1-1188/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

10 DÉCEMBRE 1998


Proposition de loi visant à encourager et stimuler les indépendants débutants

(Déposée par M. Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


Les indépendants qui commencent une activité sont dans une situation faite d'incertitude et celle-ci génère des problèmes sociaux et économiques, voire de véritables drames sociaux, non seulement pour l'indépendant en question, mais aussi parfois pour sa famille!

Que constatons-nous actuellement ?

Lorsqu'un indépendant commence son activité, il doit payer des cotisations minimales mais peut déterminer un montant fictif de revenus sur lequel ses cotisations sont calculées. La plupart d'entre eux (plus de 80 %) paie la cotisation minimale; ils agissent de la sorte souvent sans planning financier, sans projections financières et sans conseil de leur comptable ou expert-comptable.

La régularisation intervient généralement après trois ans. À ce moment-là, l'indépendant se trouve trop souvent dans une situation dramatique socialement et économiquement :

­ socialement car le plus souvent il est dans l'impossibilité de régler cette somme immédiatement et perd sa couverture sociale ainsi qu'éventuellement celle de sa famille, parfois pendant des mois, voire des années;

­ économiquement car certaines petites activités économiques viables ou juste en équilibre sont fragilisées, voire menacées de disparition à cause de cette régularisation.

Deux effets négatifs se cumulent : paiement du supplément de cotisations sociales dû à la régularisation et paiement de cotisations sociales trimestrielles supérieures car calculées sur une base plus élevée.

De nouvelles dispositions en faveur des indépendants qui remplissent la condition de « premier établissement » sont récemment intervenues; elles prévoient notamment des réductions de cotisations sociales de l'ordre de 15 % avec un plafond de 5 000 francs belge par trimestre pour la 4e année d'activité, ce qui permet d'atténuer quelque peu les conséquences de la régularisation.

Si ces mesures sont indubitablement une avancée, elles ne solutionnent pas entièrement les problèmes évoqués ci-dessus.

Nous proposons donc de compléter ces mesures par les propositions suivantes :

1. Instaurer un taux préférentiel en cas de début d'activité.

Le but est d'encourager et de stimuler l'emploi « indépendant » en modulant le taux durant les trois premières années d'activité. Ainsi, la situation suivante se présentera de la sorte pour les trois premières années d'activité :

Année 1 :

0 franc --> 388 444 francs : 5 %

388 444 francs --> .... francs : taux normal

Année 2 :

0 franc --> 388 444 francs : 10 %

388 444 francs --> .... francs : taux normal

Année 3 :

0 franc --> 388 444 francs : 15 %

388 444 francs --> .... francs : taux normal

Année 4 :

L'indépendant retombe dans le régime général

L'originalité de ce régime « débutant » est que son octroi sera subordonné à l'introduction, chaque année, d'un planning financier à la Caisse d'assurances sociales et à l'envoi régulier ­ trimestriel ­ de la situation financière de son activité, signé par un professionnel comptable.

Cette condition pourra paraître étrange à certains. Elle poursuit cependant un double rôle :

A. Rôle de contrôle : cela permettra de n'octroyer ce régime qu'aux indépendants débutants dont les revenus se situent, dans la plupart des cas, dans la tranche de revenus concernés.

B. Rôle préventif : cette mesure permettra indirectement de renforcer le lien du jeune entrepreneur avec celui qui est le mieux placé pour le conseiller : le comptable ou l'expert-comptable. Cette mesure constitue un encouragement (c'est-à-dire abaissement définitif des cotisations sociales) à ce que le jeune indépendant établisse des rapports réguliers avec son professionnel comptable. De ces rapports réguliers, doivent découler des situations comptables et financières permettant non seulement d'informer la caisse qu'elle peut accorder le taux préférentiel, mais aussi d'informer le jeune indépendant et son professionnel comptable de la situation financière réelle de son entreprise. Cela évitera également « l'effet de surprise » lors de la régularisation ou d'un redressement éventuel.

À noter enfin que, les indépendants en début d'activité, qui ne satisferaient pas aux critères de la présente proposition, pourront toujours bénéficier du régime des cotisations provisoires prévu à l'article 40 de l'arrêté royal du 19 décembre 1967.

2. Nouvelle base de calcul.

Selon notre proposition, le calcul des cotisations sociales sera basé sur les revenus professionnels acquis deux ans auparavant. Le but est de diminuer l'écart dans le temps entre les revenus réellement perçus par l'indépendant et le payement des cotisations sociales y afférent.

Cette proposition touchera l'ensemble des travailleurs indépendants. Cependant, et c'est ce qui justifie l'incorporation de cette mesure au sein de cette proposition, ce sont souvent les jeunes indépendants qui, n'étant pas encore habitués au système, font les frais de l'application de celui-ci.

3. Accélérer le système de régularisation des cotisations sociales

Il s'agit ici de proposer une accélération du système de régularisation et d'instaurer un délai maximum de deux ans pour celle-ci.

En effet, il est évident que si la nouvelle base de calcul des cotisations est fixée sur les revenus professionnels acquis deux ans auparavant, le délai de régularisation des cotisations sociales sera lui aussi réduit à deux ans.

Cette proposition passe essentiellement par une dynamisation de l'administration fiscale qui transmet les données reprenant les revenus professionnels des indépendants (1).

Il nous semblait cependant important de faire figurer cette mesure au sein de cette réforme pour insister sur son importance dans le processus que nous avons développé. En effet, plus la régularisation découlant de l'exercice d'imposition sera rapprochée, plus on pourra éviter les « effets de surprise » d'une régularisation « tardive ».

Cette proposition rejoint ainsi la volonté du législateur traduite dans l'exposé des motifs de la récente loi-programme PME.

Commentaire des articles

Article 2

La mesure proposée touchera l'ensemble des indépendants qui rentreront dans les critères de premier établissement. Il est donc utile de définir dans la proposition, ce concept de premier établissement.

Cette mesure s'inspire de la définition du premier établissement tel qu'énoncée à l'article 34ter de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants.

Article 3

Il s'agit ici d'encourager et de stimuler l'emploi « indépendant » en modulant, durant les trois premières années du début d'activité, le taux défini à l'article 38 de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants. L'indépendant qui débute ne devra payer sur la première tranche de revenus que 5 % pour la première année, 10 % pour la deuxième année, 15 % pour la troisième année. Le taux progressif inférieur au taux général de 16,70 % doit lui permettre de ne pas être asphyxié par les cotisations sociales. On sait en effet que le début d'activité d'indépendant est une période où les revenus sont loin d'être assurés (frais d'installation, constitution de clientèle...).

L'octroi de ce régime « débutant » est subordonné à l'introduction, chaque année, par le travailleur indépendant, d'un planning financier auprès de sa caisse d'assurances sociales. Cette situation comptable, signée par un professionnel comptable, permettra de donner un signal à l'indépendant si ses revenus dépassent le seuil minimum. On évite ainsi toute surprise lors de la régularisation ou lors d'un éventuel redressement.

Article 4

Cette proposition vise à instaurer le calcul des cotisations sociales sur les revenus professionnels acquis 2 ans auparavant au lieu de trois actuellement.

Philippe MAHOUX

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par premier établissement, le fait d'exercer pour la première fois une activité entraînant l'assujettissement à l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, dans la catégorie de personnes visées à l'article 12, § 1, du même arrêté.

Art. 3

Un article 40bis , rédigé comme suit, est inséré dans l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants :

« Art. 40bis. ­ Par dérogation aux dispositions de l'article 40, § 1er , durant les trois premières années de leur premier établissement, les assujettis sont redevables des cotisations annuelles suivantes :

1º) la première année :

­ 5 % sur la partie des revenus professionnels inférieure ou égale à 152 777 francs;

­ 16,70 % sur la partie des revenus professionnels supérieure à ce montant;

2º) la deuxième année :

­ 10 % sur la partie des revenus professionnels inférieure ou égale à 152 777 francs;

­ 16,70 % sur la partie des revenus professionnels supérieure à ce montant;

3º) la troisième année :

­ 15 % sur la partie des revenus professionnels inférieure ou égale à 152 777 francs;

­ 16,70 % sur la partie des revenus professionnels supérieure à ce montant.

L'octroi de ce régime est subordonné à l'introduction, chaque année, par l'indépendant, d'un planning financier à la Caisse d'assurances sociales pour travailleurs indépendants et à l'envoi trimestriel de sa situation financière certifiée par un professionnel comptable. Le Roi règle la procédure et les modalités d'admission à ce régime. »

Art. 4

Dans l'article 11, § 2, alinéa 3, de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, les mots « deuxième année civile » sont remplacés par les mots « première année civile ».

Philippe MAHOUX.

(1) On constate d'ailleurs qu'à l'heure actuelle, la plupart des revenus des indépendants sont déjà communiqués par le fisc au répertoire général des travailleurs indépendants dans un délai moyen de deux ans.