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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

16 JUILLET 1998


Proposition de résolution relative à l'admission de Taïwan aux Nations unies

Proposition de résolution relative au rôle de Taïwan dans les organisations internationales


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR MME MAYENCE-GOOSSENS


La Commission des Affaires étrangères a examiné les présentes propositions de résolution au cours de ses réunions du 7 novembre 1995, 23 mai 1996 et 5 mars 1998.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION, EFFECTUÉ EN 1995

L'auteur de la proposition de résolution souligne le cinquantième anniversaire des Nations unies et la fondation simultanée d'organisations économiques et financières internationales de premier plan telles que le F.M.I. et la Banque mondiale.

L'O.N.U. se cherche d'ailleurs un nouveau visage et discute de l'entrée éventuelle en son sein ­ et, en particulier, à l'intérieur du Conseil de sécurité ­ de nouveaux membres. On veut donner au Conseil de sécurité un visage plus représentatif de la situation présente de celle qui résulte des choix qui ont été faits en 1945.

Il convient donc de rappeler la situation particulière de la République chinoise de Taïwan.

On sait que cet État fut l'un des membres fondateurs des Nations unies et a fait, en tant que tel partie, pendant de nombreuses années, soit jusqu'en 1971, de tous les organes qui composent l'O.N.U., y compris du Conseil de sécurité. Ce n'est qu'en 1971, par la résolution 2758, que la République chinoise de Taïwan a perdu son siège au profit de la République populaire de Chine.

Ainsi, au nom du principe de l'unicité de la Chine, les 21 millions d'habitants que compte actuellement Taïwan n'ont plus de représentation aux Nations unies.

Quelle est la situation actuelle à différents points de vue de la République de Chine à Taïwan ?

1. On peut constater que, sur le plan politique, les progrès de libéralisation et de démocratisation ne peuvent être niés. Ces progrès sont réalisés d'abord sous le gouvernement de Chiang Ching-kuo (le fils de Tchang Kai-chek) et maintenant sous le président Lee Teng-hui. Il y a un véritable pluralisme politique : les partis de l'opposition ont réussi à conquérir un certain nombre de positions majeures dont le majorat de la capitale Taïpei.

Sur le plan du respect des libertés individuelles, Taïwan n'a certes pas de leçon à recevoir de la République populaire de Chine lorsqu'on se souvient des événements de la place Tien An Men.

Toujours sur le plan politique, si Taïwan n'a pas officiellement abandonné son principe que le gouvernement taïwanais représente toute la Chine, force est néanmoins de reconnaître que ce pays s'efforce, depuis plusieurs années, d'intensifier ses liens commerciaux et humains avec le continent et que la réalité quotidienne des rapports avec la Chine continentale est aujourd'hui très différente de la doctrine politique officielle.

En outre, si Hong-Kong est aujourd'hui l'étape intermédiaire quasi obligatoire pour les passages humains et pour les investissements en capital, cette ville retombera aux mains de la Chine continentale dans deux ans, forçant Taïwan à rétablir nolens volens des liens plus directs avec la République populaire de Chine.

Enfin, notons que le nombre de pays qui, à ce jour, ont officiellement reconnu Taïwan, a augmenté récemment. De même, a également augmenté le nombre des pays qui appuient officiellement une proposition d'adhésion de Taïwan à l'Organisation des Nations Unies.

À l'heure actuelle, 30 États, parmi lesquels des petits États mais également des pays plus importants, entretiennent des relations diplomatiques avec la République de Chine :

­ un pays européen : le Saint-Siège (jusqu'en 1997);

­ huit pays africains : l'Afrique du Sud, le Burkina-Faso (1994), la Guinée-Bissau (1990), le Malawi, le Niger (1992), la République centrafricaine (1991), le Swaziland et la Gambie (1995);

­ seize pays des Caraïbes et d'Amérique latine : les Bahamas (1988), le Belize (1989), Costa Rica, la Dominique, le Salvador, Grenade (1989), le Guatemala, Haïti, le Honduras, le Nicaragua, Panama, le Paraguay, la République dominicaine, Saint Christopher and Nevis, Saint-Vincent et Grenadines, Sainte-Lucie;

­ cinq pays du Pacifique Sud : les Îles Salomon, Nauru, Tonga, Tuvalu, Vanuatu (1992).

En résumé, la République chinoise de Taïwan est une démocratie active et agissante, la reconnaissance diplomatique reste solide.

2. Sur le plan économique et social, les progrès réalisés par la République chinoise de Taïwan sont considérable. Il suffit de rappeler que Taïwan dispose de la deuxième réserve la plus importante du monde sur le plan monétaire (100 milliards de dollars américains), que le niveau de vie de sa population la place au 25e rang des pays industrialisés, qu'elle occupe la 14e place en matière de commerce international et qu'elle investit bon an mal an dans le continent chinois, par l'intermédiaire de Hong-Kong, environ 20 milliards de dollars américains.

La valeur absolue de ses investissements à l'étranger place Taïwan au 6e rang.

3. Taïwan occupe également une place dans quelques organisations officielles dont elle n'a jamais été écartée : la Banque asiatique de Développement (à côté de la République populaire de Chine) et l'Asia-Pacific Economic Cooperation (A.P.E.C.). Elle essaie de faire partie de l'Organisation mondiale du Commerce et elle pourrait y entrer simultanément avec la République populaire de Chine. Taïwan est représentée aussi dans un certain nombre d'organismes internationaux privés : l'Asian Federation of Advertising, l'International Advertising Association, l'International Association for Hydraulic Research, l'International Commission for Optics, l'International Commission on Irrigation and Drainage, l'International Council of Scientific Unions, l'International Union of Biological Sciences, l'International Union of Microbiological Societies, le Pacific Economic Cooperation Council, le Pacific Committee for Nondestructive Testing et le World Energy Council.

La représentation conjointe des deux Chines ne semble pas poser de problèmes particuliers au sein de ces organismes où la Chine de Taïwan se comporte comme un partenaire tout à fait valable et respecte scrupuleusement les règles de toutes les institutions dont elle fait partie.

4. La République chinoise de Taïwan (R.D.C.) est également un partenaire actif et généreux dans le domaine de la coopération internationale économique et humanitaire.

Depuis 1962, elle a proposé des stages de formation pratique en agriculture, réforme agraire, techniques industrielles, commerce, création de petites et moyennes entreprises, fiscalité, douanes et technologies à environ 7 500 stagiaires de 80 pays. En même temps, elle finance 40 missions de coopération technique et apporte une assistance médicale, agricole, pour la pêche et l'artisanat à plus de 30 pays dans le monde.

Le Fonds de développement et de coopération économique internationale et la République de Chine (en anglais International Economic Cooperation Development Fund I.E.C.D.F.) avait, entre sa création en 1988 et fin mars 1995, accordé 25 prêts (évalués à 331,1 millions de dollars américains) à 15 pays. La R.D.C. a signé des accords ou des notes d'intention de financement avec plusieurs institutions multilatérales de développement, comme la Banque asiatique de développement (B.A.D.), la Banque de développement inter-américain (en anglais Inter-American Development Bank I.D.B.), la Banque d'Amérique centrale pour l'intégration économique (en anglais Central American Bank for Economic Integration C.A.B.E.I.), et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (B.E.R.D.). Elle a aussi aidé des pays en voie de développement pour un montant de 86,8 millions de dollars.

De plus, la R.D.C. a mis en place un Fonds d'aide et d'assistance aux victimes de catastrophes internationales en 1990 et a mobilisé le soutien à l'assistance humanitaire en l'inscrivant au budget annuel du Gouvernement. Entre juillet 1990 et mars 1995, la R.D.C. a fait don de 124 millions de dollars pour des opérations humanitaires dans plus de 60 pays.

Ces initiatives, et bien d'autres encore, montrent que la R.D.C. a à la fois la capacité et est déterminée à remplir ses obligations comme membre de la communauté internationale.

Quelles sont les raisons de la demande de la République de Chine d'entrer aux Nations unies ? En fait, la population de ce pays est frustrée parce que son droit à participer aux activités internationales politiques, économiques et culturelles est toujours restreint ou même ignoré totalement.

Pour citer un exemple des obstacles auxquels elle est confrontée, la R.D.C. a, de sa propre initiative, décidé de se conformer aux prescriptions du Protocole de Montréal sur les substances nocives pour la couche d'ozone et a, en conséquence, pris des mesures pour sauvegarder le bien-être de l'humanité. Cependant, étant donné qu'elle n'est pas partie prenante de cet accord (n'étant pas reconnue par la majorité des Nations unies, elle ne peut le signer), elle est contrainte de supporter la menace d'éventuelles sanctions commerciales imposées par ce protocole.

De même, le gouvernement de la R.D.C. s'est conformé unilatéralement à la Convention des Nations unies contre le commerce illicite de drogues et substances psychotropes de 1988. Il a mis en place une législation visant à enquêter et à punir les activités illégales liées aux narcotiques, à contrôler l'industrie chimique en amont, et à lutter contre le blanchiment de l'argent sale. Mais comme la R.D.C. n'est pas signataire de la convention, il lui est difficile d'échanger des informations ou son expérience avec d'autres pays signataires. C'est là une faiblesse de la guerre globale engagée contre les stupéfiants.

Au vu de ces éléments, on comprend mal que l'on persiste à ne pas vouloir appliquer à Taïwan la solution pratiquée de longue date à l'égard des pays restés divisés à la fin, soit de la Seconde guerre mondiale, soit de la guerre froide (Allemagne et Corée).

Pour la République fédérale d'Allemagne, cela a été difficile à accepter vu la doctrine Hallstein qui consistait à rompre les relations diplomatiques avec tout pays qui reconnaissait la République démocratique allemande. À partir du moment où l'on a abandonné cette doctrine, les deux Allemagnes ont été admises au sein de l'O.N.U.

Ces éléments montrent qu'il est important que la République chinoise de Taïwan retrouve une place au sein des Nations unies perdue en 1974 ou au moins au sein des organismes spécialisés de l'O.N.U.

En outre, de nombreux membres du Parlement européen appartenant à quasiment toutes les fractions politiques, à l'exception de l'extrême gauche, ont signé une proposition de résolution (voir annexe).

Les signataires de la proposition de résolution au Parlement européen sont : Mme Viviane Reding, MM. David Martin, Jarzembovsky, Alber, Anastassopoulos, Andrews, Balfe, Banotti, Bertens, Bianco, Brok, Cassidy, Castagnetti, Chanterie, Coates, Collins, Dimitrakopoulos, Falconer, Ferdandez Albor, Ferrer, Fitzsimons, Ford, Gallagher, Girao Pereira, Gol, Gomolka, Gunther, Habsburg, Herman, Hendrick, Hyland, Kellet-Browman, Kerr, Killilea, Kittelmann, Konrad, Lambrias, Larive, Laurila, Lenz, Liese, Lucas Piresh, Lulling, Mc Carthy, Mc Millan Scott, Matutes, Medez de Vigo, Miller, Moorhouse, Oostlander, Pex, Peys, Poettering, Pronk, Roblez Piquer, Rosado Fernandez, Schwaiger, Smith, Spiers, Stasi, Tappin, Titley, White, Wilson.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement belge devrait encourager et lui-même prendre des initiatives en vue de permettre l'admission de Taïwan au sein des Nations unies et de ses organismes spécialisés, afin de permettre la représentation, au sein de cet organisme mondial, de plus de 21 millions d'habitants dont le rôle économique important n'est plus contesté par personne sur le plan international.

Il faut, en tout cas, que notre diplomatie aille de l'avant et oeuvre, avec nos partenaires de l'Union européenne, pour que la Belgique et ses alliés jouent un rôle conforme à leurs traditions dans le domaine de la réconciliation internationale, tout en conciliant les exigences des deux pays en présence.

De plus, il n'est pas du tout inhabituel que les Nations unies revoient certaines résolutions qu'elles ont votées dans le passé. Il y a eu, par exemple, une résolution en 1945 empêchant l'Espagne de Franco de siéger aux Nations unies. Cependant, cinq ans plus tard, l'assemblée générale a adopté une résolution permettant à l'Espagne de participer aux organismes spécialisés vu leur caractère technique et non politique. À l'heure actuelle, la résolution ne demande pas un privilège pour un pays fasciste mais pour un pays dont le caractère démocratique s'est affirmé au cours des dernières années.

II. DISCUSSION

Un membre est d'avis que le présent texte ne contient que peu d'éléments contestables.

Il existe une certaine ambiguïté en la matière. La Belgique entretient d'importantes relations commerciales avec Taïwan et collabore avec ce pays dans de nombreux domaines. En outre, d'importantes relations existent également entre Taïwan et la Chine, soit directement soit par le biais de Hong-Kong.

Par ailleurs, la reconnaissance et l'adhésion aux Nations unies ne sont pas soumises à de nombreuses conditions. Il serait faux de prétendre que Taïwan ne satisfait pas à plusieurs conditions essentielles et n'a pas sa place au sein de l'O.N.U.

Selon toute évidence, l'auteur de la proposition n'insiste pas pour que la Belgique reconnaisse Taïwan. Il requiert seulement que la Belgique collabore à l'adhésion de Taïwan aux Nations unies. Il s'agit d'une approche relativement diplomatique de la problématique.

Lorsque l'on qualifie Taïwan de cofondateur des Nations unies, c'est en tant qu'ancienne République chinoise de Taïwan. La Chine étant une grande puissance, elle s'est vue octroyer un siège au Conseil de sécurité. Taïwan siégeait donc au sein du Conseil de sécurité sur la base du statut de grande puissance dont bénéficiait la Chine en 1945. La nuance est de taille.

L'absence de Taïwan dans les organes des Nations unies s'explique par le fait que tant Taïwan que la République populaire de Chine tendaient à représenter la Chine dans son intégralité. Nous touchons là au coeur du problème.

La Belgique peut difficilement prendre position. En la matière, l'Union européenne se doit d'adopter une position commune. On peut se réjouir que certains signes vont dans ce sens, comme la résolution précitée par exemple.

Toutefois, ce débat ne peut pas être clos tant que le Gouvernement n'a pas fait part de sa position. Il peut en outre nous informer sur les développements les plus récents aux différents niveaux et nous situer quant à la façon dont la présente commission sénatoriale peut intervenir optimalement sur cette question. La position actuelle du Gouvernement n'est pas connue. Toutefois, la déontologie politique empêche actuellement les ministres de visiter Taïwan ou d'accueillir les délégations officielles de ce pays. Par contre, les contacts officieux sont autorisés.

Un membre n'est pas d'accord de se rallier tout simplement à la politique étrangère, qui existe à peine, de l'Union européenne.

Il est vrai que la proposition de résolution est faite dans des termes tellement diplomatiques que l'on ne court aucun risque. La résolution demande seulement que le Gouvernement entreprenne les démarches possibles. Ainsi, on ne s'engage pas beaucoup.

Sur le fond de l'affaire, Taïwan plus que la Chine continentale, fait preuve de démocratie. La Chine n'a jamais été démocratique et elle ne montre pas de signes évidents de vouloir l'être dans l'immédiat. Mao et Tchang Kai-chek, tous deux des généraux de Sun Yat-sen, n'ont jamais été démocratiques ni l'un ni l'autre. Actuellement, Taïwan est plus démocratique que la Chine continentale.

On ne voit donc pas pourquoi la Belgique doit avoir une attitude favorisant la Chine continentale. Au niveau des affaires étrangères, la Belgique mène une politique « deux poids deux mesures » selon les pays auxquels on s'adresse.

Le membre conclut en déclarant que son groupe appuie la proposition de résolution.

L'auteur de la proposition confirme que la visite officielle de ministres à Taïwan donne lieu à des réactions de la Chine continentale. Toutefois, le précédent ministre du Commerce extérieur est allé à Taïwan, ce qui n'a pas suscité de réaction négative de la part de la République populaire de Chine. D'autre part, le vice-Premier ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, compétent pour les Relations extérieures, est le président du Centre Sun Yat-sen et se rend fréquemment à Taïwan.

Un membre souligne que le fait que le vice-Premier ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale préside une association défendant les intérêts de Taïwan n'implique aucune obligation pour l'État belge. Il préside cette association en tant que personne privée et non en qualité de mandataire politique. Voici plusieurs années, certains ministres étaient d'ailleurs membres d'associations défendant les intérêts de l'Afrique du Sud, alors encore en proie au régime de l'apartheid. Ils visitaient régulièrement ce pays. Cela n'a entraîné aucun engagement pour le gouvernement belge.

La résolution énumère plusieurs organisations internationales dont fait partie Taïwan. Selon l'intervenant, il s'agit uniquement d'organisations semi-officielles et de droit privé.

L'auteur de la proposition de résolution explique qu'il a cité les deux exemples d'un ancien ministre du Commerce extérieur et d'un ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Il ajoute qu'il n'a jamais mis les pieds en Afrique du Sud avant la chute du régime de l'apartheid. De plus, il ne faisait pas partie des organisations qui militaient pour cette structure. D'autre part, il n'y a pas de comparaison possible avec Taïwan où il y a à l'heure actuelle un régime démocratique.

En ce qui concerne les organismes internationaux mentionnés, un certain nombre ont un caractère officiel ou semi-officiel. L'Asian Development Bank est un organisme dépendant des Nations unies. L'Asia Pacific Economic Cooperation est l'organe de coopération entre tous les pays entourant le Pacifique, dans lequel siège la République populaire de Chine et Taïwan.

Un membre souhaite savoir si Taïwan adopte toujours la position en vertu de laquelle le gouvernement taiwanais représente toute la Chine. Cela pourrait en effet constituer une entrave sérieuse à l'adhésion du pays aux Nations unies.

Le président explique qu'il a récemment eu un entretien en compagnie de l'auteur de la proposition de résolution avec deux représentants du gouvernement taïwanais. Il en est ressorti que Taïwan ne briguait aucune reconnaissance expresse ni adhésion officielle aux Nations unies. Taïwan souhaite uniquement avoir voix au chapitre au sein de différentes organisations dépendant des Nations unies.

Les relations économiques actuelles entre Taïwan et la Chine sont au beau fixe. Les investissements taïwanais en Chine n'avaient jamais été aussi importants. Lors d'une récente visite de la « Zone économique spéciale » de Shenzhen, l'intervenant n'a pu que s'étonner des nombreux investissements directs et indirects consentis par les entreprises taiwanaises.

Ce rapprochement économique ne se poursuit toutefois pas sur le plan politique. Les tensions politiques semblent au contraire croître avec le développement de la prospérité taiwanaise.

Dans un tel contexte, la Belgique doit-elle jouer un rôle de chef de file dans le plaidoyer pour la représentation de Taïwan au sein des Nations unies ? Ce faisant, notre pays risque de faire les frais des foudres politiques de la Chine. Est-il opportun que nous hypothéquions de cette façon nos excellentes relations avec la République populaire de Chine ? Taïwan souhaite-t-il que nous jouions ce rôle de chef de file ?

L'intervenant indique toutefois qu'il s'agit là de considérations personnelles, par le biais desquelles il ne s'exprime pas au nom de sa fraction quant au fond de l'affaire.

L'auteur de la proposition de résolution affirme que les deux Chines exigent toujours de représenter toute la Chine. Cela ressemble à l'exigence de la République fédérale d'Allemagne pendant 25 ans, à savoir la doctrine Hallstein.

Il y a un autre aspect qui joue. La Chine continentale a connu, à plusieurs occasions dans le passé, le régime des seigneurs de la guerre, ce qui entraînerait un effritement du pouvoir et du territoire. Rien ne fait autant peur à la Chine que la création de petits États chinois distincts du régime centralisé. C'est pourquoi ils n'aiment pas abandonner l'idée de représenter toute la Chine.

En outre, la Chine continentale craint la victoire éventuelle du principal parti d'opposition à Taïwan aux élections de décembre. Ce parti, le « Parti Démocratique », a officiellement inscrit à son programme, l'érection d'une République de Taïwan et la proclamation de l'indépendance. Le gouvernement communiste a annoncé qu'il entamerait une offensive si ce parti arrivait au pouvoir.

Tout ceci fait que les deux pays exigent toujours de représenter toute la Chine.

Un membre témoigne qu'au cours des dernières années, Taïwan a emprunté la voie de la démocratie. Sur le plan politique, économique et social, la population taiwanaise se porte mieux que celle de la République populaire de Chine.

L'époque des sanctions économiques draconiennes de la Chine envers les pays nouant des relations avec Taïwan semble résolue. Ainsi, la Sabena programme-t-elle depuis peu un vol de ligne direct sur Taïwan, à l'instar d'autres compagnies aériennes européennes (Air France, K.L.M., ...) qui le faisaient déjà depuis plus longtemps.


III. REPRISE DE LA DISCUSSION EN 1996

La discussion de la proposition de résolution a été reprise en commission le 23 mai 1996.

L'auteur de la proposition renvoie à son exposé du 7 novembre 1995. Il souhaite seulement rappeler les points les plus importants de la résolution et indiquer les événements nouveaux depuis le mois de novembre.

Il souligne le caractère modéré de la résolution; il ne s'agit pas de procéder à la reconnaissance du régime de Taïwan, mais uniquement de trouver une solution pour un problème réel, telle que mentionnée dans le dispositif de la résolution. Ainsi, le Sénat invite le Gouvernement belge à entreprendre les démarches nécessaires et à prendre toutes initiatives en vue de permettre à Taïwan d'obtenir, à des conditions déterminées, son adhésion aux Nations unies. Ceci constitue un objectif de moyens.

D'autre part, le Sénat invite le Gouvernement belge à appuyer la proposition introduite en ce sens par un certain nombre de pays (une quarantaine) à l'assemblée générale des Nations unies.

L'auteur de la proposition résume ensuite les éléments qui justifient ce changement d'attitude vis-à-vis de Taïwan.

Sur le plan politique, les progrès de libéralisation et de démocratisation réalisés au cours de ces dernières années ne peuvent être niés. Il est vrai que le régime initial du Kuomintang sous la direction de Tchang Kai-chek avait des traits fortement dictatoriaux. Un progrès considérable de libération et de démocratisation a commencé sous le gouvernement du fils de Tchang Kai-chek, Chiang Ching-kuo, et continue sous le président actuel, Lee Teng-hui; ce président a d'ailleurs été élu pour un 2e mandat par un scrutin tout à fait démocratique.

D'autre part, le pluralisme politique est une réalité, ainsi, l'opposition a réussi à conquérir le majorat de la capital Taïpei. Sur le plan du respect des libertés individuelles, Taïwan n'a certes pas de leçon à recevoir de la République populaire de Chine.

Toujours sur le plan politique, si Taïwan n'a pas officiellement abandonné son principe que le gouvernement taïwanais représente toute la Chine, force est néanmoins de reconnaître que ce pays s'efforce, depuis plusieurs années, d'intensifier ses liens commerciaux et humains avec le continent. Les relations avec la Chine continentale sont réelles, même si Hong-Kong est aujourd'hui l'étape intermédiaire quasi obligatoire pour les passages humains et pour investissements en capital. Comme cette ville est retournée à la Chine continentale en juillet 1997, une réorganisation s'impose et Taïwan sera forcée de rétablir des liens plus directs avec la République populaire de Chine.

Notons également que le nombre de pays qui reconnaissent Taïwan, dont encore l'Afrique du sud, a augmenté récemment. Sur le plan économique, il est à noter que Taïwan dispose de la deuxième réserve la plus importante du monde sur le plan monétaire, que le niveau de vie de sa population la place au 25e rang des pays industrialisés et qu'elle occupe la 14e place en matière de commerce international.

Taïwan est également représentée dans un certain nombre d'organismes internationaux officiels, tels que la Banque asiatique de développement et l'Asia-Pacific Economic Cooperation . Elle y siège simultanément avec la République populaire de Chine.

Taïwan est également actif dans le domaine de la coopération au développement (cf. le Fonds de développement et de Coopération économique internationale).

Le fait que Taïwan n'est pas reconnue par les Nations unies ne lui permet pas de valoriser au maximum sa collaboration qui est cependant très efficace; son droit à participer aux activités internationales politiques, économiques et culturelles est toujours restreint ou ignoré.

Au vu de ces éléments, on comprend pourtant mal que l'on persiste à ne pas vouloir appliquer à Taïwan la solution pratiquée de longue date à l'égard de l'Allemagne et la Corée. Il existe incontestablement une analogie réelle.

L'auteur de la proposition attire également l'attention sur le fait que la Commission des Affaires étrangères, de la Sécurité et de la Défense du Parlement européen a adopté en date du 23 avril 1996 une proposition de résolution et ceci par une majorité de 46 votes contre 4 et 2 abstentions, ce qui englobe une majorité très large. Ce texte sera soumis à l'assemblée plénière le 17 juin 1996.

La demande d'adhésion de Taïwan aux Nations unies y est basée sur cinq points, en particulier le caractère universel des Nations unies, l'existence d'une représentation parallèle des deux Allemagne et des deux Corée, le fait que l'exemple de l'Allemagne démontre la possibilité de réunification malgré cette représentation parallèle, le fait que Taïwan a manifesté par ses actes l'appui économique et social fourni aux pays en développement et l'aptitude de Taïwan d'être membre des Nations unies comme un État ayant le respect des droits de l'homme et de la démocratie (draft report, explanatory statement, « Taiwans application for membership of the UN ») .

Le rapport donne également un aperçu de la démocratisation de Taïwan (draft report, explanatory statement p. 3, « the democratization of Taiwan »).

Il en résulte que les premières élections multipartites ont eu lieu en 1991, et les deuxièmes élections législatives en 1995. Le parti du Kuomintang a conservé sa majorité absolue au parlement, bien que celle-ci ait été fortement réduite (85 sièges sur 164). Le premier parti d'opposition, le D.P.P. (Democratic Progressive Party) , a gagné 54 sièges, et le New Party en a gagné 21. Il est également rappelé que le maire de la capitale provient du parti D.P.P. et que le programme du président Lee Teng-hui est démocratique et modéré.

Les considérants précédant la résolution indiquent également qu'il serait hautement souhaitable que Taïwan, en raison de sa dimension économique, devienne également membre du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de l'I.F.C.

La résolution du Parlement européen peut se résumer en quatre points, à savoir :

­ Le Conseil et les États membres sont invités à soutenir les tentatives de Taïwan pour obtenir une meilleure représentation que celle dont elle jouit à l'heure actuelle dans les organisations internationales en matière économique, financière, commerciale, monétaire, en matière d'environnement, en matière de coopération au développement, etc.

­ Le Parlement demande au Conseil et aux États membres de demander aux Nations unies d'étudier la possibilité de constituer un groupe de travail permettant à Taïwan de participer aux activités des institutions qui dépendent de l'assemblée générale des Nations unies.

­ Le Parlement européen encourage le Conseil et les États membres à insister auprès du gouvernement de la République populaire de Chine et à celui de Taïwan d'améliorer et d'intensifier leur collaboration dans un esprit constructif et pacifique.

­ La résolution du Parlement européen propose au Conseil de demander à la Commission européenne d'adopter des mesures en vue d'ouvrir un bureau d'information de l'Union européenne à Taïpei.

En conclusion, le Parlement européen demande à son président de transmettre la recommandation au Conseil et pour information à la Commission.

L'auteur de la proposition de résolution souligne que ce débat sur la question de savoir s'il est possible de dissocier la reconnaissance d'un État et l'adhésion éventuelle de ce pays soit aux organes internationaux spécialisés soit à l'assemblée générale des Nations unies, n'est pas nouveau. Ce débat date d'une cinquantaine d'années et a été invoqué par la Chine communiste pour pouvoir entrer aux Nations unies, même si ce régime n'était pas reconnu (mars 1950). Il se réfère aux rapports officiels des délibérations du Conseil de sécurité qui se sont déroulées au cours du premier semestre de 1950, dont il ressort que l'admission aux Nations unies peut être totalement dissociée de la reconnaissance d'un gouvernement ou d'un régime.

Un membre abonde largement dans le sens de l'exposé de l'auteur de la proposition de résolution. Il lui semble toutefois plus indiqué de remplacer le premier dispositif.

Il se joint à l'auteur de la proposition de résolution pour annoncer un amendement nº 1 tendant à remplacer le texte proposé comme suit (amendement Hatry-De Volder, nº 1-43/2 du 28 janvier 1997) :

« Le Sénat,

­ considérant que, conformément à la Charte des Nations unies, l'adhésion à cette organisation est en principe ouverte à tous les États qui le souhaitent;

­ considérant que la République chinoise de Taïwan est un des membres fondateurs des Nations unies où elle a siégé jusqu'en 1972;

­ qu'elle présente actuellement une demande d'adhésion et que cette demande est appuyée par un certain nombre de pays qui ont officiellement proposé un examen de cette adhésion à la Commission administrative des Nations unies;

­ considérant que la République chinoise de Taïwan représente démocratiquement et légitimement quelque 21 millions de citoyens;

­ soulignant que la République chinoise de Taïwan a, de façon décisive, progressé en matière de réformes démocratiques, que le pluralisme politique y est une réalité, que les droits fondamentaux de la personne humaine y sont garantis, de sorte que cet État répond aujourd'hui aux idéaux démocratiques prônés par l'Organisation des Nations unies;

­ rappelant que le développement économique et social de Taïwan est supérieur à la moyenne et place cet État parmi les pays les plus prospères;

­ rappelant que les échanges commerciaux et humains entre les deux entités ne cessent de s'accroître;

­ soulignant que la demande de participation aux activités spécialisées de l'O.N.U. ne remet nullement en cause la présence de la République populaire de Chine au sein de cette même organisation;

­ tenant compte de la volonté de Taïwan de participer à l'aide internationale en faveur des pays en voie de développement;

­ considérant l'importance de l'évolution de la situation politique à Taïwan pour l'ensemble de l'Asie orientale au niveau géopolitique et économique en termes de stabilité, de sécurité et de paix dans la région du Pacifique occidental;

­ convaincu que le peuple de Taïwan devrait être mieux représenté tel qu'il ne l'est à présent dans les organisations internationales, et ce dans l'intérêt de Taïwan et de l'ensemble de la communauté internationale;

­ considérant que l'Union européenne ainsi qu'aucun de ses États membres n'entretiennent de relations diplomatiques avec Taïwan et ne reconnaissent que la République populaire de Chine;

­ considérant l'importance considérable de Taïwan pour l'Union européenne et ses États membres en tant que partenaire commercial;

­ considérant qu'il est important pour l'Union européenne et pour ses États membres de développer leurs relations tant avec le gouvernement de la République populaire de Chine qu'avec celui de Taïwan dans un esprit amical et constructif;

­ invitant vivement les gouvernements de la République populaire de Chine et de Taïwan à intensifier leur coopération;

­ soulignant que la participation de Taïwan à certaines organisations internationales peut contribuer à la recherche d'un terrain d'entente entre la Chine et Taïwan et faciliter la réconciliation entre les deux parties;

­ déplorant le fait que Taïwan n'ait pas actuellement la possibilité de contribuer pleinement à l'Organisation des Nations unies et à ses agences, soulignant que la participation de Taïwan serait souhaitable et précieuse pour l'efficacité des Nations unies;

Estime que la République chinoise de Taïwan présente toutes les qualifications nécessaires pour être active au sein des Nations unies;

Juge injustifié un refus prolongé de réponse aux aspirations de Taïwan à l'égard de l'O.N.U.;

Invite le gouvernement belge à entreprendre les démarches nécessaires et à prendre toutes initiatives en vue de permettre à Taïwan d'obtenir, à des conditions déterminées, sa participation aux activités spécialisées des Nations unies;

Demande instamment que le gouvernement belge, soutenant la résolution adoptée par le Parlement européen le 18 juillet 1996, s'adressant aux institutions européennes et libellée comme suit :

« a) le Conseil et les États membres soutiennent les efforts de Taïwan visant à améliorer sa représentation au sein des organisations internationales dans le domaine des droits de l'homme et du travail, des affaires économiques, de l'environnement et de la coopération au développement, s'inspirant du précédent créé en droit international par certains pays reconnus comme indépendants et souverains bien que la nature de leurs relations diplomatiques et la personne de leur chef d'État ne constituent pas les éléments symboliques qui sont l'apanage d'une souveraineté totale (Dominions britanniques, Samoa oriental ou, à une date récente, l'Ukraine et la Bélarus);

b) le Conseil et les États membres demandent aux Nations unies d'examiner la possibilité de créer un groupe de travail Nations unies chargé d'étudier les possibilités de participation de Taïwan aux activités des instances responsables devant l'Assemblée générale des Nations unies.

c) le Conseil et les États membres encouragent les gouvernements de la République populaire de Chine et de Taïwan à intensifier leur coopération dans un esprit constructif et pacifique;

d) le Conseil invite la Commission à adopter des mesures visant à ouvrir un bureau d'information de l'Union européenne à Taïpei;

charge son président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission »,

entreprenne aussi les démarches nécessaires à cette fin sur le plan européen suite à ladite résolution et appuie la proposition introduite par un certain nombre de pays à la Commission administrative. »

L'amendement nº 1 de MM. Hatry et Devolder est déposé le 28 janvier 1997 (Doc. nº 1-43/2).

Par ailleurs, il souligne également le fait que par le passé, des précédents ont déjà eu lieu à ce sujet. Ainsi, M. Yasser Arafat s'est-il déjà vu offrir la possibilité d'exposer sa position devant les Nations unies. Il met également en exergue une résolution approuvée au sein du Parlement flamand, dans laquelle l'exécutif flamand sollicite la participation en matière de conclusion d'accords internationaux.

Il confirme l'évolution très positive qu'a connu Taïwan, tant sur le plan démocratique que social et estime que la possibilité de participation de Taïwan aux activités des Nations unies pourrait peut-être constituer un signe adressé à la Chine pour que celle-ci évolue dans la même direction.

Un membre souligne que Taïwan bénéficie chez nous d'un coefficient sympathie particulièrement élevé, tant dans les sphères économiques que politiques. Le fait que des relations commerciales concrètes existent avec Taïwan exerce naturellement une influence considérable sur le souhait d'intégrer ce pays dans la communauté internationale.

D'autre part, le membre constate que les propositions de la résolution transgressent les souhaits de Taïwan. Taïwan souhaite uniquement pouvoir participer à des négociations internationales et faire entendre sa voix. L'amendement de MM. Hatry et Devolder est un peu trop fort.

Troisième constatation : les évolutions de Taïwan soulèvent la question de savoir si nous devons plaider en faveur d'une certaine reconnaissance de cet état. En effet, dans le pays même, l'idée d'une Taïwan indépendante n'est pas retenue, un pont étant instauré avec la Chine. Il fait référence à cet égard aux propos du président tenus à l'occasion de sa campagne électorale. Ce dernier proposait d'amorcer un dialogue avec Pékin pour la réunification des deux Chines. Il clarifia encore ses propos par la suite en affirmant qu'il avait l'intention d'entreprendre, en sa qualité de président, une sorte de mission de paix avec la Chine. Ce faisant, il espérait améliorer les relations avec la Chine continentale ainsi que la stabilité de la région. Au niveau belge et européen, nous ne pouvons guère entraver cette opportunité de rapprochement et semer la confusion.

Très concrètement, il estime que les éléments pratiques suivants ne peuvent pas être perdus de vue :

­ Premièrement, il convient de tenir compte du fait que la Belgique n'a pas encore reconnu Taïwan en tant qu'état.

­ Ensuite, cela lui semble être une bonne ligne de politique que l'on s'efforce d'arriver à une politique étrangère européenne commune. Il est souhaitable que cette matière fasse l'objet de nombreuses discussions avec les autres pays entretenant tous des relations commerciales et économiques avec Taïwan. Cette problématique a-t-elle déjà fait l'objet de discussions approfondies au niveau européen ?

­ Le membre est également d'avis que des amendements devraient être apportés au texte de la résolution (cf. dernier tiret du dispositif : « jugé injustifié ... »). Il suggère de prendre en considération l'opportunité de l'adhésion. Selon lui, l'amendement de MM. Hatry et Devolder va dans la bonne direction; il convient d'accorder une sorte de droit de parole à Taïwan, ce qui répond entièrement à leurs attentes.

Enfin, le membre souligne qu'il vaut mieux éviter les incidents diplomatiques avec la Chine. Aussi, un vaste débat s'impose.

Il lui semble souhaitable de rédiger un texte approuvé par le Gouvernement ou, du moins, par le ministre compétent.

Un membre souhaite connaître, avant toute discussion sur le fond, le rapport entre la reconnaissance d'un pays et son admission aux Nations unies. Elle estime, contrairement à l'auteur de la proposition de résolution, que ces deux notions sont liées.

En second lieu, il lui semble important de cerner les souhaits réels de Taïwan. Une action de notre part risque en effet d'envenimer les relations entre Taïwan et la Chine continentale, ainsi que nos propres relations avec ces deux pays.

La proposition à l'examen lui semble transgresser les souhaits de Taïwan.

Le membre fait également remarquer que les organismes internationaux officiels, au sein desquels Taïwan est représentée, sont politiquement peu importants.

La question se pose si la reconnaissance de Taïwan par un grand nombre de pays constitue réellement une reconnaissance officielle ou plutôt une reconnaissance de facto. Il lui semble que le Parlement européen ne reconnaît que les relations diplomatiques des États membres avec la République populaire de Chine. La proposition de résolution à l'examen lui semble aller nettement plus loin.

Enfin, ce membre souligne l'importance d'une cohérence dans la politique étrangère européenne.

Vu ce qui précède, elle opte plutôt pour l'amendement que pour la proposition.

Un intervenant souligne que les positions de certains représentants taïwanais sont très ambigues et extrêmement nuancées.

Il souhaite également connaître la position de nos partenaires européens par rapport à l'adhésion éventuelle de Taïwan aux Nations unies. Il lui semble important d'avoir des positions coordonnées.

Un autre intervenant fait remarquer que le Parlement semble partagé entre, d'une part, la défense d'un certain nombre de valeurs et de principes et, de l'autre côté, le sentiment de certains de faire preuve de « Realpolitik ».

Il lui semble effectivement intéressant de se pencher sur la question de savoir ce que les Taïwanais veulent eux-mêmes.

Il souligne l'importance d'une position forte et solidaire vis-à-vis de Pékin, dans l'intérêt d'une solution pacifique. Toute solution de faiblesse, basée sur la force économique de la Chine, stimulera l'arrogance du gouvernement de Pékin et implique le risque d'une opération militaire de leur part en vue d'une réunification des deux Chine.

En réponse à la remarque formulée en rapport avec le risque de troubler les relations économiques avec la Chine communiste, un membre cite l'exemple des Pays-Bas, lesquels n'ont jamais connu le moindre problème sur le plan des relations commerciales avec la Chine communiste, même si la K.L.M. vole depuis longtemps sur Taïwan. Parfois, nous devons nous aussi oser lever la tête.

Un autre membre est d'avis qu'il est très important pour Taïwan de disposer d'une voix et de pouvoir se faire entendre. Il lui semble important d'aborder cette problématique au sein du Conseil des ministres européens pour ainsi afficher une position européenne commune. Taïwan pourrait ainsi se voir attribuer une voix consultative par exemple.

Le ministre fait part de sa déception au vu du manque d'intérêt que suscite cette problématique.

Le ministre des Affaires étrangères estime qu'une attitude nuancée et différenciée s'impose dans ce débat, étant donné les éventuelles conséquences pour les relations avec la Chine. Il se range à l'avis d'un membre selon lequel il ne faut pas rendre les gens plus heureux que ce qu'ils ne demandent.

En premier lieu, il explique que le Gouvernement n'est pas en faveur de la séparation de la reconnaissance d'un État et de son adhésion aux Nations unies. Il justifie ce point de vue en se référant aux événements antérieurs, à savoir les événements survenus entre 1951 et 1971. La « théorie du découplement », telle qu'elle a été proposée par la Chine communiste, n'a pas été suivie par les Nations unies. La Chine communiste est entrée aux Nations unies étant donné la volonté expressive de l'ensemble des pays de reconnaître la Chine en tant que telle.

Par ailleurs, le ministre met en exergue le point névralgique du raisonnement intellectuel actuel de Taïwan. Il convient en effet de garder à l'esprit que Taïwan n'a jamais éprouvé la moindre difficulté, entre 1951 et 1971, à repousser 1 milliard de Chinois de la Chine communiste des Nations unies arguant du fait que seule Taïwan était reconnue en tant qu'État. Il convient donc de faire preuve de prudence.

Le précédent évoqué par M. Yasser Arafat doit également être nuancé. Il est vrai que M. Arafat a pu s'exprimer à un moment donné devant les Nations unies, mais cela n'a débouché sur aucun statut spécifique.

Ensuite, le ministre estime qu'il est important d'analyser les événements à Taïwan et donc de dépasser les attentes de ce pays.

Quand bien même certaines tendances politiques apparaissent clairement des dernières élections, le ministre est d'avis qu'il s'avère particulièrement difficile, pour les pays occidentaux, de tirer les conclusions qui s'imposent. Il n'y a pas d'analyse uniforme. Le D.P.P. (21 % des suffrages) poursuit un but clairement séparatiste. Le New Party est clairement teinté communiste tandis que le parti du président (54 % des suffrages) n'a pas de position clairement définie.

Le ministre renvoie expressément à l'exposé du précédent intervenant.

De plus, il existe une distinction entre la réalité factuelle et les souhaits politiques. La réalité factuelle démontre des liens très intenses entre Taïwan et la République populaire de Chine au niveau commercial. Il ne faut pas perdre de vue que Taïwan est le plus grand investisseur sur le continent chinois. Il est donc dans l'intérêt des deux pays de trouver un terrain d'entente. Les intentions taiwanaises ne sont pas claires.

Dans ce cadre, le ministre lit un télégramme communiqué par le département des Affaires étrangères à toutes les ambassades intéressées, lequel mentionne :

« À toutes fins utiles, je vous informe que mes services ont été contactés par un représentant taïwanais; il semblerait qu'il y ait un malentendu sur les intentions taiwanaises lorsque Taïpei, via les alliés, introduit chaque année devant le bureau de l'assemblée générale une demande d'admission. D'après les interlocuteurs, la thèse officielle de Taïwan est la suivante : la Chine est un seul et unique pays, mais à deux entités politiques différentes, le gouvernement légitime de Taïpei depuis 1912, celui de Pékin depuis 1989. Comme Pékin a adhéré aux Nations unies depuis 1971, Taïwan, père fondateur des Nations unies, n'est plus représenté. 21 millions de Taïwanais sont ainsi exclus des Nations unies. Devant ce dilemme, Taïpei souhaite que les Nations unies établissent un comité qui puisse étudier comment et sous quelle forme ces 21 millions de Taïwanais peuvent être représentés aux Nations unies. »

Ensuite, le ministre veut relativiser le nombre de pays qui plaident pour une reconnaissance de Taïwan et pour son adhésion aux Nations unies. Il s'agit de pays plutôt exotiques (Burkina Faso, Niger, République Dominicaine, Costa Rica, Guatemala, Nicaragua, ...) et de seulement 49 millions d'habitants, qui ont la volonté de soutenir l'adhésion.

Enfin, le ministre estime que la Belgique a plutôt intérêt à ne pas se surestimer dans cette question délicate et à demeurer dans l'expectative en fonction des intentions des autres pays européens. Pour l'heure, c'est le calme plat au sein de la Communauté européenne. Un débat a certes eu lieu au Parlement européen, mais aucune initiative n'a été prise au sein du Conseil des ministres ni à la Commission. Selon toute évidence, l'objectif de l'Union européenne consiste à résoudre en premier lieu les problèmes avec la Chine avant de prendre une décision sur la question de Taïwan, avec le risque de provoquer l'ire de la Chine. La Belgique a donc intérêt à ne pas prendre d'initiative dans cette problématique, car il suffirait qu'un pays se définisse sur ce plan pour qu'il soit isolé des autres pays, fût-ce pour bénéficier de l'accès à un marché économique plus important. Il renvoie, dans ce cadre, aux dernières discussions portant sur les droits de l'homme en rapport avec la Chine et le Tibet.

Dès qu'une initiative aura été prise au niveau européen, le ministre promet de soumettre à nouveau cette problématique à la commission dans les plus brefs délais.

L'auteur de la proposition de résolution fait remarquer que l'exposé du ministre ne contient aucune contradiction avec ses propres développements. Il estime que les réflexions du ministre sont des réflexions d'opportunité. En outre, il souligne que les réflexions concernant les éventuelles implications négatives du point de vue économique ne peuvent être prouvées. Il prend acte du fait que le ministre respecte l'initiative parlementaire et il fait appel à la responsabilité des sénateurs, peu nombreux aujourd'hui, ce qui n'est pas, selon lui, nécessairement dû à un manque d'intérêt, mais bien à la multiplication des réunions.

Ensuite, il réplique concernant l'absence de découplement de la reconnaissance d'un gouvernement et de l'admission de ce pays aux Nations unies. Il peut admettre le concept théorique, étant donné que les Nations unies n'ont jamais pris de décision formelle à cet égard. En pratique, une dissociation est cependant intervenue, notamment en ce qui concerne la représentation conjointe de la République fédérale d'Allemagne et la D.D.R., qui n'était pourtant reconnue que par une minorité de membres des Nations unies.

L'auteur de la proposition relativise ensuite la remarque du ministre concernant le fait qu'un milliard de voix des Chinois continentaux n'étaient pas représentées de 1951 à 1971. Ces voix ne comptaient malheureusement pour rien dans leur pays non plus.

D'autre part, le ministre a évoqué le risque du parti démocratique, séparatiste. Il faut tout de même constater que ce parti n'a recueilli que 20 % des voix, ce qui constitue à peine un cinquième de l'électorat, alors que le parti vainqueur est fort attaché à l'unité de la Chine. Le conflit éventuel n'existe donc pas selon lui.

En ce qui concerne le manque d'initiative des pays européens et des États-Unis, l'auteur de la proposition de résolution objecte l'invitation du président Lee aux commémorations de l'université américaine dont il est issu. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une initiative du gouvernement, un visa a été remis, ce qui implique que des personnalités importantes taïwanaises sont accueillies aux États-Unis.

Ensuite, l'orateur revient sur la remarque du ministre concernant les « pays exotiques » qui appuient officiellement la proposition d'adhésion de Taïwan à l'Organisation des Nations unies. Il soulève que ces pays sont souvent équivalents à la Belgique au point de vue de la population et non du P.N.B. Il ne faut pas oublier que l'Afrique du Sud fait également partie de ces pays.

L'auteur de la proposition de résolution conclut que sa proposition de résolution est très prudente et qu'il ne s'agit nullement d'une demande de reconnaissance ou d'une initiative du gouvernement belge. Une concertation avec les partenaires européens lui semble évidente.

Un membre estime que le terme « exotique » évoqué par le ministre n'a pas de connotation négative; le ministre voulait tout simplement relativiser le poids de certaines signatures.

Il lui semble difficile de soutenir l'adhésion de Taïwan, sans reconnaissance prélable de cet État. La thèse opposée lui semble contradictoire.

Il estime que ce problème évoque trois soucis primordiaux :

­ Le premier souci concerne la représentation équitable de l'ensemble des peuples du monde dans la communauté internationale.

­ Le deuxième souci vise à maintenir nos relations commerciales avec les deux entités concernés.

­ Le troisième souci est d'assurer la sécurité, en premier lieu celle des Taïwanais.

La proposition de résolution soumise à l'assemblée du Parlement européen rencontre selon lui assez bien ce triple souci. Il estime cependant préférable de poursuivre les travaux au sein de cette commission, au lieu de se référer de manière automatique au vote du Parlement européen. Il doit être possible de rédiger un texte répondant au triple souci et ayant le consensus de la majorité des membres de cette commission.

L'auteur de la proposition de résolution confirme son accord de reporter la discussion, vu que la date du 17 juin, date du vote en séance plénière du Parlement européen est relativement proche; il s'oppose toutefois à une remise sine die.

Un autre membre souligne qu'il importe de tenir un langage plus pragmatique et plus réaliste. Le vote de cette résolution risque d'entraver toute ouverture sur le marché chinois. Il faut tenir compte des évolutions des dix dernières années et ne pas oublier que Taïwan est le client principal de la République populaire de Chine. Il lui semble mieux de rester dans l'expectative et de suivre de près l'attitude de la Chine vis-à-vis de Hong-Kong et Macao. Il conclut ne pas pouvoir soutenir une implication du Gouvernement belge, réalisée par le dispositif de la proposition à l'examen. Ceci n'empêche pas de continuer la discussion sur cette problématique, tout en tenant compte de la modestie des objectifs.

L'auteur de la proposition de résolution est disposé à accepter certaines modifications à son texte pour le rendre acceptable et efficace.

La Commission conclut à suspendre le débat jusqu'à la date à laquelle l'assemblée plénière du Parlement européen votera la résolution.

Cette résolution fut votée par 119 voix contre 77 du Parlement européen le 18 juillet 1996. Elle figure en annexe. Elle porte le nom de « Résolution sur le rôle du Taïwan dans les organisations internationales ».


Le 27 mars 1997, M. Bourgeois et consorts ont introduit une nouvelle proposition de résolution sur le rôle de Taïwan dans les organisations internationales (doc nº 1-603/1), laquelle stipule :

« Le Sénat,

­ Considérant que l'attitude conciliante adoptée par le président Lee Teng-hui vis-à-vis de la République populaire de Chine et de l'ensemble de la communauté internationale permet d'espérer l'établissement d'un dialogue durable entre les deux entités;

­ Convaincu que la population de Taïwan devrait être mieux représentée au sein des organisations internationales que ce n'est actuellement le cas, ce qui serait bénéfique à la fois pour Taïwan et pour l'ensemble de la communauté internationale;

­ Considérant que ni l'Union européenne, ni aucun de ses États membres n'entretiennent de relations diplomatiques avec le gouvernement taïwanais et que l'Union européenne et ses États membres reconnaissent uniquement le gouvernement de la République populaire de Chine;

­ Considérant qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance de Taïwan en tant que partenaire commercial de l'Union européenne et de ses États membres;

­ Considérant qu'il importe, pour l'Union européenne et pour ses États membres, de développer des relations amicales et constructives, tant avec le gouvernement de la République populaire de Chine qu'avec celui de Taïwan;

­ Insiste pour que les gouvernements de la République populaire de Chine et de Taïwan renforcent leur collaboration;

­ Souligne que la participation de Taïwan dans certaines organisations internationales peut contribuer à trouver des intérêts communs entre Taïwan et la Chine et faciliter leur réconciliation;

­ Déplore le fait que Taïwan ne puisse actuellement être membre à part entière de l'Organisation des Nations unies et de ses organes et affirme que la participation de Taïwan serait à la fois souhaitable et précieuse pour un fonctionnement efficace de cette organisation.

Demande au Gouvernement :

1. De soutenir les efforts de Taïwan en vue d'obtenir une meilleure représentation au sein des organisations internationales dans les domaines des droits de l'homme et des droits des travailleurs, des affaires économiques, de la coopération en matière d'environnement et de développement, et ce conformément au statut qui est attribué en droit international à d'autres pays reconnus comme indépendants et souverains, même si les relations diplomatiques que l'on entretient avec eux et la personne de leur chef d'État ne couvrent pas toute la gamme des compétences qui découlent d'une souveraineté entière (par exemple les colonies de la Couronne britannique);

2. De demander aux Nations unies d'examiner la possibilité de créer un groupe de travail de l'O.N.U. chargé d'étudier une éventuelle participation de Taïwan aux activités des organes des Nations unies qui relèvent de la responsabilité de l'Assemblée générale de l'O.N.U.;

3. D'encourager les gouvernements de Taïwan et de la République populaire de Chine à renforcer leur coopération dans un cadre pacifique et constructif. »


À la lumière des précédentes discussions menées au sein de la Commission des Affaires étrangères en matière de proposition de l'admission de Taïwan aux Nations unies, M. Hatry et les auteurs de l'amendement 1-43/2 et de la résolution 1-603/1 ont introduit un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 1-43/3) remplaçant le texte proposé comme suit :

« À la lumière des développements politiques récents, il est utile de se pencher sur la question de la reconnaissance internationale de Taïwan.

Jusqu'en 1971, Taïwan, qui est un des cofondateurs des N.U., siégeait dans tous les organes des Nations unies. En 1971, la résolution 2758 a toutefois obligé Taïwan à céder son siège à la République populaire de Chine.

Pendant plusieurs années, le gouvernement taïwanais s'est comporté comme s'il était le gouvernement de la Chine entière. Récemment, il a modifié son attitude et a adopté le principe d'un pays, deux entités. Grâce à ce revirement, le pays a amélioré nettement ses relations avec la République populaire de Chine.

Vu l'état actuel de la démocratie à Taïwan et le respect que montre ce pays pour les principes du droit, les droits de l'homme et les libertés fondamentales, lequel est renforcé par le déroulement démocratique et paisible des élections, nous souhaitons soutenir les efforts que le gouvernement de Taïwan entreprend en vue d'adhérer à diverses organisations internationales.

En outre, nous ne pouvons nier l'importance de ce revirement dans la situation politique à Taïwan pour l'ensemble de l'Extrême-Orient sur les plans géopolitique et économique, ainsi que pour la stabilité, la sécurité et la paix dans la région du Pacifique occidental.

Parallèlement à cette évolution politique, Taïwan continue à progresser dans les domaines économique et social. L'île compte 21 millions d'habitants. Son degré de développement économique et social est supérieur à la moyenne, ce qui fait de cet État l'un des plus prospères de la région. Par conséquent, il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de Taïwan en tant que partenaire commercial.

Notons que Taïwan est représenté, sur un strict pied d'égalité avec la République populaire de Chine, dans un certain nombre d'institutions ou d'organismes internationaux officiels ou semi-officiels. Citons ainsi, par exemple, l'Asian Federation of Advertising, l'International Advertising Association, l'International Association for Hydraulic Research, l'International Commission for Optics, l'International Commission on Irrigation and Drainage, l'International Council of Scientific Unions, l'International Union of Biological Sciences, l'International Union of Microbiological Societies, le Pacific Economic Cooperation Council, le Pacific Committee for Nondestructive Testing, le World Energy Council, l'Asian Development Bank, l'Asia-Pacific Economic Cooperation, l'International Seed Testing Association, etc.

Le Parlement européen a en outre adopté, le 18 juillet 1996, une « Résolution sur le rôle de Taïwan dans les organisations internationales ».

Nous estimons dès lors que, la Belgique étant membre de l'Union européenne, le Gouvernement a le devoir de soutenir et d'appliquer la présente résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

­ considérant, que conformément à la Charte des Nations unies, l'adhésion à cette organisation est en principe ouverte à tous les États qui le souhaitent;

­ considérant que la République chinoise de Taïwan est un des membres fondateurs des Nations unies où elle a siégé jusqu'en 1972;

­ considérant que la République chinoise de Taïwan représente démocratiquement et légitimement quelque 21 millions de citoyens;

­ soulignant que la République chinoise de Taïwan a, de façon décisive, progressé en matière de réformes démocratiques, que le pluralisme politique y est une réalité, que les droits fondamentaux de la personne humaine y sont garantis, de sorte que cet État répond aujourd'hui aux idéaux démocratiques prônés par l'Organisation des Nations unies;

­ rappelant que le développement économique et social de Taïwan est supérieur à la moyenne et place cet État parmi les pays les plus prospères;

­ rappelant que les échanges commerciaux et humains entre la République populaire de Chine et Taïwan ne cessent de s'accroître;

­ soulignant que la demande de participation aux activités spécialisées de l'O.N.U. ne remet nullement en cause la présence de la République populaire de Chine au sein de cette même organisation;

­ tenant compte de la volonté de Taïwan de participer à l'aide internationale en faveur des pays en voie de développement;

­ considérant l'importance de l'évolution de la situation politique à Taïwan pour l'ensemble de l'Asie orientale au niveau géopolitique et économique en termes de stabilité, de sécurité et de paix dans la région du Pacifique occidental;

­ convaincu que le peuple de Taïwan devrait être mieux représenté qu'il ne l'est à présent dans les organisations internationales, et ce dans l'intérêt de Taïwan et de l'ensemble de la communauté internationale;

­ considérant que l'Union européenne ainsi qu'aucun de ses États membres n'entretiennent de relations diplomatiques avec Taïwan et ne reconnaissent que la République populaire de Chine;

­ considérant l'importance considérable de Taïwan pour l'Union européenne et ses États membres en tant que partenaire commercial;

­ considérant qu'il est important pour l'Union européenne et pour ses États membres de développer leurs relations tant avec le gouvernement de la République populaire de Chine qu'avec celui de Taïwan dans un esprit amical et constructif;

­ considérant que l'attitude conciliante adoptée par le gouvernement de Taïwan vis-à-vis de la République populaire de Chine et de l'ensemble de la communauté internationale permet d'espérer l'établissement d'un dialogue durable entre les deux entités;

­ invitant vivement les gouvernements de la République populaire de Chine et de Taïwan à intensifier leur coopération;

­ soulignant que la participation de Taïwan à certaines organisations internationales peut contribuer à la recherche d'un terrain d'entente entre la Chine et Taïwan et faciliter la réconciliation entre les deux parties;

­ déplorant le fait que Taïwan n'ait pas actuellement la possibilité de contribuer pleinement à l'Organisation des Nations unies et à ses agences, soulignant que la participation de Taïwan serait souhaitable et précieuse pour l'efficacité des Nations unies;

­ constatant la résolution adoptée par le Parlement européen le 18 juillet 1996 s'adressant aux institutions européennes et libellée comme suit :

« a) Le Conseil et les États membres soutiennent les efforts de Taïwan visant à améliorer sa représentation au sein des organisations internationales dans le domaine des droits de l'homme et du travail, des affaires économiques, de l'environnement et de la coopération au développement, s'inspirant du précédent créé en droit international par certains pays reconnus comme indépendants et souverains bien que la nature de leurs relations diplomatiques et la personne de leur chef d'État ne constituent pas les éléments symboliques qui sont l'apanage d'une souveraineté totale (Dominions britanniques, Samoa orientale ou, à une date récente, l'Ukraine et la Biélorussie).

b) Le Conseil et les États membres demandent aux Nations unies d'examiner la possibilité de créer un groupe de travail des Nations unies chargé d'étudier les possibilités de participation de Taïwan aux activités des instances responsables devant l'Assemblée générale des Nations unies.

c) Le Conseil et les États membres encouragent les gouvernements de la République populaire de Chine et de Taïwan à intensifier leur coopération dans un esprit constructif et pacifique;

d) Le Conseil invite la commission à adopter des mesures visant à ouvrir un bureau d'information de l'Union européenne à Taïpei;

charge son président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la commission »;

demande au Gouvernement, à l'image de la résolution du Parlement européen du 18 juillet 1996 :

1. De soutenir les efforts de Taïwan en vue d'obtenir une meilleure représentation au sein des organisations internationales dans les domaines des droits de l'homme et des droits du travail, des affaires économiques, de la coopération en matière d'environnement et de développement, et ce conformément au statut qui est attribué en droit international à d'autres pays reconnus comme indépendants et souverains, même si les relations diplomatiques que l'on entretient avec eux et la personne de leur chef d'État ne couvrent pas toute la gamme des compétences qui découlent d'une souveraineté entière (par exemple les colonies de la Couronne britannique);

2. De demander aux Nations unies d'examiner la possibilité de créer un groupe de travail de l'O.N.U. chargé d'étudier une éventuelle participation de Taïwan aux activités des organes des Nations unies qui relèvent de la responsabilité de l'Assemblée générale des N.U.;

3. D'encourager les gouvernements de Taïwan et de la République populaire de Chine à renforcer leur coopération dans un cadre pacifique et constructif.

estime que la République chinoise de Taïwan présente toutes les qualifications nécessaires pour être active au sein des Nations unies;

juge injustifié un refus prolongé de réponse aux aspirations de Taïwan à l'égard de l'O.N.U.;

invite le Gouvernement belge à entreprendre les démarches nécessaires et à prendre toutes initiatives en vue de permettre à Taïwan d'obtenir, à des conditions déterminées, sa participation aux activités spécialisées des Nations unies. »


Le 5 mars 1998, les discussions portant sur les deux résolutions ont été reprises. À l'instigation de l'auteur des deux propositions de résolution, la Commission a décidé d'adopter l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 1-43/3) introduit par M.Hatry et consorts comme texte de base pour les discussions. Cet amendement est le fruit d'une rédaction comme dans laquelle tous les points névralgiques des précédents textes ont été supprimés et de laquelle a émané une nouvelle proposition de résolution (tant en ce qui concerne les attendus que le dispositif).

Les auteurs de la nouvelle proposition de résolution insistent sur le fait que la proposition présente est le fruit d'un travail conjoint de plusieurs membres de la commission afin de pouvoir arriver à un consensus. La résolution est pratiquement comparable à la résolution qui a été adoptée le 18 juillet 1996 par le Parlement européen.

Un membre fait observer que la proposition de résolution ayant fait l'objet du compromis a repris dans son intégralité la résolution du Parlement européen. Il convient toutefois de souligner que les auteurs ne requièrent pas uniquement l'adhésion de Taïwan aux Nations unies. La résolution plaide aussi en faveur d'une meilleure représentations de ce pays au sein des organisations internationales. En outre, la résolution invite les Nations unies à créer un groupe de travail destiné à étudier l'intégration de Taïwan dans les organisations internationales. Cette résolution ne se prononce en aucune façon sur la demande de reconnaissance de Taïwan.

Un autre membre estime que, même si des amendements ont été déposés afin de tenir compte de l'évolution des relations entre la Chine et Taïwan, il n'estime pas plus opportun d'avancer une proposition comme la présente que ce n'était le cas en 1995. En 1995 des tensions existaient entre les deux pays, un rapprochement a cependant eu lieu au cours des dernières années. L'orateur donne l'exemple de Hong-Kong qui constitue un test pour la Chine : mettre en oeuvre à la fois un régime qui reste fort centralisé et dictatorial dans sa gestion et une économie totale de marché. La même chose pourrait se produire avec les relations entre la Chine et Taïwan : un pays et deux régimes pourront cohabiter.

Un autre membre se pose la question s'il est opportun de voter toutes sortes de résolutions. Les résolutions sont souvent introduites à la suite d'un sentiment émotionnel du moment, les résultats sont douteux et parfois même dangereux. L'orateur estime qu'il est important de demander l'avis du Gouvernement à ce sujet.

Un des auteurs de la nouvelle proposition de résolution remarque que des réunions ont eu lieu au sujet de cette proposition de résolution en présence du ministre des Affaires étrangères et qu'à aucune de ces occasions des objections formelles n'ont été formulées à l'égard d'une initiative parlementaire. Le ministre avait cependant estimé la première résolution comme étant délicate pour notre gouvernement en raison de la reconnaissance de Taïwan. L'orateur répète que le texte 1-43/3 est le résultat d'un travail collectif. Le texte est un reflet du texte qui a été adopté par le Parlement européen (par 119 voix pour et 77 contre).

Les auteurs se sont fondés sur le fait qu'il existe de nombreuses institutions spécialisées des Nations unies qui ne requièrent pas pour la participation d'un ensemble politique ou économique que cet ensemble soit nécessairement un État assorti d'un droit de vote et d'une reconnaissance globale de la part des Nations unies. Taïwan est un des rares pays actuellement en Asie dont on ne peut pas contester le caractère démocratique. D'autre part en matière économique, Taïwan est une puissance économique avec des réserves monétaires, des ressources financières importantes et qui occupe une place importante sur la scène du commerce international. Taïwan est actuellement reconnu par 24 pays, membres des Nations unies. Sur le plan du commerce international, Taïwan est très important. Des entreprises belges sont actives dans le pays. Taïwan participe à l'aide humanitaire et a des projets de coopération au développement. Taïwan fait partie de la Banque asiatique de développement dont il est un des principaux contributeurs. Taïwan est donc un élément de stabilité économique de démocratie et d'aide au tiers monde. Il n'est donc pas acceptable que les 22 millions d'habitants de Taïwan ne jouissent d'aucune forme de présence officielle.

Un membre fait part de sa déception quant à la lenteur avec laquelle certains dossiers sont traités. Cette résolution ne sollicite aucune reconnaissance officielle de Taïwan. Elle requiert uniquement que le pays puisse participer à certaines activités sans mêmes que celles-ci soient spécifiées dans le texte. L'intervenant se demande si le Parlement belge doit constamment subir les pressions exercées par la Chine. Cette résolution ne peut pas une fois de plus être traînée en longueur. En effet, le gouvernement a fait savoir que cette matière s'avérait particulièrement délicate. Si cette résolution avait constitué un obstacle insurmontable, la commission aurait probablement reçu un avis plus clair du gouvernement.

Un autre membre évoque les interventions de l'ambassade de Chine. Sans ces dernières, les membres se seraient montrés moins hésitants face à la présente résolution. L'on pourrait demander à l'ambassadeur de Chine pourquoi la République populaire de Chine n'émet aucune réserve pour siéger sur un pied d'égalité avec Taïwan au sein d'organisations telles que l'Asian Development Bank.

Les récentes discussions dont a fait l'objet la présente résolution procèdent également de la préoccupation des auteurs à ne pas vouloir prendre position au moment où des élections présidentielles étaient organisées à Taïwan et que des tensions importantes existaient entre Taïwan et la Chine. Les relations s'améliorent actuellement, de sorte qu'il est insensé de solliciter un nouveau report.

Un membre s'interroge quant à l'utilité de la présente résolution. Les exigences de Taïwan ont été tempérées. Ils continuent à vouloir instamment leur indépendance, chose impossible pour la Chine. En dépit de toutes les bonnes intentions de cette résolution pour le peuple taïwanais, elle risque d'être mal accueillie par la Chine et d'entraîner ainsi un effet négatif. Il n'incombe pas à la Belgique d'introduire ce genre de résolution. L'intervenant est d'avis qu'il existe d'autres moyens d'arriver à une solution. La commission pourrait par exemple inviter le ministre des Affaires extérieures à adopter une position claire en la matière.

Un autre membre estime que ces propos sont inexacts et que si le Gouvernement avait eu des objections vis à vis de cette résolution parlementaire qu'il aurait dû mettre la commission au courant avant cette réunion.

Le précédent intervenant estime qu'il ne s'agit pas uniquement de la position du Gouvernement. La commission doit en effet se prononcer sur l'opportunité d'une résolution. L'intervenant persiste à croire qu'un acte émotionnel, comme l'est assurément la présente résolution, pourrait entraîner de nombreuses conséquences négatives.

Un autre membre souligne qu'il ne s'agit pas d'un acte émotionnel, la résolution cheminant depuis 1995.

Un membre estime qu'il ne faut pas interpréter l'absence du Gouvernement comme un consensus implicit sur la proposition. Les relations économiques et commerciales avec la Chine sont d'une dimension telle qu'il ne faut pas négliger les conséquences éventuelles.

IV. VOTES

L'amendement de M. Hatry et consorts (doc., nº 1-43/3), remplaçant les deux propositions originelles de résolution (doc., nºs 1-43/1 et 1-603/1) a été adopté par 6 voix contre 2 et 2 abstentions.

Le président motive son abstention. L'intervenant est d'avis que la Belgique est entraînée dans un jeu politique entre les deux pays, jeu auquel il ne souhaite pas se livrer.

Le présent rapport a été approuvé par 8 voix et 2 abstentions.

La rapporteuse,
Jacqueline MAYENCE-GOOSSENS.
Le président,
Valère VAUTMANS.