Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 1-66

SESSION DE 1997-1998

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur

Question nº 200 de M. Anciaux du 10 janvier 1997 (N.) :
Expulsion de personnes suspectées d'activités terroristes au sein du P.K.K., vers la Turquie.

Bruxelles a été le théâtre, le vendredi 29 novembre 1996, d'une vaste opération de contrôle ayant pour cible 21 boulangeries turques. Plusieurs infractions aux législations sociale, fiscale et pénale ont été constatées à cette occasion par l'inspection sociale de Bruxelles, l'inspection des impôts, le service de contrôle de la T.V.A. et les divers corps de police. Il appartient, certes, aux autorités de sanctionner les infractions, mais, ce qui me choque et me paraît être totalement inadmissible c'est que l'on ait expulsé de Belgique l'une des personnes arrêtées, un homme soupçonné d'activités terroristes pour le compte du P.K.K., par un avion à destination de la Turquie.

Je ne sais pas si l'honorable ministre lit les rapports sur les dérapages enregistrés en Turquie, mais ils indiquent que la torture est encore monnaie courante dans les prisons turques. Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits de l'homme ont déjà attiré l'attention de la Belgique et d'autres pays sur ce point. Il y a moins d'un mois, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui fait partie du Conseil de l'Europe, a confirmé l'existence de ces pratiques inquiétantes. En visitant plusieurs prisons turques, le comité a constaté un recours massif à la torture et a même trouvé du matériel de pendaison ainsi que des instruments permettant d'administrer des électrochocs aux prisonniers.

J'aimerais, dès lors, que l'honorable ministre réponde aux questions suivantes :

1. Quels étaient les indices permettant de conclure à l'implication de l'homme expulsé vers la Turquie dans des activités terroristes du P.K.K. ? Quels sont les éléments qui fondent ses présomptions ? Celles-ci sont-elles basées sur des informations recueillies par les services de police belges ou sur des informations fournies par les autorités turques ?

2. L'honorable ministre a-t-il une idée de la situation actuelle de l'intéressé ? Est-il emprisonné ?

3. L'honorable ministre peut-il garantir que l'intéressé n'a pas été ou ne sera pas torturé ? Sait-il si l'intéressé est encore en vie ? Sait-il si sa vie est en danger ?

4. Pourquoi l'honorable ministre livre-t-il une personne qui est suspectée de sympathies pour la cause kurde, à un régime qui combat ouvertement les Kurdes par la violence ? Parvient-il à mettre l'extradition d'une personne vers un État réputé pour ses pratiques de tortures, en accord avec sa conscience ?

5. Puis-je conclure que, pour l'honorable ministre, la Turquie respecte les droits de l'homme, et ce, même si les rapports internationaux affirment le contraire ?

6. Les personnes dont il est prouvé qu'elles sont liées à l'organisation terroriste G.I.A. ne sont pas livrées à l'Algérie, parce que l'on sait que ce pays ne se préoccupe guère des droits de l'homme des opposants politiques. Pourquoi l'honorable ministre ne mène-t-il pas une politique similaire à l'égard de la Turquie ?

Réponse : J'ai l'honneur de communiquer à l'honorable membre les informations suivantes.

1. De toutes les personnes qui ont été arrêtées lors du contrôle d'un certain nombre de boulangeries turques, une personne qui avait affirmé lors de sa demande d'asile avoir des sympathies pour le P.K.K., fut éloignée. Cette personne avait introduit une demande d'asile fin 1994. Cette demande d'asile avait été traitée rapidement et refusée comme étant irrecevable et manifestement sans fondement. Après cette décision, l'intéressé a demandé début 1996 un départ volontaire. De cela, on pouvait conclure que l'intéressé, par son retour, ne risquait aucun danger et qu'il pouvait être éloigné.

2 et 3. Dans la politique belge d'asile, le contrôle préventif est d'un intérêt crucial. La loi prévoit que, suite à une procédure d'asile dont le but est d'empêcher que des personnes qui seraient persécutées ou risqueraient des persécutions selon les critères prévus par la Convention de Genève, soient éloignées vers le pays où elles risquent ces persécutions.

4. Cette question est sans objet.

5 et 6. Aussi bien dans la politique d'asile que dans la politique d'éloignement, chaque dossier individuel fait l'objet d'une enquête. Au cas par cas, on contrôle si quelqu'un est persécuté ou risque ces persécutions selon les critères prévus par la Convention de Genève et si sa vie ou son intégrité physique est en danger. Ceci est d'un intérêt essentiel. Quand des personnes sont éloignées vers un pays déterminé, cela n'indique nullement que dans ce pays les droits de l'homme soient respectés.