(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
L'an passé, un certain nombre de femmes belges se sont mariées au Pakistan avec des Pakistanais. Ces derniers souhaitent venir en Belgique pour s'y établir avec leur épouse belge. Pour être autorisés à séjourner dans notre pays sur la base de leur lien matrimonial avec une femme belge, ils doivent fournir à l'Office des étrangers plusieurs documents, parmi lesquels un acte de mariage légalisé. Cette légalisation de l'acte doit être faite par l'ambassade belge, dans le cas présent celle d'Islamabad.
Le responsable de l'ambassade, en l'occurrence le consul, ne peut refuser cette légalisation que si les documents se révèlent faux. Il n'a pas à juger s'il s'agit d'un mariage blanc ou non. S'il soupçonne que tel est le cas, il peut simplement le signaler aux instances compétentes.
Il s'avère pourtant que le consul refuse systématiquement de légaliser des actes de mariage authentiques, sans doute parce qu'il estime qu'il s'agit de mariages positifs. Il ne donne aucune explication aux intéressés sur la raison pour laquelle il n'accepte pas ces documents. Nous connaissons en tout cas trois affaires distinctes, mais qui ont fait la même expérience avec l'ambassade belge à Islamabad. Ces personnes sont séparées de leur conjoint depuis près d'un an à cause de la mauvaise volonté du consul.
L'honorable ministre peut-il me dire si l'ambassadeur ou son représentant a le droit de ne pas légaliser un acte de mariage authentique lorsqu'il soupçonne l'existence d'un mariage blanc ?
Est-il au courant des problèmes que posent les contacts entre des Belges et l'ambassade d'Islamabad ?
Quelles démarches l'honorable ministre fera-t-il pour mettre fin à l'excès de pouvoir éventuel du consul et au défaut de communication avec les intéressés ?
Réponse : En raison du grand nombre de faux documents pakistanais soumis pour légalisation à notre ambassade à Islamabad, et qui sont introduits parfois dans un contexte frauduleux en Belgique, l'ambassade a créé, depuis novembre 1993, un système d'enquête administrative visant à vérifier l'authenticité de la forme et du contenu des documents pakistanais. Notre ambassade s'est ainsi alignée sur l'exemple d'autres ambassades occidentales à Islamabad, qui ont une expérience identique de lutte contre la fraude documentaire et désirent combattre la traite humaine de manière active. Citons notamment les ambassades d'Allemagne, d'Autriche, du Danemark, d'Italie, des Pays-Bas et de Suisse. Une enquête menée par les ambassades des pays UE à Islamabad a effectivement révélé que plus de 96 p.c. des documents soumis pour légalisation n'étaient pas authentiques.
A. Types de documents faisant l'objet d'une enquête administrative
Tous les documents pakistanais destinés à être légalisés par cette ambassade font l'objet d'une enquête administrative minutieuse qui précède leur légalisation éventuelle. Il s'agit essentiellement de pièces d'état civil, telles que des actes de naissance, de décès, de mariage, ou de divorce. L'objectif visé par la légalisation de ces pièces varie selon les cas : visa de regroupement familial suite à mariage, régularisation du séjour en Belgique, ou encore introduction d'un dossier de nationalisation. L'ambassade de Belgique à Islamabad gère quelque 500 dossiers de légalisation.
B. Procédure
Sur production des documents à légaliser, le requérant verse une somme de 100 000 PKR (soit environ 8 400 francs selon le taux de change actuel) au compte de l'ambassade. Cette somme correspond aux honoraires du conseiller juridique chargé par l'ambassade de vérifier l'authenticité des documents présentés. Le requérant obtient alors un reçu officiel, dûment daté, qui porte également le numéro de son dossier. La somme versée à l'ambassade est immédiatement transférée sur un compte ouvert à la « Grindlays Bank » d'Islamabad au nom du conseiller juridique; ce compte est non producteur d'intérêts. Il convient de noter que cette somme correspond à celles demandées par d'autres ambassades à Islamabad pour des contrôles semblables.
L'enquête proprement dite dure en général entre un et trois mois, selon le degré de difficulté, les distances à l'intérieur du pays, la coopération du (des) requérant(s) et les autorités locales, etc.
Si l'enquête détermine que les documents présentés sont authentiques, il sont alors d'office légalisés par l'ambassade et remis au requérant. Par ailleurs, une copie du document legalisé est envoyée par valise diplomatique aux instances belges concernées (Office des étrangers du ministère de l'Intérieur, Service légalisation du ministère des Affaires étrangères, etc).
Si l'enquête montre, en revanche, qu'un ou plusieurs documents sont faux ou falsifiés, cette ambassade en informe dès que possible les instances belges concernées. Outre les services des ministères de l'Intérieur ou des Affaires étrangères, l'ambassade en mettra également au courant la gendarmerie et le procureur du Roi, qui, dans le cadre de la lutte contre la traite humaine, peuvent agir contre les falsificateurs ou contre leurs complices en Belgique.
L'ambassade est habilitée, sur la base notamment de la circulaire des ministres de la Justice et de l'Intérieur publiée au Moniteur belge du 7 juillet 1994, à signaler pourquoi elle estime ne pas pouvoir procéder à la légalisation demandée.
Il revient toutefois à l'instance concernée à Bruxelles de décider, en tenant compte des résultats de l'enquête, s'il faut procéder ou non à rendre le service demandé. Si cette instance rejette le dossier et que, par exemple, l'ambassade ne reçoit pas l'autorisation de l'Office des étrangers de délivrer un visa de regroupement familial, le requérant en est informé.
L'assertion que l'ambassade à Islamabad refuse systématiquement de légaliser de vrais mariages, est d'ailleurs sans fondement. Elle est contestée par les statistiques indiquant que le 24 juin 1996, 70 des 435 dossiers de mariage introduits ont été légalisés.
En cas de fraude, il peut s'écouler six mois ou plus entre le moment où le requérant a présenté ses documents (faux ou falsifiés) et le moment où il est informé de la décision prise. Aux deux à trois mois d'enquête à Islamabad, il faut en effet ajouter encore trois mois avant que soit communiquée la décision définitive de Belgique. J'aurais voulu apprendre de l'honorable membre quels sont les trois cas de « légalisations refusées » auxquels il réfère. Je suis évidemment disposé à donner des explications directes à propos du traitement des cas en question si l'honorable membre réfère à des dossiers spécifiques.
C. Remarque concernant les mariages internationaux
Le Pakistan s'est bâti une fâcheuse réputation en matière de mariages de convenance. Le scénario est connu : une femme occidentale, souvent de bonne foi, scelle une alliance avec un homme pakistanais ayant résidé en Europe auparavant mais dont le séjour n'a pu être régularisé. Il s'agit généralement d'une candidature refusée pour obtenir le statut de réfugié politique, d'une personne illégale ou d'une victime de la traite humaine.
L'homme réside au Pakistan ou comme certains dossiers ont révélé encore récemment temporairement au Royaume-Uni; il épouse une femme jouissant d'un droit de résidence en Belgique, afin de divorcer dès que son propre droit au séjour en Belgique a été assuré.
Le plus souvent, ce mariage est entaché d'irrégularités en droit pakistanais.
Il est également possible que, d'une part, l'acte de mariage soumis présente des fautes formelles et que, d'autre part, il existe une présomption que l'acte relève d'un mariage de convenance. Ainsi, certains pourraient avoir l'impression à tort que la légalisation est refusée parce qu'il s'agit d'un mariage de convenance, la véritable raison étant que l'acte n'est pas authentique.
Le système spécial d'enquête administrative permet actuellement de détecter les irrégularités à temps et d'habiliter notre ambassade à refuser formellement la légalisation. En outre, les expériences récentes de l'ambassade montrent que l'introduction de cette procédure de contrôle sévère, si peu populaire qu'elle soit auprès des requérants de visa de mauvaise foi, commence à porter ses fruits.
Cette procédure sévère constitue donc un élément important dans la lutte contre la traite humaine.
D. Action entreprise pour améliorer l'information et le service à l'égard du public
Dans ce dossier, le ministère des Affaires étrangères se voit confronté à un double défi. D'une part, il lui faut mener la lutte contre la traite humaine de main dure. D'autre part, le public demande, à raison, une bonne information et un traitement rapide des dossiers.
Il a donc été décidé d'augmenter l'effectif du service visa de l'ambassade à Islamabad pour que ce service puisse encore mieux accomplir sa tâche. En outre, des initiatives d'information seront prises visant les intéressés ainsi que les instances concernées par cette problématique.