout en Flandre, et dans une moindre mesure en Wallonie.

Le plan pluriannuel Justice et Sécurité qui a été approuvé le 7 octobre 1997 prévoit l'engagement de 18 assistants de justice supplémentaires chargés des enquêtes sociales, ce qui porte leur nombre à 64. Le futur nous dira si ce nombre est suffisant. Le ministère de la Justice s'est livré, au début du mois de décembre 1998, à une évaluation du fonctionnement du service des enquêtes sociales durant les onze premiers mois de cette même année. Les mesures nécessaires ont été prises afin de pouvoir intervenir rapidement en cas de problème.

Il ne faut pas perdre de vue que l'organisation des maisons de justice nécessite une restructuration énorme qui concerne 854 personnes. La maison de justice de Bruxelles, par exemple, comptera un effectif de 130 personnes. La pression que cette restructuration représente pour l'administration est encore accrue par l'extension des missions conférées aux maisons de justice (accueil des victimes, médiation pénale, etc.). Il s'ensuit que l'on ne trouve pas toujours les personnes adéquates pour remplir les nouvelles missions. Or, il y a précisément un besoin en personnel qualifié.

Le ministre en arrive ainsi au problème du transfert des agents des services sociaux des tribunaux de la jeunesse des communautés au ministère fédéral de la Justice.

5. Transfert des agents des communautés à l'administration fédérale

Cette question a déjà été examinée à plusieurs reprises. Interrogé à ce sujet, le ministre de la Fonction publique a communiqué dans sa lettre du 27 juin 1997 ce qui suit :

« Par rapport à la problématique soulevée par votre courrier, je puis vous informer que la réglementation générale en matière de mobilité ne concerne pas les transferts de personnel entre l'État fédéral et les communautés ou les régions. Le champ d'application de l'arrêté royal du 3 novembre 1993 portant les mesures d'exécution relatives à la mobilité du personnel de certains services publics se limite en effet à la Fonction publique administrative fédérale.

La question d'un éventuel élargissement de ce champ d'application aux communautés et aux régions a fait l'objet, fin 1995, d'un débat à la commission Fonction publique du Sénat au cours duquel il a été constaté qu'aucune des parties en présence ne souhaitait un tel élargissement.

Sur base des éléments communiqués, je puis néanmoins dresser deux hypothèses de travail :

1º le retour des agents à l'État fédéral répond aux voeux exprimés par ceux-ci et peut donc être considéré comme une « décision de confort » :

Dans cette hypothèse, le retour au fédéral pourrait être envisagé sur base de l'article 29 de l'arrêté royal du 26 septembre 1994 fixant les principes généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l'État applicables au personnel des services des gouvernements de communauté et de région et des collèges de la Commission communautaire commune et de la Commission communautaire française ainsi qu'aux personnes morales de droit public qui en dépendent.

J'attire votre attention sur le fait que cet article n'est pas immédiatement applicable au problème qui nous préoccupe. Il faut encore prendre des arrêtés au niveau de la Communauté flamande ainsi qu'au niveau de l'État fédéral pour déterminer les grades pour lesquels un retour pourrait être demandé sur base volontaire. »

Le ministre de la Justice ajoute que les agents concernés seront statutairement et financièrement lésés s'ils sont transférés des communautés et des régions à l'administration fédérale.

Dans le cas des fonctionnaires de communauté, trois gouvernements au moins seront concernés par l'opération, à savoir le gouvernement fédéral, le gouvernement flamand et le gouvernement de la Communauté française. Dans le cas des fonctionnaires qui ressortissent aux régions, ce sont cinq gouvernements qui sont concernés. Le gouvernement de la Communauté germanophone a conclu un accord avec le gouvernement régional wallon concernant l'aide sociale.

Dans sa lettre du 27 juin 1997, le ministre de la Fonction publique poursuit ainsi :

« 2º il existe une raison juridique au retour des agents concernés du fait d'une erreur de répartition des compétences en la matière entre les communautés et l'État fédéral :

Dans cette deuxième hypothèse, il serait nécessaire de modifier l'arrêté royal du 25 juillet 1989 déterminant les modalités de transfert du personnel des ministères aux exécutifs des communautés et des régions et de rapporter les arrêtés individuels de transfert qui ont été faits.

Si cette deuxième hypothèse devait être exacte, il faudrait également examiner la problématique du retour des agents à l'État fédéral au départ de la Communauté française. »

Le ministre de la Justice fait remarquer que, dans ce cas, tous les membres du personnel doivent être transférés aux pouvoirs publics fédéraux. Ils risquent en l'occurrence de perdre leurs avantages statutaires. Nombre de fonctionnaires ne sont pas gagnés à cette idée.

La différence des échelles barémiques reste la principale pierre d'achoppement. Ainsi l'échelle barémique d'un assistant social en Communauté flamande est de 10 à 12 % supérieure à celle en vigueur dans la fonction publique fédérale. Les agents de la Communauté flamande ont droit à 35 jours de congé, tandis que leurs collègues fédéraux en ont 22.

Malgré tout, les membres du personnel des services sociaux des tribunaux de la jeunesse sont prêts à sacrifier une partie de leur traitement et de leurs jours de congé. En passant aux pouvoirs publics fédéraux, ils perdraient en outre leur ancienneté de service, ce qui représente pour certains un manque à gagner pouvant s'élever à 20 000 francs par mois. Beaucoup ont considéré qu'il s'agissait là d'un sacrifice trop important.

Le manque de concordance entre les divers statuts des pouvoirs publics fédéraux, des communautés et des régions incite le ministre à dire, en guise de boutade, qu'il est plus facile pour un Flamand d'aller travailler aux Pays-Bas et vice versa que d'échanger son poste à la Communauté flamande contre un poste relevant des autorités fédérales.

M. Baret, secrétaire général du ministère de la Justice, déclare que ce serait un progrès considérable si l'on prévoyait la possibilité de conclure des conventions sur une base volontaire.

Une autre méthode que l'on examine à l'heure actuelle consiste à permettre à certains membres du personnel des Communautés flamande et française de rejoindre l'administration fédérale avec maintien de leur statut, sur la base d'un contrat d'expert, dans le cadre de l'accord global de coopération entre l'État fédéral, les communautés et les régions. Du point de vue statutaire, l'intéressé reste dans le corps de fonctionnaires de la communauté, mais on lui accorde un congé sans solde de manière qu'il puisse mettre son expertise à la disposition des maisons de justice dans les liens d'un contrat d'expert.

Une intervenante estime aberrant que la diversité des statuts rende à ce point difficile la solution du problème de personnel qu'elle a soulevé.

Elle conçoit que les agents de services sociaux des tribunaux de la jeunesse ne veulent pas demander leur transfert si c'est pour perdre une part trop grande de leur revenu. Elle nuance en tout cas l'argument selon lequel le régime des congés serait moins avantageux. Les 35 jours auxquels les agents de la Communauté flamande ont droit incluent les congés de maladie et les congés d'ordre familial. Si l'on retranche ces jours, le nombre des jours de congé des agents fédéraux est pour ainsi dire égal à celui des agents des communautés.

L'intervenante concède que le problème se pose de manière plus aiguë en Flandre qu'en Wallonie, où les enquêtes sociales sont souvent confiées à d'autres services, comme les CPAS, et où les services sociaux des tribunaux de la jeunesse n'ont pas acquis la même expertise.

Elle craint que l'expérience que les agents des services sociaux des tribunaux de la jeunesse ont accumulée au fil des ans en réalisant des enquêtes sociales ne se perde.

Comme certains de ces agents souhaitent être transférés pour pouvoir continuer à exécuter cette mission, elle insiste pour que l'on cherche plus avant une formule permettant de les transférer. Étant donné que les assistants d'accueil et les assistants de médiation et les conseillers en médiation de l'ordre judiciaire sont, en application du présent projet de loi, transférés au ministère de la Justice, il faudrait pouvoir élaborer un régime similaire permettant à un petit groupe d'agents des communautés de rejoindre volontairement et avec maintien de leurs droits l'administration fédérale. L'urgence s'impose à cet égard. En effet, beaucoup de ces fonctionnaires sont proches de l'âge de la retraite.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Les articles 1er à 22 sont adoptés chacun séparément, sans observations, à l'unanimité des 9 membres présents.

IV. VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble du projet de loi a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur,
Claude DESMEDT.
Le président,
Roger LALLEMAND.