(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
La stratégie d'assainissement budgétaire n'a certainement pas été indolore, mais elle est un bienfait pour les générations futures. Dans ce cadre, il a été convenu de fixer le surplus primaire de l'ensemble des pouvoirs publics à un niveau de près de 6 %, ce qui soumet évidemment l'évolution des dépenses primaires des différents pouvoirs à de très strictes restrictions.
J'aimerais, à ce propos, poser à l'honorable ministre les questions suivantes :
1. Sur la base de quels motifs rationnels a-t-on décidé de tendre vers un surplus primaire global de 6 % ? Pourquoi pas 7 % ou 5 % ? Cette décision dépend-elle de certaines variables et peut-elle donc changer chaque année ? Dans l'affirmative, de quelles variables dépendrait-elle et pourquoi ?
2. Le fait que l'évolution des dépenses primaires des différents pouvoirs se trouve de ce fait maîtrisée me paraît logique. La question que je me pose cependant est la suivante. Sur la base de quels motifs rationnels déterminera-t-on à présent quels pouvoirs prendront sur eux quelle partie de l'effort d'assainissement ? En d'autres termes, comment déterminera-t-on la marge politique supplémentaire des différents pouvoirs ? Quel est le point de vue de l'honorable ministre à ce sujet : ne trouve-t-il pas que le pouvoir fédéral supporte une part disproportionnée de la charge de la dette ?
Réponse : Il n'y a pas de théorie particulière qui permette un chiffrage précis de l'objectif de solde primaire en % du produit intérieur brut.
Il y a néanmoins un consensus au niveau des experts pour considérer qu'un surplus primaire de l'ordre de 6 % permet de développer une politique budgétaire soutenable à long terme et, en particulier dans ce cadre, d'absorber alors les conséquences budgétaires du choc démographique. Je vous renvoie à cet égard aux rapports du Conseil supérieur des Finances, mais surtout à l'étude de H. Bogaert et B. Delbecque, « L'incidence de la dette publique et du veillissement démographique sur la conduite de la politique budgétaire : une étude théorique appliquée au cas de la Belgique » (Bureau du Plan, Planning paper nº 70). Comme alternative à la stratégie suivie par le gouvernement, H. Bogaert et B. Delbecque préconisaient comme approche tout aussi valable un surplus primaire progressant jusqu'à 7,6 % vers l'année 1997. Celui-ci diminue par la suite de manière progressive année après année des 1998. Par rapport à la stratégie de stabilisation du gouvernement, on peut résumer le choix entre une option de plus haut plus vite, mais moins longtemps et une option moyenne et stable, plus longtemps.
Lorsque la section « Besoin de financement des pouvoirs publics » du Conseil supérieur des Finances a développé pour la première fois à l'adresse du gouvernement ses recommandations relatives à la stratégie du surplus primaire en mai 1995, il était déjà question d'un plancher de 6,6 % du PIB à partir de 1999 et d'un plafond de 7 % (1). L'accord de gouvernement de mai 1995 se ralliait à ces recommandations et en particulier à celle d'un excédent primaire de 5,6 % pour le pouvoir fédéral et la sécurité sociale.
Le principe général est dans les deux approches que d'ici 2010 environ, la dette devra avoir diminué de telle sorte que les charges d'intérêts aient baissé à concurrence de ce qu'il faudra financer comme coûts supplémentaires du vieillissement de la population.
Lors des négociations pour l'entrée de la Belgique dans l'euro, les instances européennes ont par ailleurs été attentives à ce que les engagements belges puissent conduire à un rythme satisfaisant de baisse de la dette publique, c'est-à-dire 3 à 4 % par an en moyenne dans des conditions économiques normales. Il leur a paru indispensable que la Belgique confirme le niveau de l'ordre de 6 % du surplus primaire prévu dans le Nouveau Programme de Convergence. Eu égard à la croissance économique observée ou prévue, le Nouveau Programme de Convergence impliquait en effet déjà que l'on soit à 6 % de surplus primaire en 1998 et que l'on s'y maintienne. Cette confirmation leur a été donnée le 6 mars par le ministre des Finances et est reprise comme un élément important dans le considérant de la décision du Conseil européen du 2 mai de lever la procédure de déficit public excessif à l'encontre de la Belgique.
Eu égard à cet engagement international, il est désormais de première importance que la Belgique s'en tienne à cet engagement jusqu'à ce que l'objectif de moyen terme du Pacte de stabilité et de Croissance soit atteint (« situation proche de l'équilibre budgétaire, voire excédentaire »).
La section « Besoins de financement des pouvoirs publics » du Conseil supérieur des Finances définit sur cette base une recommandation de stratégie budgétaire pour les prochaines années qui prévoit :
comme première étape, le maintien à 6 % en 1999;
comme seconde étape, la constitution d'une réserve conjoncturelle, si la croissance économique est supérieure à 2,25 %, jusqu'à 7 %; le solde de 6 % environ demeure un plancher;
comme troisième étape, une fois l'équilibre budgétaire structurel atteint, un surplus primaire oscillant en fonction de la conjoncture entre 5 et 7 %;
comme quatrième étape, la stabilisation du surplus budgétaire structurel à 1 % et l'affectation des marges budgétaires à la couverture du choc démographique et pour le surplus, de nouveaux besoins.
Le gouvernement s'attache par priorité à respecter la première étape dans le budget 1999. Pour le reste, il définira sa stratégie dans son projet de Programme de Stabilité.
La problématique de la part prise par les régions et communautés est complexe. Il est possible qu'elle soit abordée par la section « Besoins de financement des pouvoirs publics » du Conseil supérieur des Finances dans l'avis complémentaire qu'elle rendra à propos des régions et communautés à l'automne.
Il faut être néanmoins conscient que dans le cadre institutionnel actuel :
l'effet des stabilisateurs automatiques ne s'exerce que de manière limitée et en cas de changement de rythme (accélération ou décélération) de la croissance, avec un an de retard sur les moyens des régions et des communautés;
la composition des opérations budgétaires et leur sensibilité à la conjoncture est variable d'une entité à l'autre.
La problématique du partage du poids de la dette publique n'est pas dénuée d'intérêt, mais ne peut s'envisager que dans une réflexion plus large qui sort du cadre institutionnel actuel.
La loi de financement du 16 janvier 1989 organise déjà un transfert de l'endettement du niveau fédéral vers les régions. En effet, pour les compétences relatives aux investissements, les régions doivent assumer le financement elles-mêmes et n'en récupèrent les charges de manière progressive qu'au terme de dix années et à concurrence de 85,7 % seulement. Pour les autres compétences, le principe est identique à partir de 1990, si ce n'est que la récupération s'opère en neuf années à 98 % environ, seule la partie correspondant aux anciennes dotations donnant lieu comme pour les communautés à une récupération progressive intégrale.
Le but recherché par le mécanisme était notamment de responsabiliser les entités fédérées par rapport au problème de la dette en leur en transférant une partie, sans les moyens correspondants.
D'aucuns songent à accroître cette responsabilisation en vue d'obtenir un partage de la charge en proportion de la part de chaque entité dans les recettes publiques globales. D'une part, la liaison des recettes respectives aux paramètres macro-économiques devient intégrale à partir de l'année 2000, du moins pour les moyens financés par l'impôt des personnes physiques. D'autre part, en cas d'élargissement des compétences, la question d'un partage plus équilibré entre entités du poids de l'ajustement macro-économique deviendra d'importance.
Dans l'hypothèse où la nouvelle réforme institutionnelle intégrera cette problématique, il ne faudra pas perdre de vue les écarts de rating possibles entre les diverses entités qui pourraient se traduire par un coût moyen plus élevé pour l'ensemble des pouvoirs publics. Ce risque, d'autant moins négligeable qu'avec l'euro, une plus grande diversification des investisseurs sera observée, peut être évité dans une formule de participation partagée dans les charges fédérales.