(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Récemment, le problème du travail des enfants a bénéficié d'un regain d'intérêt inopiné, lorsqu'on a appris que les ballons destinés à l'Euro 96 avaient été cousus par des centaines d'enfants pakistanais. L'opinion publique en a été choquée.
Un rapport de l'OIT révèle des chiffres stupéfiants. Selon les statistiques, 73 millions d'enfants entre 10 et 14 ans travailleraient pour un salaire de misère. Cependant, d'après les estimations, le nombre d'enfants soumis au travail forcé s'élèverait facilement à 100 millions.
Nous savions que le travail des enfants avait cours en Afrique et en Asie, mais actuellement, il est de plus en plus question de pratiques de ce genre dans les pays de l'ancien bloc de l'Est. De même, dans les pays occidentaux industrialisés, en raison des exigences toujours plus grandes du processus économique en matière de flexibilité, les enfants mis au travail seraient de plus en plus nombreux.
Au cours d'une récente réunion de l'OIT à Genève, un appel général a été lancé pour lutter par tous les moyens contre ces pratiques.
L'honorable ministre a-t-il déjà fait quelque chose pour prêter l'oreille à cet appel ? Si ce n'est pas le cas, quelle mesure éventuelle va-t-il proposer ou prendre ?
Est-il possible d'oeuvrer au niveau européen à une généralisation des règles telles que la scolarité obligatoire, afin de lutter contre le travail des enfants ?
L'honorable ministre tient-il compte de ces problèmes lors de ses contacts à l'étranger ? Dans quelle mesure de telles pratiques pèsent-elles sur la décision de conclure ou non certaines conventions, ... ?
Réponse : 1. Le travail des enfants est un problème particulièrement préoccupant en raison du nombre très élevé des enfants concernés et des conséquences négatives que ce travail a très souvent sur le développement personnel de l'enfant et sur le développement économique et social des pays.
2. La dimension quantitative du travail des enfants est mal connue du fait que les bases statistiques fiables qui permettraient de le déterminer manquent très souvent. D'après les enquêtes menées dans diverses parties du monde, il ressort que des millions d'enfants sont mis au travail aujourd'hui. Ceux-ci vivent, dans leur grande majorité, dans les régions en développement, où l'on estime qu'en moyenne un enfant sur cinq ou sur trois selon la région est économiquement actif.
Dans les pays développés, le travail des enfants existe encore même si les conditions dans lesquelles il se pratique sont moins fréquemment qu'ailleurs caractérisées par l'exploitation économique ou par l'exposition à des conditions de travail dangereuses.
Selon certains experts, la proportion d'enfants qui travaillent en Afrique et en Amérique latine aurait augmenté au cours de ces quinze dernières années sous l'effet de facteurs qui seraient susceptibles d'encourager la main-d'oeuvre enfantine. On estime également qu'il y a eu une forte recrudescence du travail des enfants dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale à la suite des difficultés liées à la transition rapide d'une économie planifiée vers une économie de marché.
3. Le problème du travail des enfants se pose également et surtout en termes de risques et d'abus auxquels ceux-ci sont exposés sur leurs lieux de travail. De nombreux enfants sont mis très jeunes au travail. Le plus souvent, leur activité est permanente, ce qui les empêche de fréquenter les écoles pour autant qu'elles existent.
De plus, trop nombreux sont les enfants qui travaillent dans des conditions qui portent gravement atteinte à leur dignité et à leur développement physique et affectif. La servitude pour dettes, le trafic d'enfants à des fins d'emploi ou de prostitution et les graves sévices exercés sur des enfants de la rue, voire leur assassinat, sont autant d'exactions qui ont été dénoncées avec vigueur dans divers forums internationaux et notamment par la Commission des droits de l'homme. La Belgique y est par ailleurs coauteur ou coparrain de résolutions qui sont adoptées dans cette enceinte sur ces diverses questions. Notre pays y plaide également pour une application intégrale par les États des dispositions de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant.
4. Faire disparaître toute forme de travail des enfants dans le court terme n'est pas envisageable pour de nombreux pays en raison de l'ampleur de la question et des moyens limités dont ils disposent. Il n'en demeure pas moins que des priorités doivent être tracées dès à présent comme celle de combattre les formes les plus intolérables de travail qui constituent une véritable atteinte aux droits élémentaires des enfants comme le travail forcé, la servitude pour dette et la prostitution ainsi que celles qui comportent des risques particulièrement graves pour leur santé ou leur sécurité.
5. L'élimination progressive du travail des enfants implique la participation et l'action concertée de divers intervenants : les États, les organisations ou agences spécialisées des Nations Unies et les organisations non gouvernementales qui mènent des campagnes dans ce sens et disposent à ce titre de notre appui.
Outre des mesures immédiates visant à mettre fin sans retard aux formes les plus intolérables de travail des enfants, il revient aux États concernés, avec l'aide de la coopération internationale, de développer des volets d'interventions à plus long terme qui visent à agir sur les causes profondes du travail des enfants, à promouvoir une croissance économique harmonieuse qui se soucie davantage du sort des couches les plus démunies de la population, facilitant leur accès à des emplois productifs et suffisamment rémunérateurs et contribuant ainsi à réduire la nécessité économique du travail des enfants. Il est également nécessaire pour ces pays d'accroître sensiblement leurs investissements dans les services d'éducation de base qui constituent autant d'éléments centraux pour réduire sensiblement le travail des enfants.
6. Lors de la 83e session de la Conférence internationale du travail (OIT) qui s'est tenue en juin dernier, la Belgique a soutenu une résolution consacrée aux formes d'exploitation du travail des enfants.
Elle a encouragé, en particulier, le Bureau international du travail à poursuivre ses travaux en la matière en prévision notamment de l'adoption d'une nouvelle convention internationale du travail prévue en 1998 qui vise à condamner les formes les plus intolérables d'exploitation des enfants.
La Belgique considère que ces travaux ne remettent pas en cause l'importance de la convention nº 138 de l'OIT qui fixe un âge minimum pour le travail des enfants. Elle estime, comme beaucoup d'autres pays, que cette convention, comme l'a par ailleurs confirmé le Sommet mondial sur le développement social, figure parmi les cinq instruments juridiques de base de l'OIT et peut servir de point d'appui pour toute démarche qui viserait à insérer une clause sociale appropriée dans les conventions commerciales internationales.