(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Les autorités espagnoles ont ordonné en février l'arrestation et l'emprisonnement de 23 membres de la direction nationale (« Mesa nacional ») du parti basque Herri Batasuna. Parmi eux se trouvent sept membres des parlements des deux régions autonomes qui forment le pays basque espagnol. Ils doivent comparaître en justice à Madrid, au cours du mois de juin, et risquent d'être condamnés à huit ans de réclusion.
L'arrestation et l'emprisonnement, en février 1997, de tous les membres de la direction de Herri Batasuna, qui compte tout de même plus de 600 élus dans le pays basque, sont une conséquence directe de l'accusation de « collaboration » avec un groupement armé. En ce moment, toutes les personnes arrêtées bénéficient de la liberté provisoire, les cautions requises ayant été versées. L'accusation dont elles font l'objet est basée sur le fait que, pendant la campagne électorale de mars 1996, Herri Batasuna a diffusé un fragment de film vidéo dans lequel le groupement armé basque Euskadi Ta Askatasuna (E.T.A.) faisait une offre de paix désignée sous l'appellation d'« Alternative démocratique ». Herri Batasuna a également fait un certain nombre de déclarations politiques allant dans le même sens que l'« Alternative démocratique ». Il entendait ainsi, en tant que parti politique, soumettre cette proposition de paix aux citoyens basques, afin de trouver une solution au conflit entre le pays basque et l'État espagnol.
Sans porter de jugement sur le contenu de l'« Alternative démocratique » et en nous prononçant clairement contre l'usage de la violence par toute partie au conflit, quelle qu'elle soit, nous nous posons cependant certaines questions quant à l'attitude des autorités espagnoles :
1. Les mesures de privation de liberté déjà adoptées et, surtout, celles qui seront encore prises à l'encontre de la direction de ce parti politique basque, légalement et démocratiquement soutenu par ses électeurs, ne doivent-elles pas être considérées comme une violation d'un droit fondamental reconnu par différentes instances internationales, à savoir la liberté d'expression et d'opinion ?
2. La recherche et la diffusion de proposition de paix et d'alternatives pour un dialogue pacifique ne font-elles pas partie par essence des missions d'un parti politique, si la communauté dans laquelle il déploie ses activités est confrontée à une situation de conflit ? Et les poursuites exercées contre Herri Batasuna par la justice espagnole ne sont-elles pas contre-productives ? Dans l'affirmative, le gouvernement belge ne doit-il pas faire part de sa préoccupation à ce sujet aux autorités espagnoles ?
3. Ces données concrètes, jointes aux objections de principe et fondamentales déjà exprimées publiquement par des organisations de défense des droits de l'homme, ne montrent-elles pas qu'une limitation ou une suppression du droit d'asile politique au sein de l'Union européenne est une très mauvaise chose ?
Réponse : 1. La liberté d'expression et d'opinion est constitutionnellement garantie en Espagne. L'arrestation en février dernier de l'ensemble de la direction de Herri Batasuna (H.B.) fut effectuée à la suite de l'utilisation d'un montage vidéo dans lequel le recours de l'E.T.A. à la violence était défendu et justifié. Ceci est punissable selon le code pénal espagnol. Une procédure judiciaire a été entamée à l'encontre de la « Mesa nacional » de Herri Batasuna. Il ne convient pas à la Belgique de se prononcer à ce sujet.
2. Je désire attirer l'attention de l'honorable membre sur le fait que, jusqu'à présent, Herri Batasuna n'a jamais condamné aucun des nombreux attentats ou prises d'otages de l'E.T.A. Nombre de ces prises d'otages ont connu une issue mortelle, avec comme dernier exemple abominable, la prise d'otage, suivi de l'assassinat de Miguel Angel Blanco en juillet dernier. Cet attentat a provoqué à juste titre, tant en Espagne (et en particulier au Pays basque) qu'à l'étranger, la plus grande répulsion.
3. Lors du Conseil européen d'Amsterdam, un protocole relatif au droit d'asile pour les ressortissants des États membres de l'Union a été agréé. Ce protocole se fonde sur un certain nombre de principes qui régissent les relations entre les États membres de l'Union et notamment sur :
le fait que l'Union respecte, selon l'article F du Traité sur l'Union européenne, les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme;
la possibilité pour la Cour de justice de Luxembourg de veiller au respect des droits de l'homme par la Communauté européenne;
la possibilité de suspendre de certains droits un État membre qui aurait gravement violé les droits de l'homme;
le fait que tout citoyen européen a de toute façon le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des autres États membres.
L'Union européenne est un processus évolutif. Elle reste cependant, au stade actuel de sa construction, composée d'États distincts. Une demande d'asile introduite par un ressortissant d'un autre État membre doit dès lors, comme toute autre demande d'asile, faire l'objet d'un examen individuel selon la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.
Dans la négociation du protocole d'Amsterdam, la Belgique a été attentive à ce que les règles, qu'elle aurait à appliquer à l'égard de demandes d'asile émanant de ressortissants communautaires, soient conformes à la Convention de Genève.
Le protocole dont le texte a été arrêté à Amsterdam prévoit que les demandes d'asile, introduites par un ressortissant communautaire, peuvent être prises en considération :
soit d'office dans des cas où l'État d'origine du demandeur s'est départi de ses obligations en matière de droits de l'homme;
soit si l'État membre auprès duquel la demande est introduite, décide de l'examiner quelle que soit la situation globale des droits de l'homme dans le pays d'origine du demandeur.
Dans ce dernier cas, la demande est traitée sur la base de la présomption qu'elle est manifestement non fondée. Cette présomption ne peut affecter d'aucune manière le pouvoir de décision de l'État.
Une déclaration commune stipule que le protocole ne préjuge pas du droit de chaque État membre de prendre les mesures d'organisation qu'il juge nécessaires pour remplir ses obligations au titre de la Convention de Genève.
Pour respecter pleinement les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention de Genève, la Belgique a formulé une déclaration unilatérale indiquant qu'elle ferait usage de la possibilité qui lui est offerte par le protocole, en procédant à un examen individuel de toute demande d'asile présentée par un ressortissant communautaire.
Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies s'est déjà félicité publiquement de la déclaration unilatérale de la Belgique.