Questions et Réponses

Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996


Bulletin 1-12

12 MARS 1996

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires sociales

Question nº 43 de M. Anciaux du 22 décembre 1995 (N.) :
Conventions de revalidation de l'INAMI. ­ « De Sleutel ».

Le centre d'accueil « De Sleutel » est un réseau d'aide aux drogués qui fonctionne bien, mais qui connaît actuellement de graves difficultés. Si le gouvernement met ses projets à exécution, le centre sera contraint de licencier 26 collaborateurs et de supprimer plus de 1 000 places de traitement. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a décidé d'affecter les moyens prévus dans le cadre de son plan en dix points à de nouveaux établissements publics dont une partie doit encore être créée (les CAMS). Il s'ensuit que certains établissements privés qui fonctionnent bien, et dont la bonne qualité est établie depuis de nombreuses années, comme « De Sleutel », sont condamnés à la faillite. L'honorable ministre affirme que les CAMS rempliront une fonction différente de celle des centres comme le centre « De Sleutel ». Selon d'autres sources, cette affirmation est erronée et les CAMS proposeront une aide similaire au centre « De Sleutel ». Les CAMS seraient en outre superflus dans la mesure où les établissements privés existants remplissent déjà largement les missions dont ils seraient chargés.

L'honorable ministre peut-elle me dire si elle entend maintenir ces projets et, si oui, pourquoi ?

L'honorable ministre n'estime-t-elle pas que les mesures à prendre entraîneront un gaspillage de temps, d'argent et d'énergie, dans la mesure probable ou l'exécution des plans sonnera le glas de projets existants ?

Les CAMS répondent-ils réellement à un besoin ?

N'y aura-t-il pas double emploi en matière d'aide aux drogués si l'honorable ministre exécute ses plans ? Si oui, dans quels domaines ce double emploi se situera-t-il et quelles seront les villes concernées ?

Les organismes d'aide existants ont-ils été suffisamment associés à l'élaboration des plans du gouvernement ?

L'honorable ministre compte-t-elle associer plus étroitement, à l'avenir, à sa politique, les acteurs actuels de l'aide aux drogués ?

La création de deux structures d'aide, l'une publique et l'autre privée, ne nuira-t-elle pas à la fluidité qui est assurée actuellement par le centre « De Sleutel », lequel propose à la fois une aide ambulatoire et une aide résidentielle ?


Réponse : L'affirmation de l'honorable membre, selon laquelle le plan en dix points du gouvernement en matière de politique de la drogue (plan prévoyant entre autres la création d'un certain nombre de maisons d'accueil socio-sanitaires) a pour conséquence qu'un réseau d'aide aux toxicomanes qui fonctionne bien comme « De Sleutel » doit licencier du personnel, semble fortement exagérée.

En fait, « De Sleutel » (asbl Provincialaat der Broeders van Liefde ) insiste depuis quelques années pour que de nouvelles conventions de rééducation-INAMI soient conclues avec leurs différentes initiatives pour toxicomanes (2 communautés thérapeutiques, 1 centre de crise, 5 centres de jour). Ainsi, certaines initiatives qui disposent déjà d'une convention de rééducation-INAMI pourraient augmenter leur capacité; pour d'autres initiatives. Le traitement de toxicomanes pourrait pour la première fois être pris intégralement en charge par l'assurance soins de santé.

La procédure en vue de la conclusion de telles nouvelles conventions est en cours depuis un certain temps auprès des instances compétentes de l'INAMI. Comme le sait l'honorable membre, les conventions de rééducation fonctionnelle sont conclues par le comité de l'assurance soins de santé sur proposition du collège des médecins-directeurs. Le fait que ces dernières années ces instances n'ont effectivement pas conclu de nouvelles conventions avec « De Sleutel » et avec un certain nombre d'autres établissements pour toxicomanes est essentiellement dû aux difficultés budgétaires rencontrées ces dernières années par le secteur de la rééducation de l'INAMI.

Le « plan en dix points - toxicomanie » du gouvernement vise entre autres à porter remède à cette impasse budgétaire du secteur rééducation de l'INAMI. Ainsi, les initiatives gouvernementales ont permis pour 1996, de dégager 500 millions de francs dans les objectifs budgétaires approuvés par le conseil général (du service des soins de santé) et le comité de l'assurance en vue de la conclusion de conventions de rééducation avec les établissements pour toxicomanes. De ce fait, à présent les instances compétentes du service des soins de santé de l'INAMI disposent enfin des moyens nécessaires à la conclusion de nouvelles conventions, entre autres avec différentes initiatives de « De Sleutel ». Comme il a été dit, « De Sleutel » attend cela depuis longtemps. Dans le cadre des nouvelles conventions à conclure avec « De Sleutel », quelques dizaines de membres du personnel pourront vraisemblablement être engagés en supplément par rapport à l'occupation dans le cadre des conventions actuelles.

Si « De Sleutel » prétend devoir licencier du personnel, cela est essentiellement dû à l'absence de nouvelles conventions de rééducation, dont « De Sleutel » espérait la conclusion encore en 1995. En effet, au cours des années précédentes, « De Sleutel » a créé, de sa propre initiative, différents nouveaux établissements pour toxicomanes (surtout des centres ambulatoires) sans qu'un financement adéquat soit disponible. « De Sleutel » n'est apparemment plus disposé à supporter les pertes financières qui en découlent, d'où les licenciements. Les nouvelles conventions que l'on attend, avec certaines initiatives de « De Sleutel », pourraient toutefois changer cette situation à court terme.

Par ailleurs, l'honorable membre exprime la crainte que les moyens supplémentaires pour la rééducation de toxicomanes soient quasi exclusivement consacrés aux maisons d'accueil socio-sanitaires (MASS), ce qui impliquerait qu'il n'y aurait plus de marge budgétaire pour les initiatives de « De Sleutel ». En effet, le plan en dix points du gouvernement prévoit la création de telles MASS et il est demandé aux instances compétentes du service des soins de santé de l'INAMI d'assurer en partie le financement de ces centres au moyen de conventions de rééducation.

Les MASS doivent, dans l'optique du gouvernement, offrir, dans neuf villes importantes qui sont confrontées à une grave problématique de drogue, un accueil à bas seuil pour les toxicomanes : ces MASS différeront foncièrement des centres de jour ambulatoires de « De Sleutel », qui ne peuvent, il est vrai, pas être considérés comme des formes d'aide difficilement accessibles (comme par exemple, les communautés thérapeutiques) mais qui réclament quand même un plus grand engagement de la part des toxicomanes que les MASS, par exemple sur le plan de la durée et de la fréquence des contacts de rééducation fonctionnelle. Les MASS satisfont par conséquent à un besoin auquel il n'a pas été suffisamment répondu dans les centres existants, contrairement à ce que suppose l'honorable membre.

Le financement de ces MASS via des conventions de rééducation INAMI ne signifie en aucun cas qu'il n'y aura désormais plus d'espace pour d'autres nouvelles conventions dans le domaine de la rééducation de toxicomanes. Il est un fait qu'il est impossible d'accéder à toutes les demandes de conclusion de conventions de rééducation, introduites par les diverses instances. Le fait que « De Sleutel » a, depuis 1992, créé, de sa propre initiative, un certain nombre de centres ambulatoires pour toxicomanes ne constitue certainement pas en soi une raison suffisante pour affecter en priorité à ces centres les rares moyens disponibles pour l'aide aux toxicomanes. En effet, d'autres initiatives intéressantes attendent également un financement adéquat. Dans ce contexte, il appartient aux instances compétentes du service des soins de santé de l'INAMI de faire les choix de gestion inévitables. Le collège des médecins-directeurs institué auprès du service des soins de santé de l'INAMI s'en occupe actuellement. Il est possible qu'à la suite des décisions que doit prendre le collège précité, certains établissements de « De Sleutel » soient exclus. Si « De Sleutel » décide alors de fermer ces établissements, il s'agirait d'une décision de « De Sleutel » seul, tout comme « De Sleutel »a décidé de sa propre initiative de créer ces centres.

L'honorable membre se demande, en outre, si l'aide aux toxicomanes existante a suffisamment été associée au développement de la politique menée. La formule des conventions de rééducation offre certes dans ce domaine les garanties suffisantes : pour chaque convention, on tente autant que possible de tenir compte du caractère spécifique de l'établissement avec lequel elle a été conclue. Les établissements ont également largement l'occasion d'exposer le besoin auquel ils répondent et la formule de rééducation qui a été choisie au collège des médecins-directeurs et à l'administration du service des soins de santé. La large composition des organes compétents de l'INAMI, au sein desquels divers groupes sociaux sont représentés, offre également les garanties suffisantes dans ce domaine. Lors de l'élaboration de son « plan en dix points - toxicomanie », le gouvernement n'a pas pris ses décisions à l'aveuglette : des discussions ont été menées auparavant avec les différentes parties concernées.

Je partage par ailleurs le souci de l'honorable membre qui souhaite qu'il y ait une collaboration entre les différents établissements pour toxicomanes, qu'il s'agisse d'établissements publics ou d'initiatives privées. Dans l'intérêt des toxicomanes, l'identité du pouvoir organisateur de certains établissements n'a aucune importance. C'est pourquoi l'obligation de collaborer sera explicitement reprise dans les nouvelles conventions de rééducation.

Enfin, j'espère que les organes compétents du service des soins de santé de l'INAMI concluront dans les plus brefs délais de nouvelles conventions avec certains établissements pour toxicomanes afin d'offrir, dans l'intérêt des toxicomanes eux-mêmes et de la société, une aide équilibrée aux toxicomanes au niveau de la répartition géographique et de l'offre des formules de rééducation, aide dans laquelle différentes initiatives de « De Sleutel » méritent certainement une place.