(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Dans son rapport « La menace silencieuse », la Croix-Rouge internationale affirme que la Bosnie-Herzégovine continue à être truffée de plus de 750 000 mines terrestres qui font chaque mois 35 victimes morts et blessés.
D'après l'étude sur la Bosnie, seul 1 % du territoire avait été déminé de façon satisfaisante en juillet de l'année passée. 80 % des victimes sont des citoyens ordinaires. La Croix-Rouge internationale craint que le nombre des victimes de mines n'augmente encore au cours des mois suivants, à cause du rapatriement des réfugiés. De plus, les mines fatales empêchent la reconstruction du pays, constituent un obstacle à la production de denrées alimentaires et engloutissent des moyens qui pourraient être utilisés à d'autres effets.
Aussi souhaiterais-je que l'honorable ministre réponde aux questions suivantes :
1. La Belgique accorde-t-elle une aide financière et/ou matérielle au déminage de la Bosnie-Herzégovine ?
2. Dans l'affirmative, quel montant la Belgique a-t-elle déjà versé ?
3. Le déminage est très lent et l'on aura dès lors besoin pendant encore plusieurs années d'aide (spécialistes). Dans quelle mesure la Belgique est-elle disposée à fournir cette aide ?
Réponse : L'honorable membre est prié de trouver ci-après la réponse à ses questions.
1. Le Service d'enlèvement et de destruction d'engins explosifs (SEDEE) est le seul organisme militaire belge qui fournit un appui en matière de déminage à l'étranger. Cet appui consiste principalement en la formation de démineurs locaux qui exécuteront eux-mêmes les activités de déminage sur le terrain. Les militaires belges ne sont pas mis en oeuvre pour le déminage effectif à grande échelle d'un pays étranger.
2. En Bosnie-Herzégovine, le déminage humanitaire est principalement exécuté par des firmes civiles autonomes et par des militaires indigènes, encadrés par des conseillers internationaux. Dans ce cas présent, le département de la Défense nationale ne fournit pas d'appui matériel. Au niveau belge, le ministère des Affaires étrangères contribue financièrement à cet effort de déminage. Pour de plus amples informations concernant cette aide, je me réfère à mon collègue des Affaires étrangères.
Question nº 147 de M. Anciaux de 2 mai 1996 (N.) :
Projets de thérapie destinée aux pédophiles.
Presque tous les experts s'accordent à dire que le taux de récidive atteint, en matière de pédophilie, un niveau inégalé. Le fait de devoir payer des amendes importantes ou de subir des peines d'emprisonnement assez longues n'a manifestement aucune influence et n'exerce absolument aucun effet dissuasif. S'il en est ainsi, il importe que l'on examine de quelle manière l'on peut réduire le nombre des délits sexuels.
Dans ce domaine, la Belgique a encore un énorme retard à combler, mais il semblerait que l'on soit en train de mettre au point, depuis quelques mois des thérapies efficaces.
L'honorable ministre peut-il me dire s'il est exact que le taux de récidive en matière de pédophilie et de crimes sexuels dépasse la moyenne générale ? L'honorable ministre partage-t-il l'avis selon lequel infliger des peines d'emprisonnement a peu de sens en l'espèce ? De quelle manière le ministre de la Justice et le monde judiciaire collaborent-ils à l'élaboration de peines et de thérapies alternatives ?
De quels résultats provisoires dispose-t-on en ce qui concerne ces peines alternatives ?
Réponse : Il n'existe pas d'étude scientifiquement décisive pouvant confirmer ou infirmer que le taux de récidive des délinquants sexuels serait on non plus élevé que celui connu à l'égard d'autres auteurs d'infractions. Bien que l'on observe des changements à cet égard, il est connu que le « chiffre noir » des cas non rapportés aux autorités judiciaires reste important d'une part en raison de ce que ce domaine a trait à l'intimité de la personne mais aussi parce qu'il s'agit souvent d'affaires qui se déroulent à l'intérieur des familles qui sont régulièrement peu désireuses d'en informer les autorités judiciaires.
Il est en outre important d'établir des sous-distinctions entre les types de délits et la personnalité de ceux qui les commettent. À titre d'exemple (cf. notamment les études de Hanson), les auteurs d'abus incestueux qui ne sont pas pédophiles récidivent rarement lorsque les faits ont été porté à la connaissance des autorités et que des mesures ont été prises. Le problème du chiffre noir explique aussi le fait qu'en ce domaine l'on tend davantage à développer une vision de la situation sous forme de gestion du risque, laquelle doit se baser, selon des auteurs tels Morris et Miller (Predictions of dangerousness . In M. Tonry et N. Morris, Crime and justice : An annual review of research, vol. 6, pp. 1-50; Chicago; Univ. Chicago Press , cité par M. Cunningham et T. Reidy, in Integrating base rate data in violence risk assessments at capital sentencing , Behavorial Sciences and the Law, 1998, 16, p. 73) sur l'anamnèse (considérer le comportement antérieur pour estimer le comportement futur dans des circonstances similaires), les calculs actuariels (tenir compte de la façon dont des personnes ayant le même profil social que la personne considérée se comportent pour prévoir comment celle-ci risque de se comporter dans le futur), la démarche clinique, plus qualitative (avoir recours à ses expériences de la vie, à sa capacité de raisonnement, aux diagnostics établis, etc.)
Selon les études actuarielles les plus récentes (cf. D. Doren, Recidivism base rates, predictions of sex offender recidivism, and the « sexual predator » commitment laws , Behavioral Sciences and the Law, 1998, 16, p. 108), les chiffres portant sur la récidive sexuelle à long terme, seraient de 52 % pour les agresseurs d'enfants extrafamiliaux et de 39 % pour les violeurs, la récidive des premiers s'étendant sur une très longue période au contraire de celle des seconds.
En présence de trois caractéristiques particulières chez les agresseurs sexuels d'enfants extrafamiliaux, à savoir le fait d'avoir eu des victimes de sexe masculin, avoir été préalablement déjà condamné et n'avoir jamais été marié, le taux de base de la récidive serait de 77 %, selon une étude de Hanson, Steffy et Gauthier (A comparison of child molesters and nonsexual criminals : Risk predictors and long-term recidivism. Journal of Research in Crime and Delinquency, 1995, 32, 325-337. Cité in Doren D. op. cit. p. 111).
Il va sans dire que l'approche actuarielle pose de sérieux problèmes d'éthique, même si de nombreux auteurs considèrent qu'elle est statistiquement plus fiable que la prédiction clinique (cf. M. Cunningham, op. cit. p. 72).
Sur le plan de la statistique, nous devons tout d'abord nous demander comment les statistiques officielles peuvent aborder la récidive. C'est la question de la différence entre récidive criminologique, retour et récidive légale.
Pour rappel, la récidive légale est définie par les articles 54 à 56 du Code pénal. Ces articles prévoient l'aggravation des peines lorsque :
a) une personne est condamnée à une peine criminelle après avoir déjà encouru une condamnation, passée en force de chose jugée, pour crime (crime sur crime);
b) une personne a commis un délit après avoir été condamnée à une peine criminelle (délit sur crime);
c) le condamné a commis le nouveau délit avant l'expiration de cinq ans depuis qu'il a subi ou prescrit sa peine, en cas de condamnation antérieure à un emprisonnement d'un an au moins pour un délit (délit sur délit).
La récidive légale ne suppose pas que la personne soit condamnée pour le même type d'infraction (par exemple : coups et blessures volontaires après une condamnation pour attentat à la pudeur).
En outre, la récidive légale n'opère pas de distinction entre récidive spécifique (répétition d'une même infraction) et récidive générale (répétition d'infraction de quelque nature que ce soit). Un taux de récidive légale ne doit pas être compris comme désignant le proportion des personnes ayant été à nouveau condamnées pour un acte délinquant similaire, par exemple la délinquance sexuelle.
Cette définition vise uniquement des condamnations prononcées par les juridictions belges et passées en force de chose jugée. Elle ne concerne par exemple pas les suspensions du prononcé de la condamnation ou toute autre décision pénale telle que l'internement. De plus elle s'applique aussi bien à des crimes qu'à des délits. Elle ne permet d'approcher les actes délinquants qu'en tant qu'infraction à une disposition légale précise.
La récidive légale s'écarte donc de la récidive criminologique qui est appréhendable en statistique officielle dans le sens du retour d'une personne dans le système pénal. D'où vient cette différence ?
Pour qu'une infraction apparaisse dans les comptes officiels, il est nécessaire que l'infraction soit constatée par la police ou renvoyée par un témoin ou une victime aux instances judiciaires et qu'elle soit enregistrée par celles-ci. L'auteur de l'infraction peut être appréhendé et traité de diverses manières par les agents du système pénal sans que l'action publique aboutisse nécessairement à une condamnation coulée en force de chose jugée.
Le retour désigne alors une deuxième (ou une énième) prise en charge d'un individu par le système pénal. La récidive légale peut caractériser ce retour, sans toutefois s'y assimiler car elle ne couvre qu'une partie limitée des retours. L'analyse de la récidive légale ne permet donc pas son extrapolation à la récidive criminologique.
La statistique de récidive légale met simplement en lumière le résultat de ce mécanisme d'aggravation des peines.
Le taux de récidive légale est le rapport entre les condamnations qui ont fait l'objet de ce mécanisme d'aggravation des peines et celles qui ne rencontraient pas ces critères d'aggravation.
Il paraît donc peu opportun d'aborder la récidive par le biais de la récidive légale. À titre d'indication, nous pouvons voir que le taux de récidive légale pour 1994 d'infractions à caractère sexuel comme le viol (3,2 %) ou l'attentat à la pudeur (1 %) est inférieur à celui d'infractions comme les coups et blessures volontaires (5,2 %), la violation de domicile (9,7 %), le vol avec violences ou menaces (10,4 %), l'abus de confiance (7,2 %) ou en matière de stupéfiants (9,7 %).
Des données sur le retour d'une personne dans le système pénal pourront être fournies à l'avenir lorsque le projet de statistiques intégrées sera réalisé.
Bien que séduisante, l'idée d'approcher le chiffre noir (délinquance qui serait inconnue du système pénal) par des études de délinquance auto-rapportée et de victimisation, comme cela a été évoqué ci-avant, n'est pas réaliste. En effet, chacune des deux méthodes pose des problèmes de fiabilité. La première se heurte principalement au problème de la rétention de l'information, phénomène qui peut varier selon le type de délit. La seconde ne porte que sur les infractions où quelqu'un peut s'estimer directement et individuellement victime du délit. Renée Zauberman (criminologue française, spécialiste en enquête de victimisation) a montré que l'utilité de cette dernière tenait dans l'exploration des comportements, des attentes et des attitudes des victimes. Enfin, comment pourrait-on affirmer connaître le chiffre noir qui, par définition, relève de l'inconnu ?
La récidive ne peut être approchée que par l'intervention d'acteurs (par exemple du champ pénal, médical ou social). La connaissance que l'on en a n'est donc pas indépendante de ces acteurs. Pour parvenir à soupeser sa consistance, aucune mesure unique, simple, objective et définitive n'est imaginable. Il convient alors de confronter les différentes approches et de distinguer l'apport des acteurs au niveau de la connaissance du phénomène, des modes d'intervention qu'ils privilégient. L'évaluation de l'action pénale ne peut pas porter uniquement sur un simple taux, puisque ce taux est modelé par l'action pénale elle-même.
Je ne partage pas l'avis selon lequel les peines de prison en ce domaine ont peu de sens. Selon les spécialistes, une association intelligente entre la peine et le traitement doit pouvoir être établie. En particulier dans le domaine de la perversion, la peine de prison garde pleinement son sens par le rappel de la loi (sens analytique) qu'elle impose. Le recours ou non à la peine est donc une question qui doit être débattue au cas par cas, en principe en se fondant sur le rapport d'expertise.
La loi du 13 avril 1995 a imposé un avis préalable à toute libération conditionnelle pour des faits d'abus sexuels commis à l'égard de mineurs ainsi qu'un suivi sous forme de guidance ou de thérapie dans un centre spécialisé que la nouvelle loi relative à la libération conditionnelle a encore mieux encadré. La loi du 10 février 1994 insérant notamment un article 216ter dans le Code d'instruction criminelle offre également, en son § 1er , alinéa 2, des possibilités sous forme de suivi thérapeutique.
Ainsi que précisé supra , le recours aux peines alternatives ne peut être systématique dépendant d'une série de facteurs que les magistrats ont à prendre en considération. Parmi les remarques formulées à l'encontre de la procédure prévue à l'article 216ter du Code d'instruction criminelle, figure le fait que sa durée d'un maximum de six mois est insuffisante pour traiter une problématique aussi complexe que celle qui a abouti à un passage à l'acte de nature sexuelle. Au sens criminologique du terme, la mesure peut néanmoins être considérée comme le début d'une prise de conscience et constituer une invitation ferme à entreprendre une démarche appelée à perdurer ultérieurement sous une forme autonome.