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SÉANCE DU JEUDI 12 NOVEMBRE 1998 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 12 NOVEMBER 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Willame.
La parole est à Mme Willame.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, hier, Mme Dury a présenté sa démission. Elle justifie sa décision en déclarant qu'elle « a essayé de jouer le rôle correct et loyal des rouages et du fonctionnement de l'État, contre (son) avis et contre (ses) convictions », qu'elle n'est « donc que le dindon de la farce et le témoin de beaucoup d'hypocrisie ».
Cette démission est la conséquence de l'imbroglio juridique qui a entouré l'autorisation du Congrès du Vlaams Blok samedi passé Cet imbroglio était lui-même le résultat d'un manque de préparation et surtout d'une absence de concertation entre toutes les autorités concernées.
Monsieur le vice-premier ministre, je voudrais dès lors vous poser plusieurs questions.
Comment réagissez-vous à cette démission ?
De manière plus générale, quelles leçons tirez-vous des événements de samedi passé ?
Quelle sera à l'avenir, et particulièrement à l'approche des élections votre politique, en qualité de ministre de l'Intérieur, à l'égard d'un certain nombre de partis qui affichent des attitudes inacceptables ?
M. le président. La parole est à M. Van den Bossche, vice-premier ministre.
M. Van den Bossche, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. Monsieur le président, d'abord, j'ai appris comme tout le monde, c'est-à-dire par la télévision, la démission de Mme Dury, gouverneur de Bruxelles. Ce matin, j'ai trouvé copie d'une lettre adressée au Roi à ce sujet. Cette démission m'étonne. Je la regrette, mais je ne l'ai pas provoquée : je n'ai formulé aucune accusation ; je me suis borné à constater une faute. S'il devait y avoir démission chaque fois que le Conseil d'État relève une faute, aucun gouvernement ne pourrait rester en place. En effet, nombreux sont les arrêts du Conseil d'État qui donnent raison aux plaignants. Personnellement, j'estime que l'on peut dénoncer les fautes. En l'occurrence, je l'ai fait de manière publique parce que le bourgmestre de Bruxelles avait interprété d'une façon étrange l'arrêt rendu par le Conseil d'État, en le présentant comme une victoire du « communalisme », ce qui était inexact. J'ai alors tenté d'expliquer que la faute résultait de l'absence de base juridique. Mais le droit paraît complexe aux yeux des citoyens.
À la question de savoir si Mme le gouverneur a joué un rôle correct et loyal, je réponds par l'affirmative. En effet, Mme Dury a immédiatement donné suite à la demande. Mais cela ne signifie pas qu'elle n'a pas commis de faute. D'ailleurs, cela peut arriver à tout le monde.
Quand Mme Dury déclare qu'elle a été le témoin de beaucoup d'hypocrisie, j'ai l'impression qu'elle fait référence à la journée du 11 : il semble en effet qu'elle s'est offensée du fait que M. Ylieff et moi-même nous sommes salués de façon assez cordiale. Cependant, j'ai salué de même le bourgmestre de Bruxelles. En effet, je les connais tous deux de longue date. On peut parfaitement avoir des divergences d'opinion tout en se respectant. Pour ma part, j'aime me distraire en attendant que commence une cérémonie. Cette attitude n'a rien à voir avec de l'hypocrisie. Elle émane simplement de gens qui exercent leur profession en tenant compte des différentes convictions politiques et en se respectant mutuellement.
Cette démission m'étonne donc ; cet acte n'était pas nécessaire. Je n'ai pas convoqué Mme Dury et, à aucun moment, je n'ai dit que nous ne pouvions plus travailler ensemble. À mes yeux, il s'agit ici d'overacting ; je constate simplement que Mme Dury a décidé de démissionner.
J'en viens aux contacts entre Mme Dury et mon cabinet. Il est vrai que ce dernier a été mis au courant par le bourgmestre de Bruxelles du texte de son ordonnance entre 17 et 18 heures. Mon cabinet a alors préparé un texte afin que j'intervienne en ma qualité de ministre de l'Intérieur. Plus tard, vers 20 heures, mes services m'ont fait savoir qu'il était préférable d'un point de vue juridique que Mme la gouverneur prenne cette initiative. J'ai alors changé mon fusil d'épaule et j'ai demandé à Mme Dury d'intervenir. Des contacts ont été pris entre le cabinet de Mme le gouverneur et le mien ; celui-ci a faxé deux lettres à destination de Mme Dury. Dans la première, on expliquait pourquoi elle n'avait pas été invitée à la réunion préparatoire tenue quelques jours auparavant. Dans la seconde, on lui communiquait les textes qui avaient été rédigés à mon intention, tout en suggérant comme cela avait été expliqué par téléphone qu'il y avait lieu de procéder à certaines adaptations laissées à son appréciation. C'est sur ce point qu'une faute a été commise : le texte préparé pour le ministre a été repris littéralement et signé par Mme le gouverneur.
Quand cette dernière signe une ordonnance, elle doit en indiquer la base légale ; dans ce cas-ci, il s'agissait de l'article 128 de la loi provinciale. Ce manque de précision a été soulevé par le Conseil d'État.
Je ne tire pas de leçon particulière de ces événements, sauf peut-être celle que l'on pouvait déjà tirer auparavant : s'il avait été possible de placer tout le monde sur la même longueur d'onde, aucun problème ne se serait posé. Je constate que, à un certain moment, un bourgmestre a eu une opinion différente de celle d'un ministre et que celui-ci a estimé devoir intervenir pour éviter des émeutes. Mon principal souci a été de respecter l'État de droit. Je me trouvais face à une ordonnance et à un jugement rendu par un tribunal et qu'il fallait respecter. J'ai aussi veillé au maintien de l'ordre public. Pour le reste, je n'ai aucune leçon spécifique à tirer des événements.
En ce qui concerne votre troisième question, je respecte l'État de droit et la tâche qui m'est confiée de veiller au maintien de l'ordre public.
J'ai uniquement précisé, à la suite d'un communiqué qui affirmait que j'avais agi de la sorte parce que les faits se passaient à Bruxelles, que ma décision aurait été la même s'ils s'étaient déroulés à Gand, où j'habite.
M. le président. La parole est à Mme Willame pour une réplique.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, le vice-premier ministre a bien répondu à ma première question et, éventuellement, à ma deuxième, bien que je ne voie pas très bien ce qui va se passer à présent. Mme Dury a donné sa démission. Je suppose qu'elle va être remplacée.
M. Van den Bossche, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. En ce qui me concerne j'ai transmis les lettres au premier ministre.
Mme Willame-Boonen (PSC). Vous avez l'air de dire que votre souci sera l'État de droit; c'est également notre souci à tous, mais ne devrait-il pas y avoir davantage de concertation pour éviter que chacun tire la couverture à soi ?
M. Van den Bossche, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. Il y a eu concertation. Une réunion a eu lieu. J'ai seulement dû constater que le bourgmestre Cudell y assistait alors que la ville de Bruxelles se faisait représenter par un commissaire de police-adjoint.
Mme Willame-Boonen (PSC). Pour ma part, pour ce type d'événement, le terme « concertation » va plus loin qu'une simple concertation entre les différents échelons du pouvoir. Je pense à une concertation beaucoup plus large entre partis démocratiques, lorsque de tels risques sont à craindre.
M. Van den Bossche, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. La seule concertation que le gouvernement puisse organiser est une concertation au sein du gouvernement.
Mme Willame-Boonen (PSC). J'aurais aimé vous entendre dire que vous étiez ouvert à ce type de concertation.
M. Van den Bossche, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. Je veux bien tout ce que l'on veut, mais il faut respecter les jugements qui sont prononcés. Le recours du bourgmestre de Bruxelles précisait l'arrêt du Conseil d'État en fait mention qu'en raison du jugement qui avait été rendu, il ne pouvait pas défendre le congrès. L'ordonnance qu'il a prise visait en conséquence le maintien de l'ordre public.
Mme Willame-Boonen (PSC). J'aurais simplement espéré, monsieur le vice-premier ministre, que nous dépassions l'anecdote, mais je vois que ce n'est pas le cas. Je le regrette.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.