Questions et Réponses

Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996


Bulletin 1-4

7 NOVEMBRE 1995

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Secrétaire d'État à la Sécurité, adjoint au ministre de l'Intérieur, et Secrétaire d'État à l'Intégration sociale et à l'Environnement, adjoint au ministre de la Santé publique (Intégration sociale)

Question nº 4 de M. Anciaux du 29 septembre 1995 (N.) :
Sans-abri.

Selon une estimation de l'association Thuislozenzorg Vlaanderen , on dénombre, pour la seule ville d'Anvers, quelque 3 000 à 4 000 sans-abri, ce qui représente un groupe important de personnes, qui ne fait que s'accroître. Tant que ces personnes ne peuvent pas prouver qu'elles ont un domicile et qu'elles sont demandeurs d'emploi, elles n'entrent pas en ligne de compte pour une allocation. Pour ces gens, les mois d'hiver qui approchent constituent un problème réel.

On lit pourtant dans la loi sur les CPAS du 8 juillet 1976 : « Toute personne a droit à l'aide sociale ». Le CPAS de la commune dans laquelle ces personnes sont inscrites pourrait normaliser la situation de ces sans-abri « sans domicile et non-demandeurs d'emploi » sur la base de la disposition précitée : c'est-à-dire que le CPAS pourrait leur octroyer le minimum de moyens d'existence et leur proposer différents types d'assistance. La jurisprudence des tribunaux du travail admet cependant que les CPAS peuvent fixer certaines conditions et limites.

Puisque d'ordinaire les CPAS axent manifestement leur politique sur la préservation de leur budget, ils posent comme condition qu'il faut disposer d'un domicile fixe, qu'il faut être demandeur d'emploi,... De nombreux sans-abri ne remplissent toutefois pas ces critères. De cette façon, la loi du 8 juillet 1976 se trouve vidée de son contenu et cette situation indigne continue à subsister.

L'honorable secrétaire d'État est-il au courant de ces usages ?

Combien de sans-abri ont été privés d'aide en raison de ces critères ?

Comment peut-on trouver une solution à cette situation honteuse ? Que peut-on faire légalement ?

L'honorable secrétaire d'État est-il disposé à trouver une solution pour ces sans-abri encore avant le début de l'hiver (éventuellement une solution à court terme) ?


Réponse : J'ai l'honneur de porter à la connaissance de l'honorable membre les éléments suivants .

1. La politique d'aide sociale constitue une matière personnalisable au sens de l'article 128 de la Constitution (coordonnée le 17 février 1994) qui relève de la compétence des Communautés (art. 5, § 1er , II, 2º, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, modifié par l'article 1er de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'État), soit en l'espèce de la Communauté flamande.

C'est ainsi que notamment en vertu de l'article 108, alinéa 3, de la loi organique des centres publics d'aide sociale, le ministre flamand ayant l'aide sociale dans ses attributions dispose d'un service d'inspection chargé de conseiller les CPAS dans tous les problèmes relatifs à l'accomplissement de leur mission.

2. En vue de pouvoir apporter une solution à la problématique des personnes sans abri, le Parlement fédéral a quant à lui, adopté des dispositions particulières. Ces mesures trouvent leur fondement dans la loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d'urgence pour une société plus solidaire; elles concernent à la fois l'aide sociale et le minimum de moyens d'existence.

Parmi ces mesures peuvent être citées les dispositions suivantes :

­ L'article 57bis , inséré dans la loi organique des centres publics d'aide sociale, vise à déterminer le centre compétent pour accorder l'aide sociale aux personnes sans abri, de sorte qu'il y a toujours un centre compétent qui puisse être identifiable. Même si l'intéressé n'a pas de résidence principale, le CPAS du lieu où la personne sans abri manifeste son intention de résider est compétent.

­ L'article précité a de plus été assorti d'une garantie à l'occasion d'un recours introduit devant le tribunal du travail par la personne sans abri qui a rencontré un problème de compétence territoriale du CPAS (art. 71, alinéa 5, de la loi organique).

­ L'obligation d'accorder l'aide urgente à une personne sans abri qui sollicite l'aide du CPAS a été mise à charge du président du centre de la commune où se trouve le sans-abri (art. 28, alinéa 5, de la loi organique).

En matière de minimum de moyens d'existence des dispositions spécifiques ont également été adoptées, à savoir :

­ La désignation du CPAS compétent pour l'octroi du minimum de moyens d'existence a été réglée par analogie avec l'article 57bis , et ce dans l'arrêté royal du 6 avril 1995.

­ L'instauration du droit à une prime d'installation constituant un supplément de minimum de moyens d'existence d'un douzième du montant annuel auquel peuvent prétendre les sans-abri lorsqu'ils quittent définitivement certains établissements (art. 2, § 4, de la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence).

­ L'octroi au CPAS d'une subvention de l'État fédéral majorée à 100 p.c. pendant au maximum un an lorsque le minimum de moyens d'existence est octroyé à un sans-abri qui a été inscrit au registre de la population de la commune que dessert le centre (art. 18, § 5, de la loi du 7 août 1974).

3. Il est à noter que, tant dans la loi du 8 juillet 1976 que dans la loi du 7 août 1974, il n'existe aucune disposition fixant comme condition préalable à l'obtention de l'aide sociale ou du minimum de moyens d'existence le fait de disposer d'un logement; il s'en suit qu'un sans-abri a droit, comme toute autre personne à obtenir lesdites aides.

De même, si la condition de disposition au travail qui constitue une des conditions pour prétendre à l'octroi du minimum de moyens d'existence (art. 6, § 1er , 1er alinéa, de la loi du 7 août 1974), peut également être exigée par le CPAS en ce qui concerne l'aide sociale (art. 60, § 3, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 1976), une confusion ne doit pas être opérée avec les exigences requises en matière de réglementation du chômage.

La preuve de la disposition au travail telle que requise en matière de minimum de moyens d'existence peut notamment résulter de l'acceptation et du suivi d'un projet contenant un contrat d'intégration sociale, lequel ne doit pas nécessairement porter sur une mise au travail ou une formation.

Il en résulte que la condition d'être inscrit comme demandeur d'emploi n'est pas formellement exigée par les législations concernant l'aide sociale et le minimum de moyens d'existence.

4. Tout en ayant connaissance des pratiques évoquées par l'honorable membre, je puis l'informer que le pouvoir fédéral ne dispose pas pour l'instant des éléments relatifs au nombre de sans-abri qui se verraient refuser l'aide sociale.

On pourrait remédier à cette situation en créant un registre national pour les personnes sans abri. De cette manière il serait possible de vérifier si toutes les personnes sans abri sont effectivement aidées par un CPAS compétent d'une part, et d'éviter la fraude sociale (une personne sans abri qui demande de l'aide auprès de différents CPAS) d'autre part. L'étude de cette proposition se poursuit actuellement dans le but de veiller à ce que toutes les personnes sans abri soient effectivement aidées.

Nous percevons également des signaux selon lesquels certains CPAS refuseraient d'octroyer des primes d'installation à des sans-abri, la loi ne parlant, pour l'instant, que de l'octroi de cette subvention aux sans-abri « lorsqu'ils quittent définitivement certains établissements » : une personne qui auparavant ne séjournait pas dans un établissement n'y a donc pas droit.

La possibilité d'élargir cette prime d'installation, prévue à l'époque dans le cadre de la suppression de la loi sur le vagabondage, à toutes les personnes qui ont été expulsées de leur logement ou qui sont sans-abri (après enquête sur les ressources, il va de soi), va être examinée.

Les CPAS seront contactés à ce sujet.

En conclusion, c'est dans le respect des compétences respectives telles qu'établies par les lois de réformes institutionnelles, qu'il appartient d'apporter des solutions aux problèmes évoqués.