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SÉANCE DU JEUDI 21 JANVIER 1999 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 21 JANUARI 1999 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Willame.
La parole est à Mme Willame.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, la chute du mur de Berlin et les changements de régimes intervenus dans les pays de l'Est ont été un des bouleversements géopolitiques majeurs en cette fin de siècle : « la victoire, en quelque sorte, de la démocratie sur l'autoritarisme communiste ». Une fois l'euphorie retombée, il a fallu faire le bilan de près d'un demi-siècle de communisme, et celui-ci était assez sombre.
S'agissant de la situation des orphelins, notre attention est de plus en plus attirée sur les conditions désastreuses qui règnent dans les orphelinats de certains pays de l'Est sur le plan de l'hygiène et de la violence, entre autres.
Le drame de ces enfants qui était auparavant caché est maintenant visible et reste malheureusement d'actualité.
À cet égard, l'organisation Human Rights Watch dénonce dans un rapport publié fin décembre 1998 la violation quotidienne par l'État russe des droits fondamentaux de dizaines de milliers d'orphelins placés dans des institutions spécialisées. L'organisation fait état de traitements cruels, dégradants et inhumains subis par ces enfants dont la situation est encore plus dramatique s'ils sont atteints d'un handicap physique ou mental.
La Russie compte plus de 600 000 enfants qui ne sont plus pris en charge par leurs parents; un tiers de ceux-ci sont placés dans des institutions. D'après les statistiques du parquet général russe, sur les 15 000 jeunes qui quittent chaque année les orphelinats, 3 000 tomberont dans la délinquance et 1 500 se suicideront, soit un dixième des enfants qui sortent de ces établissements!
La pénible situation vécue par ces enfants est liée notamment à l'absence de formation du personnel des orphelinats, au manque de places et, bien évidemment, à l'absence ou la mauvaise utilisation des moyens financiers.
Face à cette situation tragique qui existe dans un pays lointain, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer à quels programmes venant en aide aux enfants défavorisés notre pays contribue-t-il ? À concurrence de quel montant ?
Dans le cadre des programmes d'assistance financière aux pays de l'Est, y a-t-il parmi les enveloppes existantes, une ou plusieurs de celles-ci affectées à la protection des droits de l'enfant et, plus particulièrement, à l'amélioration des conditions des orphelins ?
M. le président. La parole est à M. Derycke, ministre.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Monsieur le président, dernièrement nous avons pu constater, au Conseil des Affaires générales de l'Union, l'étendue du problème de la Russie. Si le communisme n'a rien apporté à cette société, exception faite de quelques aspects mineurs, les dix années de libéralisme sauvage n'ont rien amélioré. Notre système, malgré ses imperfections, demeure le meilleur au monde.
Nous devons nous montrer très prudents avec ce pays lointain dont l'importance est considérable. Nous ne pouvons que préférer une Russie stable économiquement et socialement à son implosion actuelle. Aussi, devons-nous la suivre et lui fournir une aide plus judicieuse que celle organisée par le biais des recommandations du Fonds monétaire international et qui a abouti à un anéantissement partiel des possibilités économiques de ce pays.
J'en viens au sujet de la demande d'explications.
L'amélioration du bien-être des enfants constitue un des principaux axes de force de notre politique extérieure. Cette préoccupation s'inscrit dans le cadre général de nos efforts visant la défense et la promotion des droits de l'homme dans le monde.
Comme vous le savez, la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant fêtera cette année son dixième anniversaire, dans un contexte qui n'est pas heureux, faut-il le dire.
Les efforts particuliers seront déployés à cette occasion en vue de faire progresser les négociations actuellement en cours au sujet de différents protocoles de la convention visant à améliorer la protection des enfants et de leurs droits fondamentaux dans des domaines où ils sont le plus souvent des victimes innocentes et démunies.
En 1998, une somme de 5 300 000 francs a été prélevée du budget de mon département en faveur d'un projet de l'Unicef visant à contribuer au développement, à la coordination et à l'exécution d'une politique et de programmes d'assistance à la promotion des droits de l'enfant aux niveaux international, régional et local.
Malheureusement, le ministère des Affaires étrangères dispose de très peu d'argent pour cette programmation. Les budgets pour ce type de démarche se trouvent essentiellement concentrés au secrétariat d'État pour la Coopération au Développement.
S'agissant de la Russie, il convient de mentionner que la protection et le bien-être des enfants sont inscrits dans la Constitution russe. La situation d'un nombre élevé d'enfants reste néanmoins préoccupante, comme vous le soulignez à juste titre. Le dernier rapport de l'ONG Human Rights Watch est à cet égard révélateur. L'effondrement des structures politiques anciennes et les difficultés financières actuelles sont des sources de perturbations sérieuses du système public d'accueil des orphelins. Il me paraît par ailleurs particulièrement inquiétant de constater que les orphelins russes sont pour la plupart environ 95 % abandonnés par leurs parents et placés par eux dans des institutions étatiques désargentées où ils font souvent l'objet de mauvais traitements. La situation est dramatique et hypothèque très sérieusement l'avenir de ces enfants et donc l'avenir d'une partie de la société russe.
À l'heure actuelle, il n'existe pas de programme d'aide bilatérale officiel avec la Russie. Il est d'ailleurs très difficile d'y parvenir en raison d'une sorte de fierté dont ce pays fait preuve. Ces dernières semaines, des efforts considérables ont été consentis par l'Union européenne afin de doter la Russie d'une aide humanitaire gigantesque, mais il convient de se montrer très prudent dans la façon de négocier, dans le ton adopté et sur le contenu des programmes qu'elle peut parfois refuser.
La Belgique ne participe pas directement à des programmes d'aide aux enfants défavorisés. Des actions ponctuelles d'ONG belges sont pourtant possibles mais je ne crois pas avoir reçu de demande à cet égard, pas plus que le secrétaire d'État.
Dans le cadre européen toutefois et surtout au niveau du programme ECHO , un montant de 7 millions d'euros a été prévu en 1998 pour l'aide humanitaire à la Russie. Il sera de 10 millions d'euros en 1999. De cette somme, une partie est utilisée pour la lutte contre la tuberculose, pour le fonctionnement des hôpitaux pédiatriques et pour des projets d'aide à des groupes vulnérables, tels les orphelins. Une répartition précise n'est à ce jour malheureusement pas encore disponible. De plus, les derniers problèmes que connaît la Commission européenne et les contrôles sévères qui sont désormais demandés pour l'affectation de ces sommes énormes vont encore accroître les difficultés en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Willame.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, je remercie le ministre de sa réponse.
Je voudrais toutefois faire une mise au point. Au début de sa réponse, le ministre a mentionné un montant de 5 millions. J'aimerais savoir si cette somme est destinée à des projets précis d'aide aux enfants défavorisés.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Monsieur le président, mon département met à la disposition de l'Unicef un montant de 5 millions pour sa programmation globale en matière d'assistance aux enfants et de promotion de leurs droits. Il appartient à l'Unicef de décider de l'utilisation de cette somme. De son côté, le secrétaire d'État à la Coopération fournit également des montants importants à l'Unicef, sans imposer de conditions à leur utilisation.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, je souhaite informer le ministre que les hasards de l'agenda du Sénat m'ont donné l'occasion d'interroger le secrétaire d'État à la Coopération sur l'instruction, à la suite du dernier rapport de l'Unicef.
Outre les 5 millions accordés par son département, le ministre a cité également un montant de 10 millions d'euros accordés dans le cadre de l'aide européenne. Si j'ai bien compris, il ignore quelle partie de ces sommes est consacrée à la problématique des enfants défavorisés en Russie.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.