(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
L'Union européenne négocie depuis un certain temps avec la république d'Afrique du Sud au sujet de la création d'une zone de libre-échange. Les représentants de l'UE ont à cet égard un mandat strict qui ne leur permet que de tenir compte dans une faible mesure de la situation socio-économique particulière de l'Afrique australe.
Selon certains observateurs, l'Union européenne ne tient pas suffisamment compte du programme de reconstruction et de développement de l'Afrique du Sud et de la situation socio-économique des pays voisins de cette dernière, à savoir la Namibie, le Botswana, le Lesotho et le Swaziland.
C'est pourquoi j'aimerais que l'honorable ministre réponde aux questions suivantes :
1. Au cours des divers Conseils des ministres du Commerce extérieur, la Belgique, en tant qu'État membre de l'Union europénne, a-t-elle insisté :
a) Pour que les dispositions injustes et discriminatoires qui frappent les exportations sud-africaines vers l'Union européenne soient levées ? Sinon, quels arguments a-t-on avancés pour justifier l'existence de ces mesures discriminatoires ?
b) Sur la nécessité de prendre des mesures en vue de faciliter considérablement l'accès des produits sud-africains au marché européen. Sinon, pourquoi la Belgique n'introduit-elle pas de recours contre ces entraves commerciales érigées par l'UE contre les produits sud-africains ?
2. La Belgique est-elle disposée, en tant que membre de l'Union européenne, à élaborer, dans la perspective du prochain Conseil des ministres européens du Commerce extérieur, une proposition demandant que le mandat des négociateurs européens soit adapté compte tenu des points suivants :
a) Le report provisoire de la suppression réciproque des prélèvements tarifaires, pour essayer de prévenir la dislocation du système socio-économique en Afrique du Sud;
b) L'ouverture du marché européen à un nombre de produits sud-africains supérieur à ce qu'exige le respect du principe de réciprocité;
c) L'acceptation de la perception, par l'Afrique du Sud, de taxes à l'importation des produits agricoles européens subventionnés destinées à compenser les effets de la désorganisation du secteur agricole en Afrique australe ou à prévenir cette désorganisation;
d) L'octroi, à la Namibie, au Botswana, au Lesotho et au Swaziland, de compensations financières pour les inconvénients qu'entraîne la création d'une zone de libre-échange entre l'UE et la RAS;
e) La révision de la liste des produits sud-africains soumis à des prélèvements tarifaires ou autres par l'Union européenne.
Réponse : 1. J'ai l'honneur de faire part à l'honorable membre que la Belgique est favorable à la redéfinition des relations de l'UE prises dans leur globalité avec l'Afrique du Sud. Par ladite redéfinition, l'UE entend appuyer les efforts visant à consolider les bases économiques et sociales de la nouvelle Afrique du Sud. La Belgique s'est, dès le début, prononcée pour l'ouverture rapide de négociations, un démantèlement tarifaire asymétrique en faveur de l'Afrique du Sud ainsi que pour la prise en compte des contraintes spécifiques liées aux processus d'intégration régionale de l'ensemble de l'Afrique australe. L'élaboration du mandat de négociation au sein du Conseil a été malaisé en raison d'intérêts et priorités quelque peu divergents de plusieurs États membres. L'honorable membre voudra bien noter au passage que la matière dont il est question est traitée par le Conseil Affaires générales.
2. La question de l'honorable membre reflète largement les critiques formulées dans un récent rapport parlementaire sud-africain à l'encontre de la négociation d'un accord de libre-échange entre l'UE et l'Afrique du Sud.
Je souhaiterais ici rappeler que seules deux commissions parlementaires sud-africaines se sont exprimées, et dans un sens critique comme je viens de le mentionner, sur le contenu du mandat du Conseil de la Commission européenne. À l'heure qu'il est, une réaction officielle du gouvernement sud-africain audit mandat se fait toujours attendre. Il importe en tout cas de noter que la négociation n'a pas encore commencé.
3. Ceci dit, les négociations avec l'Afrique du Sud se déroulent techniquement sur deux plans. Le premier concerne une adhésion partielle de l'Afrique du Sud à la Convention de Lomé. Cette adhésion serait partielle en ce qu'elle excluerait les relations commerciales mais offrirait à l'Afrique du Sud tous les avantages concédés dans d'autres domaines par l'UE à ses partenaires ACP, en matière de coopération au développement et d'accès aux adjudications publiques notamment. L'adhésion en question consacrerait la reconnaissance de la double nature de l'économie sud-africaine, qui est par certains aspects celle d'un pays en développement et par d'autres celle d'un pays développé.
Le deuxième de ces plans implique à terme la conclusion d'un accord commercial destiné à mettre en place une zone de libre-échange sur une période de 10 ans, avec une asymétrie dans le démantèlement tarifaire en faveur de l'Afrique du Sud. C'est la Commission qui sera chargée de négocier au nom de l'Union européenne avec l'Afrique du Sud. À cette fin, le Conseil a dû octroyer un mandat à la Commission. La Belgique a oeuvré de façon constructive tout au long des travaux visant à l'élaboration du mandat de la Commission. Notre position a été comme on l'a dit plus ouverte que la majorité des États membres, lesquels ont demandé l'exclusion de nombreux produits lors de la négociation.
4. Je me dois aussi de faire observer qu'il y a lieu de tenir compte des conditions imposées par le Conseil lors de la négociation de nouvelles zones de libre-échange. De manière à maintenir la cohérence de la politique commerciale de l'union il faut s'assurer que les nouveaux accords commerciaux soient compatibles avec les prescriptions de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et mesurer leur impact sur les accords préférentiels existants et les politiques internes de l'Union, spécialement la politique agricole commune. Des études d'impact ont été effectuées à cet effet par la Commission. La Belgique y attache beaucoup d'importance. De leur côté, les États membres du Sud en particulier demandent la protection de certains produits agricoles au titre de la préférence communautaire. C'est pourquoi il n'a pas été possible de prévoir, spécialement pour les produits agricoles, le libre-accès total au marché communautaire, comme il n'est pas possible de donner tout de suite le libre-accès total des produits européens sur le marché sud-africain, alors que notre industrie le souhaite.
Pour les produits industriels, notre marché est largement ouvert dès l'entrée en vigueur de l'accord sauf pour les produits CECA considérés comme sensibles.
Enfin, nous ne pouvons négliger nos intérêts économiques légitimes dans la mesure où les secteurs concurrentiels de l'économie sud-africaine pourraient porter atteinte aux positions de nos entreprises et donc, le cas échéant, à la situation de l'emploi dans notre pays.
5. La nécessaire préoccupation pour les intérêts des pays voisins de l'Afrique du Sud a par ailleurs toujours été démontrée par la Belgique. Nous consentons depuis longtemps des efforts appréciés pour leur développement, lui-même pièce maîtresse du processus d'intégration régionale en cours dans l'ensemble de l'Afrique australe. Cette contribution, la Belgique la met en oeuvre par l'entremise de l'AGCD qui finance, dans le cadre de la Southern African Development Community (SADC) ou bilatéralement, de nombreux projets de coopération au développement dans cette région.
6. Quant à la question 2 posée par l'honorable membre, je ne crois pas qu'il faille un mandat complémentaire, vu que le mandat commercial actuel repose sur une méthodologie spéciale en laissant une flexibilité appréciable à la Commission, tout en obligeant celle-ci à négocier en coordination avec le groupe « ad-hoc » du Conseil et à lui rendre compte régulièrement. Ce mandat a été mis au point au terme de discussions particulièrement difficiles. Il s'agit donc d'un compromis laborieusement atteint qu'il serait contre-productif de remettre en question, au risque de retarder considérablement voire de compromettre tout à fait le projet d'accord de libre-échange avec l'Afrique du Sud.
7. Quant aux questions 2 a) et b) , le démantèlement prévu par les directives de négociation est comme on l'a dit asymétrique en faveur de l'Afrique du Sud, ce qui signifie que l'Union renonce à une stricte réciprocité.
8. La question 2 d) m'amène à répondre à l'honorable membre que la Belgique, tout comme l'ensemble de ses partenaires au sein de l'UE ainsi que la Commission, est très consciente du problème posé par d'éventuelles conséquences négatives d'un accord de libre-échange entre l'UE et l'Afrique du Sud pour les pays associés à l'Afrique du Sud dans la « Southern Africa Customs Unions » (SACU), à savoir (Botswana, Lesotho, Namibie et Swaziland appelés pays BLNS). Cette question a fait l'objet récemment d'une étude d'impact de la Commission. Il ressort que les situations de concurrence entre les produits sud-africains susceptibles d'être libéralisés et les produits originaires des ACP parmi eux, les pays d'Afrique australe seraient assez rares. D'autre part, l'étude montre que l'accord avec l'Afrique du Sud faciliterait l'accès des pays BLNS et des autres pays du South African Development Council (SADC) au marché européen, dans la mesure où la libéralisation en cours dans l'ensemble des pays de l'Afrique australe leur permettrait de disposer avec le territoire sud-africain d'une base de réexportation intéressante vers l'UE. On s'attend, enfin, à ce que les pays de la SADC tirent argument de l'accord de libre-échange euro-sud-africain pour obtenir une amélioration de leur accès au marché sud-africain en revendiquant des concessions tarifaires de l'Afrique du Sud en leur faveur (ces questions font déjà l'objet de discussions dans le cadre des négociations en cours pour un protocole commercial de la SADC).
Par ailleurs, une renégociation du Traité SACU, auquel font partie l'ensemble des pays BLNS avec l'Afrique du Sud, est en cours à l'heure actuelle. Cette renégociation se trouve bloquée, entre autres sur la formule de redistribution des recettes douanières communes. Il découle de ce qui précède que la question d'éventuelles compensations financières au bénéfice des pays BLNS ne semble pas devoir se poser pour le moment.