1-959/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

22 AVRIL 1998


Proposition de loi favorisant l'égalité des chances entre les femmes et les hommes lors des élections

(Déposée par Mme Dua et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Dès 1921, les femmes ont acquis en Belgique le droit de se faire élire au parlement, aux conseils provinciaux et aux conseils communaux, même s'il a fallu qu'elles attendent jusqu'en 1948 avant de bénéficier du suffrage universel.

À l'occasion du cinquantième anniversaire de l'instauration de ce suffrage universel, le débat sur la représentation des femmes en politique se trouve à nouveau sous les feux de l'actualité. Personne ne met plus en doute aujourd'hui la légitimité du combat que mènent les femmes pour obtenir une meilleure représentation à tous les niveaux politiques.

Ce combat est légitime pour des raisons purement démocratiques : il est en effet inconcevable qu'une moitié de la population participe dans une moindre mesure au processus de décisions politiques pour une simple raison de sexe.

Le chemin menant à une démocratie paritaire reste néanmoins long : les femmes restent sous-représentées dans les diverses assemblées parlementaires et cette situation évolue très lentement. C'est au Sénat que la représentation des femmes est aujourd'hui la plus élevée avec 17 unités sur un total de 72, soit 23,6 %. À la Chambre, par contre, il n'y a que 17 députées sur un total de 150, soit 11,3 %.

Aux parlements régionaux, la situation n'est guère meilleure : il y a 22 députées au Parlement flamand sur un total de 124, ce qui représente 17,7 %; il y en a 7 sur un total de 75 au Parlement wallon, soit 9,3 %; il y en a 22 sur un total de 75 au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, soit 29,3 %, et enfin 5 sur un total de 25 au Conseil de la Communauté germanophone, soit 20 %.

Une représentation paritaire n'est par conséquent pas encore pour demain.

Cependant, la population souhaite manifestement aussi qu'il y ait davantage d'élues, puisque les candidates récoltent un nombre particulièrement élevé de voix de préférence en dépit de campagnes électorales souvent plus discrètes que celles de leurs collègues masculins.

Normalement, il est de la responsabilité des partis de veiller à ce qu'il y ait une représentation plus équilibrée entre élus masculins et féminins, mais en pratique, une telle évolution n'est pas « spontanée » et est en tout cas trop lente.

Dans les pays où la représentation des femmes en politique est aujourd'hui importante (entre autres les pays scandinaves), c'est grâce à l'instauration d'un système de quotas.

Il faut donc voir la présente proposition de loi comme une réglementation transitoire susceptible de disparaître au moment où sera consacrée une culture politique qui considérera comme évidente une représentation équilibrée des hommes et des femmes.

La loi du 24 mai 1994 fut un premier pas vers davantage d'élus féminins. Cette loi introduit des quotas pour les listes électorales tout en précisant que dès les élections de 1999, le nombre de candidats d'un même sexe ne pourra excéder une quotité de deux tiers du total constitué par la somme des sièges à pourvoir pour l'élection et du nombre maximum autorisé de candidats suppléants.

Contrairement à sa version initiale, cette loi ne fait cependant plus la distinction entre places éligibles et non éligibles. Cela signifie qu'en théorie, tous les partis ont la possibilité de déposer des listes qui répondent aux exigences posées, notamment à l'obligation de prévoir un tiers de candidates féminines, sans qu'une seule soit élue pour la bonne et simple raison qu'elle figuraient toutes au bas de la liste. En effet, il ne suffit pas de faire figurer un certain nombre de femmes sur une liste. Elles doivent aussi occuper des places éligibles; voilà pourquoi des garanties supplémentaires s'imposent.

La présente proposition de loi vise à assurer aux femmes une meilleure représentation dans les assemblées parlementaires en précisant que les deux premières places tant de la liste des candidats effectifs que de celle des suppléants doivent être occupées par des personnes de sexe différent.

Ce système est applicable aux listes électorales des conseils communaux, à celles des conseils provinciaux, aux listes électorales européennes, aux listes électorales nationales (Chambre, Sénat, Parlement flamand, Parlement wallon, Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Conseil de la Communauté germanophone).

Une proposition de loi similaire avait déjà été déposée en 1991 par Mme Magda Aelvoet, mais elle fut à l'époque supplantée par la loi Smet-Tobback, laquelle a introduit un quota général. La présente proposition de loi durcit la loi de 1994 en prévoyant, outre un quota, l'obligation de réserver une des deux premières places à une candidate.

Même dans l'hypothèse très pessimiste où cette exigence ne serait respectée que de manière minimaliste par les partis, c'est-à-dire en ne plaçant une candidate qu'à la deuxième place, il s'ensuivra néanmoins une progression considérable du nombre d'élus féminins.

En appliquant cette formule aux résultats électoraux du 25 mai 1995, l'on obtiendrait les chiffres suivants : un total de 36 femmes sur 129 élus, soit 29 % à la Chambre et un total de 32 femmes sur 116 élus directs, soit 27,5 % au Parlement flamand.

L'on peut escompter un résultat semblable pour les conseils communaux et les conseils provinciaux.

Il est évident, eu égard aux discussions sur la participation des femmes à la vie politique, qu'il s'agit là d'un scénario minimaliste et que le nombre de femmes sera supérieur à celui obtenu grâce au calcul précité, étant donné que d'autres candidates pourraient figurer à une autre place que la deuxième.

L'objectif de la présente proposition de loi est de promouvoir plus avant l'égalité de la représentation des hommes et des femmes dans les organes politiques, afin qu'à terme, la composition des listes consacre la démocratie paritaire et rende les actions positives superflues.

Vera DUA.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 23, § 2, de la loi électorale communale coordonnée le 4 août 1932, article modifié par la loi du 10 avril 1995, un alinéa nouveau, rédigé comme suit, est inséré entre le troisième et le quatrième alinéa :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Art. 3

À l'article 11, § 1er , de la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales, modifié par la loi du 24 mai 1994, un alinéa nouveau, rédigé comme suit, est insérée entre les avant-dernier et dernier alinéas :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Art. 4

L'article 21bis de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen, inséré par la loi du 24 mai 1994, est complété par la disposition suivante :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Art. 5

À l'article 117bis du Code électoral du 12 août 1982, inséré par la loi du 24 mai 1994, un alinéa nouveau, rédigé comme suit, est inséré entre les deuxième et troisième alinéa :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Art. 6

À l'article 14bis de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'État, inséré par la loi du 24 mai 1994, un alinéa nouveau, rédigé comme suit, est inséré entre les deuxième et troisième alinéas :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Art. 7

À l'article 11bis de la loi du 12 janvier 1989 réglant les modalités de l'élection du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, inséré par la loi du 24 mai 1994, un alinéa nouveau, rédigé comme suit, est inséré entre les deuxième et troisième alinéas :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Art. 8

À l'article 22bis de la loi du 6 juillet 1990 règlant le mode d'élection du Conseil de la Communauté germanophone, inséré par la loi du 24 mai 1994, un alinéa nouveau, rédigé comme suit, est inséré entre les deuxième et troisième alinéas :

« Sur chaque liste, les candidats occupant les deux premières places de chaque catégorie sont de sexe différent. »

Vera DUA.
Sabine DE BETHUNE.
Magdeleine WILLAME-BOONEN.
Bert ANCIAUX.
Martine DARDENNE.