1-182

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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 30 AVRIL 1998

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 30 APRIL 1998

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE MME WILLAME-BOONEN AU MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES SUR « L'ARRÊT DE LA COUR EUROPÉENNE DE JUSTICE DU 28 AVRIL 1998 SUR LES SOINS DE SANTÉ »

MONDELINGE VRAAG VAN MEVROUW WILLAME-BOONEN AAN DE MINISTER VAN SOCIALE ZAKEN OVER « HET ARREST VAN HET EUROPEES HOF VAN JUSTITIE VAN 28 APRIL 1998 OVER DE GEZONDHEIDSZORG »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Willame au ministre des Affaires sociales.

La parole est à Mme Willame.

Mme Willame-Boonen (PSC). ­ Monsieur le président, la Cour européenne de Luxembourg vient de rendre un important arrêt en matière de soins de santé. Selon cet arrêt, chaque citoyen européen a le droit de se faire soigner sans autorisation préalable dans un autre État membre et d'être remboursé par la caisse d'assurance maladie de son propre pays.

La Cour estime que l'exigence d'une autorisation préalable de la mutualité ou de la caisse d'assurance de son propre pays pour se faire soigner dans un autre pays est en contradiction avec le principe de libre prestation de services et de libre circulation de marchandises. Cet arrêt établit le principe de la concurrence entre prestataires de soins de santé des différents pays européens.

La Belgique ayant des frontières avec quatre autres pays européens, cette nouvelle jurisprudence n'incitera-t-elle pas de nombreux citoyens à franchir ces frontières pour se faire soigner à l'extérieur de la Belgique ? Quelles sont dès lors les conséquences de cet arrêt au niveau de l'assurance maladie-invalidité ?

Il est question d'une révision du règlement européen E111 et donc, du contenu du formulaire E111 que les citoyens retirent auprès de leur mutuelle avant leur départ à l'étranger. Cette révision aura-t-elle lieu avant les vacances ? Comment les assurés sociaux en seront-ils informés ?

M. le président. ­ La parole est à Mme De Galan, ministre.

Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. ­ Monsieur le président, je remercie Mme Willame de sa question qui est vraiment d'actualité. Je rappelle qu'il y a près de six mois, l'auditeur général Tessaoro avait rendu un avis concernant les deux cas soumis à la Cour de justice, à savoir les affaires Decker et Kohl, avis qui laissait augurer de l'arrêt qui est tombé ce 28 avril.

Permettez-moi de faire un bref résumé de ces affaires qui concernent toutes deux un citoyen luxembourgeois.

Dans l'affaire Decker, un Luxembourgeois a acheté en Belgique, sans autorisation préalable du médecin-conseil, une paire de lunettes qui lui avaient été prescrites au Luxembourg. Il n'a donc pas suivi la procédure prévue dans un règlement européen qui est en contradiction avec l'arrêt de la Cour de justice.

Le refus de remboursement de la paire de lunettes par l'organisme a été considéré par la Cour de justice comme étant contraire au principe de libre circulation des marchandises qui fait l'objet des articles 30 et 36 du Traité.

Dans l'affaire Kohl, un Luxembourgeois a demandé à l'organisme compétent l'autorisation de permettre à sa fille mineure de bénéficier d'un traitement pratiqué par un orthodontiste établi en Allemagne. Dans ce cas, la Cour a considéré que le fait de subordonner au barème de l'État d'affiliation, c'est-à-dire le Luxembourg, le remboursement de soins dentaires fournis dans un autre État membre était contraire à la libre prestation de services faisant l'objet des articles 59 et 60 du Traité.

Il ne s'agit donc pas de la condamnation d'un État mais de cas individuels, ce qui nous laisse un peu de temps pour préparer l'avenir.

Il me semble essentiel que le débat soit porté au niveau des institutions européennes compétentes car, d'une part, la majorité des États membres de l'Union européenne sont, de la même manière que la Belgique, concernés par ces arrêts, mais, d'autre part, surtout, les normes européennes sont elles-mêmes en contradiction ­ je veux parler des règles du Traité ­ avec les dispositions du règlement 1408/71 relatif à la coordination des régimes de sécurité sociale pour les travailleurs migrants, dont certaines posent le principe de l'exigence d'une autorisation préalable à tout traitement dans un autre État membre.

Si le Sénat le souhaite, je puis remettre au greffe une copie complète des arrêts, accompagnée de l'avis de l'auditeur qui les précédait.

Un groupe de travail composé de représentants de mon administration, du ministère des Affaires étrangères et des organismes assureurs se réunira la semaine prochaine afin d'examiner la réponse à donner à ces arrêts, leur implication sur le plan des règles de coordination des régimes de sécurité sociale et l'adaptation éventuelle des formulaires européens auxquels vous faites allusion, madame, de façon à éviter tout problème aux citoyens qui se trouveraient déjà à l'étranger en ne disposant pas des formulaires adéquats.

Pour ce qui concerne les éventuelles incidences financières des arrêts, il y a lieu de constater que la Cour de justice retient le principe d'un remboursement des fournitures et prestations délivrées dans un autre État membre aux taux du pays d'affiliation, ce qui a pour conséquence qu'il ne devrait pas y avoir d'effet direct sur les dépenses du secteur. Bien entendu, un certain nombre d'effets indirects seront en mesure d'engendrer des dépenses supplémentaires, tels que les surcharges de problèmes administratifs et pratiques lors du traitement de ces types de dossiers ainsi que les effets économiques indirects induits des dépenses effectuées à l'étranger au lieu de la Belgique.

Il convient de tenir compte d'un autre phénomène : notre système de santé étant très performant, il est extrêmement attractif. Il me revient ainsi qu'un membre important du gouvernement luxembourgeois se serait fait opérer du coeur à Bruxelles.

Cette réforme pourrait avoir pour conséquence de remplir les hôpitaux, mais des problèmes de créances entre pays peuvent se poser.

Comme vous l'avez très justement souligné, Mme Willame, elle pourrait avoir une influence relativement importante dans un pays comme le nôtre, dont les frontières sont très perméables. Elle permettrait également de résoudre de façon positive certain cas se posant dans les zones frontalières. Je pense à l'hôpital d'Arlon, lequel pourrait accueillir des patients de nationalité française qui doivent à l'heure actuelle se rendre très loin de chez eux pour une opération ou un accouchement, par exemple.

L'impact de cette réforme pourrait être positif pour peu que celle-ci soit mesurée, réglementée et réponde à deux conditions à savoir, d'une part, qu'elle n'induise pas un surcoût mettant en péril l'équilibre du budget de la sécurité sociale et, d'autre part, que les citoyens aient la sécurité juridique de savoir dans quels pays ils peuvent se rendre et à quelles conditions.

Nous nous doutions bien du contenu des arrêts car, généralement, la Cour suit l'avis motivé de son auditeur.

Nous préparons la suite de ce dossier aussi bien dans les organismes mutuellistes que dans les autres enceintes.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.