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SÉANCE DU JEUDI 2 AVRIL 1998 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 2 APRIL 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Desmedt au ministre de la Justice.
La parole est à M. Desmedt.
M. Desmedt (PRL-FDF). Monsieur le président, pour la troisième fois, j'ai l'occasion de vous poser une question orale à la suite des décisions du Conseil de guerre de Bruxelles rendues à l'égard de soldats belges coupables d'exactions commises en Somalie envers des sujets africains. Je vous ai en effet déjà interrogé les 6 novembre 1995 et 10 juillet 1997.
Les trois jugements qui sont intervenus présentent d'étranges similitudes. Il s'agit chaque fois de faits commis en Somalie par des soldats belges à l'égard de Somaliens, faits toujours marqués par un réel mépris à l'égard de la dignité de la personne humaine et empreints de racisme.
Bien que la matérialité des faits soit à chaque fois établie, le Conseil de guerre a, à trois reprises, prononcé des jugements choquants, acquittant les prévenus, leur accordant la suspension du prononcé ou les condamnant à des peines dérisoires assorties du sursis et sans commune mesure avec la gravité des faits. En outre, le Conseil de guerre a refusé de reconnaître le comportement raciste des prévenus et en a débouté le Comité pour l'égalité des chances. Ces décisions sont consternantes. Elles témoignent soit d'un réflexe corporatiste, soit d'une regrettable indulgence à l'égard de comportements scandaleux. Cela donne de notre justice une image lamentable et remet en cause l'utilité même de juridictions militaires spécifiques. Je suis partisan de la suppression de ces juridictions et le 10 juillet 1997, je vous interrogeais sur vos intentions à cet égard. Vous m'avez répondu qu'un projet de réforme des juridictions militaires existait et que le Conseil d'État vous avait communiqué son avis le 13 septembre 1996. Depuis, malheureusement, plus rien n'a bougé. Il paraît, au regard des décisions lamentables que j'ai rappelées, qu'il y a urgence à agir en cette matière et à ne pas faire dépendre ce projet d'une réforme globale de notre système judiciaire.
Je ne vous demande bien entendu pas, monsieur le ministre, de commenter une décision de justice mais de dire si vous êtes disposé à nous présenter rapidement votre projet de loi qui nous permettra de débattre du sort à réserver à ces juridictions désuètes et apparemment peu sensibles au respect des droits de l'homme.
M. le président. La parole est à M. De Clerck, ministre.
M. De Clerck, ministre de la Justice. Monsieur le président, M. Desmedt a, en effet, posé à plusieurs reprises des questions à propos de l'utilité de juridictions militaires spécifiques. À cet égard, je suis persuadé qu'il faut éviter de modifier la législation dans l'urgence, sur la base d'un jugement ou d'un arrêt particulier. Un projet de loi existe mais il n'a pas été soumis au Parlement. En effet, entre-temps, une étude quant à la réforme de nos cours et tribunaux a été demandée à des professeurs d'université. Le débat relatif à une réforme globale est donc en cours puisque le Centre interuniversitaire de droit judiciaire a fait une proposition tendant à créer des tribunaux d'arrondissement divisés en cinq sections et comportant quinze chambres distinctes. Une de ces chambres se verrait confier le traitement des dossiers militaires.
En ce qui me concerne, je suis d'avis qu'il convient de poursuivre dans cette voie car il serait déraisonnable de légiférer dès à présent pour les seules matières militaires et revenir ensuite sur la problématique des justices de paix, des tribunaux de police, des tribunaux du travail, des tribunaux du commerce, etc. d'autant plus que nous nous dirigeons vers l'intégration de toutes ces juridictions au sein d'un tribunal d'arrondissement.
Les études en question ont été réalisées, je le rappelle, par des professeurs d'université. Entre-temps, je me suis engagé à présenter un document sur la réforme du ministère public. Nous devrons également nous prononcer sur l'opportunité de l'intégration éventuelle de l'auditorat militaire. De telles questions seront reprises dans l'étude portant sur le ministère public. Il est évident que dans le même temps, nous aurons à prendre une décision sur la réforme globale.
Je résumerai brièvement mes positions en la matière.
D'abord, effectivement, des priorités nouvelles se sont présentées à nous : nous avons dû les traiter préalablement, dans cette assemblée et à la Chambre.
Ensuite, l'étude doit être poursuivie de façon globale, comme l'ont conseillé les professeurs d'université, et non par volets : en l'occurrence, je ne suis plus favorable à l'option consistant à déposer, séparément le projet de loi relative à la réforme des juridictions militaires.
M. le président. La parole est à M. Desmedt pour une réplique.
M. Desmedt (PRL-FDF). Monsieur le président, je ne puis partager le point de vue du ministre.
Monsieur le ministre, vous me répétez aujourd'hui ce que vous m'avez dit voici huit mois.
Votre prédécesseur a initié un projet de loi réformant les tribunaux militaires. Celui-ci a été transmis au Conseil d'État, qui vous a remis son avis en septembre 1996, c'est-à-dire voici un an et demi. Pour ma part, je ne vois pas ce qui vous empêche de faire avancer ce projet. À force de vouloir lier cette question à la réforme de l'ensemble de l'appareil judiciaire, rien ne bouge. Dans l'état actuel des juridictions, il ne me paraît pas extrêmement difficile de transférer aux tribunaux correctionnels ordinaires et aux cours d'assises les dossiers actuellement traités devant les Conseils de guerre.
Effectivement, une réforme générale de notre système judiciaire est prévue. Cependant, certaines situations deviennent de plus en plus choquantes je pense au fait que des décisions scandaleuses continuent à être prises.
Selon moi, monsieur le ministre, vous avez tort de vouloir mêler cette question à l'ensemble de la réforme judiciaire dont nous ignorons quand elle interviendra.
Certes, monsieur le ministre, vous disposez des avis que vous ont remis certains professeurs d'université. Cependant, ces derniers ne font pas les lois : il appartient au gouvernement de prendre des initiatives et au Parlement de se prononcer par des votes.
Pour ma part, je regrette votre attitude, monsieur le ministre. Peut-être un autre jugement du même type sera-t-il rendu dans quelques mois et en attendant, rien ne change. Selon moi, le gouvernement devrait avoir le courage d'accorder une priorité à ce problème et de présenter devant le Parlement le projet de loi sur lequel le Conseil d'État a remis un avis.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.