1-1148/1 | 1-1148/1 |
10 DÉCEMBRE 1998
Le 8 juin 1998, la ministre des Affaires étrangères suédoise, Mme L. Hjelm-Wallen, présentait le texte d'une résolution relative au désarmement nucléaire.
Préparé conjointement avec l'Irlande, ce texte a également été signé par le Brésil, l'Égypte, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Slovénie et l'Afrique du Sud.
Cette résolution relative au désarmement nucléaire rappelle :
la conclusion de la Commission Canberra qui affirme que la conservation indéfinie d'armes nucléaires sans utilisation, que ce soit accidentellement ou de façon délibérée, défie toute crédibilité;
que la vaste majorité des membres des Nations unies ont adhéré à l'obligation légale de ne pas recevoir, fabriquer ou acquérir autrement des armes nucléaires ou d'autres mécanismes nucléaires explosifs. Ces engagements ont été pris dans le contexte d'un engagement légalement tout aussi contraignant des États nucléaires de poursuivre un désarmement nucléaire;
la responsabilité première des États nucléaires : la résolution demande que les États nucléaires prennent immédiatement une série de mesures comme la mise hors d'alerte et l'inactivation de leurs armes nucléaires et le retrait de leur armes nucléaires non stratégiques des lieux de déploiement;
l'accord intervenu entre les États parties au Traité de non-prolifération sur la nécessité de négocier une convention internationale interdisant la production de matériel fissile destiné à des armes nucléaires ou à d'autres mécanismes nucléaires explosifs (le « cut-off »).
La résolution demande la poursuite et l'extension de la politique visant à créer des zones dénucléarisées et ce prioritairement dans les Régions de tension telles que le Moyen-Orient et l'Asie du Sud.
La résolution reprend enfin la conclusion adoptée à l'unanimité par les juges de la Cour internationale de Justice de La Haye en 1996. Cet avis rappelle que l'interprétation du Traité de non-prolifération ne peut se faire que dans le sens de l'existence d'une obligation de poursuivre de bonne foi des négociations qui aboutiraient effectivement à l'élimination des arsenaux nucléaires et donc à un désarmement nucléaire total.
Cependant, et malgré la fin de la guerre froide, on dénombre actuellement de 20 à 25 000 charges nucléaires à travers le monde.
Force est de constater que les puissances nucléaires ne respectent donc pas leurs engagements internationaux. En effet, contrairement à ce qui est prévu dans le Traité de non-prolifération, il n'existe, à l'heure actuelle, toujours aucune instance officielle où serait négociée l'obligation légale de démanteler toutes les armes nucléaires. Au contraire, les puissances nucléaires, OTAN en tête, ont, jusqu'ici, bloqué toute tentative en la matière. En effet :
fin novembre 1997, les États membres de l'OTAN ont voté, à l'assemblé générale des Nations unies, contre une résolution qui appelait à mettre sur pied une conférence en vue de négocier l'élimination de toutes les armes nucléaires;
fin mars 1998, la première session de la Conférence de Genève pour le désarmement s'est clôturée sans aucun accord sur un agenda en vue d'engager des négociations sur le désarmement nucléaire. Les États-Unis et les alliés de l'OTAN qui disposent de stocks de réserve considérables de plutonium et d'uranium hautement enrichi ne voulaient discuter que d'un traité interdisant la production de combustibles nucléaires supplémentaires pour armes nucléaires, tandis que les pays en voie de développement exigeaient un désarmement nucléaire total (Reuters, 26 mars; AFP, 26 mars).
Contrairement à l'attitude courageuse que notre pays a prise en ce qui concerne les mines terrestres, qui a d'ailleurs augmenté son prestige, en matière de nucléaire, la Belgique a toujours suivi les consignes de l'OTAN.
Contrairement aux traités qu'il a signés, notre pays héberge sur son sol des têtes nucléaires appartenant à d'autres États. On dénombre notamment encore dix têtes nucléaires américaines sur la base de Kleine Brogel.
Ceci place bien évidemment notre pays en porte-à-faux par rapport au Traité de non-prolifération qui stipule :
Article II Tout État non doté d'armes nucléaires qui est Partie au Traité s'engage à n'accepter de qui que ce soit, ni directement, ni indirectement, le transfert d'armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires ou du contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs, à ne fabriquer ni acquérir de quelque autre manière des armes nucléares ou autres dispositifs nucléaires explosifs, et à ne rechercher ni recevoir une aide quelconque pour la fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs;
Article VI Chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.
Philippe BUSQUIN. |
Le Sénat demande au Gouvernement fédéral, d'affirmer son soutien au texte de la proposition de la ministre des Affaires étrangères suédoise, Mme L. Hjelm-Wallen, qui envisage :
la mise hors d'alerte et l'inactivation des armes nucléaires ainsi que le retrait des armes nucléaires non stratégiques des lieux de déploiement et ce, afin d'éviter des lancements inattendus, accidentels ou non autorisés;
la poursuite et l'extension des « nuclear free » zones ainsi que la définition de nouvelles zones surtout dans les régions où une certaine tension règne (Moyen Orient, Asie du Sud...);
la prise d'un engagement clair, par les États nucléaires et les trois États nucléaires émergents, envers une élimination rapide, finale et totale des armes nucléaires et des capacités d'en produire;
le souhait que ces pays se mettent d'accord pour travailler immédiatement à définir les étapes pratiques et les négociations nécessaires pour atteindre ce but;
les mesures résultant d'un tel engagement d'élimination complète de l'armement nucléaire doivent être prises en premier lieu dans les États nucléaires dont les arsenaux sont les plus importants, mais il est important que, au moment approprié et sans interruption, ils soient rejoints par ceux qui possèdent moins d'armes nucléaires.
Le Sénat demande la tenue d'une conférence internationale, au niveau de l'ONU, afin d'étudier sérieusement le contenu de cette résolution.
Le Sénat demande également au Gouvernement de solliciter, dans les plus brefs délai, auprès des ses partenaires européens, la tenue d'une conférence régionale euro-méditerranéenne dans le but d'établir une zone dénucléarisée en Europe et en Méditerranée
Le Sénat demande enfin au Gouvernement de jouer un rôle précurseur en n'autorisant plus, sur le territoire belge, l'entreposage ou le transit d'armes nucléaires.
Philippe BUSQUIN. Roger LALLEMAND. Anne-Marie LIZIN. |