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Sénat de Belgique

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Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU JEUDI 22 JANVIER 1998

VERGADERING VAN DONDERDAG 22 JANUARI 1998

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE MME LIZIN AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR « LA PLACE DES FEMMES DANS LES SERVICES DE POLICE DANS LA PERSPECTIVE DE LA RÉFORME »

MONDELINGE VRAAG VAN MEVROUW LIZIN AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN BINNENLANDSE ZAKEN OVER « DE PLAATS VAN DE VROUW IN DE POLITIEDIENSTEN IN HET LICHT VAN DE HERVORMING »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Lizin au vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur.

La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le président, nous savons que la réunion du Kern de dimanche dernier a permis de fixer au 6 février le premier débat sur le texte de loi qui consacrera les efforts multiples qui ont été déployés en vue de réformer les services de police.

En fait, je souhaitais attirer l'attention du vice-Premier ministre sur quelques questions qui concernent le rôle des femmes dans cette réforme. Fin novembre, s'est tenu un congrès de l'Association des femmes policiers belges auquel votre cabinet était d'ailleurs représenté. Le point particulier de l'aide aux victimes y a été abordé. Ce secteur important mais souvent négligé fait l'objet d'un intérêt très grand de la part des femmmes policiers. Il est intéressant de constater que le regard que les femmes policiers portent sur tous les problèmes de police est tout à fait constructif.

Beaucoup d'aspects ont été soulevés à l'occasion de cette journée : le statut, la formation des femmes mais aussi les systèmes qui devraient permettre d'éviter le harcèlement sexuel par un supérieur hiérarchique et, de façon générale, la culture policière qui n'est pas basée sur le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

J'aimerais que le vice-Premier ministre nous dise comment il voit l'évolution de la présence des femmes dans les différents corps de police, quel est le nombre de femmes policières qui ont émis des plaintes particulières, notamment le nombre de plaintes en rapport avec le harcèlement sexuel ou liées au principe d'égalité hommes-femmes à la gendarmerie. Il serait également intéressant que le vice-Premier ministre nous dise s'il dispose de ces renseignements pour les polices communales. S'agit-il d'un nombre significatif qui pourrait nous amener à demander au Comité P d'examiner ces dossiers ?

La réforme en préparation pourrait-elle accroître la présence des femmes ? Tant qu'à faire, nous pourrions légiférer en cette matière. Ne serait-il pas possible, par exemple, d'organiser une nomination spéciale à tous les niveaux de la hiérarchie à l'occasion de la réforme, comme ce fut le cas pour les diplomates néerlandophones, in illo tempore , par le biais de la promotion Fayat ? Cette technique me paraît intéressante et applicable à l'occasion de la réforme.

Imaginez, monsieur le vice-Premier ministre, le match RWDM-Charleroi avec un rang de femmes policières au lieu d'hommes. Croyez-moi, cela calmerait les grossièretés et les stupidités que l'on entend dans ces cas-là !

M. le président. ­ La parole est à M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre.

M. Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Monsieur le président, je ne partage pas le point de vue de Mme Lizin quant à la dernière remarque. N'oublions pas qu'à l'occasion d'un match au Lierse, où l'on avait surtout prévu des femmes policières, elles ont reçu beaucoup de coups de la part des supporters allemands.

J'aborderai d'abord le problème des statistiques et du recrutement. En 1990, les trois services de police ­ gendarmerie, police communale et P.J. ­ comptaient 863 femmes sur un effectif total de 32 691 agents. En 1996, 2 444 femmes travaillaient dans ces services pour un effectif total de 35 613 agents. L'effectif total a donc augmenté de 10 % tandis que le nombre de femmes a tout de même triplé. On peut donc considérer qu'il y a eu une progression très claire du nombre de femmes même si leur effectif n'atteint pas encore 10 % du total.

Des mesures ont été prises au niveau des épreuves physiques tant pour la police communale que pour la gendarmerie, ce qui a également contribué à améliorer la situation. Le statut de la gendarmerie prévoit un quota; si ce dernier n'est pas atteint, le cadre ne peut être complété par des hommes. Il faudra examiner, à l'occasion de la réforme sur la nouvelle entité, s'il n'y a pas lieu de prévoir un quota adapté. On peut également avancer au niveau des épreuves physiques en prévoyant une évaluation différenciée, et l'on constate d'ailleurs qu'à l'heure actuelle, le nombre de candidates est plus important. Bien sûr, en cette matière, il faut le temps.

Nous ne pourrons agir qu'à partir des prochaines recrutements. Il est en effet impossible de démettre les hommes actuellement en place.

En ce qui concerne le harcèlement sexuel à la gendarmerie, nous ne disposons pas de beaucoup d'informations. Une note a été rédigée sur la base de l'arrêté royal du 9 mai 1995, lequel organise la protection contre le harcèlement sexuel. Un service de personnes de confiance a été crée à Bruxelles pour recevoir les appels en la matière. Ce service est actuellement composé de dix personnes spécialement formées et il est prévu de créer des services similaires, de manière décentralisée, comportant au total 160 personnes. Une sélection de personnel aura lieu incessamment et sa formation débutera dans le courant de cette année.

En ce qui concerne les statistiques, 17 plaintes ont été recensées à la gendarmerie et 1996 et 13 en 1997. Étant donné l'importance de la population féminine, ces chiffres sont relativement élevés.

Des problèmes de promotion se poseront dans le futur. À l'échelon européen, la décision prise en matière de discrimination positive est assez restrictive. Elle se base sur une mesure prise dans une ville allemande selon laquelle lorsque deux candidats présentaient les mêmes qualités, la femme devait être désignée.

Votre proposition, madame, va plus loin encore : vous voulez réserver certaines promotions aux femmes. La mesure a été annulée par la Cour de justice, laquelle n'accepte pas la différence de traitement entre hommes et femmes. Elles admet la discrimination positive dans des cas très limités et impose de nombreuses conditions. Je ne suis nullement convaincu que votre proposition soit juridiquement possible.

Une difficulté réside dans le fait qu'il faut tenir compte des années de formation et d'expérience. Étant donné le nombre peu élevé de femmes engagées au cours des dernières années, il est difficile de leur donner une promotion assez importante car la gestion de certains dossiers nécessite quelques années d'expérience. Il faudra donc encore attendre un certain temps avant de mener des actions plus ciblées en matière de promotion.

Ainsi, pour devenir officier, il faut au moins avoir effectué des prestations pendant six à neuf ans. Il est impossible de supprimer cette condition pour les femmes et de la maintenir pour les hommes. Sur le plan juridique, c'est inacceptable.

Beaucoup de promotions impliquent des conditions d'expérience de plusieurs années et dans nombre de cas, le recrutement des femmes est une chose trop récente.

Des possibilités sont toutefois offertes aux femmes qui sont engagées depuis plusieurs années et pour certains postes, les promotions sont assez rapides. Ainsi, à Charleroi, Mme Biot est commissaire de police parce qu'elle a commencé sa carrière très tôt.

Il est pratiquement impossible d'agir plus rapidement en la matière car il faudrait supprimer certaines conditions d'expérience.

M. le président. ­ La parole est à Mme Lizin pour une réplique.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le président, je remercie le vice-Premier ministre de sa réponse. Je tiens à souligner que la décision de la Cour du Luxembourg ne signifie pas la nullité des politiques de discrimination positive. Certes, l'argument est utilisé lorsque l'on ne veut pas mener ce type de politique mais si l'on veut demeurer positif, il faut admettre que cela n'est pas sans intérêt. Je considère que nous manquerions une occasion importante si la réforme ne procédait pas au renforcement que j'ai évoqué.

Monsieur le vice-Premier ministre, vous disposez de tellement de systèmes de contrôle, par exemple les radars automatiques, les rallyes, etc., que je suis convaincue que si vous en aviez vraiment la volonté vous y arriveriez. Il y va de l'image de la police d'avenir. Aussi, la réforme ne devrait pas seulement se concentrer sur des questions de hiérarchie aux différents niveaux de police.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.