(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Le Volkskrant signale qu'aux Pays-Bas les activités illégales rapportent annuellement 5 milliards de florins. Ce montant représente environ 1 % de l'ensemble de l'économie nationale. La principale de ces activités illégales est l'industrie de la drogue, qui assure un apport de revenus de 3 milliards de florins, suivie par la prostitution, qui prend elle 1 milliard pour son compte. Le jeu illégal représente 600 millions de florins et les plus petites activités telles que le recel, la contrefaçon d'articles de marque ou de software représentait une valeur de quelques centaines de millions de florins. Ces données ont été diffusées par le « Nederlandse Centraal Bureau voor de Statistiek » (C.B.S.). Lors de la détermination de ces montants, le C.B.S. s'est basé sur des données recueillies qu'il a ensuite traitées. Le C.B.S., dans ses calculs, fait une distinction entre les activités illégales et les activités au noir. Les activités illégales sont des activités en infraction avec la loi pénale tandis que les activités au noir sont des activités permettant d'éluder l'impôt et les primes. Une distinction stricte ne peut en pratique être faite étant donné que ce type d'activités coïncident souvent. Précédemment déjà, le C.B.S. estimait que le secteur du travail au noir était trois fois plus important que le secteur des activités illégales. En outre, le secteur du travail au noir, contrairement au secteur des activités illégales, était déjà inclus dans la détermination officielle de l'importance de l'économie néerlandaise. En 1999, il y aura du changement étant donné qu'à partir de ce moment-là, les membres de l'Union européenne devront intégrer dans leurs comptes nationaux le produit des activités illégales. Les Pays-Bas ont été le premier pays a avoir déjà publié une estimation de l'importance des activités illégales. Le C.B.S. a également estimé la valeur de la consommation privée de drogues dures et douces à 1,7 milliard de florins.
L'honorable ministre pourrait-il répondre aux questions suivantes :
1. À l'instar du C.B.S., serait-il possible de connaître l'importance présumée du flux de revenus dans notre pays provenant de l'industrie de la drogue, de la prostitution, des jeux illégaux, recel et copies d'articles de marque ou de software ? Quel pourcentage représente le montant global par rapport au total de l'économie belge ?
2. À combien s'élève en Belgique le montant de ce qu'on appelle les activités au noir qui permettent d'éluder les impôts et les primes ? Quel est le rapport en Belgique du travail au noir par rapport au secteur des activités illégales ?
3. Où en est la préparation afin d'intégrer en 1999 les activités illégales dans les comptes nationaux ?
4. À l'instar du C.B.S., peut-il communiquer la valeur de la consommation intérieure de drogues fortes et douces ?
Réponse : L'honorable membre voudra bien trouver ci-après la réponse aux questions posées.
Cadre légal
Depuis le 1er janvier 1995, la Banque nationale de Belgique (B.N.B.) établit les comptes nationaux de la Belgique pour le compte de l'Institut des comptes nationaux. Dans le cadre de ces activités, le produit national brut aux prix du marché (P.N.B.) est notamment calculé. Ces calculs se font conformément au système européen des comptes économiques publié en 1970, dont une version quelque peu adaptée est parue en 1979 (S.E.C.79). Depuis peu, un nouveau cadre a été élaboré pour la description systématique de l'économie : le système européen des comptes nationaux et régionaux (S.E.C.95). Ce nouveau système sera applicable dans tous les États membres à partir de 1999 (comptes 1998).
À partir du moment où les Communautés européennes allaient utiliser les comptes nationaux, et en particulier le P.N.B., pour fixer les contributions des États membres (par exemple la quatrième source des ressources propres, ressources T.V.A.) ou répartir les fonds européens parmi les États membres (fonds structurels), la nécessité de disposer d'un P.N.B. comparable et exhaustif pour tous les États membres s'est fait de plus en plus sentir. Ainsi, la Commission européenne a créé le cadre légal qui oblige les États membres à calculer un P.N.B. exhaustif.
Cette obligation est basée sur la directive 89/130/C.E.E., Euratom du Conseil, du 13 février 1989, relative à l'harmonisation de l'établissement du produit national brut aux prix du marché. Cette directive oblige les États membres à établir les comptes nationaux selon les définitions du S.E.C.79, de sorte que leur P.N.B. soit comparable. De plus, selon la directive P.N.B. susmentionnée, les sources et méthodes statistiques pour le calcul du P.N.B. ont été analysées, à la suite de quoi la Commission a émis certaines réserves concernant le P.N.B. des États membres, ce qui a eu pour conséquence que la Commission n'accepte pas le P.N.B. tant que ces réserves ne sont pas levées. Pour la Belgique, une de ces réserves porte sur l'exhaustivité du P.N.B.
L'obligation même de calculer un P.N.B. exhaustif a été concrétisée par la décision 94/168/C.E., Euratom de la Commission, du 22 février 1994, portant les mesures d'exécution de la directive 89/130/C.E.E., Euratom du Conseil relative à l'harmonisation de l'établissement du produit national brut aux prix du marché.
Une décision de la Commission qui doit encore être publiée prévoit que pour la Belgique, la réserve conernant l'exhaustivité doit être levée pour septembre 1998, c'est-à-dire toujours selon l'ancienne méthodologie du S.E.C.79.
Le P.N.B. exhaustif
La notion d'exhaustivité selon le concept S.E.C.79 implique que le P.N.B. doit couvrir les domaines d'observation suivants :
les activités légales autorisées des entreprises reprises au répertoire officiel des entreprises (le registre des entreprises actuellement utilisé n'est pas complet et l'on ne sait dans quelle mesure il correspond à la réalité);
l'extrapolation statistique pour les activités légales des entreprises qui ne sont pas reprises au répertoire officiel des entreprises (ce qui n'est naturellement pas nécessaire si ce répertoire est complet);
l'économie au noir, à savoir :
· les activités légales autorisées d'entreprises clandestines et de quasi-entreprises (par exemple les salariés qui effectuent des prestations pour leur propre compte en dehors de leurs heures de service);
· les activités non signalées (en vue d'éluder l'impôt) d'entreprises reprises au répertoire officiel des entreprises (par exemple fourniture de services sans facture).
Dans le S.E.C.95, la notion d'« économie au noir » est élargi à la notion « économie souterraine », qui outre l'économie au noir comprend également les activités productives illégales, par exemple des trafiquants de drogue, des tueurs à gages, des souteneurs, etc. Ainsi, selon le S.E.C.95, le P.N.B. doit également comprendre la valeur des activités illégales, afin de répondre à l'exigence d'exhaustivité.
En regard de l'exhaustivité, l'absence d'outils d'information adéquats ne permet pas actuellement à la Belgique de satisfaire à cette exigence. Les corrections actuellement apportées aux comptes nationaux sont de nature générale et ne garantissent pas une estimation fiable et quelque peu précise de l'importance de l'économie souterraine.
Les autorités compétentes s'emploient activement à remédier à cette déficience. C'est ainsi que l'Institut national de statistique développe un répertoire complet des entreprises tandis que la Banque nationale de Belgique, dans le cadre de la mise en oeuvre des comptes nationaux suivant la méthodologie S.E.C.95, a créé deux groupes de travail ouverts, chargés de formuler des propositions visant à appréhender l'économie souterraine.
Activités devant mener au P.N.B. exhaustif
Le problème des activités non enregistrées, tant des unités statistiques reprises dans les statistiques que des unités statistiques clandestines, doit être ramené au problème de la fraude et de l'évasion fiscales (concept de l'économie au noir). Il est dès lors clair que les informations de base destinées aux comptes nationaux doivent être corrigées en fonction de cette fraude fiscale et de cette évasion fiscale. Ces corrections doivent avoir lieu sur la base des constatations des services fiscaux mêmes. Plus précisément, il s'agit de corrections découlant de l'examen des comptabilités, de l'expertise des services d'inspection fiscale, d'activités d'indépendants fictifs et de sous-traitance frauduleuse (négriers), de salaires en nature et pourboires. Afin de connaître le volume de ces corrections, la B.N.B. a demandé la collaboration de l'administration générale des impôts du ministère des Finances.
De plus, au sein de la B.N.B. et avec, entre autres, la collaboration du Bureau fédéral du Plan, de l'Institut national de statistique et des institutions universitaires, différents groupes de travail préparent activement la mise en oeuvre du S.E.C.95. Deux de ces groupes de travail sont appelés notamment à faire des propositions concrètes en rapport avec l'estimation de l'économie souterraine, à savoir le groupe de travail « tableaux des ressources et emplois selon le S.E.C.95 » et le groupe de travail « exhaustivité du P.N.B. selon le S.E.C.79». L'activité de ce dernier groupe de travail est restée très limitée jusqu'à présent parce qu'il est déjà très clair que l'exhaustivité du P.N.B. ne peut pas être obtenue sur la base des méthodes d'estimation actuelles; il faut opter résolument pour les méthodes qui seront appliquées pour le nouveau S.E.C.95. En effet, le calcul d'un P.N.B. exhaustif ne peut pas être dissocié des activités concernant l'établissement des tableaux. À l'aide de ces tableaux, selon le S.E.C.95, on doit pouvoir déduire un P.N.B. exhaustif (y compris les activités illégales). En appliquant les différences de définition entre les deux systèmes (S.E.C.95 et S.E.C.79), le P.N.B. exhaustif pourra alors être calculé selon le S.E.C.79.
Ainsi aux questions posées par l'honorable membre il peut être répondu succinctement comme suit.
1. En Belgique, jusqu'à présent, les activités illégales n'ont pas été intégrées dans les comptes nationaux. En septembre 1998, l'Institut des comptes nationaux calculera l'exhaustivité selon le S.E.C.79 au moyen de la méthodologie du S.E.C.95. Cette dernière méthode est la seule méthode valable. Par le biais des différences de définition entre le S.E.C.95 et le S.E.C.79, l'exhaustivité selon le S.E.C.79 (c'est-à-dire y compris l'économie au noir) sera obtenue. La partie restante constitue alors l'estimation des activités illégales qui ne feront partie du P.N.B. qu'à partir de 1999.
2. Dans les comptes nationaux actuels, les corrections apportées sont de nature générale et ne répondent pas à une définition rigoureuse de l'économie au noir. Ainsi, il n'est pas fait de distinction entre une extrapolation statistique normale pour les activités d'entreprises qui ne sont pas reprises dans les calculs et une correction pour l'économie au noir. Sur la base des comptes nationaux actuels, on ne peut par conséquent pas estimer le volume de l'économie au noir en Belgique. Pour septembre 1998, un P.N.B. exhaustif selon le S.E.C.79 (c'est-à-dire y compris l'économie au noir) doit être calculé.
3. L'intégration des activités illégales dans les comptes nationaux belges cadre avec la révision générale de ces comptes nationaux selon le S.E.C.95. Les tableaux des ressources et des emplois à dresser selon le S.E.C.95 devront également couvrir les activités illégales. Au sein de la B.N.B. et avec entre autres la collaboration du Bureau fédéral du Plan, de l'Institut national de statistique et des institutions universitaires, différents groupes de travail préparent activement la mise en oeuvre du S.E.C.95. Deux de ces groupes de travail sont appelés à faire des propositions concrètes en rapport avec l'estimation de l'économie souterraine, à savoir le groupe de travail « tableaux des ressources et des emplois selon le S.E.C.95 » et le groupe de travail « exhaustivité du P.N.B. selon le S.E.C.79 ». En raison de la nature de l'économie souterraine, toute estimation devra se baser sur des hypothèses et des supputations. De plus, afin d'avoir une idée de l'économie au noir, la B.N.B. a demandé la collaboration de l'administration générale des Impôts du ministère des Finances. Les activités concernant le S.E.C.95 doivent déboucher en septembre 1998 sur les tableaux des ressources et des emplois pour 1995 et 1996 et donc sur une estimation de l'économie au noir et des activités illégales. Étant donné que l'Institut des comptes nationaux, contrairement au C.B.S. des Pays-Bas, ne prévoit pas d'enquêtes ad hoc pour connaître le volume des activités illégales, il va de soi que l'estimation des activités illégales, dans un premier temps, ne sera que très approximative.
4. L'Institut des comptes nationaux ne dispose pas, comme il a été mentionné dans la réponse à la première question, de données relatives aux activités illégales, dont fait partie la consommation de drogues.