Questions et Réponses

Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996


Bulletin 1-12

12 MARS 1996

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur

Question nº 52 de M. Anciaux du 24 novembre 1995 (N.) :
Lutte contre la traite de femmes dans la commune de Saint-Josse-ten-Noode.

Les situations inhumaines et humiliantes engendrées par la traite internationale de femmes constituent une forme d'esclavage que tout individu honnête et tout État de droit démocratique se doivent de combattre avec vigueur. Pourtant, nous nous apercevons que cette lutte n'est pas toujours efficace. Il ne faut pas négliger l'éventualité de corruption de fonctionnaires et de policiers. De plus, cette traite d'êtres humains est étroitement liée à la prostitution. Dans ce cadre, l'on rencontre parfois des situations inacceptables. De nombreuses informations nous indiquent que des activités de prostitution sont tolérées en grand nombre dans des immeubles appartenant à la société du logement de Saint-Josse-ten-Noode. Il est clair que l'incitation à la débauche et l'encouragement de la traite de femmes en séjour illégal ne sont en aucune façon combattus.

L'honorable ministre est-il au courant de cette situation ? Entreprendra-t-il des démarches en vue de procéder à une enquête approfondie ? Examinera-t-il si le corps de police locale est à ce sujet coupable de passivité à l'égard de pratiques illégales ? Quelles mesures seront envisagées en vue de mettre fin à ces situations inacceptables de traite de femmes dans des immeubles de cette société de logement ? L'honorable ministre peut-il dire si l'on connaît d'autres cas de traite de femmes dans des immeubles d'autres sociétés de logement ?


Réponse : Comme mesure politique contre l'éventuelle corruption de membres de la police communale, il a été créé un service de Contrôle interne auprès des corps de police, conformément aux recommandations de la commission parlementaire chargée de l'examen en matière de la traite des êtres humains. L'honorable membre retrouvera les modalités rélatives à la création et à l'élaboration de ces services dans la circulaire POL 48 du 6 juillet 1994 concernant l'instauration d'un service Contrôle interne auprès des corps de police communale (Moniteur belge du 7 juillet 1994) + Erratum du 1er décembre 1994 (Moniteur belge du 16 décembre 1994).

L'éventuelle tolérance par la police communale de l'incitation à la débauche et de l'encouragement de la traite des femmes en séjour illégal implique d'éventuels manquements en matière de l'exécution de tâches de police judiciaire, ce qui est du ressort du ministre de la Justice. Étant donné que, dans une acception plus large, il peut également s'agir de carences sur le plan d'un bon fonctionnement du corps de police en question, j'ai demandé au Comité permanent de contrôle des services de police, à la suite des affirmations avancées par l'honorable membre, d'engager une enquête à ce sujet.

Par la présente, je souhaite toutefois insister sur le fait que je n'ai aucune compétence en ce qui concerne les sociétés communales de logement, pour lesquelles l'honorable membre doit s'adresser, dans le cas présent, au président de la Région de Bruxelles-Capitale.

D'autre part, je suis en effet conscient de l'existence de différentes formes de traite d'êtres humains, notamment la traite de femmes en séjour illégal, liée plus particulièrement à la prostitution. Les nombreuses mesures et initiatives déjà prises à ce sujet en sont une preuve. C'est ainsi qu'au sein de l'office des Étrangers, il a été procédé à la création d'un bureau administratif de recherches. Ce bureau de recherches entretient des contacts très étroits avec la cellule centrale traite des êtres humains de l'état-major général de la gendarmerie. Toute plainte relative à la traite des êtres humains est centralisée et traitée par ce bureau et on y réserve une attention spéciale aux trois voies classiques couramment utilisées lors de la traite des êtres humains : la procédure d'asile, la procédure de visa et les mariages blancs ou les abus des institutions matrimoniales.

L'office des Étrangers a également obtenu plus de possibilités d'intervention, et ce grâce aux instruments légaux suivants :

1. Conformément à la circulaire du 7 juillet 1994 concernant la délivrance de titres de séjour et des autorisations d'occupation (permis de travail) à des étrangers(ères), victimes de la traite des êtres humains, il est possible de délivrer une déclaration d'arrivée à des personnes victimes de la traite des êtres humains s'ils introduisent une plainte ou une déclaration auprès des services compétents à condition que l'accompagnement par une organisation reconnue soit accepté et voulu, ou s'ils introduisent une plainte ou une déclaration contre leur exploiteur auprès d'un service de police ou d'un parquet.

2. Conformément à la loi du 1er juin 1993 imposant des sanctions aux employeurs occupant des étrangers en séjour illégal en Belgique, les amendes prévues à l'article 77, alinéas 1er et 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, ont été considérablement augmentées.

3. Conformément à la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine, il a été inséré un article 77bis dans la loi précitée du 15 décembre 1980. Cet article rend punissable :

« Quiconque contribue de quelque manière que ce soit, soit directement, soit par un intermédiaire, à permettre l'entrée ou le séjour d'un étranger dans le Royaume, et ce faisant :

1º Fait usage à l'égard de l'étranger, de façon directe ou indirecte, de manoeuvres frauduleuses, de violence, de menaces ou d'une forme quelconque de contrainte;

2º Ou abuse de la situation particulièrement vulnérable dans laquelle se trouve l'étranger en raison de sa situation administrative illégale ou précaire, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale. »

4. Conformément à la loi du 8 mars 1995 modifiant l'article 74/2 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement et y insérant un article 74/4bis nouveau, et à l'arrêté royal du 5 avril 1995 fixant les modalités de consignation et de paiement de l'amende administrative visée à l'article 74/4bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, des amendes administratives sont notamment imposées aux transporteurs, pour tout passager qu'ils transportent à destination de la Belgique, qui ne possède pas les documents exigés.