(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Selon plusieurs rapports dignes de foi émanant d'organisations internationales, des milliers de civils non armés sont victimes d'une sale guerre qui est en cours dans les provinces occidentales du Rwanda et la région limitrophe du Kivu.
Dans un rapport du 7 août dernier, les observateurs de la commission des droits de l'homme des Nations unies confirment qu'au cours d'opérations de ratissage de la région, 2 022 personnes au moins ont été tuées par l'A.P.R. (Armée patriotique rwandaise) dans la seule préfecture de Gisenyi pendant les mois de mai et juin (« cordon and search operations »). Ces opérations étaient la conséquence des attaques de groupes armés de l'ancienne armée rwandaise ou de milices Interhamwe. Dans une réponse à ce rapport, le gouvernement rwandais reconnaît que l'A.P.R. a abattu plus de 2 000 personnes en mai et juin, mais que 1 800 d'entre elles étaient armées et ont péri lors de combats. L'A.P.R. n'aurait tué « que » 200 à 300 civils.
Dans un communiqué officiel datant également du 7 août, l'organisation Amnesty International confirme qu'elle reçoit chaque jour des témoignagnes de massacres perpétrés par l'A.P.R., ayant fait de mai à juillet plus de 2 300 victimes parmi la population civile sans défense.
Human Rights Watch/Africa et la Fédération internationale des droits de l'homme ont à leur tour fait état de l'assassinat de centaines de civils par l'A.P.R. et par des groupes armés les 8, 9 et 10 août à Kanama, dans la province de Gisenyi. Dans la nuit du 22 août, le camp de Mudende, situé dans la préfecture de Gisenyi, près de la frontière congolaise, et abritant des réfugiés de la région de Masisi (nord Kivu), a été attaqué et plus de 130 personnes ont trouvé la mort. D'après les deux organismes précités, les meurtriers seraient venus du Congo et appartiendraient en majorité à l'ancienne armée rwandaise et aux milices Interhamwe.
Au Kivu se déroule le même scénario avec les mêmes protagonistes qu'au Rwanda. L'organisation américaine Physicians for Human Rights a écrit dans un rapport rendu public le 16 juillet que des militaires rwandais se sont livrés à des atrocités parmi la population civile dans l'est du Congo. De nombreux rapports et récits de témoins oculaires parlent de massacres de réfugiés hutus rwandais non armés et de Congolais autochtones.
Un autre rapport détaillé sur le Kivu d'après La Libre Belgique il émanerait d'une équipe envoyée par Kabila au Kivu donne une description de la destruction de villages et de tueries de villageois dans la région de Masisi (nord Kivu) par des soldats venant du Rwanda. Cette terreur date des mois de juillet et août et serait une riposte aux attaques de soldats Mayi-Mayi (combattants de divers groupes ethniques au Kivu) contre les militaires tutsis de l'Alliance de Kabila et contre les soldats rwandais.
Selon d'autres sources, 500 civils ont été tués à la fin de juillet par un contingent de mille hommes venant directement du Rwanda, dans la zone Fizi au sud Kivu, parce qu'ils ne voulaient pas désigner les cachettes de rebelles Simba (principalement Hutus burundais).
L'organisation américaine Physicians for Human Rights consacre une partie de son rapport au rôle que les États-Unis jouent au Rwanda. En se fondant sur les entretiens que ses représentants ont eus avec des fonctionnaires et militaires américains au Rwanda, l'organisation confirme que les « Special Forces » de l'armée américaine entraînent des militaires rwandais, et cela certainement déjà depuis le début de 1996. Le nombre de militaires américains présents au Rwanda varie depuis lors entre 12 et 100. La formation dispensée par les militaires américains serait étendue aux opérations antiguérilla et aux attaques ponctuelles ciblées par-delà les frontières. Le Pentagone a déclaré le 19 août devant la commission des Affaires étrangères du Congrès que le Rwanda bénéficie depuis 1996 d'un programme d'entraînement « combiné ». Dans ce cadre, des militaires rwandais ont été formés par des instructeurs américains à diverses techniques : commandement de petites unités, aptitudes tactiques, exercices au sol, tir, organisation et réalisation de campagnes médiatiques, déminage, etc.
C'est une sale guerre qui a lieu en ce moment dans l'ouest du Rwanda et au Kivu, prenant systématiquement et délibérement pour cible la population civile. Les règles humanitaires les plus élémentaires qui doivent protéger la population en temps de guerre sont constamment foulées aux pieds. Dans ce contexte, la présence d'instructeurs américains, qui forment les militaires rwandais aux techniques antiguérilla, évoque la période la plus noire de l'histoire récente de l'Amérique centrale. Un membre de la commission d'observation des droits de l'homme, ayant une longue expérience de l'Amérique latine, a confirmé récemment que les techniques appliquées au Rwanda occidental sont identiques à celles qui ont été utilisées au Guatemala dans les années 80. Comme les États-Unis s'érigent en champion des droits de l'homme dans le monde, l'aide inconditionnelle de ce pays à une armée qui est accusée de porter gravement atteinte aux droits de l'homme est incompréhensible.
L'honorable ministre est-il au courant de l'assistance militaire des États-Unis au Rwanda ? A-t-il connaissance de la sale guerre qui se livre dans l'ouest du Rwanda et au Kivu ? Est-il disposé à intervenir auprès de son homologue américain et/ou de l'ambassadeur des États-Unis pour demander de subordonner l'assistance militaire à l'armée rwandaise à la cessation des actes de violence perpétrés contre la population civile au Rwanda et au Kivu et à la poursuite judiciaire des officiers responsables ? Peut-il porter cette question devant les forums internationaux ? Quel est son point de vue et comment entend-il dénoncer l'engagement inquiétant et trouble des États-Unis en Afrique centrale ?
Réponse : Le caractère privilégié des relations des U.S.A. avec les pays de la sous-région et en particulier avec le Rwanda sont de notoriété publique depuis plusieurs années et les développements des crises récentes dans la Région des Grands Lacs témoignent du poids des États-Unis en Afrique centrale.
Les déclarations du Pentagone du 19 août 1997 ont rendu publiques les modalités de l'assistance militaire américaine au Rwanda.
Depuis le début de la crise du Kivu, la Belgique a développé d'intenses efforts diplomatiques auprès de la communauté internationale, entre autres auprès de ses partenaires américains, pour promouvoir une solution négociée au conflit et le respect des droits de l'homme, aussi bien ceux des réfugiés rwandais que ceux des populations zaïroises. Nos interventions en faveur d'une force multinationale neutre, pour laquelle nous avions dégagé des moyens financiers importants, ainsi que nos demandes d'exercer des pressions sur les belligérants notamment rwandais pour qu'ils adoptent une attitude de retenue et de respect des droits de l'homme, furent faites à tous les niveaux diplomatiques et politiques, y compris par moi-même, notamment auprès de l'ambassadeur des U.S.A. convoqué à cet effet, ou auprès des envoyés spéciaux et hauts fonctionnaires américains reçus au département.
La Belgique a demandé que le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l'homme, M. Garreton, soit envoyé dans l'est du Zaïre.
J'ai encore rappelé les préoccupations belges en la matière lors de mes entretiens bilatéraux aux U.S.A. à la fin du mois de septembre à New York en marge de la 52e session de l'Assemblée générale des Nations unies.
La situation dans le nord-ouest du Rwanda inspire les plus vives préoccupations à cause de la situation de guerre civile qui s'y développe. La Belgique a fourni fin 1996 une contribution au Centre des droits de l'homme des Nations unies à Genève pour financer le déploiement d'observateurs sur le terrain.