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SÉANCE DU JEUDI 22 JANVIER 1998 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 22 JANUARI 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Willame au vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur.
La parole est à Mme Willame.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, l'administration générale des Impôts se trouve aujourd'hui face à plusieurs défis de taille. Elle doit notamment gérer l'automatisation de ses services afin d'accroître l'efficacité et la rapidité de traitement des nombreux dossiers qu'elle reçoit. Elle doit assurer le fonctionnement d'une lutte contre la fraude fiscale qui lui permette de réellement faire face à l'accélération de la transmission à grande échelle de données quant aux montages financiers et autres moyens permettant aux contribuables d'atténuer la charge de l'impôt qu'ils ont à supporter. Or, il apparaît dans le rapport annuel de 1996 de l'administration générale des Impôts qu'elle connaît un déficit permanent de plus de 1 000 fonctionnaires et que ses dépenses d'informatisation étaient, en 1996, de 500 millions en dessous des montants de 1994 et 1995.
S'il est vrai que le nombre de déclarations à l'impôt des personnes physiques a légèrement baissé ces dernières années, il n'en est pas de même au niveau de l'impôt des sociétés, de la T.V.A., du précompte professionnel et du cadastre, pour ce citer qu'eux. L'informatisation des différentes administrations ne permet pas actuellement de compenser le démantèlement du cadre organique de 1994.
Il semble dès lors nécessaire, monsieur le vice-Premier ministre, de prendre des mesures au niveau du personnel et du processus d'informatisation de l'administration. Je tiens à insister sur le fait que les dépenses qui en découleraient doivent être considérées comme des investissements dont le rendement est assuré. En effet, elles permettront une meilleure gestion et un contrôle plus étendu de l'impôt, ce qui entraînera sans aucun doute une augmentation des recettes fiscales.
En ce qui concerne le manque d'effectifs, je pense en particulier à l'administration de la T.V.A. En 1996, le nombre de contrôles avait légèrement baissé par rapport à 1995, moins 1,3 %, tandis qu'en termes de contrôles physiques, on enregistrait une diminution plus importante, soit moins 8,9 %. Non seulement le nombre de contrôles a baissé, mais les opérations de contrôle se clôturant par un redressement ont également été moins nombreuses qu'en 1995. Ces diminutions s'expliqueraient en partie par l'augmentation du nombre d'assujettis déposant des déclarations périodiques alors qu'il y a moins d'agents contrôleurs chargés d'opérations de contrôle sur place que par le passé.
Monsieur le vice-Premier ministre, des mesures vont-elles être prises afin de remédier à cette situation ?
Le manque d'effectifs se fait également fortement ressentir au sein des brigades motorisées effectuant la majeure partie du contrôle pour le compte de l'administration de la T.V.A. et des Contributions directes au niveau des douanes. En 1996, on pouvait ainsi dénombrer 304 agents affectés aux brigades motorisées, alors qu'il en était prévu 394. La conséquence en est évidemment la baisse du nombre de contrôles, et donc d'infractions susceptibles d'être relevées. La chose est d'autant plus fâcheuse que le manque de contrôles est notoire. Par conséquent, les personnes passant la frontière hésitent moins à commettre des infractions. À quoi sert-il d'élaborer des réglementations si elles ne peuvent être suivies par un contrôle sur le terrain qui soit vraiment efficace ?
Pouvez-vous m'expliquer, monsieur le vice-Premier ministre à quoi de telles situations sont dues et quelles sont les mesures envisagées pour remédier à ces problèmes ?
J'en viens à la question de l'informatisation des tâches de l'administration générale des Impôts. S'il semble acquis qu'elle est nécessaire à un meilleur fonctionnement de cette administration et qu'elle s'inscrit dans un large processus s'étendant aux autres administrations et institutions belges ainsi qu'au sein des États européens, il n'en est pas moins vrai que l'on assiste aujourd'hui à certains retards en la matière. C'est ainsi qu'en 1996, il n'a pas été possible d'utiliser la totalité des crédits prévus pour l'informatisation, à la suite de rigidités sur le plan des procédures en matière de commandes publiques.
Monsieur le vice-Premier ministre, la réglementation sur les marchés publics est-elle trop rigide ou voyez-vous une autre explication à ce retard ?
Je m'étonne ensuite qu'en 1996, l'administration des Contributions directes était dotée du même nombre de postes de travail qu'en 1995, tandis que le parc de P.C. installés au sein de l'administration des Douanes et Accises, où l'on manque de personnel informatique, était revu à la hausse.
Pouvez-vous, monsieur le vice-Premier ministre, nous donner des informations quant aux critères adoptés pour la répartition des stations de travail entre les différentes administrations ?
En ce qui concerne le système Belcotax, nous savons qu'il a été suspendu à la suite de la survenance de différents obstacles empêchant l'administration des Contributions directes de disposer de toutes les informations nécessaires et d'établir correctement l'impôt. Le gouvernement a chargé l'administration générale des Impôts de réexaminer cette problématique et ce n'est qu'une fois les obstacles levés que le système sera restauré.
Monsieur le vice-Premier ministre, ce réexamen a-t-il déjà donné des résultats ? Si oui, quels sont-ils ? Si non, où en est-on ?
Enfin, il semble, au regard des perspectives à court et moyen termes en matière d'informatisation de ses services, que l'A.G.I. soit très ambitieuse. En effet, elle a défini toute une série d'objectifs à atteindre dans les années à venir. Dispose-t-elle des moyens en vue d'arriver aux résultats escomptés ? Ne faudrait-il pas, dans un premier temps, davantage cibler les zones où des actions en termes d'informatisation sont les plus nécessaires, afin de s'assurer que l'on obtiendra des résultats tangibles au lieu de disperser les efforts, ce qui risque d'être moins efficace ?
J'espère, monsieur le vice-Premier ministre, que vous répondrez à toutes les questions que je viens de vous poser et que vous tiendrez compte des remarques que j'ai émises. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Maystadt, vice-Premier ministre.
M. Maystadt, vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Monsieur le président, comme l'a dit Mme Willame, il est exact que l'administration fiscale a devant elle un certain nombre de défis à relever.
Avant de vous exposer, madame Willame, les grandes orientations qui ont été envisagées pour y faire face, il me paraît tout à fait utile de rappeler que dans son avant-propos du rapport annuel 1996 de l'administration générale des Impôts, que vous avez abondamment cité, l'administrateur général des Impôts de l'époque soulignait en tout premier lieu « les bons résultats obtenus dans le domaine de la perception des impôts et de la lutte contre la fraude fiscale ». Il citait en particulier la croissance des recettes à l'impôt des sociétés, laquelle ne pouvait pas seulement s'expliquer par l'évolution conjoncturelle, mais résultait également des mesures prises depuis plusieurs années pour améliorer la perception de l'impôt et lutter plus efficacement contre la fraude fiscale.
Cela dit, il est clair qu'un certain nombre de problèmes se posent, et le bon fonctionnement des administrations fiscales, dans l'optique d'une perception exacte des impôts, reste, à mes yeux, une priorité absolue. Avant de venir au Sénat, j'ai participé à une réunion en présence de tous les fonctionnaires généraux de mon département et je leur ai indiqué cette priorité pour l'année à venir.
En ce qui concerne les moyens de ces administrations, on ne peut toutefois perdre de vue qu'en termes budgétaires, ils sont proportionnellement au moins aussi importants que ceux d'autres pays européens. Notre administration fiscale emploie autant de personnel et coûte plus cher que celle des Pays-Bas. Je doute qu'une nouvelle augmentation des coûts de fonctionnement de cette administration permette d'obtenir de meilleurs résultats. En cette matière comme dans d'autres, je suis devenu très sceptique à l'égard de l'idée qu'il faille toujours dépenser plus pour résoudre les problèmes. J'estime qu'il convient en premier lieu d'améliorer l'efficience des administrations fiscales avec les moyens dont nous disposons tout en poursuivant la réorganisation profonde en cours depuis plusieurs années au sein du département des Finances.
Dans l'exposé introductif qu'il a tenu le 25 novembre dernier devant la commission des Finances et du Budget de la Chambre, le nouvel administrateur des Impôts a exposé amplement les divers aspects de cette réorganisation. Par conséquent, je vous invite à prendre connaissance de cet exposé dès qu'il sera publié, ce qui me permettra de ne pas trop entrer dans les détails aujourd'hui.
Je me bornerai à signaler la mise en place de 48 centres de contrôle polyvalents, lesquels s'attacheront à réaliser des contrôles conjoints et approfondis en matière de T.V.A. et de contributions directes. Cela présentera pour le contribuable l'avantage de n'être dérangé qu'une seule fois au lieu de deux alors que, dans le même temps, l'administration pourra effectuer des contrôles plus efficaces en rassemblant des données provenant de la T.V.A. et des contributions directes, de façon à déceler certaines anomalies et à pousser plus loin l'examen du dossier. Ces centres de contrôle sont actuellement en cours d'installation. Ils pourront concentrer leurs activités sur le contrôle polyvalent et simultané des entreprises et des sociétés assujetties à la T.V.A.
Par ailleurs, une nouvelle direction des recherches est constituée dans le cadre de cette réorganisation. Sa tâche consistera entre autres à collecter sur le terrain un maximum d'informations extracomptables pour les comparer ensuite à la comptabilité des entreprises. Cette direction des recherches assurera aussi le suivi d'opérations économiques transfrontalières sur le territoire national afin de compenser la disparition des contrôles aux frontières par un renforcement des contrôles à l'intérieur de notre territoire.
En ce qui concerne l'informatique, vous avez à juste titre insisté sur la nécessité de moderniser l'outil du département. À cet égard, un comité informatique a été créé à la fin de l'an dernier au sein des administrations fiscales pour regrouper les moyens budgétaires, pour éviter les retards lors de l'exécution des propositions qui sont faites et pour améliorer la coordination sur le plan de la stratégie informatique du secteur fiscal du département. Précédemment, les projets informatiques étaient préparés par chacune des administrations avec les moyens budgétaires dont elle disposait. Ces projets étaient ensuite examinés par le secrétariat général. Cette manière de procéder nous étant apparue excessivement lente, nous avons décidé d'entreprendre une approche globale en constituant ce comité informatique appelé à gérer le budget consacré à l'informatique comme s'il était unique en rassemblant des moyens jusqu'alors épars.
J'attends de cette mesure une accélération du traitement des dossiers grâce à la disparition de ce qui apparaissait parfois comme une regrettable rivalité entre les services spécialisés de l'administration concernée et les services chargés de l'informatique au secrétariat général. Il appartient désormais à ce comité de proposer les décisions relatives au recours à des experts extérieurs, l'outsourcing , conformément à la note de politique générale approuvée par le Conseil des ministres du 30 mai 1997.
La participation de l'inspecteur des Finances du département, lors des discussions internes préparatoires menées au sein de ce comité, devrait, en outre, assurer un déroulement plus rapide et plus souple des procédures.
Par ailleurs, en ce qui concerne les problèmes de personnel évoqués par l'honorable membre, je signale que les services compétents font tout ce qui est en leur pouvoir pour que le cadre organique soit complété le plus rapidement possible et ils utilisent au maximum les possibilités offertes par la réglementation en vigueur, à savoir la réglementation générale applicable à la Fonction publique. Chaque fois qu'il est possible de déterminer avec certitude qu'un emploi sera définitivement vacant, la demande de remplacement est introduite auprès du Secrétariat permanent de recrutement, six mois avant ladite date. Un contact permanent est maintenu avec l'organisme précité afin, par exemple, d'organiser plus rapidement des concours de recrutement qui permettent d'obtenir des réserves de recrutement permanentes en vue de pourvoir à la plupart des emplois vacants dans les administrations fiscales.
Si vous vous intéressez à ces questions et que vous consultez régulièrement l'agenda des examens, madame Willame, vous aurez pu constater que les concours de recrutement pour des fonctions spécialisées aux Finances étaient organisés à des fréquences assez rapprochées.
Votre remarque relative au nombre de postes informatiques des Contributions directes et de la Douane appelle les considérations suivantes. Le manque de personnel informatique de la Douane, dénoncé par le rapport annuel 1996, ne s'inscrit pas en contradiction avec l'augmentation du nombre de postes de travail. Par personnel informatique, on entend en effet le personnel affecté aux tâches d'analyse, de programmation, de gestion, etc. des applications utilisées à la douane. En revanche, les postes de travail constituent en fait le matériel de base, « l'équipement de bureau » des fonctionnaires des différents services de la douane, qui permet l'utilisation ou la consultation des applications sur le terrain.
Nous avons donc augmenté le nombre de postes de travail pour le ministère des Finances lequel compte aujourd'hui plus de 18 000 P.C. en activité en ce compris pour les Douanes. Cependant, nous manquons de personnel informatique, ce qui nous pose un énorme problème. Actuellement, une quarantaine de postes d'informaticiens sont vacants au ministère des Finances et les candidats font défaut. La demande du secteur privé est extrêmement importante dans ce domaine et, comme vous le savez, le secteur public n'est pas en mesure d'offrir des conditions comparables. Cette question constitue une réelle préoccupation et nous devons y être extrêmement attentifs.
Deux grands défis se posent à nous sur le plan informatique, à savoir l'introduction de l'euro et le passage à l'an 2000. Nous ne serons pas en mesure de les relever correctement si nous ne parvenons pas, dans les tout prochains mois, à recruter un nombre suffisant d'informaticiens. À cet égard, peut-être conviendrait-il de prendre des mesures de caractère temporaire, en vue d'augmenter l'attractivité de nos ministères pour les informaticiens.
Mme Lizin (PS). Et celle de nos villes.
M. Maystadt , vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Des ministères, des villes, des administrations publiques en général.
Enfin, en ce qui concerne Belcotax, que Mme Willame a également évoqué, j'ai effectivement décidé, sur proposition de l'administration, de suspendre son application. Je le regrette, car il s'agissait là d'une excellente idée.
Cependant, j'ai estimé que la proportion des cas qui n'étaient pas correctement traités par ce biais était trop importante, même si ces cas constituaient une minorité. J'ai donc jugé utile de suspendre le système, jusqu'à ce qu'une solution adéquate ait été trouvée.
La difficulté est la suivante en la matière : une extension significative de Belcotax suppose une collecte automatisée des renseignements, ce qui n'est possible que dans la mesure où l'on admet la généralisation du numéro national. Or, cela nous a été refusé jusqu'à présent par la Commission de la protection de la vie privée. Tant que nous n'aurons pas résolu ce problème, nous ne serons pas en mesure de reprendre l'expérience Belcotax et je le regrette.
Voilà, monsieur le président, un certain nombre d'éléments de réponse que je souhaiterais donner à Mme Willame. Je la remercie d'avoir attiré notre attention sur certains problèmes que doit rencontrer le département. Je l'invite, pour poursuivre son analyse, à prendre connaissance de documents plus élaborés qui seront bientôt disponibles, à savoir l'exposé qui a été fait par l'administrateur général des Impôts devant la commission des Finances de la Chambre et, très bientôt, le rapport annuel de 1997.
M. le président . L'incident est clos.
Het incident is gesloten.